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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'INDONÉSIE

09 août 2007


Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
9 août 2007


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de l'Indonésie sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport, M. Raghavan Vasudevan Pillai, s'est félicité que l'Indonésie ait accédé à la Convention sans émettre la moindre réserve; il s'agit d'un exemple à suivre, a-t-il déclaré. Le rapporteur a rappelé que les questions relatives aux autochtones ont été particulièrement débattues au cours des échanges entre le Comité et la délégation, s'agissant notamment des questions relatives à la religion, à la langue et à la reconnaissance de leurs droits sur la terre et de leurs modes de vie. Il serait bon que l'Indonésie suive les recommandations du Comité à ce sujet, a souligné M. Pillai. Il faudrait en outre que soit adoptée une loi sur l'enregistrement civil des mariages, afin règler le problème de la certification des mariages pour les personnes qui ne pratiquent pas une religion reconnue. M. Pillai a invité l'Indonésie à réexaminer la définition de la discrimination raciale retenue dans son droit interne afin de l'aligner sur les dispositions de l'article premier de la Convention. Il s'est en outre inquiété des effets irréversibles que pourraient avoir eus pour certaines populations autochtones les importantes migrations de population opérées dans le pays.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport de l'Indonésie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 17 août 2007.

Présentant le rapport de son pays, la Directrice générale de la protection des droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de l'Indonésie, Mme Harkristuti Harkrisnowo, a souligné que la nouvelle loi sur la citoyenneté a été adoptée en 2006 afin de rectifier les problèmes qui découlaient de l'ancienne loi sur la citoyenneté, laquelle contenait des dispositions discriminatoires à l'encontre des femmes et des enfants. Mme Harkrisnowo a par ailleurs affirmé que, depuis 2004, aucune violation flagrante et massive des droits de l'homme ne s'est produite en Indonésie. Elle a souligné que, s'il y a eu des tentatives de briser l'unité de la nation, ces épreuves ont toutes été surmontées avec succès. Au cours de l'année écoulée, a-t-elle poursuivi, les menaces et les troubles sécuritaires ont cessé dans plusieurs régions. Néanmoins, a-t-elle admis, certains conflits sont profondément enracinés et il n'est parfois pas facile de réconcilier les parties impliquées.

L'imposante délégation indonésienne, forte d'une vingtaine de membres, était notamment composée du Représentant permanent de l'Indonésie auprès des Nations Unies à Genève, M. Makarim Wibisono, et d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères, ainsi que de représentants du Ministère des affaires sociales, du Ministère du bien-être de la population, du Ministère des affaires intérieures, du Ministère de la main-d'œuvre et des migrations et du Ministère de la promotion de la femme, de même que de la Commission de l'Ombudsman, de la Cour constitutionnelle, de la Police et du Bureau du Procureur général. Elle a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, les recours dont disposent les victimes de discrimination raciale, la question foncière et la situation des populations vivant dans les régions d'exploitation des forêts et de plantations, les questions relatives aux autochtones, les questions religieuses, le règlement des conflits ethniques.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du quatorzième rapport périodique de la République de Corée (CERD/C/KOR/4).



Présentation du rapport

MME HARKRISTUTI HARKRISNOWO, Directrice générale de la protection des droits de l'homme au Ministère de la justice et des droits de l'homme de l'Indonésie, a assuré que le pays entendait tirer le meilleur parti de l'expertise du Comité pour renforcer ses politiques et pratiques en matière de lutte contre la discrimination raciale dans le pays. Elle a rappelé que les élections – parlementaires, présidentielles et locales – qui se sont déroulées dernièrement dans le pays ont été saluées par les observateurs internationaux comme ayant été libres, démocratiques, honnêtes et pacifiques. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur les amendements apportés en 1999, 2000, 2001 et 2002 à la Constitution de 1945 afin de renforcer la cause de la démocratisation, des droits de l'homme et de la primauté du droit en Indonésie. Désormais, a-t-elle insisté, le pays dispose d'un système qui garantit la promotion et la protection de toute une série de droits de l'homme, conformément à la Charte des droits de l'homme (c'est-à-dire à la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels que le pays a d'ailleurs ratifiés). Une Cour constitutionnelle a été créée en 2003. La Directrice générale de la protection des droits de l'homme a en outre fait part de l'adoption, en 2006, d'une loi sur la protection des témoins et des victimes et d'une loi sur la citoyenneté. Cette année, une loi traitant du trafic de personnes a également été adoptée, a-t-elle ajouté.

Mme Harkrisnowo a indiqué que la nouvelle loi sur la citoyenneté a été adoptée le 10 juillet 2006, afin de rectifier les problèmes qui découlaient de l'ancienne loi sur la citoyenneté, laquelle contenait des dispositions discriminatoires à l'encontre des femmes et des enfants. En vertu de l'ancienne loi, les enfants de femmes indonésiennes mariées à des étrangers se voyaient seulement accorder la nationalité de leurs pères. Désormais, la nouvelle loi retient toujours le principe du jus sanguinis, mais le principe du jus soli peut-être appliqué dans des cas limités pour les enfants, conformément à la loi, à savoir: pour les enfants nés de mère ou de père indonésien, que leurs parents soient légalement mariés ou non; pour les enfants nés en Indonésie, même si le statut de la mère et du père au regard de la citoyenneté n'est pas clair; et pour les enfants nés en Indonésie de parents étrangers et dont le père et la mère sont morts avant d'avoir prêté serment. En outre, a précisé Mme Harkrisnowo, les enfants nés de mariages mixtes peuvent bénéficier d'une double nationalité; toutefois, lorsqu'ils auront atteint l'âge de 18 ans ou après s'être mariés, ils devront choisir l'une des deux nationalités, leur double nationalité pouvant être prorogée pour une durée maximale de trois ans seulement. Mme Harkrisnowo a par ailleurs souligné qu'en vertu de la nouvelle loi, les étrangers qui se marient légalement à un citoyen indonésien peuvent devenir citoyens indonésiens après avoir résidé cinq années consécutives en Indonésie.

Mme Harkrisnowo a par ailleurs déclaré que son pays est fier de pouvoir affirmer que depuis 2004, aucune violation flagrante et massive des droits de l'homme ne s'est produite en Indonésie. Elle a en outre souligné que l'Indonésie ne souhaite plus un gouvernement centralisateur; c'est pourquoi les régions autonomes peuvent désormais gérer leurs ressources à leur guise et fournir de meilleurs services publics qu'auparavant, a-t-elle fait valoir. Dans le cadre du processus de démocratisation dont a bénéficié l'Indonésie, a poursuivi Mme Harkrisnowo, ont été reconnus les besoins spécifiques et la culture des communautés locales et des groupes ethniques. Avec l'application de la nouvelle loi sur l'autonomie régionale de 2004, de plus en plus de membres des communautés locales sont directement impliqués dans la gouvernance aux niveaux parlementaire et gouvernemental.

Mme Harkrisnowo a souligné que si des tentatives de briser l'unité de la nation ont parfois été menées, ces épreuves ont toutes été surmontées avec succès. Dans une société aussi hétérogène et pluraliste que l'Indonésie, les conflits sont inévitables, a-t-elle déclaré. Il n'en demeure pas moins que les conflits prolongés et les querelles sont destructeurs, en particulier maintenant que le pays a récemment été touché par des catastrophes naturelles qui ont inévitablement réduit la qualité de vie de la population. Aussi, le Gouvernement indonésien a-t-il pris toutes les mesures possibles pour gérer les conflits et apporter la paix entre toutes les parties concernées. Au cours de l'année écoulée, a poursuivi Mme Harkrisnowo, les menaces et les troubles sécuritaires ont cessé dans plusieurs régions. Néanmoins, a-t-elle admis, certains conflits sont profondément enracinés et il n'est parfois pas facile de réconcilier les parties impliquées. Cela ne décourage pas pour autant le Gouvernement ni les membres de la société civile, a-t-elle souligné. Les personnes qui vivent dans des zones qui ont été affectées par des conflits comme Aceh, Poso, les Moluques et les Moluques Nord peuvent désormais jouir d'une vie plus sûre et plus pacifique, a assuré Mme Harkrisnowo. C'est également le cas dans d'autres régions, a-t-elle ajouté.

Jusqu'en 1996, a poursuivi Mme Harkrisnowo, la distinction entre Indonésiens autochtones natifs (pribumi) et non-natifs (non-pribumi) était assez prononcée dans le pays; il s'agissait là sans aucun doute d'une réminiscence des anciennes règles des Indes orientales néerlandaises qui plaçaient les Indonésiens natifs au bas de l'échelle sociale. Il convient de s'en rappeler pour comprendre pourquoi la Constitution originelle de 1945 faisait référence aux natifs et aux non-natifs, dans le but d'améliorer le statut et les droits des Indonésiens natifs qui avaient jusque là été négligés. Il n'en demeure pas moins que cette distinction opérée par le gouvernement colonial néerlandais a eu un profond impact sur la société. Mme Harkrisnowo a expliqué que d'une certaine façon, le fait est que la terminologie de «non-pribumi» s'appliquait seulement aux Indonésiens d'origine chinoise et non pas aux Indonésiens d'autres origines, telles qu'arabe et indienne, par exemple. Aussi, conformément aux principes d'égalité et de non-discrimination, un décret présidentiel a-t-il été adopté en 1998 afin de mettre un terme à l'utilisation des termes «pribumi» et «non-pribumi». Cette nouvelle norme devrait éliminer ou tout au moins réduire les vestiges de la distinction discriminatoire susmentionnée, a affirmé Mme Harkrisnowo.


Le rapport de l'Indonésie (CERD/C/IDN/3 regroupant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques) indique que l'Indonésie, pays d'environ 201 millions d'habitants, est composé de plus de 1000 groupes ethniques parlant plus de 500 langues. L'Indonésie est une nation multiculturelle qui ne pratique à l'égard de ses habitants aucune discrimination fondée sur l'origine, souligne en outre le rapport. Le Gouvernement octroie une protection et un traitement spécial aux communautés éloignées vivant dans 27 des 33 provinces du pays, notamment en leur fournissant des logements, des services d'administration de la population et d'autres services. En 2004, le Gouvernement indonésien a publié le deuxième plan d'action pour les droits de l'homme (pour la période 2004-2009), dont le principal objectif est d'assurer plus largement le respect, la promotion, la réalisation et la protection des droits de l'homme en Indonésie en tenant compte des religions, coutumes et valeurs culturelles du peuple indonésien. La loi de 1999 sur les droits de l'homme définit la discrimination comme «toute restriction, altération ou exception, directe ou indirecte, reposant sur une différentiation entre personnes fondée sur la religion, l'origine ethnique, la race, l'ethnie, le groupe, la faction, le statut social, le statut économique, le sexe, la langue ou les convictions politiques entraînant une restriction, violation ou révocation touchant la reconnaissance, le respect ou l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, juridique, social, culturel ou autre de la vie personnelle ou collective». Cette même loi prescrit la protection de chacun contre la discrimination. Il n'existe pas de discrimination, directe ou indirecte, aiguë ou ordinaire, ni de discrimination quotidienne en Indonésie, le droit national garantissant l'élimination de la discrimination, affirme le rapport. La sanction appliquée en cas de discrimination est fixée dans la loi de 2000 sur les tribunaux des droits de l'homme.

Les émeutes de mai 1998 semblent avoir donné lieu à des actes de discrimination raciale, reconnaît par ailleurs le rapport. Un grand nombre d'Indonésiens d'ascendance chinoise ont alors été victimes de viols et d'homicides. Le Gouvernement a créé une équipe chargée d'enquêter sur les émeutes, laquelle a présenté ses conclusions à la police, pour suite à donner. Le Gouvernement s'est par ailleurs efforcé de réviser et d'abolir les règlements contenant des dispositions discriminatoires. Il a, par exemple, aboli la «Preuve de la citoyenneté indonésienne» exigé des Indonésiens d'origine chinoise. Toutefois, dans la pratique, les banques, par exemple, exigent parfois la preuve de la citoyenneté indonésienne pour accorder un prêt à un client, en dépit de l'instruction présidentielle de 1998 interdisant la discrimination raciale, dans laquelle il est énoncé que la preuve de la citoyenneté indonésienne ne doit pas être exigée pour une demande de prêt auprès d'une banque. L'abolition de l'exigence de la preuve de la citoyenneté indonésienne et de l'enregistrement du mariage des adeptes d'une religion autre que les cinq religions reconnues par le Gouvernement a également été inscrite dans le Plan d'action national pour les droits de l'homme pour la période 2004-2009. La mesure la plus concrète prise par le Gouvernement en vue d'éradiquer la discrimination est la loi de 2003 sur les employés, qui dispose que, en matière de recherche d'emploi, tous ont les mêmes droits sans aucune discrimination, fait savoir le rapport.

La Constitution de 1945 protège pleinement les droits des autochtones, souligne le rapport. Toutefois, dans la pratique, la tâche d'assurer la survie des autochtones s'avère particulièrement ardue, reconnaît-il. Le rapport affirme que «les autochtones vivent dans la dépendance à l'égard de la nature, non en vertu d'un contrat social». Ils jouissent de tous les droits. Parmi les mesures concrètes et spécifiques que le Gouvernement a prises en vue de garantir le développement et la protection des groupes raciaux et de certaines personnes, figure la promulgation de l'instruction présidentielle relative à la mise en œuvre de la politique et de la stratégie nationales pour l'accélération du développement de la partie orientale de l'Indonésie. L'un des objectifs de l'instruction est le règlement, chose urgente et importante, de divers conflits horizontaux, notamment entre les Dayak (peuple autochtone) et les Madura dans le Kalimantan occidental et central, entre les Ambon et les Bugis dans l'île de Maluku, et entre les groupes ethniques des Ternate et des Tidore. Bien que la devise de l'Indonésie prône l'unité dans la diversité, dans la réalité, la prévention des conflits n'est pas forcément une mince affaire. En 1994, par exemple, des affrontements ethniques ont éclaté à Palangkaraya, dans le centre de Kalimantan, entre la population autochtone (groupe ethnique dayak) et des nouveaux habitants (groupe ethnique madura), migrants venus de la partie orientale de Java. Par suite d'un malentendu, les deux groupes se sont engagés dans un conflit qui a fait de nombreuses victimes de chaque côté. Des centaines de personnes, essentiellement de l'ethnie madura, y ont perdu la vie et ceux qui ont survécu ont dû quitter la zone de conflit. Les autorités locales n'ont eu d'autre choix que de séparer les deux groupes ethniques pendant un temps ou de leur imposer des mesures de ségrégation. Toutefois, cette politique n'était que provisoire et ne visait qu'à éviter une aggravation de la situation. De nombreuses personnes appartenant à l'ethnie madura, qui avaient abandonné leur maison, dans le centre de Kalimantan, y sont revenues naturellement quelque temps après. Les deux groupes vivent aujourd'hui côte à côte, mais ils ont tiré des événements passés une leçon importante sur la façon de vivre ensemble en harmonie. L'augmentation du nombre de personnes déplacées en Indonésie, tout particulièrement à la suite des catastrophes survenues dans le pays, impose aux autorités d'établir un ensemble de principes directeurs applicables dans ce genre de situations, aux fins de prévenir toute discrimination. Les divergences entre les autorités locales et le pouvoir central en matière de promotion et de protection des droits de l'homme contribuent également aux difficultés rencontrées dans de telles situations.



Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Indonésie, M. RAGHAVAN VASUDEVAN PILLAI, a rappelé que l'Indonésie a ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 1999 et devait présenter son rapport initial en 2000. L'Indonésie – qui est membre du Conseil des droits de l'homme – est connue pour son engagement en faveur des droits de l'homme et il faut espérer qu'au fil du temps, le pays sera en mesure de respecter les délais fixés pour la présentation des rapports. Il a attiré l'attention du pays sur les directives du Comité concernant la présentation des rapports des États parties.

M. Pillai s'est par ailleurs réjoui que le rapport présenté par l'Indonésie reconnaisse le caractère pluriethnique de la population indonésienne et fasse état d'une volonté de promouvoir le développement les régions orientales du pays. Il a néanmoins estimé que certaines parties du rapport traitant des questions autochtones sont difficiles à comprendre. Relevant que le rapport fait état des efforts déployés pour assimiler les personnes d'origine chinoise aux Indonésiens de souche et qu'un groupe de travail sur l'intégration sociale a été créé - entre autres à cette fin, M. Pillai a souhaité en savoir davantage sur les activités de ce groupe de travail.

Le rapporteur a par ailleurs invité l'Indonésie à réexaminer la définition de la discrimination raciale retenue par l'Indonésie dans son droit interne afin de l'aligner sur les dispositions de l'article premier de la Convention.

M. Pillai s'est par ailleurs fait l'écho de certaines préoccupations exprimées par la société civile, s'agissant notamment de l'absence de procédure concrète permettant de se saisir de plaintes pour discrimination. Il a en outre demandé un complément d'informations au sujet des enquêtes qui ont été menées suite aux émeutes de 1998 qui, selon ce qu'affirme le rapport lui-même, semblent avoir donné lieu à des actes de discrimination, en particulier à l'encontre des personnes d'origine chinoise.

Dans certaines régions du pays, la pauvreté est plus marquée que dans la capitale Djakarta, ce qui semble nourrir certains conflits, a poursuivi M. Pillai.

Seules six religions sont officiellement reconnues, a par ailleurs relevé le rapporteur. Dans certaines régions du pays, a-t-il fait observer, la religion de la personne figure sur sa carte d'identité, ce qui constitue un acte de discrimination à l'égard des populations autochtones et autres qui pratiquent des religions différentes que celles qui sont officiellement reconnues.

M. Pillai s'est en outre inquiété des effets irréversibles que pourraient avoir eus pour certaines populations autochtones des migrations de population opérées dans le pays. Onze organisations non gouvernementales ont demandé au Comité que la situation de certaines populations autochtones d'Indonésie soit examinée dans le cadre de sa procédure d'alerte rapide et d'action urgente, a fait savoir M. Pillai. Il a en outre rappelé qu'en mai dernier, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones avait estimé que des populations autochtones indonésiennes étaient sur le point de perdre leurs territoires traditionnels en raison de certaines activités de plantation.


Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la situation actuelle de l'autonomie spéciale dont bénéficie la Papouasie dans le contexte de la loi sur la décentralisation de 2004.

Relevant que le paragraphe 90 du rapport affirme qu'«il n'existe pas de discrimination, directe ou indirecte, aiguë ou ordinaire, ni de discrimination quotidienne en Indonésie, le droit national garantissant l'élimination de la discrimination», plusieurs membres du Comité ont souligné que si le droit indonésien interdit la discrimination, cela ne signifie pas pour autant que les individus obtempèrent et qu'il n'y a pas d'actes de discrimination raciale au quotidien.

Plusieurs experts ont en outre souhaité en savoir davantage sur les pratiques en Indonésie s'agissant de l'inscription de la religion sur les cartes d'identité.

Un expert s'est enquis de la protection des réfugiés en Indonésie, faisant observer que le pays est l'un des rares au monde à ne pas avoir encore ratifié ni la Convention de 1951 relative au statut de réfugié ni son Protocole de 1967.

À l'instar de M. Pillai, un membre du Comité s'est enquis des résultats de l'enquête menée suite aux émeutes de 1998 ainsi que des résultats concrets des mesures qui ont été prises par la suite afin de remédier aux causes de ces événements.

Relevant que le rapport fait mention de communautés traditionnelles, d'autochtones et de minorités ethniques, un expert a souhaité comprendre quelles populations sont concernées par chacune de ces désignations. Il s'est enquis de la situation des travailleurs migrants ainsi que de la situation qui prévaut dans les camps de réfugiés en Indonésie, s'agissant plus particulièrement des enfants.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le Code pénal indonésien prévoit des sanctions contre le tourisme sexuel et la pédophilie, pratiques qui touchent des populations particulièrement vulnérables. Il s'est par ailleurs interrogé sur le sort des paysans qui se trouvaient dans les forêts et sur les terres qui ont été exploitées aux fins de la production de caoutchouc.

Un membre du Comité a demandé à la délégation si elle estimait que l'ensemble des dispositions existantes qui pouvaient être considérées comme discriminatoires ont désormais été abrogées dans le pays.


Réponses et renseignements complémentaires de la délégation

Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme (Komnas HAM) a rappelé qu'en vertu de la loi n°39 de 1999 sur les droits de l'homme, la Commission est une institution indépendante chargée d'activités d'études, de sensibilisation, de suivi et de médiation s'agissant des questions de droits de l'homme. En vertu du système juridique indonésien, lorsque le Gouvernement adopte ou ratifie un traité de droit international, ce dernier prend force de loi interne, a indiqué le représentant de la Commission des droits de l'homme. Il a ajouté que la question de la discrimination en Indonésie ne renvoie pas seulement à la discrimination raciale, le pays ayant en effet à faire face à un certain nombre d'autres questions de discrimination, s'agissant par exemple des personnes handicapées, du statut social, de la politique, de la religion ou de la croyance. La Commission nationale des droits de l'homme ne soutient pas le projet de loi sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale eu égard au fait que l'Indonésie dispose déjà de la loi n°29 de 1999 (portant ratification de la Convention), et aussi parce que la discrimination ne se limite pas à la seule discrimination raciale.

En ce qui concerne les événements de mai 1998, le représentant de la Commission nationale des droits de l'homme a indiqué que les informations recueillies dans le cadre de l'enquête menée par la Commission ont conclu qu'il y avait suffisamment de preuves permettent de dire qu'il y a eu des violations graves des droits de l'homme, en particulier des crimes contre l'humanité. Les résultats de l'enquête menée par la Commission ont été transmis au Procureur afin que des poursuites soient engagées. La Commission a en outre fait pression sur la Chambre des représentants afin qu'elle recommande au Président de la République de créer un tribunal spécial sur les émeutes de 1998. Après avoir étudié le rapport de la
La délégation a ensuite affirmé que les émeutes de 1998 n'étaient pas de simples incidents et étaient liées aux événements généraux que connaissait Indonésie à l'époque, le pays étant alors en cours de transformation après l'ère Suharto. Les personnes d'origine chinoise n'étaient pas seules visées dans ce contexte, a souligné la délégation, ajoutant que les violences n'étaient pas le fait de groupes ethniques déterminés. Une enquête menée en 1998 a conclu que ces émeutes s'inscrivaient dans un processus général de troubles politiques, a insisté la délégation. Le pays se trouvait dans une période de transition très importante pour passer d'un système autoritaire à un système démocratique, a-t-elle ajouté.

L'Indonésie s'efforce toujours de faire respecter la loi, en particulier pour ce qui est des lois relatives à l'exploitation de la terre, a poursuivi la délégation. La loi de 2007 sur les investissements étrangers insiste sur la responsabilité sociale des entreprises, a-t-elle fait valoir, précisant que les services chargés de faire appliquer cette loi vont être dûment renforcés afin d'en assurer l'application, étant donné que la notion de responsabilité sociale des entreprises est une notion nouvelle qu'il convient de faire connaître.

En vertu de la loi n°29 de 1999 portant ratification de la Convention, les principes d'égalité et de non-discrimination sont pleinement assurés, a par ailleurs assuré la délégation.

Interrogée sur les recours dont disposent les victimes de discrimination raciale, la délégation a souligné que le droit de toute personne de ne pas être soumise à une forme quelconque de discrimination raciale est garanti par la Constitution et par la législation nationale - notamment l'article 26 du Code pénal en vertu duquel un acte de discrimination raciale peut être sanctionné d'une peine pouvant aller jusqu'à quatre années d'emprisonnement. En outre, la Commission nationale des droits de l'homme peut être saisie de plaintes contre tout acte de discrimination, y compris de discrimination raciale, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne les questions relatives aux autochtones, la délégation a indiqué qu'en Indonésie, la notion d'autochtone renvoie aux peuples qui vivaient depuis des temps immémoriaux sur le territoire. La délégation a rappelé l'héritage des distinctions opérées à l'époque coloniale en vertu desquelles les habitants de l'Indonésie étaient classés en personnes d'origine européenne, autochtones et Asiatiques non indonésiens. La manière dont les autorités indonésiennes comprennent la notion d'«autochtone» n'est pas différente de celle dont cette notion est abordée dans la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux, a précisé la délégation, un membre du Comité jugeant cette approche intéressante du point de vue d'une éventuelle ratification de cette Convention.


La plupart des Indonésiens considèrent que la voie du bonheur passe par la modernisation, l'industrialisation et la prospérité dans le monde moderne, a affirmé la délégation; mais il y a des gens qui ne considèrent pas que la modernisation est la voie du bonheur et qui préfèrent s'en tenir à leurs coutumes et lois ancestrales. Pour ce qui est de ces derniers, le Gouvernement ne peut les forcer à suivre la voie de la modernisation - même si les autorités suivent de très près leur santé et leur niveau de vie économique afin de s'assurer qu'ils respectent les normes minimales d'une société moderne, a indiqué la délégation.

Un membre du Comité a tenu à préciser à cet égard que, dans un État démocratique, le lien entre modernité et bonheur doit procéder d'un consensus social au sujet des mesures qui sont adoptées; il convient donc de consulter toutes les parties prenantes.

S'agissant des questions religieuses, la délégation a indiqué qu'il existe en Indonésie une disposition datant des années 1960 qui stipule qu'il existe dans le pays cinq religions, à savoir l'islam et les religions protestante, catholique, hindouiste et bouddhiste. Mais cela ne veut en aucun cas dire que les nombreuses personnes qui ne pratiquent pas l'une de ces cinq religions seraient sanctionnées, a souligné la délégation.

En ce qui concerne le système de décentralisation en vigueur en Indonésie, la délégation a rappelé que les provinces ont toute latitude pour gérer leurs affaires, sauf pour ce qui est des questions relatives à la défense, à la sécurité, aux finances, à la religion et aux affaires étrangères.

En vertu d'une loi datant de 1974, un mariage est légal lorsqu'il est célébré conformément à la religion, a indiqué la délégation. C'est pourquoi les Indonésiens ne peuvent pas se marier civilement, contrairement à ce qui est le cas dans d'autres pays.

S'agissant du règlement des conflits ethniques, la délégation a notamment fait état des troubles sociaux intervenus dans l'Ouest de Kalimantan (partie indonésienne de l'île de Bornéo), en raison de traitements discriminatoires à l'encontre de certains groupes et de différends fonciers. La délégation a fait valoir les nombreux programmes mis en œuvre par le Gouvernement dans ce contexte, s'agissant notamment des mesures prises pour créer une instance pour le dialogue et donner des moyens économiques et sociaux aux individus de manière à assurer une intégration et une harmonie sociales. Attirant en outre l'attention sur la situation des communautés traditionnelles les plus éloignées, la délégation a souligné qu'elles sont dotées de certains pouvoirs s'agissant des questions les intéressant et que le Gouvernement est en train de préparer un projet de loi sur la protection des communautés traditionnelles les plus éloignées. L'objectif de ce projet de loi est d'assurer le bien-être, la jouissance des droits fondamentaux et la protection juridique des communautés concernées, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne la question des plantations d'huile de palme le long de la frontière entre l'Indonésie et la Malaisie sur Kalimantan, la délégation a rappelé que la Constitution accorde à l'État le droit d'exploiter la terre, l'eau et d'autres ressources naturelles dans le but d'assurer le bien-être des populations. S'il décide d'octroyer une terre à une entreprise, le Gouvernement envoie un représentant local lors de la négociation de cette transaction. En vertu de la législation en vigueur, toute entreprise est tenue d'assurer le maintien d'un environnement viable, a par ailleurs souligné la délégation.

S'agissant de la lutte contre le tourisme sexuel et la pédophilie, la délégation a fait savoir que le Gouvernement a mis sur pied un programme contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, en particulier dans les zones touristiques. Quiconque encourage un enfant à s'adonner à des comportements inconvenants encourt des peines d'emprisonnement pouvant aller de 3 à 10 ans et assorties d'amendes conséquentes, a précisé la délégation.

En ce qui concerne la composition de l'armée et des forces de police, la délégation a rappelé que le recrutement repose sur certaines règles, en particulier sur la capacité des candidats à exercer la fonction à laquelle ils postulent. Depuis la réforme de 1999, les forces de police indonésiennes se voient dispenser un enseignement aux droits de l'homme dans le cadre de leur formation globale, a par ailleurs fait valoir la délégation.


Conclusions du rapporteur

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Indonésie, M. RAGHAVAN VASUDEVAN PILLAI, a remercié la délégation indonésienne pour les efforts qu'elle a déployés afin de répondre aux questions des experts. Des informations ont été fournies quant aux mesures fort positives prises par ce pays, a-t-il relevé. Il s'agit là d'un très bon début et il faut espérer que la poursuite du dialogue avec le Comité sera tout aussi positive. M. Pillai s'est réjoui que l'Indonésie ait accédé à la Convention sans émettre la moindre réserve; il s'agit d'un exemple à suivre, a-t-il déclaré.

Le rapporteur a rappelé que les questions relatives aux autochtones ont été particulièrement débattues, s'agissant notamment de leurs religions, de leurs langues et de la reconnaissance de leurs droits sur la terre et de leurs modes de vie. Il serait bon que l'Indonésie suive les recommandations du Comité à ce sujet, a souligné M. Pillai. Il convient pour le pays d'appliquer effectivement les dispositions relatives à la non-discrimination, a-t-il poursuivi. Il faudrait que soit adoptée une loi sur l'enregistrement civil des mariages, a par ailleurs déclaré M. Pillai; cela règlera le problème de la certification des mariages pour les personnes qui ne pratiquent pas une religion reconnue.

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