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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU GUATEMALA
27 février 2006
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Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
27 février 2006
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen du rapport du Guatemala sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant, vendredi après-midi, le rapport de son pays, M. Ricardo Cajas Mejía, Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones du Guatemala, a indiqué que le pays est confronté à une crise qui a des origines historiques et structurelles. Cette crise entraîne le non-respect des droits civils mais aussi le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il précisé. Le fait que la délégation que le Guatemala présente aujourd'hui devant le Comité soit dirigée par des autochtones témoigne de la nouvelle politique d'inclusion des peuples autochtones dans les affaires publiques et politiques, a fait valoir M. Cajas Mejía.
La délégation guatémaltèque était notamment composée du Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, M. Carlos Ramiro Martínez, ainsi que d'autres représentants de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones et de la Mission permanente du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant en particulier du mandat de la Commission présidentielle; de la législation en vigueur en matière d'interdiction de la discrimination; de la question agraire; du Programme national d'indemnisation des victimes du conflit armé interne; de l'éducation bilingue et interculturelle; et de la problématique des concessions minières à Sipacapa. À cet égard, la délégation a indiqué que le Président de la République a décidé de suspendre tous les processus d'octroi des concessions et licences d'exploitation minière.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. Alexei S. Avtonomov, a rappelé que la pauvreté touche 57% de la population alors que le Guatemala produit 30% des richesses de l'Amérique centrale. Aussi, la répartition inégale des terres et du capital fait-elle du Guatemala l'un des pays les plus inégalitaires du monde, ces inégalités s'accompagnant de discriminations structurelles, à caractère ethnique et culturel. M. Avtonomov a souligné combien l'accord sur l'identité et les droits des peuples autochtones est encore insuffisamment appliqué, notamment pour ce qui a trait à la propriété des terres. Dans des observations préliminaires, l'expert s'est néanmoins dit satisfait de la promotion des mécanismes d'accès à la justice en tant que moyen de surmonter la discrimination. Il a cependant souligné que la justice n'est pas en elle-même suffisante et qu'il faut en particulier assurer la sécurité juridique s'agissant de la propriété des terres autochtones.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique d'El Salvador (CERD/C/471/Add.1).
Présentation du rapport du Guatemala
M. RICARDO CAJAS MEJÍA, Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones du Guatemala (Commission présidentielle), a rappelé qu'après les accords sur les droits des peuples autochtones passés, dans le contexte des accords de paix, entre le Gouvernement et l'URNG après 36 années de lutte armée, la Commission présidentielle dont il est le Coordonnateur a été créée en 2002 avec pour mandat de faire rapport une fois par semestre au Gouvernement et de préparer les rapports présentés par le Guatemala à divers organes internationaux, dont le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Cette Commission, composée de 36 organisations autochtones du Guatemala, a défini les priorités d'action en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. Au nombre de ces priorités, figure la nécessité de mener une politique d'État contre les discriminations qui s'applique à tous les secteurs, a précisé M. Cajas Mejía.
Le pays est confronté à une crise qui a des origines historiques et structurelles, a poursuivi M. Cajas Mejía. Cette crise entraîne le non-respect des droits civils mais aussi le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il précisé. Le fait que la délégation que le Guatemala présente aujourd'hui devant le Comité soit dirigée par des autochtones témoigne de la nouvelle politique d'inclusion des peuples autochtones dans les affaires publiques et politiques, a fait valoir le Coordonnateur général de la Commission présidentielle.
M. Cajas Mejía a par ailleurs fait valoir les nombreux centres culturels construits par le Gouvernement au bénéfice des différentes communautés linguistiques du pays. D'autre part, le Guatemala a ratifié la Convention n°169 de l'OIT sur les droits des peuples indigènes et tribaux et le pays est en train de réformer l'administration de la justice pour les peuples autochtones, a ajouté le Coordonnateur général de la Commission présidentielle.
Une législation de base est en place et les institutions fondamentales permettent à la société guatémaltèque de cohabiter pacifiquement, a poursuivi M. Cajas Mejía. Pour ce qui est des mesures concrètes visant à lutter contre les discriminations, des efforts ont été déployés par différents ministères, notamment ceux du travail et de l'éducation, qui ont signé des accords à caractère préventif. En outre, il existe aujourd'hui un ombudsman des autochtones et la police nationale transforme ses structures afin de tenir compte du caractère multiculturel du Guatemala, a souligné M. Cajas Mejía. Par ailleurs, la Commission présidentielle a fourni des conseils aux autorités s'agissant de la manière de mener efficacement le programme de compensation pour les victimes du conflit armé.
La Commission présidentielle inscrit son action dans une perspective résolument consciente du fait que les gouvernements passent alors que la lutte et les revendications des autochtones sont une constante, a fait savoir M. Cajas Mejía. C'est pourquoi la politique menée dans ce domaine se doit d'être le fruit d'une œuvre collective et non pas émaner du seul pouvoir exécutif. Il était donc important d'établir des ponts, un lien, entre l'exécutif et les populations autochtones, a expliqué le Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala.
Un autre représentant de la Commission présidentielle a souligné que la Commission présente aujourd'hui un rapport qui couvre trois périodes, puisque cela fait neuf ans que le Guatemala n'avait pas présenté de rapports au Comité. La volonté existe de prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau de la discrimination qui frappe l'ensemble de la société guatémaltèque, a-t-il indiqué. L'ensemble de la législation guatémaltèque proscrit la discrimination raciale depuis maintenant plusieurs années, a-t-il fait valoir; ce qu'il reste maintenant à faire, c'est s'assurer que les délits prévus par la loi sont sanctionnés comme il se doit. Ainsi, s'il y a certes des carences, il ne faut pas sous-estimer les actions concrètes qui sont menées dans le pays avec le soutien des divers secteurs de la société, a souligné l'orateur. Il a rappelé que la discrimination raciale et le racisme ont un coût économique pour le Guatemala et a assuré que la société commence à le comprendre. La majorité des Guatémaltèques, qu'ils soient autochtones ou non, reconnaissent qu'il y a des discriminations dans le pays, a-t-il ajouté, ce qui constitue un pas important.
Le Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, M. CARLOS RAMIRO MARTÍNEZ, a fait une brève déclaration afin d'assurer le Comité de la plus ferme volonté de coopération du Gouvernement guatémaltèque.
Le rapport périodique du Guatemala (huitième à onzième rapports réunis en un seul document, CERD/C/469/Add.1), qui couvre la période 1997-2004, a été établi par la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala, dans une optique participative, en consultation avec les organisations autochtones de la société civile. Selon le dernier recensement, 39,3% des personnes recensées ont déclaré être mayas, 60% ladinos et 0,2% xincas et garifunas. Les Xincas et les Mayas résident surtout dans les zones rurales, les Garifunas dans les zones urbaines. Quant aux ladinos, 55,7% vivent dans les zones urbaines. Le classement en catégories «autochtone» et «non-autochtone» s'est fait dans le respect du droit de chacun de définir son identité, souligne le rapport. Les Mayas comptent 22 communautés linguistiques, les quatre principales étant les Quichés, les Kekchis, les Kaqchiquels et les Mams. Le rapport précise en outre que 68,9% des personnes âgées de plus de trois ans ont pour langue maternelle l'espagnol; 8,7% le quiché; 7% le kekchi; 4,6% le mam; 4,3% le kaqchiquel; et 1,4% le kanjobal. Il est également indiqué que 78,8% des personnes recensées sont monolingues. La crise que traverse le pays se traduit non seulement par le non-respect des droits civils et politiques, mais aussi par la violation constante des droits sociaux, économiques et culturels, si bien qu'un nouveau calendrier concernant la réalisation des engagements prévus dans les Accords de paix a été arrêté en 1999 en mettant l'accent sur la nécessité de faire obstacle aux politiques sociales discriminatoires, à l'inégalité économique et à l'exclusion dont sont victimes les autochtones. Il est difficile de parler de la situation des Mayas, des Xincas et des Garifunas, car le problème est ancré dans l'histoire, et la discrimination raciale et ethnique est omniprésente. Les autorités s'efforcent de venir à bout de ce fléau qui empoisonne les relations sociales, politiques et économiques du pays. Le racisme et la discrimination raciale, poursuit-il, trouvent leur expression dans une attitude de mépris et de rejet à l'égard des autochtones, qui se manifeste jusque dans les moyens de communication, par des préjugés à l'égard de divers aspects de leur culture, comme leur spiritualité et l'usage de leur langue, et des handicaps multiples qui les empêchent d'avoir accès aux avantages du développement et de participer à la vie politique et sociale.
Le droit autochtone est toujours en usage dans les communautés mayas, xincas et garifunas. Ces communautés ont certes un sentiment d'appartenance à la nation guatémaltèque, mais elles n'en demeurent pas moins exclues de la structure de l'État et du système d'administration de la justice. Des travaux sont en cours en vue de reconnaître aux autochtones le droit d'user de leur propre système d'administration de la justice, de même que l'examen des mesures propres à encourager le respect des décisions des instances autochtones et le mode de règlement des conflits. Le rapport fait état des efforts déployés pour contrecarrer la limitation de l'usage des langues autochtones dans les procédures judiciaires et autres procédures connexes. Malgré les efforts déployés en vue de le résoudre, le problème de la propriété des terres s'est considérablement aggravé, poursuit le rapport. Le Guatemala reconnaît que les évictions ont des effets négatifs sur le développement des communautés, plongent dans le dénuement et la misère des familles d'autochtones et de paysans en majorité et provoquent la migration de milliers de travailleurs qui se retrouvent sans emploi et sans protection sociale. Le Gouvernement se propose d'analyser plus avant les causes du conflit agraire et de faire montre de la volonté politique nécessaire pour respecter les droits des familles qui ont cherché par les voies légales à acquérir des terres. Le Gouvernement est confronté à de graves difficultés par suite de l'octroi de concessions par le Ministère de l'énergie et des mines pour l'exploitation des ressources minières. Cette politique a été considérée comme une violation grave des droits de milliers de Guatémaltèques, autochtones et non autochtones, qui n'ont été ni consultés ni informés en temps utile de ce qu'une société minière avait obtenu une concession pour exploiter le sous-sol de leur territoire. Selon la Constitution, l'État reconnaît la préexistence ethnique et culturelle des peuples autochtones, leur garantit les droits sur les terres communautaires qu'ils occupent depuis toujours et le droit de les mettre en valeur et réglemente la distribution d'autres terres adaptées et suffisantes pour le développement humain.
Commentaires et questions des membres du Comité concernant le rapport du Guatemala
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. ALEXEI S. AVTONOMOV, s'est félicité du rétablissement du dialogue entre le Guatemala et le Comité. Il a rappelé que cela fait neuf ans que le Comité n'avait pas rencontré la délégation guatémaltèque. Depuis, le pays a accédé à nombre d'instruments internationaux, parmi lesquels la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention interaméricaine pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador). M. Avtonomov s'est réjoui que le Guatemala n'ait émis aucune réserve à l'égard des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
La pauvreté touche 57% de la population et 21% des Guatémaltèques vivent dans la misère, alors que le Guatemala produit 30% des richesses de l'Amérique centrale, a poursuivi M. Avtonomov. Aussi, la répartition inégale des terres et du capital fait-elle du Guatemala l'un des pays les plus inégalitaires au monde, ces inégalités s'accompagnant de discriminations structurelles, à caractère ethnique et culturel.
En outre, 31% de la population de plus de 15 ans est analphabète, a souligné M. Avtonomov. Entre 1994 et 2002, le taux d'alphabétisation des personnes de plus de 15 ans a certes augmenté de 49%, mais 40% des autochtones sont analphabètes et il semble que la tendance ne puisse s'inverser dans un avenir proche, a relevé l'expert. On estime à plus d'un demi-million le nombre d'enfants autochtones qui ne sont pas scolarisés, a-t-il insisté.
M. Avtonomov a souligné combien l'accord sur l'identité et les droits des peuples autochtones est encore insuffisamment appliqué, notamment pour ce qui a trait à l'administration de la justice, à la propriété des terres ou encore à la spiritualité. Les autochtones restent confrontés à une administration publique qui est encore peu encline à leur proposer des services dans leurs langues ou qui soient respectueux de leur culture.
Un autre membre du Comité a estimé que le Guatemala n'avait pas suffisamment avancé dans la mise en œuvre de processus de valorisation des langues autochtones. Il reste en outre à résoudre en priorité le conflit historique lié à la terre, a déclaré cet expert. De plus, le problème des concessions accordées pour l'exploitation des richesses du sous-sol est une question qui touche de près les autochtones; leur avis devraient donc être dûment pris en compte dans ce domaine et ils devraient, le cas échéant, obtenir compensation.
Plusieurs experts ont évoqué les problèmes associés à la question agraire. Ainsi, qu'en est-il, par exemple, de l'accès des autochtones à leurs lieux de culte lorsque la propriété de les terres n'est pas assurée, s'est interrogé un membre du Comité?
Un membre du Comité a fait état d'informations persistantes selon lesquelles des organes de l'État agirait à l'encontre des décisions gouvernementales en dépossédant des autochtones de leurs terres. Au vu de ces informations, l'expert a insisté sur la nécessité d'une sensibilisation, voire d'une sanction des agents des organes de l'État qui œuvrent ainsi en contradiction avec les actions qu'entend mener le Gouvernement.
Dans quelle mesure le droit coutumier autochtone est-il reconnu, notamment dans le contexte de l'administration de la justice ou de la question agraire, s'est interrogé un expert?
L'héritage de l'esclavage doit-il encore se perpétuer au Guatemala contre les personnes d'origine africaine, s'est interrogé un membre du Comité? Le destin de ces personnes est-il déterminé à l'avance par leur histoire?
Plusieurs membres du Comité ont salué la franchise et l'objectivité du rapport présenté par le Guatemala.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation du Guatemala
La délégation guatémaltèque a rappelé que la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala était composée de cinq commissaires représentant les trois peuples autochtones du pays. Au nombre des attributions de cette Commission, figurent la fourniture de conseils aux différentes institutions publiques et privées en vue de mettre en place des mécanismes effectifs pour lutter contre la discrimination; la formulation de politiques publiques garantissant la non-discrimination; la surveillance des politiques des institutions privées; la tenue d'un registre de plaintes pour racisme et discrimination et le transfert desdites plaintes aux institutions compétentes; ainsi que la soumission, au Président de la République, de rapports semestriels sur les progrès réalisés en matière de respect et de la jouissance des droits des peuples autochtones - rapports qui sont rendus publics. La Commission présidentielle fait en outre office de lien entre les organisations des peuples autochtones et le pouvoir exécutif pour ce qui est des questions de discrimination et de racisme.
Interrogée sur les raisons pour lesquelles la loi ne se concentre pas sur la discrimination raciale au lieu de porter sur la discrimination en général, la délégation a rappelé qu'à l'origine, la proposition de loi présentée au Congrès par les députés autochtones renvoyait uniquement à la définition du délit de discrimination ethnique; mais d'autres mouvements sociaux ont souhaité que la loi incorpore aussi les délits liés à d'autres formes de discrimination.
La délégation a d'autre part mis l'accent sur l'importance fondamentale des mesures d'éducation qui, par le biais notamment des campagnes de sensibilisation, permettent d'assurer l'efficacité réelle des politiques menées par l'État. En outre, la classe dominante doit comprendre que la discrimination a un coût pour le pays, a ajouté la délégation. Au Guatemala, on connaît l'histoire sociale, mais on ne connaît pas bien, en revanche, la véritable histoire des peuples autochtones, a-t-elle poursuivi. Or, la terre est fondamentale pour les communautés autochtones; on ne peut pas dissocier la propriété de l'identité et de la notion de famille, a-t-elle affirmé.
S'agissant de la question agraire, la délégation a fait état d'un projet de loi, présenté sous l'impulsion du Président de la République visant à créer une juridiction agraire par la mise en place de juges qui seraient chargés de résoudre les conflits dans ce domaine.
Un membre du Comité ayant souhaité savoir si les personnes qui ont été spoliées de leur terre ont été indemnisées, la délégation a rappelé que le Guatemala avait connu, suite au conflit armé interne, de nombreux déplacements internes de populations, ce qui a provoqué un certain désordre dans les registres; en effet, il ne reste plus vraiment de cadastres. Souvent, dans les registres subsistants, un même bien renvoie à cinq ou six inscriptions de propriété différentes, a expliqué la délégation. Elle a attiré l'attention sur la création du Fonds agraire, qui fonctionne comme une sorte de marché auquel les communautés qui ne possèdent pas de terres adressent une demande afin d'en acquérir. On peut donc dire que le Fonds agraire constitue en quelque sorte un mécanisme d'indemnisation. La délégation a toutefois ajouté que certaines études font état d'un endettement des communautés autochtones.
La délégation a reconnu que les autorités guatémaltèques ont une certaine difficulté à acquérir des données statistiques précises sur les questions agraires, du fait du désordre général du régime foncier et de la gestion des cadastres. Elle a fait état de l'adoption en 2005 d'une loi pour l'enregistrement des données cadastrales qui vise à déterminer les conditions et la situation réelle de la propriété et de la possession de terres au Guatemala et à assortir la possession de la terre d'une certification juridique, grâce notamment de l'enregistrement. Il n'existe pas dans le pays de registre spécifique pour les biens immeubles en possession ou propriété des autochtones; mais il existe un Registre général de la propriété, a précisé la délégation.
Le Guatemala prévoit de lancer au mois d'août de cette année la politique nationale baptisée «Pour une vie commune harmonieuse et interculturelle» ("Por una convivencia armónica e intercultural"), a indiqué la délégation.
La délégation guatémaltèque a par ailleurs fait part de la mise en place du Programme national d'indemnisation des victimes du conflit armé interne. Ce Programme est géré par une Commission nationale actuellement dirigée par une femme autochtone, a précisé la délégation. L'indemnisation économique a commencé cette année et il existe aussi des programmes d'aide psychologique et d'appui à des projets socioproductifs, tant au niveau communautaire qu'aux niveaux collectif et individuel, a ajouté la délégation.
L'éducation bilingue et interculturelle a été institutionnalisée au Guatemala depuis plusieurs années déjà, a poursuivi la délégation. Elle a notamment fait valoir qu'un sous-ministère a été créé pour répondre aux besoins spécifiques dans ce domaine, et que le programme «Vision éducative» a récemment été lancé par le Ministère de l'éducation.
En ce qui concerne la problématique des concessions minières à Sipacapa, la délégation a indiqué que le Président de la République a décidé de suspendre tous les processus d'octroi des concessions et licences d'exploitation minière.
Observations préliminaires du rapporteur concernant le rapport du Guatemala
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. ALEXEI S. AVTONOMOV, a jugé ouvert, sincère et utile le dialogue qui s'est noué entre la délégation et les membres du Comité dans le cadre de l'examen de ce rapport. Il s'est dit satisfait de la promotion des mécanismes d'accès à la justice en tant que moyen de surmonter la discrimination, qui est importante au Guatemala. Mais la justice, qui est le moyen par excellence d'améliorer la sécurité des citoyens du point de vue de la jouissance des droits de l'homme, n'est pas en elle-même suffisante, a souligné M. Avtonomov. Il faut en particulier assurer la sécurité juridique s'agissant de la propriété des terres autochtones, a-t-il souligné. Il a relevé la volonté des autorités guatémaltèques de respecter les engagements auxquels le pays a souscrit en vertu des instruments internationaux et de faire du Guatemala une nation pluriethnique, multiculturelle et plurilingue.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
de la discrimination raciale
27 février 2006
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen du rapport du Guatemala sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant, vendredi après-midi, le rapport de son pays, M. Ricardo Cajas Mejía, Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones du Guatemala, a indiqué que le pays est confronté à une crise qui a des origines historiques et structurelles. Cette crise entraîne le non-respect des droits civils mais aussi le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il précisé. Le fait que la délégation que le Guatemala présente aujourd'hui devant le Comité soit dirigée par des autochtones témoigne de la nouvelle politique d'inclusion des peuples autochtones dans les affaires publiques et politiques, a fait valoir M. Cajas Mejía.
La délégation guatémaltèque était notamment composée du Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, M. Carlos Ramiro Martínez, ainsi que d'autres représentants de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones et de la Mission permanente du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant en particulier du mandat de la Commission présidentielle; de la législation en vigueur en matière d'interdiction de la discrimination; de la question agraire; du Programme national d'indemnisation des victimes du conflit armé interne; de l'éducation bilingue et interculturelle; et de la problématique des concessions minières à Sipacapa. À cet égard, la délégation a indiqué que le Président de la République a décidé de suspendre tous les processus d'octroi des concessions et licences d'exploitation minière.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. Alexei S. Avtonomov, a rappelé que la pauvreté touche 57% de la population alors que le Guatemala produit 30% des richesses de l'Amérique centrale. Aussi, la répartition inégale des terres et du capital fait-elle du Guatemala l'un des pays les plus inégalitaires du monde, ces inégalités s'accompagnant de discriminations structurelles, à caractère ethnique et culturel. M. Avtonomov a souligné combien l'accord sur l'identité et les droits des peuples autochtones est encore insuffisamment appliqué, notamment pour ce qui a trait à la propriété des terres. Dans des observations préliminaires, l'expert s'est néanmoins dit satisfait de la promotion des mécanismes d'accès à la justice en tant que moyen de surmonter la discrimination. Il a cependant souligné que la justice n'est pas en elle-même suffisante et qu'il faut en particulier assurer la sécurité juridique s'agissant de la propriété des terres autochtones.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique d'El Salvador (CERD/C/471/Add.1).
Présentation du rapport du Guatemala
M. RICARDO CAJAS MEJÍA, Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones du Guatemala (Commission présidentielle), a rappelé qu'après les accords sur les droits des peuples autochtones passés, dans le contexte des accords de paix, entre le Gouvernement et l'URNG après 36 années de lutte armée, la Commission présidentielle dont il est le Coordonnateur a été créée en 2002 avec pour mandat de faire rapport une fois par semestre au Gouvernement et de préparer les rapports présentés par le Guatemala à divers organes internationaux, dont le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Cette Commission, composée de 36 organisations autochtones du Guatemala, a défini les priorités d'action en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. Au nombre de ces priorités, figure la nécessité de mener une politique d'État contre les discriminations qui s'applique à tous les secteurs, a précisé M. Cajas Mejía.
Le pays est confronté à une crise qui a des origines historiques et structurelles, a poursuivi M. Cajas Mejía. Cette crise entraîne le non-respect des droits civils mais aussi le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il précisé. Le fait que la délégation que le Guatemala présente aujourd'hui devant le Comité soit dirigée par des autochtones témoigne de la nouvelle politique d'inclusion des peuples autochtones dans les affaires publiques et politiques, a fait valoir le Coordonnateur général de la Commission présidentielle.
M. Cajas Mejía a par ailleurs fait valoir les nombreux centres culturels construits par le Gouvernement au bénéfice des différentes communautés linguistiques du pays. D'autre part, le Guatemala a ratifié la Convention n°169 de l'OIT sur les droits des peuples indigènes et tribaux et le pays est en train de réformer l'administration de la justice pour les peuples autochtones, a ajouté le Coordonnateur général de la Commission présidentielle.
Une législation de base est en place et les institutions fondamentales permettent à la société guatémaltèque de cohabiter pacifiquement, a poursuivi M. Cajas Mejía. Pour ce qui est des mesures concrètes visant à lutter contre les discriminations, des efforts ont été déployés par différents ministères, notamment ceux du travail et de l'éducation, qui ont signé des accords à caractère préventif. En outre, il existe aujourd'hui un ombudsman des autochtones et la police nationale transforme ses structures afin de tenir compte du caractère multiculturel du Guatemala, a souligné M. Cajas Mejía. Par ailleurs, la Commission présidentielle a fourni des conseils aux autorités s'agissant de la manière de mener efficacement le programme de compensation pour les victimes du conflit armé.
La Commission présidentielle inscrit son action dans une perspective résolument consciente du fait que les gouvernements passent alors que la lutte et les revendications des autochtones sont une constante, a fait savoir M. Cajas Mejía. C'est pourquoi la politique menée dans ce domaine se doit d'être le fruit d'une œuvre collective et non pas émaner du seul pouvoir exécutif. Il était donc important d'établir des ponts, un lien, entre l'exécutif et les populations autochtones, a expliqué le Coordonnateur général de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala.
Un autre représentant de la Commission présidentielle a souligné que la Commission présente aujourd'hui un rapport qui couvre trois périodes, puisque cela fait neuf ans que le Guatemala n'avait pas présenté de rapports au Comité. La volonté existe de prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau de la discrimination qui frappe l'ensemble de la société guatémaltèque, a-t-il indiqué. L'ensemble de la législation guatémaltèque proscrit la discrimination raciale depuis maintenant plusieurs années, a-t-il fait valoir; ce qu'il reste maintenant à faire, c'est s'assurer que les délits prévus par la loi sont sanctionnés comme il se doit. Ainsi, s'il y a certes des carences, il ne faut pas sous-estimer les actions concrètes qui sont menées dans le pays avec le soutien des divers secteurs de la société, a souligné l'orateur. Il a rappelé que la discrimination raciale et le racisme ont un coût économique pour le Guatemala et a assuré que la société commence à le comprendre. La majorité des Guatémaltèques, qu'ils soient autochtones ou non, reconnaissent qu'il y a des discriminations dans le pays, a-t-il ajouté, ce qui constitue un pas important.
Le Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève, M. CARLOS RAMIRO MARTÍNEZ, a fait une brève déclaration afin d'assurer le Comité de la plus ferme volonté de coopération du Gouvernement guatémaltèque.
Le rapport périodique du Guatemala (huitième à onzième rapports réunis en un seul document, CERD/C/469/Add.1), qui couvre la période 1997-2004, a été établi par la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala, dans une optique participative, en consultation avec les organisations autochtones de la société civile. Selon le dernier recensement, 39,3% des personnes recensées ont déclaré être mayas, 60% ladinos et 0,2% xincas et garifunas. Les Xincas et les Mayas résident surtout dans les zones rurales, les Garifunas dans les zones urbaines. Quant aux ladinos, 55,7% vivent dans les zones urbaines. Le classement en catégories «autochtone» et «non-autochtone» s'est fait dans le respect du droit de chacun de définir son identité, souligne le rapport. Les Mayas comptent 22 communautés linguistiques, les quatre principales étant les Quichés, les Kekchis, les Kaqchiquels et les Mams. Le rapport précise en outre que 68,9% des personnes âgées de plus de trois ans ont pour langue maternelle l'espagnol; 8,7% le quiché; 7% le kekchi; 4,6% le mam; 4,3% le kaqchiquel; et 1,4% le kanjobal. Il est également indiqué que 78,8% des personnes recensées sont monolingues. La crise que traverse le pays se traduit non seulement par le non-respect des droits civils et politiques, mais aussi par la violation constante des droits sociaux, économiques et culturels, si bien qu'un nouveau calendrier concernant la réalisation des engagements prévus dans les Accords de paix a été arrêté en 1999 en mettant l'accent sur la nécessité de faire obstacle aux politiques sociales discriminatoires, à l'inégalité économique et à l'exclusion dont sont victimes les autochtones. Il est difficile de parler de la situation des Mayas, des Xincas et des Garifunas, car le problème est ancré dans l'histoire, et la discrimination raciale et ethnique est omniprésente. Les autorités s'efforcent de venir à bout de ce fléau qui empoisonne les relations sociales, politiques et économiques du pays. Le racisme et la discrimination raciale, poursuit-il, trouvent leur expression dans une attitude de mépris et de rejet à l'égard des autochtones, qui se manifeste jusque dans les moyens de communication, par des préjugés à l'égard de divers aspects de leur culture, comme leur spiritualité et l'usage de leur langue, et des handicaps multiples qui les empêchent d'avoir accès aux avantages du développement et de participer à la vie politique et sociale.
Le droit autochtone est toujours en usage dans les communautés mayas, xincas et garifunas. Ces communautés ont certes un sentiment d'appartenance à la nation guatémaltèque, mais elles n'en demeurent pas moins exclues de la structure de l'État et du système d'administration de la justice. Des travaux sont en cours en vue de reconnaître aux autochtones le droit d'user de leur propre système d'administration de la justice, de même que l'examen des mesures propres à encourager le respect des décisions des instances autochtones et le mode de règlement des conflits. Le rapport fait état des efforts déployés pour contrecarrer la limitation de l'usage des langues autochtones dans les procédures judiciaires et autres procédures connexes. Malgré les efforts déployés en vue de le résoudre, le problème de la propriété des terres s'est considérablement aggravé, poursuit le rapport. Le Guatemala reconnaît que les évictions ont des effets négatifs sur le développement des communautés, plongent dans le dénuement et la misère des familles d'autochtones et de paysans en majorité et provoquent la migration de milliers de travailleurs qui se retrouvent sans emploi et sans protection sociale. Le Gouvernement se propose d'analyser plus avant les causes du conflit agraire et de faire montre de la volonté politique nécessaire pour respecter les droits des familles qui ont cherché par les voies légales à acquérir des terres. Le Gouvernement est confronté à de graves difficultés par suite de l'octroi de concessions par le Ministère de l'énergie et des mines pour l'exploitation des ressources minières. Cette politique a été considérée comme une violation grave des droits de milliers de Guatémaltèques, autochtones et non autochtones, qui n'ont été ni consultés ni informés en temps utile de ce qu'une société minière avait obtenu une concession pour exploiter le sous-sol de leur territoire. Selon la Constitution, l'État reconnaît la préexistence ethnique et culturelle des peuples autochtones, leur garantit les droits sur les terres communautaires qu'ils occupent depuis toujours et le droit de les mettre en valeur et réglemente la distribution d'autres terres adaptées et suffisantes pour le développement humain.
Commentaires et questions des membres du Comité concernant le rapport du Guatemala
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. ALEXEI S. AVTONOMOV, s'est félicité du rétablissement du dialogue entre le Guatemala et le Comité. Il a rappelé que cela fait neuf ans que le Comité n'avait pas rencontré la délégation guatémaltèque. Depuis, le pays a accédé à nombre d'instruments internationaux, parmi lesquels la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention interaméricaine pour l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme, traitant des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador). M. Avtonomov s'est réjoui que le Guatemala n'ait émis aucune réserve à l'égard des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
La pauvreté touche 57% de la population et 21% des Guatémaltèques vivent dans la misère, alors que le Guatemala produit 30% des richesses de l'Amérique centrale, a poursuivi M. Avtonomov. Aussi, la répartition inégale des terres et du capital fait-elle du Guatemala l'un des pays les plus inégalitaires au monde, ces inégalités s'accompagnant de discriminations structurelles, à caractère ethnique et culturel.
En outre, 31% de la population de plus de 15 ans est analphabète, a souligné M. Avtonomov. Entre 1994 et 2002, le taux d'alphabétisation des personnes de plus de 15 ans a certes augmenté de 49%, mais 40% des autochtones sont analphabètes et il semble que la tendance ne puisse s'inverser dans un avenir proche, a relevé l'expert. On estime à plus d'un demi-million le nombre d'enfants autochtones qui ne sont pas scolarisés, a-t-il insisté.
M. Avtonomov a souligné combien l'accord sur l'identité et les droits des peuples autochtones est encore insuffisamment appliqué, notamment pour ce qui a trait à l'administration de la justice, à la propriété des terres ou encore à la spiritualité. Les autochtones restent confrontés à une administration publique qui est encore peu encline à leur proposer des services dans leurs langues ou qui soient respectueux de leur culture.
Un autre membre du Comité a estimé que le Guatemala n'avait pas suffisamment avancé dans la mise en œuvre de processus de valorisation des langues autochtones. Il reste en outre à résoudre en priorité le conflit historique lié à la terre, a déclaré cet expert. De plus, le problème des concessions accordées pour l'exploitation des richesses du sous-sol est une question qui touche de près les autochtones; leur avis devraient donc être dûment pris en compte dans ce domaine et ils devraient, le cas échéant, obtenir compensation.
Plusieurs experts ont évoqué les problèmes associés à la question agraire. Ainsi, qu'en est-il, par exemple, de l'accès des autochtones à leurs lieux de culte lorsque la propriété de les terres n'est pas assurée, s'est interrogé un membre du Comité?
Un membre du Comité a fait état d'informations persistantes selon lesquelles des organes de l'État agirait à l'encontre des décisions gouvernementales en dépossédant des autochtones de leurs terres. Au vu de ces informations, l'expert a insisté sur la nécessité d'une sensibilisation, voire d'une sanction des agents des organes de l'État qui œuvrent ainsi en contradiction avec les actions qu'entend mener le Gouvernement.
Dans quelle mesure le droit coutumier autochtone est-il reconnu, notamment dans le contexte de l'administration de la justice ou de la question agraire, s'est interrogé un expert?
L'héritage de l'esclavage doit-il encore se perpétuer au Guatemala contre les personnes d'origine africaine, s'est interrogé un membre du Comité? Le destin de ces personnes est-il déterminé à l'avance par leur histoire?
Plusieurs membres du Comité ont salué la franchise et l'objectivité du rapport présenté par le Guatemala.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation du Guatemala
La délégation guatémaltèque a rappelé que la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l'égard des peuples autochtones au Guatemala était composée de cinq commissaires représentant les trois peuples autochtones du pays. Au nombre des attributions de cette Commission, figurent la fourniture de conseils aux différentes institutions publiques et privées en vue de mettre en place des mécanismes effectifs pour lutter contre la discrimination; la formulation de politiques publiques garantissant la non-discrimination; la surveillance des politiques des institutions privées; la tenue d'un registre de plaintes pour racisme et discrimination et le transfert desdites plaintes aux institutions compétentes; ainsi que la soumission, au Président de la République, de rapports semestriels sur les progrès réalisés en matière de respect et de la jouissance des droits des peuples autochtones - rapports qui sont rendus publics. La Commission présidentielle fait en outre office de lien entre les organisations des peuples autochtones et le pouvoir exécutif pour ce qui est des questions de discrimination et de racisme.
Interrogée sur les raisons pour lesquelles la loi ne se concentre pas sur la discrimination raciale au lieu de porter sur la discrimination en général, la délégation a rappelé qu'à l'origine, la proposition de loi présentée au Congrès par les députés autochtones renvoyait uniquement à la définition du délit de discrimination ethnique; mais d'autres mouvements sociaux ont souhaité que la loi incorpore aussi les délits liés à d'autres formes de discrimination.
La délégation a d'autre part mis l'accent sur l'importance fondamentale des mesures d'éducation qui, par le biais notamment des campagnes de sensibilisation, permettent d'assurer l'efficacité réelle des politiques menées par l'État. En outre, la classe dominante doit comprendre que la discrimination a un coût pour le pays, a ajouté la délégation. Au Guatemala, on connaît l'histoire sociale, mais on ne connaît pas bien, en revanche, la véritable histoire des peuples autochtones, a-t-elle poursuivi. Or, la terre est fondamentale pour les communautés autochtones; on ne peut pas dissocier la propriété de l'identité et de la notion de famille, a-t-elle affirmé.
S'agissant de la question agraire, la délégation a fait état d'un projet de loi, présenté sous l'impulsion du Président de la République visant à créer une juridiction agraire par la mise en place de juges qui seraient chargés de résoudre les conflits dans ce domaine.
Un membre du Comité ayant souhaité savoir si les personnes qui ont été spoliées de leur terre ont été indemnisées, la délégation a rappelé que le Guatemala avait connu, suite au conflit armé interne, de nombreux déplacements internes de populations, ce qui a provoqué un certain désordre dans les registres; en effet, il ne reste plus vraiment de cadastres. Souvent, dans les registres subsistants, un même bien renvoie à cinq ou six inscriptions de propriété différentes, a expliqué la délégation. Elle a attiré l'attention sur la création du Fonds agraire, qui fonctionne comme une sorte de marché auquel les communautés qui ne possèdent pas de terres adressent une demande afin d'en acquérir. On peut donc dire que le Fonds agraire constitue en quelque sorte un mécanisme d'indemnisation. La délégation a toutefois ajouté que certaines études font état d'un endettement des communautés autochtones.
La délégation a reconnu que les autorités guatémaltèques ont une certaine difficulté à acquérir des données statistiques précises sur les questions agraires, du fait du désordre général du régime foncier et de la gestion des cadastres. Elle a fait état de l'adoption en 2005 d'une loi pour l'enregistrement des données cadastrales qui vise à déterminer les conditions et la situation réelle de la propriété et de la possession de terres au Guatemala et à assortir la possession de la terre d'une certification juridique, grâce notamment de l'enregistrement. Il n'existe pas dans le pays de registre spécifique pour les biens immeubles en possession ou propriété des autochtones; mais il existe un Registre général de la propriété, a précisé la délégation.
Le Guatemala prévoit de lancer au mois d'août de cette année la politique nationale baptisée «Pour une vie commune harmonieuse et interculturelle» ("Por una convivencia armónica e intercultural"), a indiqué la délégation.
La délégation guatémaltèque a par ailleurs fait part de la mise en place du Programme national d'indemnisation des victimes du conflit armé interne. Ce Programme est géré par une Commission nationale actuellement dirigée par une femme autochtone, a précisé la délégation. L'indemnisation économique a commencé cette année et il existe aussi des programmes d'aide psychologique et d'appui à des projets socioproductifs, tant au niveau communautaire qu'aux niveaux collectif et individuel, a ajouté la délégation.
L'éducation bilingue et interculturelle a été institutionnalisée au Guatemala depuis plusieurs années déjà, a poursuivi la délégation. Elle a notamment fait valoir qu'un sous-ministère a été créé pour répondre aux besoins spécifiques dans ce domaine, et que le programme «Vision éducative» a récemment été lancé par le Ministère de l'éducation.
En ce qui concerne la problématique des concessions minières à Sipacapa, la délégation a indiqué que le Président de la République a décidé de suspendre tous les processus d'octroi des concessions et licences d'exploitation minière.
Observations préliminaires du rapporteur concernant le rapport du Guatemala
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Guatemala, M. ALEXEI S. AVTONOMOV, a jugé ouvert, sincère et utile le dialogue qui s'est noué entre la délégation et les membres du Comité dans le cadre de l'examen de ce rapport. Il s'est dit satisfait de la promotion des mécanismes d'accès à la justice en tant que moyen de surmonter la discrimination, qui est importante au Guatemala. Mais la justice, qui est le moyen par excellence d'améliorer la sécurité des citoyens du point de vue de la jouissance des droits de l'homme, n'est pas en elle-même suffisante, a souligné M. Avtonomov. Il faut en particulier assurer la sécurité juridique s'agissant de la propriété des terres autochtones, a-t-il souligné. Il a relevé la volonté des autorités guatémaltèques de respecter les engagements auxquels le pays a souscrit en vertu des instruments internationaux et de faire du Guatemala une nation pluriethnique, multiculturelle et plurilingue.
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