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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA POLOGNE
06 août 2009
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Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale 6 août 2009
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Pologne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de la Pologne, Mme Elzbieta Radziszewska, Secrétaire d'État à la Chancellerie du Premier Ministre et plénipotentiaire du Gouvernement pour l'égalité de traitement, a souligné que depuis 2004, le pays met en œuvre un programme de lutte contre la discrimination et l'intolérance, conformément aux prescriptions de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme. Elle a en outre fait valoir que la Pologne a adopté une loi sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales, qui prévoit la possibilité d'utiliser une langue de minorité ou une langue régionale dans les contacts avec l'administration. Grâce au travail qui a été mené par les diverses institutions concernées, la sensibilisation et la détection des délits à caractère racial ont été renforcées. Le chef de la délégation polonaise a par ailleurs assuré le Comité que son gouvernement était pleinement engagé en faveur de l'insertion de la communauté rom au sein de la société. Elle a attiré l'attention sur les mesures d'assistance spéciale qui ont été prises en faveur de l'éducation des Roms, qui ont notamment permis de faire en sorte que les enfants roms intègrent désormais de plus en plus les classes que suivent tous les autres élèves polonais.
La délégation polonaise était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur et de l'administration, du Ministère de la santé, du Ministère du travail et de la politique sociale, du Ministère de l'éducation, du Ministère de la justice, du Bureau des étrangers, du Bureau du Procureur national, du Siège de la Police générale et de la Mission auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations s'agissant, entre autres, des manifestations de racisme dans les sports; de la définition des notions de minorité nationale et ethnique et de langue régionale; des mesures prises en faveur des langues minoritaires et de l'éducation des membres de ces minorités; de la situation de la communauté rom; des réfugiés tchétchènes; des allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne; ou encore des procédures engagées pour crimes à motivation raciste.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, M. Nourredine Amir, a porté une appréciation de «totale satisfaction» à l'issue de cet examen. Il a notamment salué l'élément positif que constitue l'attitude, rare, de la Fédération nationale de football de Pologne qui a accepté d'abonder dans le sens des directives gouvernementales concernant la lutte contre le racisme dans le milieu sportif. M. Amir s'est par ailleurs référé à certaines informations sur la question du profilage racial selon lesquelles il semblerait que les Arabes et les musulmans soient considérés comme des terroristes potentiels, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001, et que les Roms soient considérés comme des voleurs, a-t-il précisé, ajoutant que les Africains, Asiatiques et Arabes seraient particulièrement vulnérables et soulignant le rôle de la presse dans ce contexte. D'autres membres du Comité ont exprimé des préoccupations s'agissant des nombreuses manifestations de racisme dont la Pologne semble être le théâtre.
Le Comité adoptera, lors de séances privées, ses observations finales sur le rapport de la Pologne, qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 28 août 2009.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Chine (CERD/C/CHN/10-13) et les rapports complémentaires des Régions administratives spéciales de Macao (CERD/C/MAC/13) et de Hong Kong (CERD/C/HKG/13).
Présentation du rapport de la Pologne
MME ELZBIETA RADZISZEWSKA, Secrétaire d'État à la Chancellerie du Premier Ministre polonais et plénipotentiaire du Gouvernement polonais pour l'égalité de traitement, a indiqué que ce rapport couvrait la période allant de janvier 2002 à juillet 2005. Elle a assuré que le Gouvernement polonais n'avait ménagé aucun effort pour appliquer les recommandations que le Comité avait présentées à l'issue de l'examen de son précédent rapport. Durant la période couverte par le rapport, les autorités ont pris de nombreuses mesures et ont notamment poursuivi la mise en place d'un système efficace d'institutions de lutte contre la discrimination. Mme Radziszewska a rappelé qu'en 2004, la Pologne est devenue membre de l'Union européenne et a souscrit de ce fait à l'ensemble de la législation européenne. Depuis 2004, le pays met en œuvre son programme de lutte contre la discrimination et l'intolérance pour la période 2004-2009, conformément aux prescriptions de la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban en 2001, a par ailleurs souligné Mme Radziszewska.
La Secrétaire d'État a souligné qu'en janvier 2005, la Pologne a adopté une loi sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales. Cette loi prévoit la possibilité d'utiliser une langue de minorité ou une langue régionale dans les contacts avec l'administration et interdit toute discrimination à l'encontre des personnes qui utilisent une langue régionale, a-t-elle précisé. Elle a en outre fait part de la mise sur pied d'une commission conjointe du Gouvernement polonais et des minorités nationales et ethniques. Par ailleurs, grâce au travail qui a été mené par les diverses institutions concernées, la sensibilisation et la détection des délits à caractère racial ont été renforcées, permettant de réduire quasiment à néant le nombre d'affaires motivées par la haine raciale.
Mme Radziszewska a assuré le Comité que le Gouvernement polonais est pleinement engagé en faveur de l'insertion de la communauté rom au sein de la société. Elle a attiré l'attention sur les mesures d'assistance spéciale qui ont été prises en faveur de l'éducation des Roms. Progressivement, a-t-elle précisé, le nombre de classes spécifiquement roms a été réduit, de sorte que les enfants roms intègrent désormais de plus en plus les classes que suivent tous les autres élèves polonais.
Ces dernières années, les conditions de vie dans les centres pour étrangers requérants d'asile en Pologne se sont améliorées et répondent aux normes internationales, a d'autre part indiqué Mme Radziszewska.
En conclusion, la Secrétaire d'État polonaise a affirmé que le Gouvernement polonais estimait indispensable de promouvoir une coordination plus efficace de l'action dans le domaine de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.
Le dix-neuvième rapport périodique de la Pologne (CERD/C/POL/19) souligne qu'une personne ne peut être considérée comme membre d'une minorité nationale qu'à sa propre demande – si elle recourt aux droits des minorités nationales et ethniques, quelle que soit la réponse qu'elle aura donnée lors du recensement s'agissant de son éventuelle appartenance à une minorité. Il faut en outre souligner que la politique mise en œuvre par le Gouvernement polonais en matière de minorités nationales et ethniques et le volume des ressources financières qui leur sont affectées ne dépendent pas de la taille des minorités individuelles. Les besoins réels et l'activité des minorités sont décisifs à cet égard, précise le rapport. En 2002, le recensement national de la population et du logement contenait, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une question relative à la nationalité et à la langue parlée à la maison. Selon les résultats de ce recensement, 0,7% de la population polonaise totale déclarait appartenir aux communautés ayant statut de minorité. Les chiffres étaient les suivants: (pour les minorités nationales) Allemands, 147 094; Biélorusses, 47 640; Ukrainiens, 27 172; Lituaniens, 5639; Russes, 3244; Slovaques, 1710; juifs, 1055; Tchèques, 386; Arméniens, 262; ainsi que (pour les minorités ethniques), Roms, 12 731; Ruthènes, 5850; Tartares, 447; Caraïtes, 43; et (pour les personnes parlant une langue régionale) Cachoubes, 52 567. Depuis l'entrée en vigueur, en 1989, de la loi sur les associations, environ 206 associations de minorités nationales et ethniques ont été enregistrées, indique par ailleurs le rapport.
La mise en œuvre du Programme pour la communauté rom en Pologne a été initiée en 2004, poursuit le rapport. Elle doit s'achever en 2013, mais la possibilité d'une prolongation au cours des années ultérieures a été laissée ouverte. De nouvelles possibilités de financement du programme ont été créées grâce à la loi de 2005 sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales qui prévoit la possibilité d'accorder des subventions aux programmes qui contribuent à l'intégration civique des minorités. Les activités entreprises dans le cadre du programme sont complexes et traitent de questions d'éducation, d'amélioration des conditions sociales et des conditions de vie, de soins de santé, de sécurité, de prévention du chômage et de délits d'origine ethnique; elles visent également à mieux faire connaître la minorité rom et à bien l'informer des réformes engagées en Pologne, précise le rapport, ajoutant que l'éducation et l'amélioration des conditions de vie sont les deux premières priorités du programme. Les efforts ont surtout porté sur le règlement des questions relatives à la propriété des parcelles de terrain portant des constructions occupées par des Roms.
En vertu de la loi polonaise, la discrimination raciale est interdite par la Constitution, par les dispositions des Directives 2000/43/EC et 2000/78/EC appliquées par la Pologne suite à son accession à l'Union européenne et par des dispositions légales. Plusieurs articles du Code pénal traitent du sujet à l'étude, notamment l'article 119.1 relatif à la violence et aux menaces illicites à l'égard d'un groupe ou d'un individu en raison de son appartenance raciale; l'article 119.2 relatif à l'incitation publique à commettre un délit défini dans l'article 119.1; l'article 256 relatif à la propagande en faveur du fascisme et autres systèmes totalitaires d'État ou incitation à la haine fondée sur les différences nationales, ethniques, raciales ou religieuses; ou encore l'article 257 relatif à l'insulte publique d'un groupe au sein de la population ou de personnes physiques, en raison de leur appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. NOURREDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, a félicité la délégation polonaise pour la régularité avec laquelle elle présente ses rapports périodiques devant le Comité et pour la qualité de ses rapports. Il a par ailleurs indiqué que certains rapports alternatifs qui lui sont parvenus ne correspondent pas toujours, même si cela reste exceptionnel, au contenu du rapport présenté par la Pologne. M. Amir a ensuite rappelé un certain nombre de données historiques concernant la Pologne, précisant que c'est sur la base de l'ensemble de ces données qu'il a entrepris d'examiner le présent rapport périodique du pays.
M. Amir a relevé que le rapport de la Pologne reconnaît que les cours de justice n'ont prononcé aucun jugement qui se réfère directement aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La question est de savoir si au cours de la période considérée, aucun délit relevant de la Convention n'a été constaté, ce dont il faudrait alors se féliciter. M. Amir a relevé que, selon ce qu'indique le rapport de la Pologne s'agissant de l'incitation à la haine raciale, les enquêtes en la matière sont organisées par le bureau du Procureur général et qu'à ce stade, plusieurs cas ont été examinés; sur 43 procédures d'enquête engagées, seules trois avaient une relation avec un contenu raciste (sur internet).
M. Amir a jugé suffisamment dissuasives les dispositions prévues dans la Constitution et dans le Code pénal polonais pour contraindre la discrimination raciale; néanmoins, a-t-il ajouté, il reste maintenant à mieux déterminer les questions relatives à la déposition de plaintes, aux procédures d'enquêtes et aux procédures judiciaires.
Affirmant ensuite se référer à certaines informations émanant de rapports alternatifs, M. Amir a évoqué la question du profilage racial au sujet de laquelle il semblerait qu'aucune mesure concrète n'ait été prise pour y mettre un terme. En outre, a-t-il poursuivi, il semble que les Arabes et les musulmans soient considérés comme des terroristes potentiels, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001, et que les Roms soient considérés comme des voleurs. Il y a aussi le problème des ressortissants tchétchènes qui, selon ces rapports alternatifs, rencontreraient des problèmes, notamment en matière de résidence temporaire et d'accès aux soins de santé. Les Africains, les Asiatiques, les Arabes seraient également – selon ces mêmes rapports alternatifs – particulièrement vulnérables du fait de leur apparence physique distincte, le rôle de la presse n'étant pas étranger à cette situation eu égard à l'influence qu'elle exerce sur le subconscient des populations.
Il serait bon, à des fins de dissuasion, que les crimes à caractère raciste fassent l'objet d'une surveillance, de poursuites et de sanctions plus systématiques, a souligné M. Amir. Il n'en demeure pas moins que, compte tenu de son histoire, la Pologne a fait des pas de géant, a-t-il estimé.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir ce qu'il en est actuellement en Pologne de l'intégration éventuelle de Roms dans la police. Dans le contexte du droit du travail, il est indiscutable que des dispositions spéciales ont été prises afin de donner suite au contenu de la Directive 2000/43/EC de l'Union européenne qui vise à garantir le principe de non-discrimination et l'égalité entre toutes les races et nationalités; en revanche, il serait bon de connaître les mesures qui ont été prises dans d'autres domaines pour donner suite à cette Directive, a ajouté cet expert.
Un autre expert a souhaité savoir si un enseignement en langue rom est prévu en Pologne. Il s'est en outre inquiété de la tendance en Pologne à considérer que les étrangers ont toujours tort lorsqu'il y a conflit entre Polonais et étrangers, par exemple dans le contexte d'un accident de la route. L'expert s'est par ailleurs inquiété des informations faisant état d'actes de violences racistes contre les groupes à apparence physique distincte – Africains, Asiatiques, Arabes ou juifs orthodoxes, par exemple. Il semble en outre que certaines organisations, notamment des organisations de jeunes, propagent des idées racistes et provoquent des désordres à connotation raciste. Ces organisations de jeunes sont apparentées à un parti politique représenté au Parlement, de sorte qu'il devient difficile de prendre des mesures à leur encontre; il faudra pourtant trouver un moyen de combattre ces organisations, a souligné l'expert.
Un membre du Comité a mis l'accent sur la nécessité de veiller à ce que des différences s'agissant des droits accordés à tel ou tel groupe minoritaire ne se traduisent pas par des formes de discrimination.
Un expert a souhaité en savoir davantage sur les questions relatives à la scolarité des enfants réfugiés ou requérants d'asile.
Un autre expert a relevé que les pratiques discriminatoires restent un problème en Pologne où elles ciblent particulièrement les personnes d'origine africaine. Selon certaines organisations non gouvernementales, le nombre de crimes racistes serait en augmentation et il serait intéressant, dans ce contexte, de savoir comment ces cas ont été traités judiciairement. La Pologne est marquée par le racisme, il faut le dire, a insisté cet expert.
Un membre du Comité a relevé de nombreux aspects positifs dans le rapport présenté au Comité par la Pologne. Cet expert a notamment relevé, à cet égard, l'exposé, figurant dans le rapport, des différentes mesures prises pour combattre la discrimination raciale ainsi que le programme mis en place en faveur de la communauté rom. Les dispositions de la législation polonaise semblent correspondre, globalement, aux exigences de l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (qui traite de l'incrimination de la discrimination raciale), a poursuivi cet expert. Il s'est en outre réjoui que le rapport contienne des statistiques judiciaires, s'agissant notamment des poursuites engagées pour crimes racistes, ce qui est assez rare dans les rapports d'États parties. Ce même expert s'est toutefois inquiété d'informations selon lesquelles des actes tels que les publications antisémites, la profanation de cimetière religieux ou les actions de jeunes extrémistes ne feraient pas l'objet d'enquêtes et de poursuites suffisantes; ce problème semble persister, a-t-il insisté. La législation polonaise prévoit-elle des circonstances aggravantes en cas de motivation raciste des crimes et délits, a demandé cet expert? Il s'est en outre enquis du bilan de l'intégration des enfants roms dans les écoles ordinaires.
Un membre du Comité s'est inquiété du racisme dans le monde du sport en Pologne, rappelant à cet égard qu'en 2012, le pays accueillera un important championnat européen de football.
Un expert s'est enquis des raisons pour lesquelles la population caraïte semble si peu représentée en Pologne, 43 personnes seulement s'étant identifiées comme telles lors du recensement de 2002.
Réponses de la délégation
La délégation de la Pologne a d'emblée tenu à souligner que les stéréotypes ancrés dans la mentalité publique sont particulièrement difficiles à contrer. Elle a rappelé que les autorités polonaises avaient perçu une lacune s'agissant de la sanction pénale des discours de haine et avaient donc proposé un amendement à la législation pénale afin de combler cette lacune.
La délégation a par ailleurs indiqué que le programme national de lutte contre le racisme n'avait pas été suivi d'effet pendant trois ans pour la simple raison que le Gouvernement n'en avait pas confié la mise en œuvre à une institution particulière, ce qui a maintenant été corrigé.
S'agissant de la question des hooligans, la délégation a souligné que la Pologne s'est dotée d'une loi permettant de lutter contre l'anonymat qui alimentait le sentiment d'impunité dans les stades; ainsi, les supporteurs cagoulés peuvent désormais être expulsés du stade. En 2009, au total, quatre mises en accusation ont été prononcées pour des faits de racisme dans les sports, a indiqué la délégation.
S'agissant de ce que recouvre la notion de minorité nationale, la délégation a indiqué que selon la loi, est considéré comme minorité nationale un groupe de citoyens polonais dont la population est moins nombreuse que le reste de la population polonaise, possède des différences notables du point de vue notamment culturel et linguistique, essaie de préserver sa langue, sa culture et ses traditions, est consciente de son patrimoine culturel et s'emploie à le protéger et dont les ancêtres doivent vivre sur le territoire de la Pologne depuis au moins cent ans. Cette définition est également applicable aux minorités ethniques, à la différence notable que les minorités nationales, elles, s'identifient en outre à un État existant. La seule langue régionale, reconnue au sens de la Charte européenne sur les langues régionales, est la langue cachoube, a par ailleurs indiqué la délégation. Il s'agit donc d'une langue qui est juridiquement protégée par l'État, a-t-elle précisé.
À certains moments de l'histoire de la Pologne, les minorités ont représenté de 30 à 50% de la population du pays, a poursuivi la délégation, avant d'évoquer, entre autres, l'extermination des juifs et des roms par les nazis. On assiste aujourd'hui à une diminution du nombre de personnes appartenant à des minorités mais en aucune manière à une diminution du nombre de minorités qui, minorités nationales et ethniques confondues, reste établi à 13 - à quoi il faut ajouter la langue régionale cachoube reconnue, a-t-il ajouté.
Le Recensement de la population de 2002 a été le premier depuis celui de l'entre deux guerres à comporter une question sur la nationalité et sur la langue. Le prochain recensement de la population est prévu pour 2011 et les autorités sont en train de discuter avec les représentants des minorités afin de voir comment obtenir les données les plus transparentes et dignes de foi, a indiqué la délégation.
La délégation a souligné qu'en ce qui concerne le droit électoral, la législation polonaise est l'une des rares au monde à accorder un traitement préférentiel aux organisations des minorités ethniques.
La délégation a par ailleurs souligné que les langues minoritaires, ethniques ou régionales sont reconnues en Pologne comme un atout et doivent donc être protégées par les pouvoirs publics. La Constitution garantit le droit de chacun, le cas échéant, à un enseignement dans la langue minoritaire ou régionale de la communauté à laquelle il appartient, a-t-elle rappelé. Il appartient en outre au Ministère de l'éducation de prendre des mesures afin de promouvoir la connaissance des us et coutumes, c'est-à-dire du patrimoine culturel, des minorités, a-t-elle souligné.
Des stratégies ont été adoptées pour les minorités lituanienne et allemande et la Pologne entend se doter de documents similaires pour toutes les minorités, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a indiqué que la langue rom, qui est uniquement orale, n'est pas enseignée dans les écoles publiques polonaises car les parents roms n'ont pas manifesté de désir en ce sens. Des tentatives ont été faites pour codifier la langue rom dans le cadre d'un programme du Conseil de l'Europe, a ensuite fait savoir la délégation. Toutefois, la promotion de l'enseignement de la langue rom prendra encore du temps car il faut agir auprès des parents qui, jusqu'ici, ne sont pas demandeurs. La délégation a expliqué que les autorités polonaises mettent l'accent sur le volet éducatif de l'action en faveur des Roms car elles sont convaincues que la solution des problèmes de la communauté rom en matière d'éducation constitue la clef pour la résolution de nombreux autres problèmes auxquels est confrontée cette communauté. Un système de bourses spéciales a été mis en place à l'intention des enfants roms particulièrement doués, a notamment indiqué la délégation. Grâce aux mesures qui ont été prises afin de promouvoir l'éducation des Roms, on a enregistré une présence scolaire accrue des enfants roms.
Tous les pays qui ont pu avoir recours à la méthode des classes spéciales distinctes pour les enfants roms ont abouti à la conclusion qu'un tel système avait finalement pour effet d'isoler les enfants roms et les empêchait, par la suite, de poursuivre leur éducation. Le nombre de ces classes distinctes pour enfants roms, qui était de plusieurs dizaines lors du lancement de cette pratique, est tombé à 3 l'an dernier, regroupant moins d'une centaine d'élèves. Le Ministère de l'éducation a maintenant décrété l'interdiction de ce type de classe pour l'avenir. Ainsi, tous les enfants roms vont-ils désormais intégrer les classes ordinaires du système d'enseignement polonais, a souligné la délégation.
Pour l'heure, la Pologne ne compte pas d'agent de police rom, a indiqué la délégation. Elle a toutefois tenu à ajouter que la communauté rom considère qu'entrer dans la police comporte un aspect infamant et ses membres ne souhaitent donc pas travailler dans ce corps de métier.
La loi polonaise interdit le profilage ethnique par la police, a par ailleurs assuré la délégation.
La délégation a par ailleurs rappelé que les instruments internationaux ratifiés par la Pologne et publiés au Journal officiel font intégralement partie du système juridique interne polonais et prévalent sur les lois internes. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que les tribunaux polonais appliquent des peines de plus en plus lourdes pour les crimes à motivation raciale. Depuis 2008, le nombre de procédures engagées pour crimes à motivation raciste a nettement augmenté, a-t-elle ajouté, faisant observer que cela révèle une meilleure sensibilisation et une meilleure réaction de l'opinion face à ce type de délits. En 2008, 28 condamnations ont été prononcées par les tribunaux pour de tels crimes, a précisé la délégation. Elle a en outre fait part d'un certain nombre de poursuites engagées contre certaines publications ou contenus racistes ou contre des organisations ou partis tels que le Camp radical national ou le parti Renaissance nationale Pologne.
S'agissant des questions relatives aux réfugiés tchétchènes, la délégation a expliqué que généralement, lorsque des personnes d'origine tchétchène arrivent en Pologne, elles demandent une protection sous la forme du statut de réfugié plutôt qu'une autorisation de séjour temporaire. Si elles ne répondent pas aux critères nécessaires pour obtenir le statut de réfugiés, ces personnes – lorsqu'elles ne peuvent être expulsées parce que, par exemple parce, elles encourent des risques dans leur pays d'origine – peuvent encore bénéficier d'une protection complémentaire, sous forme d'une permission de séjour toléré. La protection sociale pour ces dernières personnes est alors la même que pour les réfugiés, a précisé la délégation. Les Tchétchènes constituent le groupe d'étrangers le plus nombreux ayant bénéficié d'une protection sur le territoire de la Pologne, a-t-elle en outre fait savoir.
Tout mineur de moins de 15 ans se trouvant sur le territoire de la Pologne est soumis à une obligation de scolarisation et ce, indépendamment de toute considération de citoyenneté, de nationalité ou de son statut de résident en Pologne, a par ailleurs souligné la délégation.
Pour un étranger, refuser de se soumettre à un test de dépistage du VIH/sida n'a absolument aucune conséquence sur le traitement de sa demande d'asile, a par ailleurs assuré la délégation.
En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation polonaise a indiqué que les résultats de l'enquête sur les allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne ont été présentés aux instances judiciaires compétentes au mois d'avril dernier. Pour l'heure, ce dossier reste confidentiel puisque la procédure est en cours et il n'est donc pas possible de dire quoi que ce soit à ce propos. Une fois la procédure achevée et les conclusions rendues, toute information nécessaire ou demandée sera présentée aux organismes internationaux.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, M. NOURREDINE AMIR, a retenu qu'il n'existe pas d'instance spécifique pour traiter de la question de la discrimination en Pologne. Néanmoins, la mise sur pied de l'institution que dirige le chef de la délégation polonaise témoigne d'une conscience nouvelle qui, s'est-il dit convaincu, va faire changer certains esprits et certaines attitudes. La délégation a fait part de l'existence de lois nouvelles visant à combattre le racisme et la discrimination raciale et de ce point de vue, l'amendement apporté au Code pénal est effectivement une solution dissuasive, a poursuivi M. Amir. Il a en outre salué l'élément positif que constitue l'attitude, rare, de la Fédération nationale de football de Pologne qui a accepté d'abonder dans le sens des directives gouvernementales concernant la lutte contre le racisme dans le milieu sportif, prônant à cet égard une reprise de conscience de la part des supporteurs. M. Amir a par ailleurs pris acte de tout ce qui a été dit par la délégation au sujet du droit des minorités nationales et ethniques et des langues régionales. Il s'est notamment réjoui de constater que la communauté cachoube soit protégée par l'État. Relevant par ailleurs que les Roms refusent d'intégrer les forces de police malgré la volonté politique de l'État de les y intégrer, M. Amir a préconisé de creuser ici la raison pour laquelle les Roms opposent actuellement un tel refus.
En conclusion, M. Amir a porté une appréciation de totale satisfaction à l'issue de l'examen du rapport de la Pologne, faisant observer que la délégation est parvenue à répondre à toutes les questions qui lui ont été posées.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
de la discrimination raciale 6 août 2009
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Pologne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de la Pologne, Mme Elzbieta Radziszewska, Secrétaire d'État à la Chancellerie du Premier Ministre et plénipotentiaire du Gouvernement pour l'égalité de traitement, a souligné que depuis 2004, le pays met en œuvre un programme de lutte contre la discrimination et l'intolérance, conformément aux prescriptions de la Conférence mondiale de Durban contre le racisme. Elle a en outre fait valoir que la Pologne a adopté une loi sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales, qui prévoit la possibilité d'utiliser une langue de minorité ou une langue régionale dans les contacts avec l'administration. Grâce au travail qui a été mené par les diverses institutions concernées, la sensibilisation et la détection des délits à caractère racial ont été renforcées. Le chef de la délégation polonaise a par ailleurs assuré le Comité que son gouvernement était pleinement engagé en faveur de l'insertion de la communauté rom au sein de la société. Elle a attiré l'attention sur les mesures d'assistance spéciale qui ont été prises en faveur de l'éducation des Roms, qui ont notamment permis de faire en sorte que les enfants roms intègrent désormais de plus en plus les classes que suivent tous les autres élèves polonais.
La délégation polonaise était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur et de l'administration, du Ministère de la santé, du Ministère du travail et de la politique sociale, du Ministère de l'éducation, du Ministère de la justice, du Bureau des étrangers, du Bureau du Procureur national, du Siège de la Police générale et de la Mission auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations s'agissant, entre autres, des manifestations de racisme dans les sports; de la définition des notions de minorité nationale et ethnique et de langue régionale; des mesures prises en faveur des langues minoritaires et de l'éducation des membres de ces minorités; de la situation de la communauté rom; des réfugiés tchétchènes; des allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne; ou encore des procédures engagées pour crimes à motivation raciste.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, M. Nourredine Amir, a porté une appréciation de «totale satisfaction» à l'issue de cet examen. Il a notamment salué l'élément positif que constitue l'attitude, rare, de la Fédération nationale de football de Pologne qui a accepté d'abonder dans le sens des directives gouvernementales concernant la lutte contre le racisme dans le milieu sportif. M. Amir s'est par ailleurs référé à certaines informations sur la question du profilage racial selon lesquelles il semblerait que les Arabes et les musulmans soient considérés comme des terroristes potentiels, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001, et que les Roms soient considérés comme des voleurs, a-t-il précisé, ajoutant que les Africains, Asiatiques et Arabes seraient particulièrement vulnérables et soulignant le rôle de la presse dans ce contexte. D'autres membres du Comité ont exprimé des préoccupations s'agissant des nombreuses manifestations de racisme dont la Pologne semble être le théâtre.
Le Comité adoptera, lors de séances privées, ses observations finales sur le rapport de la Pologne, qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 28 août 2009.
Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Chine (CERD/C/CHN/10-13) et les rapports complémentaires des Régions administratives spéciales de Macao (CERD/C/MAC/13) et de Hong Kong (CERD/C/HKG/13).
Présentation du rapport de la Pologne
MME ELZBIETA RADZISZEWSKA, Secrétaire d'État à la Chancellerie du Premier Ministre polonais et plénipotentiaire du Gouvernement polonais pour l'égalité de traitement, a indiqué que ce rapport couvrait la période allant de janvier 2002 à juillet 2005. Elle a assuré que le Gouvernement polonais n'avait ménagé aucun effort pour appliquer les recommandations que le Comité avait présentées à l'issue de l'examen de son précédent rapport. Durant la période couverte par le rapport, les autorités ont pris de nombreuses mesures et ont notamment poursuivi la mise en place d'un système efficace d'institutions de lutte contre la discrimination. Mme Radziszewska a rappelé qu'en 2004, la Pologne est devenue membre de l'Union européenne et a souscrit de ce fait à l'ensemble de la législation européenne. Depuis 2004, le pays met en œuvre son programme de lutte contre la discrimination et l'intolérance pour la période 2004-2009, conformément aux prescriptions de la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban en 2001, a par ailleurs souligné Mme Radziszewska.
La Secrétaire d'État a souligné qu'en janvier 2005, la Pologne a adopté une loi sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales. Cette loi prévoit la possibilité d'utiliser une langue de minorité ou une langue régionale dans les contacts avec l'administration et interdit toute discrimination à l'encontre des personnes qui utilisent une langue régionale, a-t-elle précisé. Elle a en outre fait part de la mise sur pied d'une commission conjointe du Gouvernement polonais et des minorités nationales et ethniques. Par ailleurs, grâce au travail qui a été mené par les diverses institutions concernées, la sensibilisation et la détection des délits à caractère racial ont été renforcées, permettant de réduire quasiment à néant le nombre d'affaires motivées par la haine raciale.
Mme Radziszewska a assuré le Comité que le Gouvernement polonais est pleinement engagé en faveur de l'insertion de la communauté rom au sein de la société. Elle a attiré l'attention sur les mesures d'assistance spéciale qui ont été prises en faveur de l'éducation des Roms. Progressivement, a-t-elle précisé, le nombre de classes spécifiquement roms a été réduit, de sorte que les enfants roms intègrent désormais de plus en plus les classes que suivent tous les autres élèves polonais.
Ces dernières années, les conditions de vie dans les centres pour étrangers requérants d'asile en Pologne se sont améliorées et répondent aux normes internationales, a d'autre part indiqué Mme Radziszewska.
En conclusion, la Secrétaire d'État polonaise a affirmé que le Gouvernement polonais estimait indispensable de promouvoir une coordination plus efficace de l'action dans le domaine de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.
Le dix-neuvième rapport périodique de la Pologne (CERD/C/POL/19) souligne qu'une personne ne peut être considérée comme membre d'une minorité nationale qu'à sa propre demande – si elle recourt aux droits des minorités nationales et ethniques, quelle que soit la réponse qu'elle aura donnée lors du recensement s'agissant de son éventuelle appartenance à une minorité. Il faut en outre souligner que la politique mise en œuvre par le Gouvernement polonais en matière de minorités nationales et ethniques et le volume des ressources financières qui leur sont affectées ne dépendent pas de la taille des minorités individuelles. Les besoins réels et l'activité des minorités sont décisifs à cet égard, précise le rapport. En 2002, le recensement national de la population et du logement contenait, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, une question relative à la nationalité et à la langue parlée à la maison. Selon les résultats de ce recensement, 0,7% de la population polonaise totale déclarait appartenir aux communautés ayant statut de minorité. Les chiffres étaient les suivants: (pour les minorités nationales) Allemands, 147 094; Biélorusses, 47 640; Ukrainiens, 27 172; Lituaniens, 5639; Russes, 3244; Slovaques, 1710; juifs, 1055; Tchèques, 386; Arméniens, 262; ainsi que (pour les minorités ethniques), Roms, 12 731; Ruthènes, 5850; Tartares, 447; Caraïtes, 43; et (pour les personnes parlant une langue régionale) Cachoubes, 52 567. Depuis l'entrée en vigueur, en 1989, de la loi sur les associations, environ 206 associations de minorités nationales et ethniques ont été enregistrées, indique par ailleurs le rapport.
La mise en œuvre du Programme pour la communauté rom en Pologne a été initiée en 2004, poursuit le rapport. Elle doit s'achever en 2013, mais la possibilité d'une prolongation au cours des années ultérieures a été laissée ouverte. De nouvelles possibilités de financement du programme ont été créées grâce à la loi de 2005 sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales qui prévoit la possibilité d'accorder des subventions aux programmes qui contribuent à l'intégration civique des minorités. Les activités entreprises dans le cadre du programme sont complexes et traitent de questions d'éducation, d'amélioration des conditions sociales et des conditions de vie, de soins de santé, de sécurité, de prévention du chômage et de délits d'origine ethnique; elles visent également à mieux faire connaître la minorité rom et à bien l'informer des réformes engagées en Pologne, précise le rapport, ajoutant que l'éducation et l'amélioration des conditions de vie sont les deux premières priorités du programme. Les efforts ont surtout porté sur le règlement des questions relatives à la propriété des parcelles de terrain portant des constructions occupées par des Roms.
En vertu de la loi polonaise, la discrimination raciale est interdite par la Constitution, par les dispositions des Directives 2000/43/EC et 2000/78/EC appliquées par la Pologne suite à son accession à l'Union européenne et par des dispositions légales. Plusieurs articles du Code pénal traitent du sujet à l'étude, notamment l'article 119.1 relatif à la violence et aux menaces illicites à l'égard d'un groupe ou d'un individu en raison de son appartenance raciale; l'article 119.2 relatif à l'incitation publique à commettre un délit défini dans l'article 119.1; l'article 256 relatif à la propagande en faveur du fascisme et autres systèmes totalitaires d'État ou incitation à la haine fondée sur les différences nationales, ethniques, raciales ou religieuses; ou encore l'article 257 relatif à l'insulte publique d'un groupe au sein de la population ou de personnes physiques, en raison de leur appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. NOURREDINE AMIR, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, a félicité la délégation polonaise pour la régularité avec laquelle elle présente ses rapports périodiques devant le Comité et pour la qualité de ses rapports. Il a par ailleurs indiqué que certains rapports alternatifs qui lui sont parvenus ne correspondent pas toujours, même si cela reste exceptionnel, au contenu du rapport présenté par la Pologne. M. Amir a ensuite rappelé un certain nombre de données historiques concernant la Pologne, précisant que c'est sur la base de l'ensemble de ces données qu'il a entrepris d'examiner le présent rapport périodique du pays.
M. Amir a relevé que le rapport de la Pologne reconnaît que les cours de justice n'ont prononcé aucun jugement qui se réfère directement aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La question est de savoir si au cours de la période considérée, aucun délit relevant de la Convention n'a été constaté, ce dont il faudrait alors se féliciter. M. Amir a relevé que, selon ce qu'indique le rapport de la Pologne s'agissant de l'incitation à la haine raciale, les enquêtes en la matière sont organisées par le bureau du Procureur général et qu'à ce stade, plusieurs cas ont été examinés; sur 43 procédures d'enquête engagées, seules trois avaient une relation avec un contenu raciste (sur internet).
M. Amir a jugé suffisamment dissuasives les dispositions prévues dans la Constitution et dans le Code pénal polonais pour contraindre la discrimination raciale; néanmoins, a-t-il ajouté, il reste maintenant à mieux déterminer les questions relatives à la déposition de plaintes, aux procédures d'enquêtes et aux procédures judiciaires.
Affirmant ensuite se référer à certaines informations émanant de rapports alternatifs, M. Amir a évoqué la question du profilage racial au sujet de laquelle il semblerait qu'aucune mesure concrète n'ait été prise pour y mettre un terme. En outre, a-t-il poursuivi, il semble que les Arabes et les musulmans soient considérés comme des terroristes potentiels, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001, et que les Roms soient considérés comme des voleurs. Il y a aussi le problème des ressortissants tchétchènes qui, selon ces rapports alternatifs, rencontreraient des problèmes, notamment en matière de résidence temporaire et d'accès aux soins de santé. Les Africains, les Asiatiques, les Arabes seraient également – selon ces mêmes rapports alternatifs – particulièrement vulnérables du fait de leur apparence physique distincte, le rôle de la presse n'étant pas étranger à cette situation eu égard à l'influence qu'elle exerce sur le subconscient des populations.
Il serait bon, à des fins de dissuasion, que les crimes à caractère raciste fassent l'objet d'une surveillance, de poursuites et de sanctions plus systématiques, a souligné M. Amir. Il n'en demeure pas moins que, compte tenu de son histoire, la Pologne a fait des pas de géant, a-t-il estimé.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir ce qu'il en est actuellement en Pologne de l'intégration éventuelle de Roms dans la police. Dans le contexte du droit du travail, il est indiscutable que des dispositions spéciales ont été prises afin de donner suite au contenu de la Directive 2000/43/EC de l'Union européenne qui vise à garantir le principe de non-discrimination et l'égalité entre toutes les races et nationalités; en revanche, il serait bon de connaître les mesures qui ont été prises dans d'autres domaines pour donner suite à cette Directive, a ajouté cet expert.
Un autre expert a souhaité savoir si un enseignement en langue rom est prévu en Pologne. Il s'est en outre inquiété de la tendance en Pologne à considérer que les étrangers ont toujours tort lorsqu'il y a conflit entre Polonais et étrangers, par exemple dans le contexte d'un accident de la route. L'expert s'est par ailleurs inquiété des informations faisant état d'actes de violences racistes contre les groupes à apparence physique distincte – Africains, Asiatiques, Arabes ou juifs orthodoxes, par exemple. Il semble en outre que certaines organisations, notamment des organisations de jeunes, propagent des idées racistes et provoquent des désordres à connotation raciste. Ces organisations de jeunes sont apparentées à un parti politique représenté au Parlement, de sorte qu'il devient difficile de prendre des mesures à leur encontre; il faudra pourtant trouver un moyen de combattre ces organisations, a souligné l'expert.
Un membre du Comité a mis l'accent sur la nécessité de veiller à ce que des différences s'agissant des droits accordés à tel ou tel groupe minoritaire ne se traduisent pas par des formes de discrimination.
Un expert a souhaité en savoir davantage sur les questions relatives à la scolarité des enfants réfugiés ou requérants d'asile.
Un autre expert a relevé que les pratiques discriminatoires restent un problème en Pologne où elles ciblent particulièrement les personnes d'origine africaine. Selon certaines organisations non gouvernementales, le nombre de crimes racistes serait en augmentation et il serait intéressant, dans ce contexte, de savoir comment ces cas ont été traités judiciairement. La Pologne est marquée par le racisme, il faut le dire, a insisté cet expert.
Un membre du Comité a relevé de nombreux aspects positifs dans le rapport présenté au Comité par la Pologne. Cet expert a notamment relevé, à cet égard, l'exposé, figurant dans le rapport, des différentes mesures prises pour combattre la discrimination raciale ainsi que le programme mis en place en faveur de la communauté rom. Les dispositions de la législation polonaise semblent correspondre, globalement, aux exigences de l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (qui traite de l'incrimination de la discrimination raciale), a poursuivi cet expert. Il s'est en outre réjoui que le rapport contienne des statistiques judiciaires, s'agissant notamment des poursuites engagées pour crimes racistes, ce qui est assez rare dans les rapports d'États parties. Ce même expert s'est toutefois inquiété d'informations selon lesquelles des actes tels que les publications antisémites, la profanation de cimetière religieux ou les actions de jeunes extrémistes ne feraient pas l'objet d'enquêtes et de poursuites suffisantes; ce problème semble persister, a-t-il insisté. La législation polonaise prévoit-elle des circonstances aggravantes en cas de motivation raciste des crimes et délits, a demandé cet expert? Il s'est en outre enquis du bilan de l'intégration des enfants roms dans les écoles ordinaires.
Un membre du Comité s'est inquiété du racisme dans le monde du sport en Pologne, rappelant à cet égard qu'en 2012, le pays accueillera un important championnat européen de football.
Un expert s'est enquis des raisons pour lesquelles la population caraïte semble si peu représentée en Pologne, 43 personnes seulement s'étant identifiées comme telles lors du recensement de 2002.
Réponses de la délégation
La délégation de la Pologne a d'emblée tenu à souligner que les stéréotypes ancrés dans la mentalité publique sont particulièrement difficiles à contrer. Elle a rappelé que les autorités polonaises avaient perçu une lacune s'agissant de la sanction pénale des discours de haine et avaient donc proposé un amendement à la législation pénale afin de combler cette lacune.
La délégation a par ailleurs indiqué que le programme national de lutte contre le racisme n'avait pas été suivi d'effet pendant trois ans pour la simple raison que le Gouvernement n'en avait pas confié la mise en œuvre à une institution particulière, ce qui a maintenant été corrigé.
S'agissant de la question des hooligans, la délégation a souligné que la Pologne s'est dotée d'une loi permettant de lutter contre l'anonymat qui alimentait le sentiment d'impunité dans les stades; ainsi, les supporteurs cagoulés peuvent désormais être expulsés du stade. En 2009, au total, quatre mises en accusation ont été prononcées pour des faits de racisme dans les sports, a indiqué la délégation.
S'agissant de ce que recouvre la notion de minorité nationale, la délégation a indiqué que selon la loi, est considéré comme minorité nationale un groupe de citoyens polonais dont la population est moins nombreuse que le reste de la population polonaise, possède des différences notables du point de vue notamment culturel et linguistique, essaie de préserver sa langue, sa culture et ses traditions, est consciente de son patrimoine culturel et s'emploie à le protéger et dont les ancêtres doivent vivre sur le territoire de la Pologne depuis au moins cent ans. Cette définition est également applicable aux minorités ethniques, à la différence notable que les minorités nationales, elles, s'identifient en outre à un État existant. La seule langue régionale, reconnue au sens de la Charte européenne sur les langues régionales, est la langue cachoube, a par ailleurs indiqué la délégation. Il s'agit donc d'une langue qui est juridiquement protégée par l'État, a-t-elle précisé.
À certains moments de l'histoire de la Pologne, les minorités ont représenté de 30 à 50% de la population du pays, a poursuivi la délégation, avant d'évoquer, entre autres, l'extermination des juifs et des roms par les nazis. On assiste aujourd'hui à une diminution du nombre de personnes appartenant à des minorités mais en aucune manière à une diminution du nombre de minorités qui, minorités nationales et ethniques confondues, reste établi à 13 - à quoi il faut ajouter la langue régionale cachoube reconnue, a-t-il ajouté.
Le Recensement de la population de 2002 a été le premier depuis celui de l'entre deux guerres à comporter une question sur la nationalité et sur la langue. Le prochain recensement de la population est prévu pour 2011 et les autorités sont en train de discuter avec les représentants des minorités afin de voir comment obtenir les données les plus transparentes et dignes de foi, a indiqué la délégation.
La délégation a souligné qu'en ce qui concerne le droit électoral, la législation polonaise est l'une des rares au monde à accorder un traitement préférentiel aux organisations des minorités ethniques.
La délégation a par ailleurs souligné que les langues minoritaires, ethniques ou régionales sont reconnues en Pologne comme un atout et doivent donc être protégées par les pouvoirs publics. La Constitution garantit le droit de chacun, le cas échéant, à un enseignement dans la langue minoritaire ou régionale de la communauté à laquelle il appartient, a-t-elle rappelé. Il appartient en outre au Ministère de l'éducation de prendre des mesures afin de promouvoir la connaissance des us et coutumes, c'est-à-dire du patrimoine culturel, des minorités, a-t-elle souligné.
Des stratégies ont été adoptées pour les minorités lituanienne et allemande et la Pologne entend se doter de documents similaires pour toutes les minorités, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a indiqué que la langue rom, qui est uniquement orale, n'est pas enseignée dans les écoles publiques polonaises car les parents roms n'ont pas manifesté de désir en ce sens. Des tentatives ont été faites pour codifier la langue rom dans le cadre d'un programme du Conseil de l'Europe, a ensuite fait savoir la délégation. Toutefois, la promotion de l'enseignement de la langue rom prendra encore du temps car il faut agir auprès des parents qui, jusqu'ici, ne sont pas demandeurs. La délégation a expliqué que les autorités polonaises mettent l'accent sur le volet éducatif de l'action en faveur des Roms car elles sont convaincues que la solution des problèmes de la communauté rom en matière d'éducation constitue la clef pour la résolution de nombreux autres problèmes auxquels est confrontée cette communauté. Un système de bourses spéciales a été mis en place à l'intention des enfants roms particulièrement doués, a notamment indiqué la délégation. Grâce aux mesures qui ont été prises afin de promouvoir l'éducation des Roms, on a enregistré une présence scolaire accrue des enfants roms.
Tous les pays qui ont pu avoir recours à la méthode des classes spéciales distinctes pour les enfants roms ont abouti à la conclusion qu'un tel système avait finalement pour effet d'isoler les enfants roms et les empêchait, par la suite, de poursuivre leur éducation. Le nombre de ces classes distinctes pour enfants roms, qui était de plusieurs dizaines lors du lancement de cette pratique, est tombé à 3 l'an dernier, regroupant moins d'une centaine d'élèves. Le Ministère de l'éducation a maintenant décrété l'interdiction de ce type de classe pour l'avenir. Ainsi, tous les enfants roms vont-ils désormais intégrer les classes ordinaires du système d'enseignement polonais, a souligné la délégation.
Pour l'heure, la Pologne ne compte pas d'agent de police rom, a indiqué la délégation. Elle a toutefois tenu à ajouter que la communauté rom considère qu'entrer dans la police comporte un aspect infamant et ses membres ne souhaitent donc pas travailler dans ce corps de métier.
La loi polonaise interdit le profilage ethnique par la police, a par ailleurs assuré la délégation.
La délégation a par ailleurs rappelé que les instruments internationaux ratifiés par la Pologne et publiés au Journal officiel font intégralement partie du système juridique interne polonais et prévalent sur les lois internes. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que les tribunaux polonais appliquent des peines de plus en plus lourdes pour les crimes à motivation raciale. Depuis 2008, le nombre de procédures engagées pour crimes à motivation raciste a nettement augmenté, a-t-elle ajouté, faisant observer que cela révèle une meilleure sensibilisation et une meilleure réaction de l'opinion face à ce type de délits. En 2008, 28 condamnations ont été prononcées par les tribunaux pour de tels crimes, a précisé la délégation. Elle a en outre fait part d'un certain nombre de poursuites engagées contre certaines publications ou contenus racistes ou contre des organisations ou partis tels que le Camp radical national ou le parti Renaissance nationale Pologne.
S'agissant des questions relatives aux réfugiés tchétchènes, la délégation a expliqué que généralement, lorsque des personnes d'origine tchétchène arrivent en Pologne, elles demandent une protection sous la forme du statut de réfugié plutôt qu'une autorisation de séjour temporaire. Si elles ne répondent pas aux critères nécessaires pour obtenir le statut de réfugiés, ces personnes – lorsqu'elles ne peuvent être expulsées parce que, par exemple parce, elles encourent des risques dans leur pays d'origine – peuvent encore bénéficier d'une protection complémentaire, sous forme d'une permission de séjour toléré. La protection sociale pour ces dernières personnes est alors la même que pour les réfugiés, a précisé la délégation. Les Tchétchènes constituent le groupe d'étrangers le plus nombreux ayant bénéficié d'une protection sur le territoire de la Pologne, a-t-elle en outre fait savoir.
Tout mineur de moins de 15 ans se trouvant sur le territoire de la Pologne est soumis à une obligation de scolarisation et ce, indépendamment de toute considération de citoyenneté, de nationalité ou de son statut de résident en Pologne, a par ailleurs souligné la délégation.
Pour un étranger, refuser de se soumettre à un test de dépistage du VIH/sida n'a absolument aucune conséquence sur le traitement de sa demande d'asile, a par ailleurs assuré la délégation.
En réponse à la question d'un membre du Comité, la délégation polonaise a indiqué que les résultats de l'enquête sur les allégations de prisons secrètes de la CIA en Pologne ont été présentés aux instances judiciaires compétentes au mois d'avril dernier. Pour l'heure, ce dossier reste confidentiel puisque la procédure est en cours et il n'est donc pas possible de dire quoi que ce soit à ce propos. Une fois la procédure achevée et les conclusions rendues, toute information nécessaire ou demandée sera présentée aux organismes internationaux.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, M. NOURREDINE AMIR, a retenu qu'il n'existe pas d'instance spécifique pour traiter de la question de la discrimination en Pologne. Néanmoins, la mise sur pied de l'institution que dirige le chef de la délégation polonaise témoigne d'une conscience nouvelle qui, s'est-il dit convaincu, va faire changer certains esprits et certaines attitudes. La délégation a fait part de l'existence de lois nouvelles visant à combattre le racisme et la discrimination raciale et de ce point de vue, l'amendement apporté au Code pénal est effectivement une solution dissuasive, a poursuivi M. Amir. Il a en outre salué l'élément positif que constitue l'attitude, rare, de la Fédération nationale de football de Pologne qui a accepté d'abonder dans le sens des directives gouvernementales concernant la lutte contre le racisme dans le milieu sportif, prônant à cet égard une reprise de conscience de la part des supporteurs. M. Amir a par ailleurs pris acte de tout ce qui a été dit par la délégation au sujet du droit des minorités nationales et ethniques et des langues régionales. Il s'est notamment réjoui de constater que la communauté cachoube soit protégée par l'État. Relevant par ailleurs que les Roms refusent d'intégrer les forces de police malgré la volonté politique de l'État de les y intégrer, M. Amir a préconisé de creuser ici la raison pour laquelle les Roms opposent actuellement un tel refus.
En conclusion, M. Amir a porté une appréciation de totale satisfaction à l'issue de l'examen du rapport de la Pologne, faisant observer que la délégation est parvenue à répondre à toutes les questions qui lui ont été posées.
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