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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALLEMAGNE
06 août 2008
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Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
6 août 2008
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Allemagne sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation allemande, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, M. Patrick Thornberry, a notamment mis l'accent sur l'importance que revêtira le plan national d'action contre le racisme dont l'Allemagne va bientôt se doter. Au cours du dialogue que le Comité a eu avec la délégation allemande, des questions importantes ont été soulevées en ce qui concerne, par exemple, la distinction entre intégration et assimilation. Des défis restent à relever s'agissant de nombre de questions, qui exigent des réponses qui correspondent aux nouvelles réalités sociales, a conclu le rapporteur. Le Comité adoptera en cours de session ses observations finales sur le rapport allemand et les rendra publiques à la fin de la session, le 15 août.
Présentant le rapport de son pays, Mme Birgitta Siefker-Eberle, Représentante permanente adjointe de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que malgré des efforts soutenus de la communauté internationale, le racisme existe toujours, y compris dans la société allemande. La Chargée des droits de l'homme au Ministère allemand de la justice, Mme Almut Wittling-Vogel, a reconnu que des violations de droits figurant dans la Convention ont lieu en Allemagne, notamment des attaques racistes et antisémites. Les autorités chargées de l'application des lois ne ménagent aucun effort pour combattre de tels actes, a-t-elle assuré. Le plan d'action national contre le racisme vient d'être achevé et doit être approuvé dans les semaines qui viennent. En outre, un projet de loi a été présenté au Parlement tendant à faire du racisme et de la xénophobie des circonstances aggravantes pour tout délit, a ajouté Mme Wittling-Vogel. Mme Martina Koeppen, Chef du Bureau antidiscrimination allemand, a pour sa part tenu le Comité informé des activités de ce Bureau.
La délégation allemande était également composée de représentants des ministères fédéraux de la justice; de l'intérieur; des affaires familiales et des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse; ainsi que du Bureau fédéral contre la discrimination, du Bureau du Procureur et de la Conférence permanente des ministres de l'éducation. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, notamment, le fait que les délits à motivation raciste ou d'extrême droite sont plus nombreux dans les Länder de l'ex-RDA que dans le reste de l'Allemagne; la mise en œuvre prochaine du Plan national d'action contre le racisme et la xénophobie; les dispositions relatives à la liberté d'expression; le «plan national d'intégration» ainsi que la mise en place d'un processus de négociation à long terme visant à améliorer l'intégration de la communauté musulmane; les questions en rapport avec le port du foulard islamique par les enseignantes ou les élèves; ou encore l'indemnisation des victimes d'actes racistes ou discriminatoires. S'agissant de cette question, un membre du Comité a relevé que les informations fournies par la délégation semblent indiquer que la loi sur l'indemnisation des victimes comporte des éléments de discrimination.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité doit se pencher, en l'absence de rapport, sur la mise en œuvre de la Convention au Bélize et au Pérou, ce dernier pays ayant prévu d'envoyer une délégation.
Présentation du rapport
MME BIRGITTA SIEFKER-EBERLE, Représentante permanente adjointe de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que son pays est ouvert à un dialogue constructif avec le Comité et écoutera avec attention tous ses conseils. Elle a reconnu que malgré des efforts soutenus de la communauté internationale, le racisme existe toujours, y compris dans la société allemande elle-même.
Au plan régional, a poursuivi Mme Siefker-Eberle, l'Allemagne a beaucoup contribué, entre autres, à la directive européenne concernant la discrimination raciale et à la directive cadre contre les discriminations. Le pays a également participé à la mise en place d'une unité pour la tolérance et les droits de l'homme au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Au plan international, l'Allemagne participe activement au processus de suivi de la Conférence contre le racisme tenue à Durban en 2001, a par ailleurs souligné Mme Siefker-Eberle.
MME ALMUT WITTLING-VOGEL, Chargée des droits de l'homme au Ministère fédéral de la justice de l'Allemagne, a pour sa part affirmé que l'Allemagne accorde une grande importance à la protection générale des droits de l'homme; la valeur accordée aux droits de l'homme constitue le fondement même de la Constitution allemande, a-t-elle insisté. Comme chacun sait, cet engagement n'est qu'un point de départ, tant il est vrai que la protection des droits de l'homme est un objectif qui n'a jamais de fin, a-t-elle ajouté. Nous savons que des violations des droits figurant dans la Convention ont bien lieu dans la réalité; des attaques racistes et antisémites ont bien lieu en Allemagne, a reconnu Mme Wittling-Vogel. Les autorités en charge de l'application des lois ne ménagent aucun effort pour combattre de tels actes, a-t-elle assuré. En Saxe, où la police avait été accusée de laxisme face à des incidents racistes, le Parlement de ce Länder a mené une enquête par le biais d'un comité dont la mise sur pied témoigne à elle seule le sérieux avec lequel ces questions sont traitées, a fait valoir Mme Wittling-Vogel.
La représentante allemande a rappelé que l'Alliance pour la démocratie et la tolérance, fondée en 2000, continue de rassembler des initiatives locales contre le racisme, la violence et la xénophobie. L'Institut allemand des droits de l'homme, institution indépendante, fournit quant à lui aux écoles des matériels éducatifs concernant les droits de l'homme, a-t-elle par ailleurs indiqué.
Le plan d'action national contre le racisme, attendu depuis longtemps, vient d'être achevé et doit être approuvé par le Cabinet des ministres dans les semaines qui viennent, a indiqué Mme Wittling-Vogel. Ce plan témoigne que ni le Gouvernement ni la société dans son ensemble ne sont résolus à accepter la discrimination, a-t-elle souligné. Ce plan doit être considéré comme un instrument en évolution, qui n'est donc pas figé et pourra être modifié, même après son adoption officielle par le Cabinet des ministres, les organisations non gouvernementales étant appelées à jouer un rôle à cet égard.
Mme Wittling-Vogel a par ailleurs fait état de la mise sur pied, en 2006, de la conférence islamique allemande. Le Conseil central des Sintis et Roms allemands a fourni un rapport parallèle, a-t-elle en outre rappelé.
En ce qui concerne l'interdiction des groupes et partis d'extrême droite, Mme Wittling-Vogel a rappelé que, lors de l'examen du précédent rapport de l'Allemagne, la délégation allemande avait informé le Comité que le Gouvernement fédéral avait engagé devant la Cour constitutionnelle une action en interdiction du Parti national démocrate allemand (NPD) pour anticonstitutionnalité; la Cour s'est dessaisie de l'affaire pour des raisons de procédure, mais le Gouvernement allemand n'en continue pas moins de surveiller les activités de ce parti et des partis qui lui sont affiliés. Des procédures pénales ont été engagées à l'encontre d'un certain nombre de groupes qui promeuvent des agissements racistes, a ajouté Mme Wittling-Vogel.
Un projet de loi a été présenté à la chambre haute du Parlement tendant à faire du racisme et de la xénophobie des circonstances aggravantes, a poursuivi Mme Wittling-Vogel, précisant que le Parlement se pencherait sur cette question cet automne.
Les méthodes de collecte de l'information vont être modifiées afin que les infractions commises par des policiers dans le cadre de leurs fonctions apparaissent clairement et immédiatement dans les statistiques, a par ailleurs indiqué Mme Wittling-Vogel.
Au niveau fédéral et au niveau des Länder, les forces de police allemandes comptent au total 498 ressortissants étrangers, non compris les policiers issus de l'immigration mais qui sont Allemands, a en outre précisé Mme Wittling-Vogel.
Mme Wittling-Vogel a rappelé que la loi sur la nationalité a été modifiée et qu'à compter de la rentrée prochaine, toute personne prétendant à la nationalité allemande devra se soumettre à un test dans lequel figurent des questions sur le système civique et politique allemand (310 questions au total).
La Loi sur l'égalité introduit une nouvelle institution: le Bureau antidiscrimination, a par ailleurs indiqué Mme Wittling-Vogel.
MME MARTINA KOEPPEN, Chef du Bureau antidiscrimination du Gouvernement fédéral de l'Allemagne, a tenu le Comité informé des travaux accomplis par son Bureau. Elle a tout d'abord rappelé que la Loi sur l'égalité, entrée en vigueur en août 2006, transpose en droit interne la directive européenne en la matière. Le Bureau antidiscrimination a été mis en place lorsque cette loi est entrée en vigueur. Il s'agit d'une institution indépendante siégeant à Berlin qui est chargée de protéger les individus contre toute forme de discrimination. Au total, 21 personnes travaillent pour le Bureau, a précisé Mme Koeppen. La principale tâche de cette institution est de fournir aide et conseils aux personnes qui s'estiment lésées au regard de la Loi sur l'égalité. Nombre de personnes qui contactent le Bureau souhaitent trouver un accord à l'amiable plutôt qu'engager une action devant les tribunaux, a précisé Mme Koeppen. Or, précisément, le Bureau parvient la plupart du temps à un accord à l'amiable, a-t-elle indiqué.
Exposant les conclusions qui ressortent des travaux et recherches du Bureau, Mme Koeppen a indiqué que depuis 2006, au total, 221 requêtes déposées auprès de son institution portaient sur la discrimination raciale ou la discrimination fondée sur l'origine ethnique, ce qui représente 7% du total des requêtes présentées. Un tiers des cas de discrimination présentés portait sur des discriminations à motif multiple, a ajouté Mme Koeppen. Beaucoup de gens issus de l'immigration se plaignent de discrimination de la part d'employés de la fonction publique, a-t-elle poursuivi. En outre, nombre de plaintes déposées ont trait à des discriminations en matière d'accès aux discothèques ou aux clubs de fitness; des plaintes portent également sur la discrimination en matière d'octroi de prêts ou d'ouverture de comptes bancaires.
Le rapport périodique de l'Allemagne (CERD/C/DEU/18 - seizième à dix-huitième rapports présentés en un seul document) souligne que l'attachement proclamé à l'ordre constitutionnel libéral et démocratique et le rejet de toutes les formes concevables d'extrémisme et de racisme figurent au nombre des principes fondamentaux sur lesquels repose l'activité politique du Gouvernement allemand. Divers programmes de lutte contre l'extrémisme de droite, la xénophobie et l'intolérance ont déjà été élaborés et mis en application, et le Gouvernement allemand entend les poursuivre. Eu égard à la multiplicité des facteurs qui favorisent l'émergence de comportements extrémistes de droite, le Gouvernement fédéral allemand applique une stratégie pluridimensionnelle alliant prévention et répression, dont les grands axes correspondent aux quatre piliers d'une politique volontariste en faveur des droits de l'homme: renforcement de la société civile; appel au courage civil des individus, c'est-à-dire au courage de chacun de défendre ses convictions; promotion de l'intégration des étrangers; et mesures visant les auteurs d'actes délictueux et leur environnement. Les actes de nature xénophobe ou antisémite sont généralement classés dans la catégorie des «délits politiques d'extrême droite», précise en outre le rapport. Dans le cadre de l'action énergique menée contre l'extrême droite, plusieurs Länder ont décidé en 2001 de se doter de programmes EXIT, ajoute-t-il. Il s'agit d'un dispositif de prévention complémentaire par lequel les autorités offrent une assistance à toute personne qui souhaite quitter les rangs de l'extrême droite. L'incitation à la haine par des médias ou par l'Internet constitue aussi un délit, poursuit le rapport. Les mesures de protection spéciale dont jouissent le cas échéant les minorités danoise, frisonne et sorabe, ainsi que les Sintis et les Roms de nationalité allemande, sont conformes au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention, souligne par ailleurs le rapport.
L'Allemagne compte actuellement quelque 3,2 millions de musulmans, qui ne forment pas un groupe ethnique homogène. Ce qui les unit, c'est leur foi commune. On notera toutefois aussi que beaucoup de personnes, allemandes ou étrangères, de confession musulmane sont exposées à la menace du racisme, en raison non pas de leur religion, mais de leur origine ethnique. Le Gouvernement fédéral et les Länder considèrent donc le dialogue avec les musulmans vivant dans le pays comme l'un des fers de lance de leur politique d'intégration. Le présent rapport traite également de la situation des plus de 100 000 membres de la communauté juive, des 50 000 à 70 000 Sintis et Roms, des quelque 50 000 membres de la minorité danoise, ainsi que des 50 000 à 60 000 personnes qui se revendiquent Frisons du Nord. Dans les Länder, qui sont compétents en matière d'éducation, de nombreuses tentatives ont été faites pour proposer un enseignement de l'islam, précise le rapport. La difficulté vient de ce que, jusqu'ici, les autorités des Länder n'ont pas trouvé de partenaire bénéficiant de l'autorité et de la légitimité nécessaires pour décider du contenu théorique et pratique de cet enseignement religieux. C'est pourquoi seuls quelques projets modèles ont été mis en œuvre jusqu'à présent en coopération avec des groupes musulmans locaux.
La loi du 15 juillet 1999 portant modification du droit de la nationalité a marqué une étape importante dans la politique d'intégration. Le principe du droit du sang, en vertu duquel l'enfant devait avoir au moins un parent allemand pour acquérir la nationalité allemande, a été complété par le principe du droit du sol. En vertu de ce dernier principe, l'enfant né en Allemagne de parents étrangers acquiert la nationalité allemande à la naissance si l'un de ses parents réside effectivement et légalement en Allemagne depuis huit ans et est ressortissant de l'Union européenne jouissant à ce titre du droit de libre circulation, ou ressortissant d'un autre pays de l'Espace économique européen jouissant d'un statut équivalent, ou ressortissant de la Confédération suisse, ou encore est titulaire d'un permis de séjour ou d'installation de l'Union européenne. L'enfant qui a acquis la nationalité allemande au titre du jus soli doit opter pour la nationalité allemande ou pour la nationalité étrangère à sa majorité. S'il opte pour la nationalité allemande, il doit renoncer à la nationalité étrangère, à moins que cela soit impossible ou déraisonnable. Il doit prendre cette décision avant l'âge de 23 ans. Les enfants nés avant le 1er janvier 2000, âgés de dix ans ou plus et qui auraient rempli à la naissance les conditions requises pour obtenir la nationalité allemande au titre du jus soli introduit par la réforme du droit de la nationalité, ont été exceptionnellement admis à se faire naturaliser jusqu'au 31 décembre 2000. Ils devront eux aussi opter pour la nationalité allemande ou pour la nationalité étrangère à leur majorité. Depuis le 1er janvier 2000, la durée de résidence requise d'un adulte étranger pour l'accès à la naturalisation a été ramenée de 15 à 8 ans. Le droit de naturalisation est soumis à une connaissance suffisante de la langue allemande et à l'adhésion aux principes de liberté et de démocratie consacrés par la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne.
Questions et observations des membres du Comité
M. PATRICK THORNBERRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, a remercié la délégation pour les réponses écrites qu'elle a présentées à la liste de questions qui lui avait été préalablement adressée par le Comité. M. Thornberry a pris note des nombreux instruments de droits de l'homme ratifiés par l'Allemagne. Il a toutefois souhaité connaître les raisons pour lesquelles le pays n'a toujours pas ratifié le douzième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit toute forme de discrimination.
M. Thornberry a souligné que des tensions identitaires peuvent ne pas être du tout liées à la question de race. En outre, l'extrémisme de droite est un concept plus limité que celui du racisme, même s'il se chevauche avec ce dernier, a par ailleurs fait observer le rapporteur, souhaitant connaître les commentaires de la délégation à ce sujet.
Relevant que l'Allemagne ne collecte pas de données à caractère ethnique, M. Thornberry a jugé qu'il est difficile dans ce contexte de saisir comment la lutte contre la discrimination raciale peut être ciblée. Il a par ailleurs relevé que le rapport présenté par l'Allemagne affirme que certains groupes ethniques sont régulièrement menacés de racisme, sans jamais préciser de quels groupes il s'agit.
Ne serait-il pas possible pour l'Allemagne, sans abandonner son point de vue concernant la question des minorités nationales, d'amoindrir les effets des distinctions que le pays opère entre tels ou tels groupes, a demandé M. Thornberry?
Qu'en est-il du statut des traités dont le rapport indique qu'ils régissent les relations entre les Länder et la communauté juive, a par ailleurs demandé le rapporteur? Existe-t-il des traités similaires pour d'autres groupes?
Concernant la question des non-ressortissants, M. Thornberry a renvoyé la délégation allemande à la recommandation générale n°13 du Comité.
Sur quelle base décide-t-on d'envoyer des enfants dans des écoles spéciales pour enfants roms ou immigrants, où les résultats ne sont habituellement pas très bons, a demandé le rapporteur?
M. Thornberry a relevé que les restrictions imposées à la liberté de mouvement pour les requérants d'asile ont été jugées non discriminatoires par la Cour européenne des droits de l'homme. La question subsiste toutefois de savoir si cela répond totalement à tous les aspects de cette problématique.
Que faut-il comprendre par l'affirmation selon laquelle le montant de l'indemnisation accordée à une victime dépend du degré d'intégration de cette personne, a en outre demandé l'expert?
Le Bureau fédéral antidiscrimination n'aurait-il pas intérêt à entrer en contact avec les médias et à travailler avec eux, s'est interrogé M. Thornberry.
En conclusion, le rapporteur a indiqué avoir l'impression d'ensemble qu'un effort sérieux est fait pour s'attaquer à la discrimination en Allemagne. Peut-être faudrait-il toutefois que le pays soit plus incisif pour ce qui a trait aux statistiques relatives à des incidents racistes, a-t-il suggéré. Le défi semble encore entier pour l'Allemagne en ce qui concerne la prise en compte des nouvelles formes de racisme, a par ailleurs souligné M. Thornberry.
Un autre membre du Comité a jugé francs le rapport et les interventions de la délégation allemande. Il s'est toutefois dit perplexe face au manque de données complètes concernant les procédures engagées et les condamnations prononcées pour actes racistes sur l'ensemble du territoire allemand. Les 183 organisations d'extrême droite que mentionne le rapport sont-elles légales ou s'agit-il d'organisations que l'on soupçonne d'être extrémistes, a par ailleurs demandé cet expert? Il s'est en outre enquis du résultat des mesures prises pour promouvoir la qualification professionnelle des groupes les plus défavorisés.
Dans quelle mesure les dispositions relatives au partage du fardeau de la preuve ont-elles été appliquées en droit interne, a demandé un autre expert? Il a par ailleurs souhaité savoir si le Bureau fédéral antidiscrimination est habilité à présenter au législateur des propositions de loi sur la base des recherches qu'il a effectuées. D'après les informations disponibles, a poursuivi cet expert, les enfants requérants d'asile semblent avoir des difficultés à être scolarisés, notamment dans le Bade-Wurtemberg ou en Hesse, ces Länder n'ayant en effet pas encore d'obligation scolaire à l'égard des enfants dits tolérés ou requérants d'asile.
L'Allemagne se considère-t-elle comme un État multiethnique, multiculturel, a demandé un membre du Comité, relevant notamment qu'un cinquième de la population allemande est issue de l'immigration? Les données disponibles concernant des groupes particuliers concernent essentiellement les musulmans qui, en fait, ne sont pas un groupe ethnique mais religieux, a fait observer l'expert. L'Allemagne ne reconnaît que quatre minorités nationales officielles, a-t-il par ailleurs relevé, relevant que la définition des minorités nationales retenue par le pays est très stricte, laissant de côté des millions de personnes. Nombre d'informations laissent apparaître que les Roms subissent des discriminations, en particulier dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et du logement. Le Comité a toujours soutenu l'idée qu'il convient de promouvoir l'intégration économique et sociale et non pas culturelle ou linguistique. En effet, supprimer les différences ethniques et linguistiques relève de l'assimilation, a souligné ce membre du Comité. Il faudrait que l'Allemagne se dote d'une législation plus précise incriminant tous les actes visés par l'article 4 de la Convention, s'agissant notamment de la propagande raciale, d'où qu'elle émane, a-t-il en outre souligné.
Un autre membre du Comité a souligné que l'une des principales préoccupations qu'avait exprimées le Comité en 2001 concernant l'Allemagne continue aujourd'hui d'être pertinente: il s'agit de la préoccupation ayant trait à la recrudescence des incidents racistes, xénophobes et extrémistes, y compris de la part des forces de l'ordre. Un tel phénomène ne concerne pas seulement l'Allemagne puisqu'il se retrouve également dans d'autres pays, notamment des pays proches de l'Allemagne, a fait observer cet expert. Il a relevé que la recrudescence de ces incidents se manifeste particulièrement dans les Länder de l'est et a fait observer qu'hier, la délégation de la Fédération de Russie expliquait qu'en ce qui la concernait, les phénomènes racistes qui se manifestaient sur son territoire étaient probablement imputables, en bonne partie, à une crise des valeurs après la chute de l'empire soviétique, qui se serait traduite par une perte des valeurs auprès de la jeunesse. Que pense pour elle-même l'Allemagne de cette explication, a demandé l'expert? Il s'est en outre enquis de la solution qui a été apportée en Allemagne à la question du port du voile musulman par les enseignantes des écoles publiques. À ce jour, a en outre relevé l'expert, aucune solution n'a été dégagée pour trouver un partenaire pour l'enseignement régulier de l'islam dans les écoles publiques.
Un autre expert a jugé très encourageant que l'Allemagne se dise engagée en faveur de la Conférence d'examen de la Conférence de Durban qui doit se tenir l'an prochain à Genève.
Un grand nombre de membres du Comité ont observé que le rapport présenté par l'Allemagne ne fait aucune mention de la situation des personnes d'ascendance africaine, c'est-à-dire des Noirs, dans le pays. Un expert a relevé qu'il semble très difficile pour un Noir d'intégrer, par exemple, l'équipe nationale allemande de football. Les Noirs sont fréquemment les victimes toute désignées des comportements discriminatoires, a fait observer un autre membre du Comité.
Un membre du Comité a par la suite préconisé que l'Allemagne adopte certaines mesures spéciales en faveur de certains groupes particulièrement défavorisés, comme les Roms, par exemple.
Un autre expert a relevé qu'en Allemagne, à l'instar d'autres pays d'Europe de l'Ouest, les petites minorités – qui comptent une cinquantaine de milliers de membres – sont reconnues, alors que les autres – qui sont constituées de centaines de milliers voire de millions d'individus – ne le sont pas. Le problème est qu'avec ces groupes non reconnus, il n'y a pas de dialogue, a souligné l'expert. Il conviendrait d'approcher ces communautés à partir de leur origine ethnique et non pas seulement à partir de leur religion, a préconisé ce membre du Comité. Historiquement, des communautés ont été assimilées dans certains pays, comme cela fut par exemple le cas en Roumanie pour une communauté allemande assimilée par une autre minorité. Or, de nos jours, il ne saurait être question de projeter d'assimiler une minorité, a insisté l'expert. Il faut donc trouver les moyens de protéger les langues et les cultures des groupes minoritaires, si l'on veut protéger leur identité et éviter leur assimilation, a-t-il souligné. L'expert s'est par ailleurs demandé si l'Allemagne ne devrait pas revoir sa législation à la lumière de l'article 4 de la Convention, relatif à l'interdiction de la propagande et des organisations racistes.
Évoquant les difficultés qu'il y a à imposer un renversement de la charge de la preuve en matière pénale, en raison de la nécessité de préserver la présomption d'innocence, un membre du Comité a souhaité savoir si la pratique du testing a été autorisée en Allemagne comme elle a pu l'être dans d'autres pays.
D'après les informations fournies par la délégation en ce qui concerne la loi sur l'indemnisation des victimes, il est clair qu'il y a dans cette loi des éléments de discrimination, a déclaré un expert après avoir entendu les explications de la délégation. Il vaudrait mieux se pencher sur la gravité de l'attaque subie plutôt que sur le statut de la victime pour déterminer l'indemnisation à laquelle cette dernière peut prétendre, a-t-il souligné.
L'action contre la discrimination est une action qui doit être permanente, a souligné un membre du Comité. L'école et les médias, en particulier, en sont les supports permanents, a-t-il insisté.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
La délégation allemande a souligné que le racisme n'existe pas uniquement en marge de la société mais bien aussi au sein de la société elle-même. Le débat en la matière ne fait que commencer en Allemagne et nous ne savons pas encore très bien si nous pouvons utiliser le terme de «racisme» dans la législation elle-même, a dit la délégation. D'après la législation allemande, tous les délits motivés par une intention raciste sont considérés comme des délits à motivation d'extrême droite, ce qui ne signifie pas que l'auteur du délit soit une association d'extrême droite ou un membre d'une telle association, a expliqué la délégation. Elle a indiqué qu'à compter de l'année prochaine, les autorités allemandes seraient en mesure de fournir des statistiques sur le nombre de policiers poursuivis pour coups et blessures; mais il ne sera pas pour autant possible de savoir quelles auront été les motivations de ces actes.
La délégation a souligné qu'en matière de statistiques, les délits ne sont pas répertoriés en fonction de l'origine ethnique ou de la nationalité de la personne; seule est prise en compte la qualité de citoyen ou de non-citoyen de la personne. Il n'en demeure pas moins que des mesures pourraient être prises à cet égard afin de mieux cerner quelles sont les personnes les plus touchées par les crimes à motivation raciste ou quel groupe dans la société se rend le plus coupable de tel ou tel type de délits. La délégation a toutefois expliqué que l'on peut craindre une stigmatisation et que certains tiennent absolument à maintenir une protection de la confidentialité des données.
La délégation a indiqué que si l'Allemagne a signé mais toujours pas encore ratifié le douzième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit toute forme de discrimination, c'est parce qu'elle ne sait pas encore bien si ce Protocole interdit ou non la différenciation en fonction de la citoyenneté. En effet, l'Allemagne établit une distinction entre citoyens et non-citoyens et souhaite la maintenir, a expliqué la délégation.
Rappelant que la proportion de délits racistes motivés par l'extrême droite est supérieure dans les Länder de l'ex-RDA, la délégation a expliqué qu'après les changements politiques de 1989, des forces nationalistes et d'extrême droite ont pu ressurgir, passant de l'ouest à l'est de l'Allemagne, et se livrer à de la propagande dans les nouveaux Länder, où elles ont d'ailleurs connu un certain succès auprès des jeunes. Il est impossible de régler ce problème uniquement par la voie judiciaire et l'aide de la société entière est nécessaire à cette fin, a souligné la délégation. La situation économique dans les nouveaux Länder est moins bonne que dans le reste du pays, a-t-elle rappelé, insistant sur le dépit qu'a suscité cett esituation auprès des jeunes de l'ex-RDA.
Le Plan national d'action contre le racisme et la xénophobie qui sera adopté d'ici peu relève d'une stratégie qui a pour objet de promouvoir l'intégration et d'encourager des activités sociales, a poursuivi la délégation. Les organisations non gouvernementales ont étroitement été associées au processus d'élaboration de ce plan, a-t-elle assuré. Il n'est pas encore possible de fournir des informations détaillées sur le contenu de ce plan d'action puisqu'il n'a pas encore été avalisé par le Cabinet des ministres, a indiqué la délégation. Ce plan d'action doit être appréhendé comme un outil permettant de promouvoir la prévention tout en protégeant contre la violence et la discrimination.
La Conférence sur l'islam est un processus de négociation à long terme; il ne s'agit pas de conclure un contrat social mais d'établir des relations à long terme afin d'améliorer l'intégration de la communauté musulmane en Allemagne, a par ailleurs indiqué la délégation. Malheureusement, l'Allemagne ne dispose pas d'un point de contact unique avec la communauté musulmane. Les associations concernées, pour l'heure, ne sont pas prêtes à s'organiser afin qu'un tel point de contact soit désigné, a affirmé la délégation.
Le plan national d'intégration vise les personnes qui ne sont pas nées en Allemagne ou dont les parents ne sont pas nés en Allemagne, a par ailleurs expliqué la délégation, soulignant qu'environ 20% de la population allemande répond à ces critères. L'objectif de ce plan est l'intégration et non pas l'assimilation des personnes d'origine immigrée, a assuré la délégation. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un consensus de l'ensemble de la population sur les questions importantes, à savoir la démocratie, l'état de droit et le respect des droits de l'homme. Le test auquel devront se soumettre à compter de la rentrée prochaine toutes les personnes désireuses d'acquérir la citoyenneté allemande est composé de 310 questions parmi lesquelles le candidat à la citoyenneté est appelé à en choisir 33; le candidat devra alors répondre correctement à un minimum de 17 de ces 33 questions. Les personnes qui souhaitent passer ce test peuvent s'y préparer en suivant des cours dispensés à cette fin, a précisé la délégation.
L'aptitude linguistique en langue allemande est déterminante pour une intégration réussie du migrant, a par ailleurs souligné la délégation.
En ce qui concerne la Directive européenne sur le retour, la délégation a indiqué que selon l'analyse à laquelle il est actuellement procédé, il semble que la loi allemande s'aligne d'ores et déjà sur cette Directive, de sorte qu'il ne devrait pas être nécessaire de modifier la législation pour en appliquer les dispositions.
S'agissant de la question du port du voile islamique par les enseignantes, la délégation a indiqué que jusqu'à présent, aucune solution uniforme n'a été adoptée en Allemagne. Parfois, cela est autorisé, parfois ça ne l'est pas. Lors du cycle de formation des enseignants, par exemple, les enseignantes qui le désirent peuvent porter le foulard, a indiqué la délégation. En ce qui concerne le port du foulard par les élèves, il n'y a pas de restriction, a-t-elle poursuivi. Il n'y a eu qu'un seul cas où une élève s'est vu refuser l'autorisation de porter la burqa, a précisé la délégation.
Répondant à des questions en rapport avec la liberté d'expression, la délégation a notamment indiqué qu'insulter un groupe spécifique de la société constitue une infraction au regard du Code pénal. La liberté de la presse est un atout très important dans le système allemand, a poursuivi la délégation. En Allemagne, a-t-elle souligné, il n'existe pas de contrôle préalable de la presse et il est toujours possible de réagir après les faits.
Les victimes de délits racistes peuvent demander une indemnisation en vertu de la loi sur l'indemnisation des victimes, qui prévoit l'octroi d'une indemnité pour dédommagement des préjudices économiques subis, a poursuivi la délégation. Il convient de souligner qu'en la matière, les ressortissants étrangers et les citoyens allemands ne sont pas traités de la même manière, a-t-elle ajouté. S'ils ont séjourné légalement en Allemagne depuis trois ans, les ressortissants étrangers ont les mêmes droits d'indemnisation que les citoyens allemands, a notamment précisé la délégation.
En ce qui concerne les minorités visibles, et notamment les personnes d'ascendance africaine, la délégation allemande a notamment reconnu que l'État ne peut pas les ignorer et se doit d'engager un dialogue avec elles afin de trouver des solutions aux problèmes spécifiques qu'elles peuvent rencontrer.
La délégation a indiqué qu'elle prenait note des réserves exprimées par les membres du Comité en ce qui concerne la question de la collecte des données et a assuré qu'elle transmettrait leurs préoccupations aux autorités allemandes.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires sur le rapport de l'Allemagne, M. PATRICK THORNBERRY, le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a rappelé que le Comité a toujours pour dessein d'aider l'État partie dont le rapport a fait l'objet d'un examen. En ce qui concerne la question de la collecte des données, pour délicate qu'elle soit, l'objectif final est ici aussi d'être utile à l'État partie, a souligné le rapporteur.
M. Thornberry a mis l'accent sur l'importance que revêtira le plan national d'action contre le racisme dont l'Allemagne va bientôt se doter. Au cours du dialogue que le Comité a eu avec la délégation allemande, des commentaires intéressants ont été faits concernant les ressorts et les sources du racisme, a souligné l'expert. Des questions importantes ont en outre été soulevées en ce qui concerne, par exemple, la distinction entre intégration et assimilation et l'équilibre qu'il convient de maintenir, par exemple, entre enseignement en langue allemande et enseignement en langue maternelle.
Des défis restent à relever s'agissant de nombre de questions, qui exigent des réponses qui correspondent aux nouvelles réalités sociales, a conclu le rapporteur. Il a exprimé l'espoir que le présent dialogue et les observations finales que le Comité va adopter d'ici la fin de la session joueront le rôle qui leur est dévolu pour ce qui est de la compréhension de toutes les questions en jeu.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
de la discrimination raciale
6 août 2008
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Allemagne sur la mise en œuvre, par ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant des observations préliminaires à l'issue du dialogue avec la délégation allemande, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, M. Patrick Thornberry, a notamment mis l'accent sur l'importance que revêtira le plan national d'action contre le racisme dont l'Allemagne va bientôt se doter. Au cours du dialogue que le Comité a eu avec la délégation allemande, des questions importantes ont été soulevées en ce qui concerne, par exemple, la distinction entre intégration et assimilation. Des défis restent à relever s'agissant de nombre de questions, qui exigent des réponses qui correspondent aux nouvelles réalités sociales, a conclu le rapporteur. Le Comité adoptera en cours de session ses observations finales sur le rapport allemand et les rendra publiques à la fin de la session, le 15 août.
Présentant le rapport de son pays, Mme Birgitta Siefker-Eberle, Représentante permanente adjointe de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que malgré des efforts soutenus de la communauté internationale, le racisme existe toujours, y compris dans la société allemande. La Chargée des droits de l'homme au Ministère allemand de la justice, Mme Almut Wittling-Vogel, a reconnu que des violations de droits figurant dans la Convention ont lieu en Allemagne, notamment des attaques racistes et antisémites. Les autorités chargées de l'application des lois ne ménagent aucun effort pour combattre de tels actes, a-t-elle assuré. Le plan d'action national contre le racisme vient d'être achevé et doit être approuvé dans les semaines qui viennent. En outre, un projet de loi a été présenté au Parlement tendant à faire du racisme et de la xénophobie des circonstances aggravantes pour tout délit, a ajouté Mme Wittling-Vogel. Mme Martina Koeppen, Chef du Bureau antidiscrimination allemand, a pour sa part tenu le Comité informé des activités de ce Bureau.
La délégation allemande était également composée de représentants des ministères fédéraux de la justice; de l'intérieur; des affaires familiales et des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse; ainsi que du Bureau fédéral contre la discrimination, du Bureau du Procureur et de la Conférence permanente des ministres de l'éducation. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, notamment, le fait que les délits à motivation raciste ou d'extrême droite sont plus nombreux dans les Länder de l'ex-RDA que dans le reste de l'Allemagne; la mise en œuvre prochaine du Plan national d'action contre le racisme et la xénophobie; les dispositions relatives à la liberté d'expression; le «plan national d'intégration» ainsi que la mise en place d'un processus de négociation à long terme visant à améliorer l'intégration de la communauté musulmane; les questions en rapport avec le port du foulard islamique par les enseignantes ou les élèves; ou encore l'indemnisation des victimes d'actes racistes ou discriminatoires. S'agissant de cette question, un membre du Comité a relevé que les informations fournies par la délégation semblent indiquer que la loi sur l'indemnisation des victimes comporte des éléments de discrimination.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité doit se pencher, en l'absence de rapport, sur la mise en œuvre de la Convention au Bélize et au Pérou, ce dernier pays ayant prévu d'envoyer une délégation.
Présentation du rapport
MME BIRGITTA SIEFKER-EBERLE, Représentante permanente adjointe de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que son pays est ouvert à un dialogue constructif avec le Comité et écoutera avec attention tous ses conseils. Elle a reconnu que malgré des efforts soutenus de la communauté internationale, le racisme existe toujours, y compris dans la société allemande elle-même.
Au plan régional, a poursuivi Mme Siefker-Eberle, l'Allemagne a beaucoup contribué, entre autres, à la directive européenne concernant la discrimination raciale et à la directive cadre contre les discriminations. Le pays a également participé à la mise en place d'une unité pour la tolérance et les droits de l'homme au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Au plan international, l'Allemagne participe activement au processus de suivi de la Conférence contre le racisme tenue à Durban en 2001, a par ailleurs souligné Mme Siefker-Eberle.
MME ALMUT WITTLING-VOGEL, Chargée des droits de l'homme au Ministère fédéral de la justice de l'Allemagne, a pour sa part affirmé que l'Allemagne accorde une grande importance à la protection générale des droits de l'homme; la valeur accordée aux droits de l'homme constitue le fondement même de la Constitution allemande, a-t-elle insisté. Comme chacun sait, cet engagement n'est qu'un point de départ, tant il est vrai que la protection des droits de l'homme est un objectif qui n'a jamais de fin, a-t-elle ajouté. Nous savons que des violations des droits figurant dans la Convention ont bien lieu dans la réalité; des attaques racistes et antisémites ont bien lieu en Allemagne, a reconnu Mme Wittling-Vogel. Les autorités en charge de l'application des lois ne ménagent aucun effort pour combattre de tels actes, a-t-elle assuré. En Saxe, où la police avait été accusée de laxisme face à des incidents racistes, le Parlement de ce Länder a mené une enquête par le biais d'un comité dont la mise sur pied témoigne à elle seule le sérieux avec lequel ces questions sont traitées, a fait valoir Mme Wittling-Vogel.
La représentante allemande a rappelé que l'Alliance pour la démocratie et la tolérance, fondée en 2000, continue de rassembler des initiatives locales contre le racisme, la violence et la xénophobie. L'Institut allemand des droits de l'homme, institution indépendante, fournit quant à lui aux écoles des matériels éducatifs concernant les droits de l'homme, a-t-elle par ailleurs indiqué.
Le plan d'action national contre le racisme, attendu depuis longtemps, vient d'être achevé et doit être approuvé par le Cabinet des ministres dans les semaines qui viennent, a indiqué Mme Wittling-Vogel. Ce plan témoigne que ni le Gouvernement ni la société dans son ensemble ne sont résolus à accepter la discrimination, a-t-elle souligné. Ce plan doit être considéré comme un instrument en évolution, qui n'est donc pas figé et pourra être modifié, même après son adoption officielle par le Cabinet des ministres, les organisations non gouvernementales étant appelées à jouer un rôle à cet égard.
Mme Wittling-Vogel a par ailleurs fait état de la mise sur pied, en 2006, de la conférence islamique allemande. Le Conseil central des Sintis et Roms allemands a fourni un rapport parallèle, a-t-elle en outre rappelé.
En ce qui concerne l'interdiction des groupes et partis d'extrême droite, Mme Wittling-Vogel a rappelé que, lors de l'examen du précédent rapport de l'Allemagne, la délégation allemande avait informé le Comité que le Gouvernement fédéral avait engagé devant la Cour constitutionnelle une action en interdiction du Parti national démocrate allemand (NPD) pour anticonstitutionnalité; la Cour s'est dessaisie de l'affaire pour des raisons de procédure, mais le Gouvernement allemand n'en continue pas moins de surveiller les activités de ce parti et des partis qui lui sont affiliés. Des procédures pénales ont été engagées à l'encontre d'un certain nombre de groupes qui promeuvent des agissements racistes, a ajouté Mme Wittling-Vogel.
Un projet de loi a été présenté à la chambre haute du Parlement tendant à faire du racisme et de la xénophobie des circonstances aggravantes, a poursuivi Mme Wittling-Vogel, précisant que le Parlement se pencherait sur cette question cet automne.
Les méthodes de collecte de l'information vont être modifiées afin que les infractions commises par des policiers dans le cadre de leurs fonctions apparaissent clairement et immédiatement dans les statistiques, a par ailleurs indiqué Mme Wittling-Vogel.
Au niveau fédéral et au niveau des Länder, les forces de police allemandes comptent au total 498 ressortissants étrangers, non compris les policiers issus de l'immigration mais qui sont Allemands, a en outre précisé Mme Wittling-Vogel.
Mme Wittling-Vogel a rappelé que la loi sur la nationalité a été modifiée et qu'à compter de la rentrée prochaine, toute personne prétendant à la nationalité allemande devra se soumettre à un test dans lequel figurent des questions sur le système civique et politique allemand (310 questions au total).
La Loi sur l'égalité introduit une nouvelle institution: le Bureau antidiscrimination, a par ailleurs indiqué Mme Wittling-Vogel.
MME MARTINA KOEPPEN, Chef du Bureau antidiscrimination du Gouvernement fédéral de l'Allemagne, a tenu le Comité informé des travaux accomplis par son Bureau. Elle a tout d'abord rappelé que la Loi sur l'égalité, entrée en vigueur en août 2006, transpose en droit interne la directive européenne en la matière. Le Bureau antidiscrimination a été mis en place lorsque cette loi est entrée en vigueur. Il s'agit d'une institution indépendante siégeant à Berlin qui est chargée de protéger les individus contre toute forme de discrimination. Au total, 21 personnes travaillent pour le Bureau, a précisé Mme Koeppen. La principale tâche de cette institution est de fournir aide et conseils aux personnes qui s'estiment lésées au regard de la Loi sur l'égalité. Nombre de personnes qui contactent le Bureau souhaitent trouver un accord à l'amiable plutôt qu'engager une action devant les tribunaux, a précisé Mme Koeppen. Or, précisément, le Bureau parvient la plupart du temps à un accord à l'amiable, a-t-elle indiqué.
Exposant les conclusions qui ressortent des travaux et recherches du Bureau, Mme Koeppen a indiqué que depuis 2006, au total, 221 requêtes déposées auprès de son institution portaient sur la discrimination raciale ou la discrimination fondée sur l'origine ethnique, ce qui représente 7% du total des requêtes présentées. Un tiers des cas de discrimination présentés portait sur des discriminations à motif multiple, a ajouté Mme Koeppen. Beaucoup de gens issus de l'immigration se plaignent de discrimination de la part d'employés de la fonction publique, a-t-elle poursuivi. En outre, nombre de plaintes déposées ont trait à des discriminations en matière d'accès aux discothèques ou aux clubs de fitness; des plaintes portent également sur la discrimination en matière d'octroi de prêts ou d'ouverture de comptes bancaires.
Le rapport périodique de l'Allemagne (CERD/C/DEU/18 - seizième à dix-huitième rapports présentés en un seul document) souligne que l'attachement proclamé à l'ordre constitutionnel libéral et démocratique et le rejet de toutes les formes concevables d'extrémisme et de racisme figurent au nombre des principes fondamentaux sur lesquels repose l'activité politique du Gouvernement allemand. Divers programmes de lutte contre l'extrémisme de droite, la xénophobie et l'intolérance ont déjà été élaborés et mis en application, et le Gouvernement allemand entend les poursuivre. Eu égard à la multiplicité des facteurs qui favorisent l'émergence de comportements extrémistes de droite, le Gouvernement fédéral allemand applique une stratégie pluridimensionnelle alliant prévention et répression, dont les grands axes correspondent aux quatre piliers d'une politique volontariste en faveur des droits de l'homme: renforcement de la société civile; appel au courage civil des individus, c'est-à-dire au courage de chacun de défendre ses convictions; promotion de l'intégration des étrangers; et mesures visant les auteurs d'actes délictueux et leur environnement. Les actes de nature xénophobe ou antisémite sont généralement classés dans la catégorie des «délits politiques d'extrême droite», précise en outre le rapport. Dans le cadre de l'action énergique menée contre l'extrême droite, plusieurs Länder ont décidé en 2001 de se doter de programmes EXIT, ajoute-t-il. Il s'agit d'un dispositif de prévention complémentaire par lequel les autorités offrent une assistance à toute personne qui souhaite quitter les rangs de l'extrême droite. L'incitation à la haine par des médias ou par l'Internet constitue aussi un délit, poursuit le rapport. Les mesures de protection spéciale dont jouissent le cas échéant les minorités danoise, frisonne et sorabe, ainsi que les Sintis et les Roms de nationalité allemande, sont conformes au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention, souligne par ailleurs le rapport.
L'Allemagne compte actuellement quelque 3,2 millions de musulmans, qui ne forment pas un groupe ethnique homogène. Ce qui les unit, c'est leur foi commune. On notera toutefois aussi que beaucoup de personnes, allemandes ou étrangères, de confession musulmane sont exposées à la menace du racisme, en raison non pas de leur religion, mais de leur origine ethnique. Le Gouvernement fédéral et les Länder considèrent donc le dialogue avec les musulmans vivant dans le pays comme l'un des fers de lance de leur politique d'intégration. Le présent rapport traite également de la situation des plus de 100 000 membres de la communauté juive, des 50 000 à 70 000 Sintis et Roms, des quelque 50 000 membres de la minorité danoise, ainsi que des 50 000 à 60 000 personnes qui se revendiquent Frisons du Nord. Dans les Länder, qui sont compétents en matière d'éducation, de nombreuses tentatives ont été faites pour proposer un enseignement de l'islam, précise le rapport. La difficulté vient de ce que, jusqu'ici, les autorités des Länder n'ont pas trouvé de partenaire bénéficiant de l'autorité et de la légitimité nécessaires pour décider du contenu théorique et pratique de cet enseignement religieux. C'est pourquoi seuls quelques projets modèles ont été mis en œuvre jusqu'à présent en coopération avec des groupes musulmans locaux.
La loi du 15 juillet 1999 portant modification du droit de la nationalité a marqué une étape importante dans la politique d'intégration. Le principe du droit du sang, en vertu duquel l'enfant devait avoir au moins un parent allemand pour acquérir la nationalité allemande, a été complété par le principe du droit du sol. En vertu de ce dernier principe, l'enfant né en Allemagne de parents étrangers acquiert la nationalité allemande à la naissance si l'un de ses parents réside effectivement et légalement en Allemagne depuis huit ans et est ressortissant de l'Union européenne jouissant à ce titre du droit de libre circulation, ou ressortissant d'un autre pays de l'Espace économique européen jouissant d'un statut équivalent, ou ressortissant de la Confédération suisse, ou encore est titulaire d'un permis de séjour ou d'installation de l'Union européenne. L'enfant qui a acquis la nationalité allemande au titre du jus soli doit opter pour la nationalité allemande ou pour la nationalité étrangère à sa majorité. S'il opte pour la nationalité allemande, il doit renoncer à la nationalité étrangère, à moins que cela soit impossible ou déraisonnable. Il doit prendre cette décision avant l'âge de 23 ans. Les enfants nés avant le 1er janvier 2000, âgés de dix ans ou plus et qui auraient rempli à la naissance les conditions requises pour obtenir la nationalité allemande au titre du jus soli introduit par la réforme du droit de la nationalité, ont été exceptionnellement admis à se faire naturaliser jusqu'au 31 décembre 2000. Ils devront eux aussi opter pour la nationalité allemande ou pour la nationalité étrangère à leur majorité. Depuis le 1er janvier 2000, la durée de résidence requise d'un adulte étranger pour l'accès à la naturalisation a été ramenée de 15 à 8 ans. Le droit de naturalisation est soumis à une connaissance suffisante de la langue allemande et à l'adhésion aux principes de liberté et de démocratie consacrés par la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne.
Questions et observations des membres du Comité
M. PATRICK THORNBERRY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Allemagne, a remercié la délégation pour les réponses écrites qu'elle a présentées à la liste de questions qui lui avait été préalablement adressée par le Comité. M. Thornberry a pris note des nombreux instruments de droits de l'homme ratifiés par l'Allemagne. Il a toutefois souhaité connaître les raisons pour lesquelles le pays n'a toujours pas ratifié le douzième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit toute forme de discrimination.
M. Thornberry a souligné que des tensions identitaires peuvent ne pas être du tout liées à la question de race. En outre, l'extrémisme de droite est un concept plus limité que celui du racisme, même s'il se chevauche avec ce dernier, a par ailleurs fait observer le rapporteur, souhaitant connaître les commentaires de la délégation à ce sujet.
Relevant que l'Allemagne ne collecte pas de données à caractère ethnique, M. Thornberry a jugé qu'il est difficile dans ce contexte de saisir comment la lutte contre la discrimination raciale peut être ciblée. Il a par ailleurs relevé que le rapport présenté par l'Allemagne affirme que certains groupes ethniques sont régulièrement menacés de racisme, sans jamais préciser de quels groupes il s'agit.
Ne serait-il pas possible pour l'Allemagne, sans abandonner son point de vue concernant la question des minorités nationales, d'amoindrir les effets des distinctions que le pays opère entre tels ou tels groupes, a demandé M. Thornberry?
Qu'en est-il du statut des traités dont le rapport indique qu'ils régissent les relations entre les Länder et la communauté juive, a par ailleurs demandé le rapporteur? Existe-t-il des traités similaires pour d'autres groupes?
Concernant la question des non-ressortissants, M. Thornberry a renvoyé la délégation allemande à la recommandation générale n°13 du Comité.
Sur quelle base décide-t-on d'envoyer des enfants dans des écoles spéciales pour enfants roms ou immigrants, où les résultats ne sont habituellement pas très bons, a demandé le rapporteur?
M. Thornberry a relevé que les restrictions imposées à la liberté de mouvement pour les requérants d'asile ont été jugées non discriminatoires par la Cour européenne des droits de l'homme. La question subsiste toutefois de savoir si cela répond totalement à tous les aspects de cette problématique.
Que faut-il comprendre par l'affirmation selon laquelle le montant de l'indemnisation accordée à une victime dépend du degré d'intégration de cette personne, a en outre demandé l'expert?
Le Bureau fédéral antidiscrimination n'aurait-il pas intérêt à entrer en contact avec les médias et à travailler avec eux, s'est interrogé M. Thornberry.
En conclusion, le rapporteur a indiqué avoir l'impression d'ensemble qu'un effort sérieux est fait pour s'attaquer à la discrimination en Allemagne. Peut-être faudrait-il toutefois que le pays soit plus incisif pour ce qui a trait aux statistiques relatives à des incidents racistes, a-t-il suggéré. Le défi semble encore entier pour l'Allemagne en ce qui concerne la prise en compte des nouvelles formes de racisme, a par ailleurs souligné M. Thornberry.
Un autre membre du Comité a jugé francs le rapport et les interventions de la délégation allemande. Il s'est toutefois dit perplexe face au manque de données complètes concernant les procédures engagées et les condamnations prononcées pour actes racistes sur l'ensemble du territoire allemand. Les 183 organisations d'extrême droite que mentionne le rapport sont-elles légales ou s'agit-il d'organisations que l'on soupçonne d'être extrémistes, a par ailleurs demandé cet expert? Il s'est en outre enquis du résultat des mesures prises pour promouvoir la qualification professionnelle des groupes les plus défavorisés.
Dans quelle mesure les dispositions relatives au partage du fardeau de la preuve ont-elles été appliquées en droit interne, a demandé un autre expert? Il a par ailleurs souhaité savoir si le Bureau fédéral antidiscrimination est habilité à présenter au législateur des propositions de loi sur la base des recherches qu'il a effectuées. D'après les informations disponibles, a poursuivi cet expert, les enfants requérants d'asile semblent avoir des difficultés à être scolarisés, notamment dans le Bade-Wurtemberg ou en Hesse, ces Länder n'ayant en effet pas encore d'obligation scolaire à l'égard des enfants dits tolérés ou requérants d'asile.
L'Allemagne se considère-t-elle comme un État multiethnique, multiculturel, a demandé un membre du Comité, relevant notamment qu'un cinquième de la population allemande est issue de l'immigration? Les données disponibles concernant des groupes particuliers concernent essentiellement les musulmans qui, en fait, ne sont pas un groupe ethnique mais religieux, a fait observer l'expert. L'Allemagne ne reconnaît que quatre minorités nationales officielles, a-t-il par ailleurs relevé, relevant que la définition des minorités nationales retenue par le pays est très stricte, laissant de côté des millions de personnes. Nombre d'informations laissent apparaître que les Roms subissent des discriminations, en particulier dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et du logement. Le Comité a toujours soutenu l'idée qu'il convient de promouvoir l'intégration économique et sociale et non pas culturelle ou linguistique. En effet, supprimer les différences ethniques et linguistiques relève de l'assimilation, a souligné ce membre du Comité. Il faudrait que l'Allemagne se dote d'une législation plus précise incriminant tous les actes visés par l'article 4 de la Convention, s'agissant notamment de la propagande raciale, d'où qu'elle émane, a-t-il en outre souligné.
Un autre membre du Comité a souligné que l'une des principales préoccupations qu'avait exprimées le Comité en 2001 concernant l'Allemagne continue aujourd'hui d'être pertinente: il s'agit de la préoccupation ayant trait à la recrudescence des incidents racistes, xénophobes et extrémistes, y compris de la part des forces de l'ordre. Un tel phénomène ne concerne pas seulement l'Allemagne puisqu'il se retrouve également dans d'autres pays, notamment des pays proches de l'Allemagne, a fait observer cet expert. Il a relevé que la recrudescence de ces incidents se manifeste particulièrement dans les Länder de l'est et a fait observer qu'hier, la délégation de la Fédération de Russie expliquait qu'en ce qui la concernait, les phénomènes racistes qui se manifestaient sur son territoire étaient probablement imputables, en bonne partie, à une crise des valeurs après la chute de l'empire soviétique, qui se serait traduite par une perte des valeurs auprès de la jeunesse. Que pense pour elle-même l'Allemagne de cette explication, a demandé l'expert? Il s'est en outre enquis de la solution qui a été apportée en Allemagne à la question du port du voile musulman par les enseignantes des écoles publiques. À ce jour, a en outre relevé l'expert, aucune solution n'a été dégagée pour trouver un partenaire pour l'enseignement régulier de l'islam dans les écoles publiques.
Un autre expert a jugé très encourageant que l'Allemagne se dise engagée en faveur de la Conférence d'examen de la Conférence de Durban qui doit se tenir l'an prochain à Genève.
Un grand nombre de membres du Comité ont observé que le rapport présenté par l'Allemagne ne fait aucune mention de la situation des personnes d'ascendance africaine, c'est-à-dire des Noirs, dans le pays. Un expert a relevé qu'il semble très difficile pour un Noir d'intégrer, par exemple, l'équipe nationale allemande de football. Les Noirs sont fréquemment les victimes toute désignées des comportements discriminatoires, a fait observer un autre membre du Comité.
Un membre du Comité a par la suite préconisé que l'Allemagne adopte certaines mesures spéciales en faveur de certains groupes particulièrement défavorisés, comme les Roms, par exemple.
Un autre expert a relevé qu'en Allemagne, à l'instar d'autres pays d'Europe de l'Ouest, les petites minorités – qui comptent une cinquantaine de milliers de membres – sont reconnues, alors que les autres – qui sont constituées de centaines de milliers voire de millions d'individus – ne le sont pas. Le problème est qu'avec ces groupes non reconnus, il n'y a pas de dialogue, a souligné l'expert. Il conviendrait d'approcher ces communautés à partir de leur origine ethnique et non pas seulement à partir de leur religion, a préconisé ce membre du Comité. Historiquement, des communautés ont été assimilées dans certains pays, comme cela fut par exemple le cas en Roumanie pour une communauté allemande assimilée par une autre minorité. Or, de nos jours, il ne saurait être question de projeter d'assimiler une minorité, a insisté l'expert. Il faut donc trouver les moyens de protéger les langues et les cultures des groupes minoritaires, si l'on veut protéger leur identité et éviter leur assimilation, a-t-il souligné. L'expert s'est par ailleurs demandé si l'Allemagne ne devrait pas revoir sa législation à la lumière de l'article 4 de la Convention, relatif à l'interdiction de la propagande et des organisations racistes.
Évoquant les difficultés qu'il y a à imposer un renversement de la charge de la preuve en matière pénale, en raison de la nécessité de préserver la présomption d'innocence, un membre du Comité a souhaité savoir si la pratique du testing a été autorisée en Allemagne comme elle a pu l'être dans d'autres pays.
D'après les informations fournies par la délégation en ce qui concerne la loi sur l'indemnisation des victimes, il est clair qu'il y a dans cette loi des éléments de discrimination, a déclaré un expert après avoir entendu les explications de la délégation. Il vaudrait mieux se pencher sur la gravité de l'attaque subie plutôt que sur le statut de la victime pour déterminer l'indemnisation à laquelle cette dernière peut prétendre, a-t-il souligné.
L'action contre la discrimination est une action qui doit être permanente, a souligné un membre du Comité. L'école et les médias, en particulier, en sont les supports permanents, a-t-il insisté.
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
La délégation allemande a souligné que le racisme n'existe pas uniquement en marge de la société mais bien aussi au sein de la société elle-même. Le débat en la matière ne fait que commencer en Allemagne et nous ne savons pas encore très bien si nous pouvons utiliser le terme de «racisme» dans la législation elle-même, a dit la délégation. D'après la législation allemande, tous les délits motivés par une intention raciste sont considérés comme des délits à motivation d'extrême droite, ce qui ne signifie pas que l'auteur du délit soit une association d'extrême droite ou un membre d'une telle association, a expliqué la délégation. Elle a indiqué qu'à compter de l'année prochaine, les autorités allemandes seraient en mesure de fournir des statistiques sur le nombre de policiers poursuivis pour coups et blessures; mais il ne sera pas pour autant possible de savoir quelles auront été les motivations de ces actes.
La délégation a souligné qu'en matière de statistiques, les délits ne sont pas répertoriés en fonction de l'origine ethnique ou de la nationalité de la personne; seule est prise en compte la qualité de citoyen ou de non-citoyen de la personne. Il n'en demeure pas moins que des mesures pourraient être prises à cet égard afin de mieux cerner quelles sont les personnes les plus touchées par les crimes à motivation raciste ou quel groupe dans la société se rend le plus coupable de tel ou tel type de délits. La délégation a toutefois expliqué que l'on peut craindre une stigmatisation et que certains tiennent absolument à maintenir une protection de la confidentialité des données.
La délégation a indiqué que si l'Allemagne a signé mais toujours pas encore ratifié le douzième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit toute forme de discrimination, c'est parce qu'elle ne sait pas encore bien si ce Protocole interdit ou non la différenciation en fonction de la citoyenneté. En effet, l'Allemagne établit une distinction entre citoyens et non-citoyens et souhaite la maintenir, a expliqué la délégation.
Rappelant que la proportion de délits racistes motivés par l'extrême droite est supérieure dans les Länder de l'ex-RDA, la délégation a expliqué qu'après les changements politiques de 1989, des forces nationalistes et d'extrême droite ont pu ressurgir, passant de l'ouest à l'est de l'Allemagne, et se livrer à de la propagande dans les nouveaux Länder, où elles ont d'ailleurs connu un certain succès auprès des jeunes. Il est impossible de régler ce problème uniquement par la voie judiciaire et l'aide de la société entière est nécessaire à cette fin, a souligné la délégation. La situation économique dans les nouveaux Länder est moins bonne que dans le reste du pays, a-t-elle rappelé, insistant sur le dépit qu'a suscité cett esituation auprès des jeunes de l'ex-RDA.
Le Plan national d'action contre le racisme et la xénophobie qui sera adopté d'ici peu relève d'une stratégie qui a pour objet de promouvoir l'intégration et d'encourager des activités sociales, a poursuivi la délégation. Les organisations non gouvernementales ont étroitement été associées au processus d'élaboration de ce plan, a-t-elle assuré. Il n'est pas encore possible de fournir des informations détaillées sur le contenu de ce plan d'action puisqu'il n'a pas encore été avalisé par le Cabinet des ministres, a indiqué la délégation. Ce plan d'action doit être appréhendé comme un outil permettant de promouvoir la prévention tout en protégeant contre la violence et la discrimination.
La Conférence sur l'islam est un processus de négociation à long terme; il ne s'agit pas de conclure un contrat social mais d'établir des relations à long terme afin d'améliorer l'intégration de la communauté musulmane en Allemagne, a par ailleurs indiqué la délégation. Malheureusement, l'Allemagne ne dispose pas d'un point de contact unique avec la communauté musulmane. Les associations concernées, pour l'heure, ne sont pas prêtes à s'organiser afin qu'un tel point de contact soit désigné, a affirmé la délégation.
Le plan national d'intégration vise les personnes qui ne sont pas nées en Allemagne ou dont les parents ne sont pas nés en Allemagne, a par ailleurs expliqué la délégation, soulignant qu'environ 20% de la population allemande répond à ces critères. L'objectif de ce plan est l'intégration et non pas l'assimilation des personnes d'origine immigrée, a assuré la délégation. Ce qui est important, c'est qu'il y ait un consensus de l'ensemble de la population sur les questions importantes, à savoir la démocratie, l'état de droit et le respect des droits de l'homme. Le test auquel devront se soumettre à compter de la rentrée prochaine toutes les personnes désireuses d'acquérir la citoyenneté allemande est composé de 310 questions parmi lesquelles le candidat à la citoyenneté est appelé à en choisir 33; le candidat devra alors répondre correctement à un minimum de 17 de ces 33 questions. Les personnes qui souhaitent passer ce test peuvent s'y préparer en suivant des cours dispensés à cette fin, a précisé la délégation.
L'aptitude linguistique en langue allemande est déterminante pour une intégration réussie du migrant, a par ailleurs souligné la délégation.
En ce qui concerne la Directive européenne sur le retour, la délégation a indiqué que selon l'analyse à laquelle il est actuellement procédé, il semble que la loi allemande s'aligne d'ores et déjà sur cette Directive, de sorte qu'il ne devrait pas être nécessaire de modifier la législation pour en appliquer les dispositions.
S'agissant de la question du port du voile islamique par les enseignantes, la délégation a indiqué que jusqu'à présent, aucune solution uniforme n'a été adoptée en Allemagne. Parfois, cela est autorisé, parfois ça ne l'est pas. Lors du cycle de formation des enseignants, par exemple, les enseignantes qui le désirent peuvent porter le foulard, a indiqué la délégation. En ce qui concerne le port du foulard par les élèves, il n'y a pas de restriction, a-t-elle poursuivi. Il n'y a eu qu'un seul cas où une élève s'est vu refuser l'autorisation de porter la burqa, a précisé la délégation.
Répondant à des questions en rapport avec la liberté d'expression, la délégation a notamment indiqué qu'insulter un groupe spécifique de la société constitue une infraction au regard du Code pénal. La liberté de la presse est un atout très important dans le système allemand, a poursuivi la délégation. En Allemagne, a-t-elle souligné, il n'existe pas de contrôle préalable de la presse et il est toujours possible de réagir après les faits.
Les victimes de délits racistes peuvent demander une indemnisation en vertu de la loi sur l'indemnisation des victimes, qui prévoit l'octroi d'une indemnité pour dédommagement des préjudices économiques subis, a poursuivi la délégation. Il convient de souligner qu'en la matière, les ressortissants étrangers et les citoyens allemands ne sont pas traités de la même manière, a-t-elle ajouté. S'ils ont séjourné légalement en Allemagne depuis trois ans, les ressortissants étrangers ont les mêmes droits d'indemnisation que les citoyens allemands, a notamment précisé la délégation.
En ce qui concerne les minorités visibles, et notamment les personnes d'ascendance africaine, la délégation allemande a notamment reconnu que l'État ne peut pas les ignorer et se doit d'engager un dialogue avec elles afin de trouver des solutions aux problèmes spécifiques qu'elles peuvent rencontrer.
La délégation a indiqué qu'elle prenait note des réserves exprimées par les membres du Comité en ce qui concerne la question de la collecte des données et a assuré qu'elle transmettrait leurs préoccupations aux autorités allemandes.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires sur le rapport de l'Allemagne, M. PATRICK THORNBERRY, le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a rappelé que le Comité a toujours pour dessein d'aider l'État partie dont le rapport a fait l'objet d'un examen. En ce qui concerne la question de la collecte des données, pour délicate qu'elle soit, l'objectif final est ici aussi d'être utile à l'État partie, a souligné le rapporteur.
M. Thornberry a mis l'accent sur l'importance que revêtira le plan national d'action contre le racisme dont l'Allemagne va bientôt se doter. Au cours du dialogue que le Comité a eu avec la délégation allemande, des commentaires intéressants ont été faits concernant les ressorts et les sources du racisme, a souligné l'expert. Des questions importantes ont en outre été soulevées en ce qui concerne, par exemple, la distinction entre intégration et assimilation et l'équilibre qu'il convient de maintenir, par exemple, entre enseignement en langue allemande et enseignement en langue maternelle.
Des défis restent à relever s'agissant de nombre de questions, qui exigent des réponses qui correspondent aux nouvelles réalités sociales, a conclu le rapporteur. Il a exprimé l'espoir que le présent dialogue et les observations finales que le Comité va adopter d'ici la fin de la session joueront le rôle qui leur est dévolu pour ce qui est de la compréhension de toutes les questions en jeu.
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