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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU SURINAME

25 Février 2009



Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

25 février 2009


Il se penche également sur la situation de la Gambie qui n'a soumis aucun rapport au Comité depuis trente ans


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le douzième rapport périodique du Suriname sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Au titre de la procédure de bilan applicable aux États parties dont la présentation des rapports accuse un trop grand retard, le Comité s'est également penché, en fin de matinée aujourd'hui, sur la situation de la Gambie, pays qui ne lui a présenté aucun rapport depuis trente ans et auquel le Comité a décidé de rappeler ses obligations conventionnelles en lui adressant une lettre assortie d'observations finales qui seront adoptées ultérieurement durant cette session.

Présentant des observations préliminaires sur le rapport du Suriname, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Pastor Elias Murillo Martínez, a salué l'attitude positive et la volonté dont a fait preuve la délégation durant l'examen de son rapport, ainsi que son esprit autocritique s'agissant de la situation des autochtones et des marrons. L'expert a également salué un certain nombre de progrès réalisés par le pays, notamment pour ce qui a trait à la mise en œuvre des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Il a toutefois relevé la tendance des populations autochtones et des marrons à recourir aux instances internationales pour faire valoir leurs droits, ce qui amène à s'interroger sur les garanties judiciaires dont ils disposent au niveau interne. De toute évidence, les communautés autochtones et marronnes sont en train de voir l'intégration de leurs particularités et il reste à cet égard à reconnaître les droits collectifs de ces populations sans porter atteinte pour autant aux droits de la majorité, a néanmoins ajouté M. Murillo Martínez. L'État surinamais devrait donc s'efforcer de créer des espaces de dialogue avec les communautés autochtones et marronnes afin d'approfondir les efforts déjà consentis à ce jour, a-t-il déclaré. Le rapporteur a aussi fait part de sa préoccupation face au grand nombre de marrons qui se trouvent en situation d'analphabétisme, ce qui constitue une des causes majeures de transmission intergénérationnelle de la pauvreté – qui affecte cette population tout autant que les peuples autochtones. Le Comité présentera des observations finales sur le rapport du Suriname à l'issue de sa session, le vendredi 6 mars prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Henry L. Mac Donald, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies à New York, a souligné que selon la Constitution, personne ne doit faire l'objet de discrimination sur la base de sa naissance, de son sexe, de sa race, de sa langue, de sa religion, de son éducation, de son opinion politique, de sa position économique ou de tout autre statut. La société surinamaise est véritablement multiethnique, multiculturelle, multilingue et multireligieuse, a-t-il ajouté. Des défis subsistent, a admis M. Mac Donald. La question de la reconnaissance par le Gouvernement des droits des communautés autochtones et tribales de posséder, développer, contrôler et utiliser leurs terres communales a fait l'objet de mesures certes réduites mais progressives afin de poursuivre un dialogue franc et honnête, de manière à trouver une solution à cette question incroyablement complexe, a-t-il déclaré. Les principes à la base du régime juridique des droits sur les terres au Suriname sont le principe du domaine, le principe de la propriété de l'État sur toutes les ressources naturelles et le principe de la séparation des droits sur la surface et sur le sous-sol, a rappelé M. Mac Donald. Les droits aux ressources du sous-sol ne font pas partie des droits spécifiques des marrons et des autochtones sur les terres, a précisé M. Mac Donald; la propriété des minéraux, du sous-sol et des autres ressources naturelles liées au sol a été conservée par l'État, et il serait discriminatoire de faire des exceptions pour tenir compte des droits traditionnels des marrons et des autochtones sur les terres, a ajouté M. Mac Donald.

La délégation du Suriname était également composée d'une experte consultante en droits de l'homme, Mme Margo Waterval, et de la Coordonnatrice du Bureau des droits de l'homme du Ministère de la justice et de la police, Mme Jornell Vinkwolk. La délégation a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, le projet de loi sur l'exploitation minière et les questions y afférentes, s'agissant notamment de la consultation préalable des communautés locales concernées et des études d'impact environnemental; la situation des autochtones et des marrons, en particulier sous l'angle de leurs droits fonciers; le projet de loi visant la création d'une cour constitutionnelle.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Finlande.


Présentation du rapport du Suriname

M. Henry L. Mac Donald, Représentant permanent du Suriname auprès des Nations Unies à New York, a réitéré le soutien inébranlable de son pays à la primauté du droit, à la démocratie et à la promotion et la protection des droits de l'homme. Le Suriname a témoigné de ce soutien en ratifiant ou en accédant à la majorité des instruments de droits de l'homme des Nations Unies, ainsi qu'aux instruments d'organisations régionales telles que l'Organisation des États américains, a-t-il souligné. Il a attiré l'attention sur la tâche herculéenne que représente, pour son pays, la traduction dans l'une des six langues officielles des Nations Unies des informations que doit présenter le Suriname – pays dont la langue officielle est le néerlandais – ce qui ne va pas sans provoquer des retards dans l'obligation de rapport qui est celle du pays en vertu des traités de droits de l'homme.

La Constitution du Suriname stipule que personne ne doit faire l'objet de discrimination sur la base de sa naissance, de son sexe, de sa race, de sa langue, de sa religion, de son éducation, de son opinion politique, de sa position économique ou de tout autre statut; elle affirme que chacun a droit à la liberté de religion et de philosophie de la vie, a souligné M. Mac Donald. La société surinamaise est véritablement multiethnique, multiculturelle, multilingue et multireligieuse, a-t-il poursuivi. Tous ces groupes ethniques ayant des traditions et des fondements culturels différents coexistent et coopèrent pacifiquement les uns avec les autres, ce que reflète la représentation politique dans l'administration, a assuré M. Mac Donald. Grandir dans une telle société apprend à respecter les valeurs et traditions des différents groupes et à vivre ensemble dans l'harmonie et dans la paix, a-t-il insisté. Il a fait observer que la plupart des citoyens surinamais, en particulier ceux qui vivent dans la capitale, célèbrent à des degrés divers les jours fériés religieux des autres groupes. Depuis 1989, a-t-il en outre souligné, le Conseil interreligieux du Suriname a été le lieu de la consultation et du dialogue entre les principales religions dans le pays. Il convient de relever que par le passé, cette institution a joué un rôle crucial pour apporter des solutions aux principaux problèmes nationaux qui plaçaient le pays dans une impasse, a indiqué M. Mac Donald.

Le Représentant permanent du Suriname a assuré le Comité qu'il n'était pas dans l'intention de la délégation de paraître satisfaits de soi ou de s'auto congratuler. Tout cela ne signifie en effet pas que tout est parfait dans le pays, a-t-il ajouté. Des défis subsistent, a-t-il admis. Souhaitant aborder un certain nombre de questions qui revêtent une importance particulière pour son Gouvernement, il a notamment indiqué, s'agissant des droits fonciers et de propriété, que la question de la reconnaissance par le Gouvernement des droits des communautés autochtones et tribales de posséder, développer, contrôler et utiliser leurs terres communales a fait l'objet de mesures certes réduites mais progressives afin de poursuivre un dialogue franc et honnête, de manière à trouver une solution à cette question incroyablement complexe. Il convient en outre de relever que l'État a signé un mémorandum d'accord avec une organisation non gouvernementale – l'Équipe de conservation de l'Amazone (ACT) – afin d'aider à délimiter les territoires des populations tribales. Depuis 2005, ACT-Suriname aide les groupes autochtones dans leur combat pour leurs droits sur les terres et les ressources naturelles. Évoquant la question de la cartographie de l'utilisation des terres communautaires au Suriname, M. Mac Donald a indiqué qu'avec, entre autres, le Bureau central du Gouvernement pour la cartographie, près d'une quarantaine de partenaires autochtones ont été formés pour cartographier plus de 50 millions d'acres de forêt amazonienne grâce à la technologie GPS.

La question de l'autorisation des concessions pour les projets miniers et les infrastructures qu'ils nécessitent ainsi que l'éventuel préjudice qui peut en découler pour les communautés autochtones et tribales se voit également accorder l'attention voulue par le Gouvernement, dans le cadre de sa responsabilité d'assurer à tous ses citoyens – y compris les communautés autochtones et tribales – un développement économique et social durable, a poursuivi M. Mac Donald. Il a souligné que le rapport de son pays présente dans le détail la procédure complexe à suivre avant qu'une concession ne soit accordée par le Gouvernement. Parmi les exigences prévues avant qu'une telle autorisation ne soit accordée, figure celle requérant qu'il soit demandé l'avis du commissaire de district et, à travers lui, que soient consultées les communautés autochtones et tribales, a-t-il précisé.

Les principes à la base du régime juridique des droits sur les terres au Suriname sont le principe du domaine, le principe de la propriété de l'État sur toutes les ressources naturelles et le principe de la séparation des droits sur la surface et sur le sous-sol, a rappelé M. Mac Donald. L'exercice de la souveraineté de l'État sur la terre a toujours été et reste fondé sur le principe du domaine, a-t-il ajouté. Comme l'indique la Constitution, la souveraineté de l'État inclut la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Les droits aux ressources du sous-sol ne font pas et n'ont jamais fait partie des droits spécifiques des marrons et des autochtones sur les terres, a insisté M. Mac Donald. Il a souligné que le principe de la séparation des droits sur la surface et des droits sur le sous-sol a toujours fait partie du droit coutumier et il a été codifié dans la législation du Suriname lorsque l'ordonnance sur l'exploitation minière est entrée en application en 1932. La propriété des minéraux, du sous-sol et des autres ressources naturelles liées au sol a été conservée par l'État, et il serait discriminatoire de faire des exceptions pour tenir compte des droits traditionnels des marrons et des autochtones sur les terres, a ajouté M. Mac Donald.

M. Mac Donald a ensuite fait référence à deux jugements rendus par la Cour interaméricaine des droits de l'homme par lesquels le Suriname s'est vu ordonner de prendre un certain nombre de mesures précises pour remédier aux violations qui étaient intervenues dans le village de Moiwana et pour le peuple de Samaaka. Le Gouvernement est conscient que le rythme d'application de ces décisions pourrait ne pas satisfaire complètement toutes les parties, a dit le chef de la délégation, mais il ne ménage aucun effort pour les appliquer, a-t-il affirmé. À cet égard, a-t-il ajouté, des progrès significatifs ont été réalisés dans l'application du jugement concernant le village de Moiwana.

Le rapport périodique du Suriname (CERD/C/SUR/12, document qui contient les onzième et douzième rapports périodiques) souligne que la Constitution offre des garanties suffisantes pour la lutte contre le racisme et la discrimination ainsi que pour leur prévention, poursuit le rapport. L'article 175 du Code pénal en vigueur comporte une disposition concernant la discrimination des individus pour des motifs liés à leur race, leur religion ou leurs convictions.

Fournissant des renseignements détaillés sur la composition de la population, le rapport souligne qu'au moment de sa découverte à la fin du XVe siècle, les premiers habitants de ce qui est aujourd'hui le Suriname étaient des Amérindiens. L'économie de plantation de cette colonie hollandaise dépendait de la main-d'œuvre bon marché fournie par les esclaves amenés d'Afrique. Après l'abolition de l'esclavage en 1863, des travailleurs sous contrat ont été recrutés en Chine, en Inde et en Indonésie. Les descendants de ces immigrants forment aujourd'hui le gros de la population surinamaise. Selon les statistiques, la population totale, à la date du 2 août 2004, était de 492 829 personnes. La répartition de la population par groupe ethnique était la suivante: Amérindiens, 18 037; marrons, 72 553; Créoles, 87 202; Indiens, 135 117; Javanais, 71 879; Chinois, 8 775; Blancs, 2 899; Métis, 61 524. Malgré la diversité de population et la diversité religieuse qui caractérisent le Suriname, ses habitants vivent en bonne harmonie. En raison de son extrême diversité culturelle, le Suriname présente l'image d'une société fascinante constituée de multiples groupes ethniques parlant chacun leur langue. Au moins quinze langues différentes sont parlées dans le pays, souligne le rapport. Le recensement donne, pour la population hors institution de l'ensemble du pays, un taux de 74,1 % d'analphabétisme; mais cela masque une variation géographique assez prononcée. Ainsi, dans le district de Wanica ce taux s'établit à 88,8 % et dans celui de Sipaliwini à 35,9 %, indique le rapport. Au Suriname la langue des établissements scolaires est le hollandais, mais dans l'intérieur du pays le sranan tongo est couramment utilisé comme langue d'enseignement à l'école maternelle et dans les première et deuxième classes du primaire.

Le 8 août 1992, l'Accord de réconciliation nationale et de développement (dit Accord de paix de 1992) a été signé entre le Gouvernement surinamais et les groupes armés illégaux de l'intérieur. L'objectif fondamental de cet accord était d'établir une paix stable et d'assurer un développement durable à l'ensemble de la nation. Dans l'Accord, les parties sont convenues qu'un Conseil pour le développement de l'intérieur du pays serait créé avec les objectifs suivants: promouvoir un dialogue institutionnalisé entre le Gouvernement central et les communautés traditionnelles de l'intérieur sur la politique nécessaire pour assurer leur bien-être et le développement des régions où elles vivent. Le Conseil pour le développement de l'intérieur du pays a été mis en place le 1er mai 1995 par le Ministère des affaires régionales. Il compte cinq représentants du Gouvernement, quatre représentants des autochtones, deux représentants de la communauté des Saramaccans, deux représentants de la communauté des Aucans, un représentant de la communauté des Paramaccans et un représentant de la communauté des Matuaris.


Examen du rapport du Suriname

Observations et questions des membres du Comité

M. PASTOR ELIAS MURILLO MARTÍNEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de ce pays, a souligné que depuis le mois de mai 1991, le Suriname a de nouveau un Gouvernement civil élu démocratiquement. Actuellement, a-t-il rappelé, le pays est régi par la Constitution politique rédigée durant le régime militaire, approuvée par référendum et réformée en 1992. En dépit des recommandations internationales, y compris celles du Comité, le Suriname ne compte toujours pas de tribunal qui soit responsable de veiller au respect de la Constitution, a relevé M. Murillo Martínez. En outre, a-t-il poursuivi, le pays n'a toujours pas souscrit à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples autochtones et tribaux.

M. Murillo Martínez a par ailleurs relevé que la définition de la discrimination raciale figurant dans la législation nationale surinamaise est conforme à l'article premier de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. De la même manière, la législation pénale reprend les principaux éléments de l'article 4 de la Convention, a-t-il ajouté. En revanche, l'interdiction des organisations qui feraient la promotion de la discrimination raciale ne répond pas aux exigences du paragraphe b de l'article 4 de la Convention, a déploré M. Murillo Martínez. Il a par ailleurs regretté que le rapport présenté par le Suriname ne respecte pas les directives fixées par le Comité.

M. Murillo Martínez a en outre fait part de sa préoccupation face au grand nombre de marrons qui se trouvent en situation d'analphabétisme, ce qui constitue une des causes majeures de transmission intergénérationnelle de la pauvreté – qui affecte cette population tout autant que les peuples autochtones. Aussi, M. Murillo Martínez s'est-il enquis des mesures prises pour garantir aux marrons et aux autochtones un accès adéquat à l'éducation, y compris l'éducation supérieure.

M. Murillo Martínez a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet de la législation minière. En particulier, existe-t-il un droit de préséance (préemption), pour l'exploitation minière, en faveur des groupes ethniques qui occupent des territoires ancestraux? Quel est le régime de propriété applicable à ces territoires ancestraux? Combien de membres des communautés autochtones et marronnes possèdent-ils de titres de propriété de la terre? M. Murillo Martínez s'est par ailleurs enquis de la situation en ce qui concerne le respect des engagements pris en vertu de l'Accord de réconciliation nationale, en particulier pour ce qui a trait aux questions intéressant les peuples autochtones et marrons.

M. Murillo Martínez a en outre souhaité obtenir des données ventilées par groupes ethniques concernant l'incidence du paludisme et le VIH/sida au Suriname.

La situation dans laquelle se trouvent les communautés autochtones et afrodescendantes au Suriname est à mettre en étroite relation avec la discrimination raciale et la faiblesse de leur participation politique, a poursuivi M. Murillo Martínez. Aussi, s'est-il enquis du niveau de participation des communautés autochtones et des marronnes dans les instances décisionnelles de l'État. M. Murillo Martínez s'est en outre enquis de l'impact du Plan d'action global pour la lutte contre la pauvreté au Suriname, en particulier pour ces deux dernières communautés.

En examinant la situation au Suriname, on observe une tendance croissante des peuples autochtones et afrodescendants a recourir aux instances internationales, ce qui en dit long sur les garanties dont ils jouissent au niveau interne pour faire valoir leurs droits, a ajouté M. Murillo Martínez. De fait, le Comité lui-même s'est trouvé dans la nécessité de recourir à la procédure d'action urgente afin de répondre aux préoccupations de membres de groupes ethniques. En outre, le Suriname a fait l'objet de deux condamnations de la part Cour interaméricaine des droits de l'homme.

Au Suriname, des terres peuvent-elles être exploitées sans que les peuples autochtones concernés soient consultés, a demandé M. Murillo Martínez?


Un autre membre du Comité a souhaité savoir si les communautés autochtones concernées avaient été consultées s'agissant du projet d'usine hydroélectrique prévu à l'ouest du Suriname sur des terres autochtones.

Le Gouvernement surinamais doit accorder toute l'attention voulue aux intérêts des populations autochtones et tribales, a insisté un expert.

Un autre expert a souligné que le rapport présenté par le Suriname ne répond pas aux directives du Comité, en ce sens qu'il ne comprend pas une analyse complète, article par article, de la mise en œuvre de la Convention. Le s'efforce – mais de manière incomplète – de répondre aux préoccupations qui avaient été exprimées en août 2005 par le Comité, alors saisi de la situation au Suriname au titre de la procédure d'urgence et d'alerte précoce, a ajouté cet expert. Il s'est en outre inquiété d'informations faisant état d'une augmentation de l'exploitation sexuelle et des viols dont seraient victimes les jeunes filles appartenant aux populations autochtones et tribales, en particulier dans les zones où l'exploitation minière se développe.

Où en est la mise en place de la Cour constitutionnelle dont le rapport souligne qu'une fois instituée, elle serait un mécanisme essentiel pour assurer le respect des droits de l'homme, a demandé un autre expert? Il s'est enquis des mesures prises pour lutter contre le chômage des autochtones et des marrons.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation du Suriname

La délégation surinamaise a expliqué que le rapport a été élaboré en 2007, après qu'en 2006, le Comité eut envoyé au Suriname une communication le priant de se concentrer sur les observations finales qu'il lui avait adressées à l'issue de l'examen du rapport initial et qui se concentraient sur la situation des peuples autochtones et des marrons. Aussi, le Suriname avait-il cru comprendre qu'il ne lui était pas nécessaire de faire rapport en suivant méthodiquement les dispositions de la Convention et avait donc choisi de ne pas réitérer les informations qu'il avait présentées dans son rapport initial. Néanmoins, a assuré la délégation, à l'avenir, le Suriname élaborera son rapport d'une façon conforme aux directives présidant à l'établissement des rapports des États parties.

La version actuelle du projet de loi sur l'exploitation minière se trouve encore devant la commission des rapporteurs de l'Assemblée nationale; il doit être mis à jour pour refléter la situation actuelle puisque ce projet remonte à 2004, a par ailleurs indiqué la délégation. Actuellement, c'est donc la loi sur l'exploitation minière de 1986 qui fournit les règles actuellement en vigueur s'agissant de cette question, a-t-elle souligné. Avant que le Président de la République ou le Ministre des ressources naturelles n'accordent un droit d'exploitation minière (concession), la pratique administrative qui s'est imposée au fil des ans est que l'avis du commissaire de district soit consulté, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que l'accord par lequel la multinationale Chong Heng Tai devait construire un site d'exploitation de l'huile de palme à Patamakka, a été annulé du fait que la population locale y était opposée, ce qui témoigne que le processus consistant à recueillir l'assentiment préalable de la communauté locale est bien appliqué par le Gouvernement.

La délégation a aussi fait valoir que la plupart des projets d'exploitation minière – si ce n'est la totalité pour les projets d'exploitation aurifère – requièrent une étude préalable d'impact environnemental, menée par l'institut national pour le développement environnemental du Suriname.

La délégation a assuré qu'un certain nombre d'autochtones et de marrons figurent parmi les fonctionnaires de haut rang du Suriname: ministres, membres du Parlement, diplomates, secrétaires permanents, conseillers ministériels, membres du Conseil d'État, notamment.

Le Suriname est en train d'œuvrer à la mise en place d'une structure visant à reconnaître les droits fonciers collectifs des autochtones et des marrons, a poursuivi la délégation. Le pays est en effet conscient que ses voisins d'Amérique du Sud disposent de législations dans ce domaine, a-t-elle ajouté. Au Suriname, le problème est particulièrement complexe étant donné que ces droits fonciers ont pour destinataires tant les marrons que les autochtones alors que certains des membres de ces deux groupes vivent dans les mêmes zones, a expliqué la délégation. La Commission présidentielle sur les droits fonciers a présenté, au mois de juillet dernier, son rapport final au Président et au Conseil des Ministres et ce rapport est en cours d'examen. Le Gouvernement a l'intention de procéder à un plan de cartographie régionale et zonale global et ambitieux de l'utilisation de la terre afin de mettre définitivement de l'ordre dans la situation actuelle, a indiqué la délégation. Afin d'utiliser de manière durable le potentiel forestier, le Gouvernement a décidé de mettre sur pied un plan d'action stratégique et, à cette fin, un nouveau projet de loi a été élaboré qui portera création d'une Autorité de protection de la nature et des forêts, a fait savoir la délégation.

Les marrons ne sont pas tous d'accord entre eux sur la façon dont ils souhaitent être appelés, certains préférant être qualifiés de «noirs de la brousse» (Bush Negro), en référence à la façon dont ils étaient appelés autrefois.

Lorsque l'on parle de créoles, on fait référence aux Noirs qui vivent dans les villes, a par ailleurs indiqué la délégation. En outre, certaines personnes se qualifient elles-mêmes de créoles afin de se distinguer des «noirs de la brousse».

La Cour constitutionnelle n'a pas encore été créée et un projet de loi à cet effet est actuellement en cours d'examen au Parlement, a d'autre part souligné la délégation.

En ce qui concerne la situation sanitaire du pays, la délégation surinamaise a notamment fait valoir que l'objectif de développement du Millénaire se rapportant au paludisme a d'ores et déjà été atteint puisque l'incidence de la maladie a été réduite et la mortalité y associée réduite à zéro en 2006, en 2007 et en 2008. Quant à la mortalité liée au VIH/sida, elle enregistre également, désormais, une tendance à la baisse, tout comme les hospitalisations liées à cette maladie. Le sida n'est plus la première cause de mortalité des personnes âgées de 24 à 49 ans au Suriname, a insisté la délégation. Il n'en demeure pas moins que le taux de mortalité associé à cette maladie reste, comme dans nombre de pays des Caraïbes, à un niveau exceptionnellement élevé et que les petits succès enregistrés dans ce domaine ne l'ont pas été de manière uniforme à l'échelle du pays, le problème restant aigu dans l'intérieur. Des mesures sont actuellement prises pour étendre le programme de prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant.

Pour ce qui est des questions d'éducation, la délégation a indiqué que le Suriname a décidé de rénover une grande majorité des établissements d'éducation et construit au moins 80 classes entièrement neuves à travers le pays. Ce sera également le cas dans l'intérieur, où le Gouvernement continuera de rénover les établissements scolaires et logements pour le personnel d'éducation, a ajouté la délégation.


Observations préliminaires concernant le rapport du Suriname

M. MURILLO MARTÍNEZ a dit beaucoup apprécier le comportement positif et la volonté dont a fait preuve la délégation surinamaise durant l'examen de son rapport. L'esprit constructif du pays est manifeste et le Comité apprécie tout particulièrement les informations complémentaires qui lui ont été fournies grâce aux réponses apportées par la délégation aux questions soulevées par les experts. Des progrès ont été faits en ce qui concerne la question du mariage, a indiqué M. Murillo Martínez. Il a salué l'esprit autocritique dont a fait preuve le Suriname dans la présentation de la situation des autochtones et des marrons. L'expert a également salué un certain nombre de progrès réalisés par le pays, notamment pour ce qui a trait à la mise en œuvre des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

En ce qui concerne l'exploitation des terres ancestrales et le contrôle des ressources de ces terres, il convient de relever que dans la plupart des textes législatifs, le contrôle de ces terres est toujours assuré par l'État, a poursuivi M. Murillo Martínez. Il a relevé la tendance des populations autochtones et des marrons à recourir aux instances internationales pour faire valoir leurs droits, ce qui amène à s'interroger sur les garanties judiciaires dont ils disposent au niveau interne. On constate en outre que l'absence de réponse aux revendications des populations autochtones et des marrons ne permet pas d'empêcher l'apparition de nouveaux conflits. De toute évidence, les communautés autochtones et marronnes sont en train de voir l'intégration de leurs particularités et il reste à cet égard à reconnaître les droits collectifs de ces populations sans porter atteinte pour autant aux droits de la majorité, a ajouté M. Murillo Martínez. L'État surinamais devrait donc s'efforcer de créer des espaces de dialogue avec les communautés autochtones et marronnes afin d'approfondir les efforts déjà consentis à ce jour, a-t-il déclaré.

En outre, il serait judicieux que dans le prochain rapport, le Suriname fournisse des détails sur les progrès réalisés dans l'application de l'accord de paix de 1992, a ajouté M. Murillo Martínez. En conclusion, l'expert s'est réjoui du dialogue constructif et positif qui s'est noué durant ces deux séances d'examen du rapport surinamais.

Un autre membre du Comité a relevé que les partis politiques au Suriname sont presque tous fondés sur le critère ethnique et a souligné qu'il est tout à l'honneur du Suriname d'avoir su éviter les conflits ethniques – pourtant fréquents dans certains pays voisins ayant un tissu social comparable. Il s'est dit impressionné par l'engagement exprimé par la délégation laissant apparaître que le Suriname est pleinement disposé à se pencher sur tous les problèmes évoqués par le Comité.


Examen de la situation de la Gambie

Examinant la situation de la Gambie au titre de la procédure de bilan applicable aux États parties dont la présentation des rapports accuse un trop grand retard, le Comité a entendu M. NOURREDINE AMIR, membre du Comité désigné rapporteur à cet effet, qui a décrit la situation de ce pays en déplorant que la Gambie n'ait pas soumis de rapport au Comité depuis trente ans. La Gambie a présenté un rapport en 1980 puis plus aucun depuis cette date, ce qui a amené le Comité à se réunir à trois reprises depuis 1980 pour rappeler au pays son obligation de soumission de rapports, a souligné M. Amir. L'expert a indiqué qu'il avait eu l'occasion de se rendre en Gambie et qu'il ne lui avait pas semblé que de graves problèmes se posaient dans ce pays du point de vue de la Convention. Il a rappelé que le Sénégal avait un temps envisagé de créer un grand État de Sénégambie, ce qui n'avait pas abouti car la Gambie a refusé cette option sur la base du principe de souveraineté nationale.

Si depuis 30 ans, le Comité n'a eu aucune réaction du Gouvernement gambien, il convient de se demander si un quatrième examen du pays au titre de la procédure de bilan encouragerait le Gouvernement à réagir au moins cette fois-ci, a poursuivi M. Amir. Il a proposé que le Comité adopte des observations finales sur la Gambie, assorties d'une décision rappelant à ce pays ses obligations internationales.

La Gambie est le seul pays en Afrique et le seul parmi les États parties à la Convention à considérer qu'il n'a pas de compte à rendre à un organe des Nations Unies à l'égard duquel il a pourtant des obligations. Dans ce contexte, M. Amir a invité la Présidente du Comité à rédiger, au nom du Comité, une lettre constituant une véritable alerte – non pas à l'égard d'une quelconque situation ethnique ou autre qui serait préoccupante, mais pour rappeler l'obligation internationale à laquelle le pays est soumise. La Gambie se considère-t-elle encore comme étant liée à cette Convention, a demandé M. Amir, compte tenu de l'absence de trente ans devant le Comité?

Un autre membre du Comité a estimé que le Comité devrait se prononcer fermement à l'égard des pays qui n'honorent pas leurs obligations en tant qu'États parties à la Convention. Aussi, s'est-il dit tout à fait favorable à la démarche que propose M. Amir, proposant même que le Comité aille plus loin en prévenant que si la Gambie ne présente pas un rapport dans un certain délai, il considèrera que ce pays n'honore pas ses obligations en vertu de la Convention.

D'autres membres du Comité ont souscrit à l'approche préconisée par M. Amir. Si la procédure de visite était appliquée, cela permettrait peut-être d'ouvrir une voie pour les pays dont les rapports sont très en retard, a estimé l'un d'entre eux.

Certains problèmes minent la société gambienne, au nombre desquels le tourisme sexuel et le VIH/sida, a par ailleurs souligné l'expert.

Un expert s'est demandé si c'est au Comité ou aux États parties qu'il revient de «juger» si un pays honore ou non ses obligations en vertu de la Convention. Il ne s'agit pas d'un jugement à prononcer mais simplement de rappeler à un État partie à la Convention les obligations qui sont les siennes, a souligné M. Amir.

En fin de compte, le Comité a décidé d'envoyer des lettres à plusieurs destinataires (Ambassade de Gambie à Paris, qui couvre Genève, à la Mission permanente de la Gambie auprès des Nations Unies à New York, au Ministère gambien des affaires étrangères et au Programme des Nations Unies pour le développement) afin que par leur truchement, il soit clairement signifié aux autorités gambiennes qu'elles doivent honorer leurs obligations en vertu de la Convention. Le Comité se penchera vendredi prochain, 27 février, sur le texte définitif de cette lettre ainsi que sur les observations finales du Comité qui l'accompagneront, aux fins de leur adoption.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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