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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ÉTHIOPIE
20 août 2009
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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de l'Éthiopie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Fisseha Yimer, Conseiller auprès du Ministre éthiopien des affaires étrangères, a souligné que la Constitution fédérale de 1995 avait institué une forme unique de fédéralisme qui garantit de meilleures possibilités pour les diverses communautés ethniques de l'Éthiopie de promotion de leurs cultures, de l'exercice de l'autogouvernance et d'un développement économique centré sur l'individu. La principale raison d'être de la nouvelle Constitution est de rectifier les relations historiques inéquitables en interdisant la discrimination sous toutes ses formes. La législation prévoit la possibilité pour les groupes religieux et coutumiers d'utiliser leurs lois religieuses et coutumières propres pour résoudre les différends familiaux. Néanmoins, la Constitution stipule que les lois religieuses ou coutumières qui portent atteinte aux normes de droits de l'homme sont nulles et non avenues, a précisé M. Yimer. Le code pénal de 2005 prévoit l'incrimination de la discrimination raciale, a-t-il en outre indiqué. Pour ce qui est des Érythréens qui ont été expulsés durant la guerre de 1998-2000 entre l'Éthiopie et l'Érythrée, M. Yimer a souligné que le Gouvernement éthiopien a publié une nouvelle directive qui permet à celles parmi ces personnes qui ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale de revenir et de réclamer leurs biens qui – contrairement à ce que prétendent de fausses allégations – n'ont jamais été confisqués ou expropriés par le Gouvernement.
La délégation éthiopienne était également composée de représentants de la Direction des affaires religieuses et des croyances, de la Chambre de la Fédération, du Ministère de la justice et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment du système fédéral; du droit de sécession prévu dans la Constitution; de la situation actuelle concernant les conflits dans le pays; de l'application des lois religieuses et coutumières; ou encore des réfugiés.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, M. Chris Maina Peter, s'est notamment inquiété d'informations persistantes faisant état de cas de discrimination raciale fondée sur la caste dans certaines parties du pays. Il s'est également dit préoccupé d'informations faisant état de harcèlements, d'arrestations et de détentions dont seraient victimes certains groupes d'étrangers, en particulier des personnes en provenance d'Érythrée.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur ce rapport, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 28 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Tchad (CERD/C/TCD/15).
Présentation du rapport de l'Éthiopie
M. FISSEHA YIMER, Conseiller auprès du Ministre des affaires étrangères de l'Éthiopie, a exprimé les regrets de son pays pour le retard pris dans le présentation de ce rapport, qui est dû principalement à un manque de capacités techniques et de ressources auquel l'Éthiopie s'est efforcée de remédier en faisant appel à l'aide internationale, bénéficiant à cet égard plus particulièrement de l'assistance du bureau régional du Haut Commissariat aux droits de l'homme.
M. Yimer a rappelé que le précédent rapport périodique de l'Éthiopie avait été présenté dans un contexte politique différent où le pays se trouvait sous dictature militaire et empêtré dans une guerre civile. Depuis, l'Éthiopie est entrée dans une nouvelle ère politique, après la fin de la junte militaire en 1991 et les réformes politiques et constitutionnelles qui ont suivi. De nouvelles institutions nationales des droits de l'homme ont été mises en place dont le mandat comprend la surveillance de toutes les formes de discrimination, a précisé M. Yimer. La Constitution fédérale de 1995 a institué une forme unique de fédéralisme qui garantit de meilleures possibilités pour les diverses communautés ethniques de l'Éthiopie du point de vue de la promotion de leurs cultures, de l'exercice de l'autogouvernance et de la promotion d'un développement économique centré sur l'individu. La principale raison d'être de la nouvelle Constitution est de rectifier les relations historiques injustes en interdisant la discrimination sous toutes ses formes, a insisté M. Yimer. Toutes les régions du pays utilisent désormais leurs propres langues pour l'administration publique et les écoles, a-t-il ajouté. Dans un pays où se sont manifestées des relations historiques complexes et inéquitables entre les différentes communautés religieuses et ethniques, la pleine réalisation de la promesse de «fédéralisme ethnique» demande du temps, a-t-il souligné.
M. Yimer a fait part de l'adoption d'une politique culturelle fédérale qui reconnaît les droits de tous les groupes et communautés à la préservation de leurs cultures et de leurs patrimoines. Tant la Constitution fédérale que d'autres textes législatifs pertinents prévoient la possibilité pour les groupes religieux et coutumiers d'utiliser leurs lois religieuses et coutumières propres pour résoudre les différends familiaux. Néanmoins, l'article 9 de la Constitution stipule que les lois religieuses ou coutumières qui portent atteinte aux normes des droits de l'homme sont nulles et non avenues, a précisé M. Yimer. Un nouveau code pénal fédéral a été adopté en 2005 qui prévoit l'incrimination de la discrimination raciale, a-t-il en outre indiqué. Les dispositions constitutionnelles et autres ne se traduiront dans la réalité que si elles s'accompagnent d'un développement socioéconomique, d'un renforcement des institutions démocratiques et judiciaires et d'une sensibilisation accrue du public quant à ses droits et obligations, a-t-il toutefois souligné. C'est pourquoi le Gouvernement éthiopien, en collaboration avec les organisations internationales, continue d'investir lourdement dans la création de capacités institutionnelles. M. Yimer a fait valoir que l'économie éthiopienne est l'une des plus performantes d'Afrique pour l'année 2009.
L'armée est effectivement et institutionnellement sous contrôle civil, a assuré M. Yimer. Il a aussi fait valoir que tous les groupes ethniques peuvent désormais éduquer leurs enfants dans leur langue maternelle. Il a en outre insisté sur les mesures prises afin d'étendre les services sociaux aux pauvres ruraux.
L'Éthiopie est située dans une des régions les plus instables et sous-développées d'Afrique, ce qui a nourri un cycle de conflits, de terrorisme et d'insécurité, a rappelé M. Yimer. Des groupes étrangers continuent d'armer et d'entraîner de soi-disant groupes rebelles en Éthiopie afin de créer des divisions et l'instabilité dans le pays. On a prétendu que ces groupes rebelles avaient pris les armes en raison de discriminations raciale ou autres, ce qui ne correspond aucunement à la réalité politique et constitutionnelle du pays. L'ordre du jour extrémiste et anticonstitutionnel poursuivi par des groupes comme le Front de libération oromo (OLF) et le Front national de libération de l'Ogaden (ONLF) se heurtent à la résistance des Oromos et des Somaliens eux-mêmes qui exercent désormais pleinement leur droit à l'autodétermination, a déclaré M. Yimer. Les membres de ces groupes illégaux qui sont placés en détention et jugés sont traités sans discrimination aucune, a-t-il assuré. Rappelant que le nombre de réfugiés érythréens et de somaliens en Éthiopie a considérablement augmenté au cours de l'année écoulée, M. Yimer a indiqué qu'en tant que pays signataire de la Convention de 1951 sur la protection du statut des réfugiés, l'Éthiopie est engagée en faveur de la protection des réfugiés et de leurs droits.
Pour ce qui est des Érythréens qui ont été expulsés durant la guerre de 1998-2000 entre l'Éthiopie et l'Érythrée, M. Yimer a souligné que le Gouvernement éthiopien a publié une nouvelle directive qui permet à celles de ces personnes qui ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale de revenir et de réclamer leurs biens qui – contrairement à ce que prétendent de fausses allégations – n'ont jamais été confisqués ou expropriés par le Gouvernement.
Complétant cette présentation par des réponses à la liste de questions écrites préalablement adressées à l'Éthiopie par le Comité, la délégation a notamment réfuté les allégations selon lesquelles des enseignants seraient renvoyés sur la base de leur origine ethnique ou sociale.
S'agissant des lois coutumières et religieuses et de leur influence sur la vie des citoyens éthiopiens, la délégation a souligné qu'appliquer les droits coutumiers et religieuses est certes un droit, mais qu'il existe également un corpus de droits applicables à tous. Les femmes qui considèrent que leurs droits ne sont pas respectés par l'application d'une loi coutumière ou religieuse – la charia, par exemple – peuvent s'adresser à un tribunal civil, a précisé la délégation. La législation éthiopienne pénalise le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, a-t-elle également indiqué.
En ce qui concerne la crise de 2003 dans la région de Gambela, la délégation a indiqué que des peines de 2 à 12 ans avaient été prononcées à l'encontre de personnes impliquées dans des violations de droits de l'homme commises durant ce contexte, y compris à l'encontre d'un membre de l'armée, de sorte qu'on ne saurait prétendre qu'il y a eu impunité pour les violations perpétrées. Désormais, dans cette région, des organisations non gouvernementales sont présentes et les personnes déplacées suite à cette crise reviennent sur leurs terres et récupèrent leurs biens. Pour ce qui est de l'État régional de Somali, les conditions de sécurité – y compris du point de vue de la sécurité alimentaire – ont été améliorées et l'accès à cet État est libre, a assuré la délégation.
Le rapport périodique de l'Éthiopie (document CERD/C/ETH/7-16 rassemblant les septième à seizième rapports) indique que ce n'est qu'en 1991, lorsque le Front démocratique révolutionnaire des peuples d'Éthiopie (EPRDF) est arrivé au pouvoir en renversant le régime militaire que des lois de protection et de promotion de l'égalité entre les différents groupes ethniques du pays ont été adoptées, et que diverses mesures administratives, judiciaires et autres ont été prises pour assurer l'application de ces lois. Le système constitutionnel de l'État repose sur l'égalité entre les nations, les nationalités et les peuples d'Éthiopie, ajoute le rapport. Tous les éléments de la discrimination raciale selon la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, c'est-à-dire la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, sont inscrits dans la Constitution éthiopienne, qui interdit toute forme de discrimination fondée sur la race, la nation, la nationalité, la couleur ou l'origine sociale. L'interdiction de la discrimination fondée sur l'origine sociale est si complète qu'elle inclut l'interdiction de la discrimination fondée sur l'ascendance, précise le rapport. Pour faire face à des formes indirectes de discrimination raciale, la Constitution garantit que les actes qui semblent, a priori, non discriminatoires, seront interdits s'ils se révèlent être discriminatoires. Les groupes minoritaires sont reconnus par la Constitution et des sièges leur sont attribués au Parlement; toutefois, une liste complète des groupes minoritaires existant dans le pays n'a pas encore été établie, souligne le rapport.
Les étrangers jouissent de la plupart des droits et privilèges dont bénéficient les ressortissants éthiopiens, poursuit le rapport, précisant notamment que pour les étrangers, la jouissance de certains services sociaux, économiques et administratifs peut être soumise à conditions. Le droit de vote et le droit d'être élu sont réservés uniquement aux Éthiopiens. Un ressortissant étranger d'origine éthiopienne reçoit un document d'identité attestant de ce statut; le titulaire de ce document jouit de la plupart des droits et privilèges des ressortissants éthiopiens à l'exception du droit de vote ou d'être élu. La propriété des biens immobiliers est réservée aux seuls ressortissants éthiopiens, indique en outre le rapport.
Alors que la police et les forces de défense accomplissaient leurs fonctions, des allégations de violations des droits de l'homme ont été émises à leur encontre, poursuit le rapport. En conséquence, une Commission d'enquête indépendante sur le conflit dans le Gambella a été créée afin d'examiner les circonstances des incidents et présenter un rapport à la Chambre des représentants des peuples. La Commission n'a constaté aucune violation institutionnelle des droits de l'homme commise par la police ou les forces de défense, indique le rapport. Selon un rapport, ajoute-t-il, les personnes qui ont causé la mort ou la destruction de biens dans la région concernée appartenaient aux différents groupes locaux.
Les Oromos constituent le groupe ethnique le plus important et l'État d'Oromia est le plus grand de tous les États d'Éthiopie. L'Oromia se gouverne lui-même et la langue de travail dans cette région est l'oromifa, qui diffère de la langue de travail fédérale, l'amharique. Il y a six ans, poursuit le rapport, le Gouvernement a entrepris une enquête criminelle et des poursuites contre les personnes soupçonnées d'appartenir au Front de libération de l'Oromo (OLF), organisation basée en Érythrée et qui mène des activités terroristes.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. CHRIS MAINA PETER, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, a passé en revue les difficultés qu'a rencontrées le pays dans quatre domaines: politique, guerres et paix, géographie et climat. Il a rappelé que l'Éthiopie est coupée de la mer, enclavée depuis 1993, lorsqu'a été créé l'État d'Érythrée.
L'Éthiopie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de sorte que les personnes se trouvant sous sa juridiction ne peuvent pas déposer de plaintes devant le Comité, a relevé M. Peter. Il a en revanche souligné que l'Éthiopie n'a émis aucune réserve à la Convention.
Il est vrai que la Constitution est réellement une charte des droits importante pour l'Éthiopie, a reconnu M. Peter. Il a relevé que l'Éthiopie est un pays de tradition moniste, de sorte que tous les instruments internationaux dûment ratifiés sont d'application directe en droit interne. Il n'en demeure pas moins que certains instruments internationaux – au nombre desquels la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale – ne s'appliquent pas facilement directement en droit interne, a fait observer M. Peter. Par ailleurs, la Convention n'a pas été traduite dans les langues locales du pays.
M. Peter s'est inquiété d'informations faisant état de harcèlements, d'arrestations et de détentions dont seraient victimes certains groupes d'étrangers, en particulier des personnes en provenance d'Érythrée. Aussi, s'est-il enquis de la réaction de l'Éthiopie face à ces informations.
S'agissant des réfugiés, M. Peter a relevé qu'aucune législation en Éthiopie ne couvre spécifiquement la situation des réfugiés, bien que le pays ait ratifié la Convention de 1951 sur la protection du statut des réfugiés.
L'expert s'est en outre inquiété d'informations persistantes faisant état de cas de discrimination raciale fondée sur la caste dans certaines parties du pays, notamment à l'encontre des membres des minorités dites «minorités professionnelles», en particulier des artisans, qui se trouveraient dans des situations désavantageuses. Socialement, la discrimination à l'encontre de ces personnes se manifesterait par des tabous en matière de mariage entre membres des castes supérieures et membres des castes inférieures ainsi que par des restrictions en matière de contact et de mobilité sociale. Par exemple, a précisé M. Peter, les Manjas du Dawro, considérés comme une caste inférieure, ne sont pas autorisés à manger avec les Mallas, qui constituent une classe supérieure.
M. Peter s'est par ailleurs inquiété de l'événement inquiétant pour la liberté d'association que constitue la nouvelle loi de 2008 relative à l'inscription des organismes de charité et de piété qui crée trois catégories d'organismes: ceux, formés en vertu du droit éthiopien, dont tous les membres sont éthiopiens; ceux, formés en vertu du droit éthiopien, dont tous les membres résident en Éthiopie; et ceux, formés en vertu du droit étranger, dont les membres sont étrangers ou qui sont contrôlés par des étrangers. Or, les organismes relevant de la première catégorie ne peuvent pas tirer plus de 10% de leur financement de sources étrangères – y compris d'institutions internationales ou d'Éthiopiens établis à l'étranger.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le critère d'appartenance ethnique avait joué un rôle dans le contexte des arrestations et inculpations – particulièrement sévères – de tentative de génocide dont avaient fait l'objet des membres de la Coalition pour l'Unité et la démocratie (CUD). Le procès dans cette affaire était très politisé, ce qui avait d'ailleurs à l'époque amené la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, à intervenir, a rappelé cet expert. Certes, il y a finalement eu libération et mesures de clémence en faveur des personnes poursuivies; mais l'expert a souhaité de plus amples renseignements sur le déroulement des procès et la situation actuelle à cet égard.
Nombre d'experts se sont réjouis que l'Éthiopie reprenne le dialogue avec le Comité après près de deux décennies d'interruption. L'un d'entre eux s'est enquis du nombre d'affaires de racisme transmises aux autorités judiciaires et de la nature des poursuites et des sanctions éventuellement engagées et prononcées.
Un expert a souhaité savoir comment le Gouvernement fédéral s'y prenait pour s'assurer que les lois régionales sont bien conformes à la Constitution fédérale et au droit fédéral et pour s'assurer que les organes régionaux respectent bien les dispositions des instruments internationaux ratifiés par l'Éthiopie. Le rapport fait état de quelque 700 000 personnes déplacées dans le pays en raison des conflits, de la famine et des typhons, a poursuivi cet expert. Dans ce contexte, comment s'assure-t-on du respect des droits de l'homme des personnes déplacées, dans les endroits où elles se trouvent et comment sont protégés les biens abandonnés par ces personnes? En outre, quelles mesures sont-elles prises pour favoriser le retour de ces personnes dans leur lieu d'origine?
Réponses de la délégation
La délégation a souligné qu'en Éthiopie, le système fédéral n'est pas décrit comme étant un fédéralisme ethnique. L'Éthiopie est un État fédéral, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un État unitaire. La mise en place de ce système fédéral a été une œuvre de longue haleine, permettant de reconnaître les droits de tous les habitants d'Éthiopie, a insisté la délégation. Le système fédéral en soi n'est pas problématique; si tel était le cas, beaucoup de pays dans le monde ayant opté pour ce système auraient de gros problèmes, a ajouté la délégation. Elle s'est dite en désaccord avec l'assertion selon laquelle le système fédéral en Éthiopie devrait être repensé car il serait la principale source des problèmes que rencontre le pays.
Aujourd'hui, décrire l'Éthiopie comme un pays de conflits ethniques est erroné, a affirmé la délégation. Nous ne prétendons pas qu'il n'y ait pas de conflits ethniques dans le pays, a-t-elle précisé, mais c'est présenter un tableau erroné que de décrire l'Éthiopie comme un pays souffrant quotidiennement de conflits ethniques, a-t-elle insisté. Les conflits existent certes en Éthiopie, mais ce ne sont pas uniquement des conflits à caractère ethnique puisque certains se produisent à l'intérieur d'un même groupe ethnique, a ajouté la délégation. La concurrence pour les ressources sur les terres de pâturage et sur les terres arables, la pauvreté, ainsi que le partage du pouvoir au niveau local figurent au nombre des causes de ces conflits, a-t-elle précisé. Jamais il n'a été constaté que la Constitution soit à la base d'un conflit, a-t-elle insisté.
S'agissant du droit de sécession, la délégation a souligné que la Constitution éthiopienne est la seule au monde à prévoir la sécession d'une partie du pays. Or, l'Éthiopie n'est pas en train de se désintégrer; c'est un État qui se porte bien, a rassuré la délégation.
L'Éthiopie dispose d'un régime juridique particulier relatif aux réfugiés, a par ailleurs indiqué la délégation. L'objectif de ce régime est de prévoir des dispositions conformes à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et aux autres textes pertinents. Il y a actuellement en Éthiopie un flux continu d'Érythréens, d'environ 300 jeunes hommes chaque jour, qui, pour l'essentiel, fuient la conscription dans leur pays, a indiqué la délégation.
L'Éthiopie est actuellement en train d'étudier la possibilité d'accéder à la Convention sur les droits des personnes handicapées, a par ailleurs fait savoir la délégation.
La Constitution reconnaît, dans ses articles 34 et 78, l'application des lois coutumières et religieuses, notamment lorsqu'il est question de droit relatif à la famille; mais cette reconnaissance est conditionnelle, car ces lois doivent être conformes à la Constitution, entre autres textes législatifs, a souligné la délégation.
La prévalence des mutilations génitales féminines a nettement diminué en Éthiopie, a en outre indiqué la délégation. Des études d'organisations non gouvernementales font état d'une baisse de 15% de ces pratiques entre 1997 et 2007, a-t-elle précisé.
Il n'y a pas de système de quotas pour les femmes au Parlement, a fait savoir la délégation.
Une organisation non gouvernementale qui tire plus de 10% de son financement de sources étrangères peut fonctionner en Éthiopie mais son statut sera différent de celui des autres ONG en ce sens qu'elle sera considérée comme une ONG internationale, a en outre expliqué la délégation.
La Constitution accorde un statut d'égalité à toutes les langues du pays; chacun des États fédérés peut choisir sa propre langue de travail, la langue de travail au niveau fédéral restant l'amharique, a indiqué la délégation.
Bien que la Convention ne l'exige pas spécifiquement dès lors que les textes existants sont suffisants, il ne serait pas problématique pour l'Éthiopie, si cela s'avérait nécessaire, d'adopter une loi spécifique contre la discrimination, a déclaré la délégation, après avoir rappelé que la Constitution du pays interdit toutes les formes de discrimination.
Aucune restriction juridique n'empêcherait la Commission nationale des droits de l'homme d'enquêter sur des cas de discrimination raciale, même s'il est vrai que cette institution, qui n'en est encore qu'à ses balbutiements depuis 4 ans qu'elle est devenue opérationnelle, a des capacités limitées, a d'autre part indiqué la délégation.
Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Éthiopie, qui participait à la réunion en tant qu'observateur, a souhaité attirer l'attention de la délégation de son pays sur les questions ayant trait aux mutilations génitales féminines et aux discriminations à caractère ethnique en Éthiopie, même si – a-t-il reconnu – il y a eu des changements à cet égard dans le pays.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, M. CHRIS MAINA PETER, a remercié la délégation de l'Éthiopie pour les réponses très honnêtes et ouvertes qu'elle a fournies aux questions et problèmes qui ont été soulevés par les experts. Ce dialogue a été très constructif, ouvert et franc, a-t-il ajouté. Il a salué les efforts d'explication qui ont été déployés par la délégation dans le cadre de ce dialogue.
Depuis 20 ans que l'Éthiopie ne s'était pas présentée devant le Comité, les choses ont incontestablement changé; le Gouvernement en place est soucieux d'engager un dialogue avec la communauté internationale, a relevé M. Peter.
Revenant sur la question de la discrimination fondée sur la caste, le rapporteur a tenu à préciser que ses remarques et questions à ce sujet se fondaient sur des diverses sources.
Un autre membre du Comité est intervenu pour rappeler que les prescriptions de l'article 4 de la Convention pour lutter contre l'incitation à la haine sont impératives. Aussi, a-t-il souhaité que l'Éthiopie soit en mesure d'assurer, dans son prochain rapport, que tous les actes relevant de l'article 4 de la Convention sont bien couverts par les lois nationales.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Présentant le rapport de son pays, M. Fisseha Yimer, Conseiller auprès du Ministre éthiopien des affaires étrangères, a souligné que la Constitution fédérale de 1995 avait institué une forme unique de fédéralisme qui garantit de meilleures possibilités pour les diverses communautés ethniques de l'Éthiopie de promotion de leurs cultures, de l'exercice de l'autogouvernance et d'un développement économique centré sur l'individu. La principale raison d'être de la nouvelle Constitution est de rectifier les relations historiques inéquitables en interdisant la discrimination sous toutes ses formes. La législation prévoit la possibilité pour les groupes religieux et coutumiers d'utiliser leurs lois religieuses et coutumières propres pour résoudre les différends familiaux. Néanmoins, la Constitution stipule que les lois religieuses ou coutumières qui portent atteinte aux normes de droits de l'homme sont nulles et non avenues, a précisé M. Yimer. Le code pénal de 2005 prévoit l'incrimination de la discrimination raciale, a-t-il en outre indiqué. Pour ce qui est des Érythréens qui ont été expulsés durant la guerre de 1998-2000 entre l'Éthiopie et l'Érythrée, M. Yimer a souligné que le Gouvernement éthiopien a publié une nouvelle directive qui permet à celles parmi ces personnes qui ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale de revenir et de réclamer leurs biens qui – contrairement à ce que prétendent de fausses allégations – n'ont jamais été confisqués ou expropriés par le Gouvernement.
La délégation éthiopienne était également composée de représentants de la Direction des affaires religieuses et des croyances, de la Chambre de la Fédération, du Ministère de la justice et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant notamment du système fédéral; du droit de sécession prévu dans la Constitution; de la situation actuelle concernant les conflits dans le pays; de l'application des lois religieuses et coutumières; ou encore des réfugiés.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, M. Chris Maina Peter, s'est notamment inquiété d'informations persistantes faisant état de cas de discrimination raciale fondée sur la caste dans certaines parties du pays. Il s'est également dit préoccupé d'informations faisant état de harcèlements, d'arrestations et de détentions dont seraient victimes certains groupes d'étrangers, en particulier des personnes en provenance d'Érythrée.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur ce rapport, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 28 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Tchad (CERD/C/TCD/15).
Présentation du rapport de l'Éthiopie
M. FISSEHA YIMER, Conseiller auprès du Ministre des affaires étrangères de l'Éthiopie, a exprimé les regrets de son pays pour le retard pris dans le présentation de ce rapport, qui est dû principalement à un manque de capacités techniques et de ressources auquel l'Éthiopie s'est efforcée de remédier en faisant appel à l'aide internationale, bénéficiant à cet égard plus particulièrement de l'assistance du bureau régional du Haut Commissariat aux droits de l'homme.
M. Yimer a rappelé que le précédent rapport périodique de l'Éthiopie avait été présenté dans un contexte politique différent où le pays se trouvait sous dictature militaire et empêtré dans une guerre civile. Depuis, l'Éthiopie est entrée dans une nouvelle ère politique, après la fin de la junte militaire en 1991 et les réformes politiques et constitutionnelles qui ont suivi. De nouvelles institutions nationales des droits de l'homme ont été mises en place dont le mandat comprend la surveillance de toutes les formes de discrimination, a précisé M. Yimer. La Constitution fédérale de 1995 a institué une forme unique de fédéralisme qui garantit de meilleures possibilités pour les diverses communautés ethniques de l'Éthiopie du point de vue de la promotion de leurs cultures, de l'exercice de l'autogouvernance et de la promotion d'un développement économique centré sur l'individu. La principale raison d'être de la nouvelle Constitution est de rectifier les relations historiques injustes en interdisant la discrimination sous toutes ses formes, a insisté M. Yimer. Toutes les régions du pays utilisent désormais leurs propres langues pour l'administration publique et les écoles, a-t-il ajouté. Dans un pays où se sont manifestées des relations historiques complexes et inéquitables entre les différentes communautés religieuses et ethniques, la pleine réalisation de la promesse de «fédéralisme ethnique» demande du temps, a-t-il souligné.
M. Yimer a fait part de l'adoption d'une politique culturelle fédérale qui reconnaît les droits de tous les groupes et communautés à la préservation de leurs cultures et de leurs patrimoines. Tant la Constitution fédérale que d'autres textes législatifs pertinents prévoient la possibilité pour les groupes religieux et coutumiers d'utiliser leurs lois religieuses et coutumières propres pour résoudre les différends familiaux. Néanmoins, l'article 9 de la Constitution stipule que les lois religieuses ou coutumières qui portent atteinte aux normes des droits de l'homme sont nulles et non avenues, a précisé M. Yimer. Un nouveau code pénal fédéral a été adopté en 2005 qui prévoit l'incrimination de la discrimination raciale, a-t-il en outre indiqué. Les dispositions constitutionnelles et autres ne se traduiront dans la réalité que si elles s'accompagnent d'un développement socioéconomique, d'un renforcement des institutions démocratiques et judiciaires et d'une sensibilisation accrue du public quant à ses droits et obligations, a-t-il toutefois souligné. C'est pourquoi le Gouvernement éthiopien, en collaboration avec les organisations internationales, continue d'investir lourdement dans la création de capacités institutionnelles. M. Yimer a fait valoir que l'économie éthiopienne est l'une des plus performantes d'Afrique pour l'année 2009.
L'armée est effectivement et institutionnellement sous contrôle civil, a assuré M. Yimer. Il a aussi fait valoir que tous les groupes ethniques peuvent désormais éduquer leurs enfants dans leur langue maternelle. Il a en outre insisté sur les mesures prises afin d'étendre les services sociaux aux pauvres ruraux.
L'Éthiopie est située dans une des régions les plus instables et sous-développées d'Afrique, ce qui a nourri un cycle de conflits, de terrorisme et d'insécurité, a rappelé M. Yimer. Des groupes étrangers continuent d'armer et d'entraîner de soi-disant groupes rebelles en Éthiopie afin de créer des divisions et l'instabilité dans le pays. On a prétendu que ces groupes rebelles avaient pris les armes en raison de discriminations raciale ou autres, ce qui ne correspond aucunement à la réalité politique et constitutionnelle du pays. L'ordre du jour extrémiste et anticonstitutionnel poursuivi par des groupes comme le Front de libération oromo (OLF) et le Front national de libération de l'Ogaden (ONLF) se heurtent à la résistance des Oromos et des Somaliens eux-mêmes qui exercent désormais pleinement leur droit à l'autodétermination, a déclaré M. Yimer. Les membres de ces groupes illégaux qui sont placés en détention et jugés sont traités sans discrimination aucune, a-t-il assuré. Rappelant que le nombre de réfugiés érythréens et de somaliens en Éthiopie a considérablement augmenté au cours de l'année écoulée, M. Yimer a indiqué qu'en tant que pays signataire de la Convention de 1951 sur la protection du statut des réfugiés, l'Éthiopie est engagée en faveur de la protection des réfugiés et de leurs droits.
Pour ce qui est des Érythréens qui ont été expulsés durant la guerre de 1998-2000 entre l'Éthiopie et l'Érythrée, M. Yimer a souligné que le Gouvernement éthiopien a publié une nouvelle directive qui permet à celles de ces personnes qui ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale de revenir et de réclamer leurs biens qui – contrairement à ce que prétendent de fausses allégations – n'ont jamais été confisqués ou expropriés par le Gouvernement.
Complétant cette présentation par des réponses à la liste de questions écrites préalablement adressées à l'Éthiopie par le Comité, la délégation a notamment réfuté les allégations selon lesquelles des enseignants seraient renvoyés sur la base de leur origine ethnique ou sociale.
S'agissant des lois coutumières et religieuses et de leur influence sur la vie des citoyens éthiopiens, la délégation a souligné qu'appliquer les droits coutumiers et religieuses est certes un droit, mais qu'il existe également un corpus de droits applicables à tous. Les femmes qui considèrent que leurs droits ne sont pas respectés par l'application d'une loi coutumière ou religieuse – la charia, par exemple – peuvent s'adresser à un tribunal civil, a précisé la délégation. La législation éthiopienne pénalise le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, a-t-elle également indiqué.
En ce qui concerne la crise de 2003 dans la région de Gambela, la délégation a indiqué que des peines de 2 à 12 ans avaient été prononcées à l'encontre de personnes impliquées dans des violations de droits de l'homme commises durant ce contexte, y compris à l'encontre d'un membre de l'armée, de sorte qu'on ne saurait prétendre qu'il y a eu impunité pour les violations perpétrées. Désormais, dans cette région, des organisations non gouvernementales sont présentes et les personnes déplacées suite à cette crise reviennent sur leurs terres et récupèrent leurs biens. Pour ce qui est de l'État régional de Somali, les conditions de sécurité – y compris du point de vue de la sécurité alimentaire – ont été améliorées et l'accès à cet État est libre, a assuré la délégation.
Le rapport périodique de l'Éthiopie (document CERD/C/ETH/7-16 rassemblant les septième à seizième rapports) indique que ce n'est qu'en 1991, lorsque le Front démocratique révolutionnaire des peuples d'Éthiopie (EPRDF) est arrivé au pouvoir en renversant le régime militaire que des lois de protection et de promotion de l'égalité entre les différents groupes ethniques du pays ont été adoptées, et que diverses mesures administratives, judiciaires et autres ont été prises pour assurer l'application de ces lois. Le système constitutionnel de l'État repose sur l'égalité entre les nations, les nationalités et les peuples d'Éthiopie, ajoute le rapport. Tous les éléments de la discrimination raciale selon la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, c'est-à-dire la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, sont inscrits dans la Constitution éthiopienne, qui interdit toute forme de discrimination fondée sur la race, la nation, la nationalité, la couleur ou l'origine sociale. L'interdiction de la discrimination fondée sur l'origine sociale est si complète qu'elle inclut l'interdiction de la discrimination fondée sur l'ascendance, précise le rapport. Pour faire face à des formes indirectes de discrimination raciale, la Constitution garantit que les actes qui semblent, a priori, non discriminatoires, seront interdits s'ils se révèlent être discriminatoires. Les groupes minoritaires sont reconnus par la Constitution et des sièges leur sont attribués au Parlement; toutefois, une liste complète des groupes minoritaires existant dans le pays n'a pas encore été établie, souligne le rapport.
Les étrangers jouissent de la plupart des droits et privilèges dont bénéficient les ressortissants éthiopiens, poursuit le rapport, précisant notamment que pour les étrangers, la jouissance de certains services sociaux, économiques et administratifs peut être soumise à conditions. Le droit de vote et le droit d'être élu sont réservés uniquement aux Éthiopiens. Un ressortissant étranger d'origine éthiopienne reçoit un document d'identité attestant de ce statut; le titulaire de ce document jouit de la plupart des droits et privilèges des ressortissants éthiopiens à l'exception du droit de vote ou d'être élu. La propriété des biens immobiliers est réservée aux seuls ressortissants éthiopiens, indique en outre le rapport.
Alors que la police et les forces de défense accomplissaient leurs fonctions, des allégations de violations des droits de l'homme ont été émises à leur encontre, poursuit le rapport. En conséquence, une Commission d'enquête indépendante sur le conflit dans le Gambella a été créée afin d'examiner les circonstances des incidents et présenter un rapport à la Chambre des représentants des peuples. La Commission n'a constaté aucune violation institutionnelle des droits de l'homme commise par la police ou les forces de défense, indique le rapport. Selon un rapport, ajoute-t-il, les personnes qui ont causé la mort ou la destruction de biens dans la région concernée appartenaient aux différents groupes locaux.
Les Oromos constituent le groupe ethnique le plus important et l'État d'Oromia est le plus grand de tous les États d'Éthiopie. L'Oromia se gouverne lui-même et la langue de travail dans cette région est l'oromifa, qui diffère de la langue de travail fédérale, l'amharique. Il y a six ans, poursuit le rapport, le Gouvernement a entrepris une enquête criminelle et des poursuites contre les personnes soupçonnées d'appartenir au Front de libération de l'Oromo (OLF), organisation basée en Érythrée et qui mène des activités terroristes.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. CHRIS MAINA PETER, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, a passé en revue les difficultés qu'a rencontrées le pays dans quatre domaines: politique, guerres et paix, géographie et climat. Il a rappelé que l'Éthiopie est coupée de la mer, enclavée depuis 1993, lorsqu'a été créé l'État d'Érythrée.
L'Éthiopie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de sorte que les personnes se trouvant sous sa juridiction ne peuvent pas déposer de plaintes devant le Comité, a relevé M. Peter. Il a en revanche souligné que l'Éthiopie n'a émis aucune réserve à la Convention.
Il est vrai que la Constitution est réellement une charte des droits importante pour l'Éthiopie, a reconnu M. Peter. Il a relevé que l'Éthiopie est un pays de tradition moniste, de sorte que tous les instruments internationaux dûment ratifiés sont d'application directe en droit interne. Il n'en demeure pas moins que certains instruments internationaux – au nombre desquels la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale – ne s'appliquent pas facilement directement en droit interne, a fait observer M. Peter. Par ailleurs, la Convention n'a pas été traduite dans les langues locales du pays.
M. Peter s'est inquiété d'informations faisant état de harcèlements, d'arrestations et de détentions dont seraient victimes certains groupes d'étrangers, en particulier des personnes en provenance d'Érythrée. Aussi, s'est-il enquis de la réaction de l'Éthiopie face à ces informations.
S'agissant des réfugiés, M. Peter a relevé qu'aucune législation en Éthiopie ne couvre spécifiquement la situation des réfugiés, bien que le pays ait ratifié la Convention de 1951 sur la protection du statut des réfugiés.
L'expert s'est en outre inquiété d'informations persistantes faisant état de cas de discrimination raciale fondée sur la caste dans certaines parties du pays, notamment à l'encontre des membres des minorités dites «minorités professionnelles», en particulier des artisans, qui se trouveraient dans des situations désavantageuses. Socialement, la discrimination à l'encontre de ces personnes se manifesterait par des tabous en matière de mariage entre membres des castes supérieures et membres des castes inférieures ainsi que par des restrictions en matière de contact et de mobilité sociale. Par exemple, a précisé M. Peter, les Manjas du Dawro, considérés comme une caste inférieure, ne sont pas autorisés à manger avec les Mallas, qui constituent une classe supérieure.
M. Peter s'est par ailleurs inquiété de l'événement inquiétant pour la liberté d'association que constitue la nouvelle loi de 2008 relative à l'inscription des organismes de charité et de piété qui crée trois catégories d'organismes: ceux, formés en vertu du droit éthiopien, dont tous les membres sont éthiopiens; ceux, formés en vertu du droit éthiopien, dont tous les membres résident en Éthiopie; et ceux, formés en vertu du droit étranger, dont les membres sont étrangers ou qui sont contrôlés par des étrangers. Or, les organismes relevant de la première catégorie ne peuvent pas tirer plus de 10% de leur financement de sources étrangères – y compris d'institutions internationales ou d'Éthiopiens établis à l'étranger.
Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le critère d'appartenance ethnique avait joué un rôle dans le contexte des arrestations et inculpations – particulièrement sévères – de tentative de génocide dont avaient fait l'objet des membres de la Coalition pour l'Unité et la démocratie (CUD). Le procès dans cette affaire était très politisé, ce qui avait d'ailleurs à l'époque amené la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, à intervenir, a rappelé cet expert. Certes, il y a finalement eu libération et mesures de clémence en faveur des personnes poursuivies; mais l'expert a souhaité de plus amples renseignements sur le déroulement des procès et la situation actuelle à cet égard.
Nombre d'experts se sont réjouis que l'Éthiopie reprenne le dialogue avec le Comité après près de deux décennies d'interruption. L'un d'entre eux s'est enquis du nombre d'affaires de racisme transmises aux autorités judiciaires et de la nature des poursuites et des sanctions éventuellement engagées et prononcées.
Un expert a souhaité savoir comment le Gouvernement fédéral s'y prenait pour s'assurer que les lois régionales sont bien conformes à la Constitution fédérale et au droit fédéral et pour s'assurer que les organes régionaux respectent bien les dispositions des instruments internationaux ratifiés par l'Éthiopie. Le rapport fait état de quelque 700 000 personnes déplacées dans le pays en raison des conflits, de la famine et des typhons, a poursuivi cet expert. Dans ce contexte, comment s'assure-t-on du respect des droits de l'homme des personnes déplacées, dans les endroits où elles se trouvent et comment sont protégés les biens abandonnés par ces personnes? En outre, quelles mesures sont-elles prises pour favoriser le retour de ces personnes dans leur lieu d'origine?
Réponses de la délégation
La délégation a souligné qu'en Éthiopie, le système fédéral n'est pas décrit comme étant un fédéralisme ethnique. L'Éthiopie est un État fédéral, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un État unitaire. La mise en place de ce système fédéral a été une œuvre de longue haleine, permettant de reconnaître les droits de tous les habitants d'Éthiopie, a insisté la délégation. Le système fédéral en soi n'est pas problématique; si tel était le cas, beaucoup de pays dans le monde ayant opté pour ce système auraient de gros problèmes, a ajouté la délégation. Elle s'est dite en désaccord avec l'assertion selon laquelle le système fédéral en Éthiopie devrait être repensé car il serait la principale source des problèmes que rencontre le pays.
Aujourd'hui, décrire l'Éthiopie comme un pays de conflits ethniques est erroné, a affirmé la délégation. Nous ne prétendons pas qu'il n'y ait pas de conflits ethniques dans le pays, a-t-elle précisé, mais c'est présenter un tableau erroné que de décrire l'Éthiopie comme un pays souffrant quotidiennement de conflits ethniques, a-t-elle insisté. Les conflits existent certes en Éthiopie, mais ce ne sont pas uniquement des conflits à caractère ethnique puisque certains se produisent à l'intérieur d'un même groupe ethnique, a ajouté la délégation. La concurrence pour les ressources sur les terres de pâturage et sur les terres arables, la pauvreté, ainsi que le partage du pouvoir au niveau local figurent au nombre des causes de ces conflits, a-t-elle précisé. Jamais il n'a été constaté que la Constitution soit à la base d'un conflit, a-t-elle insisté.
S'agissant du droit de sécession, la délégation a souligné que la Constitution éthiopienne est la seule au monde à prévoir la sécession d'une partie du pays. Or, l'Éthiopie n'est pas en train de se désintégrer; c'est un État qui se porte bien, a rassuré la délégation.
L'Éthiopie dispose d'un régime juridique particulier relatif aux réfugiés, a par ailleurs indiqué la délégation. L'objectif de ce régime est de prévoir des dispositions conformes à la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et aux autres textes pertinents. Il y a actuellement en Éthiopie un flux continu d'Érythréens, d'environ 300 jeunes hommes chaque jour, qui, pour l'essentiel, fuient la conscription dans leur pays, a indiqué la délégation.
L'Éthiopie est actuellement en train d'étudier la possibilité d'accéder à la Convention sur les droits des personnes handicapées, a par ailleurs fait savoir la délégation.
La Constitution reconnaît, dans ses articles 34 et 78, l'application des lois coutumières et religieuses, notamment lorsqu'il est question de droit relatif à la famille; mais cette reconnaissance est conditionnelle, car ces lois doivent être conformes à la Constitution, entre autres textes législatifs, a souligné la délégation.
La prévalence des mutilations génitales féminines a nettement diminué en Éthiopie, a en outre indiqué la délégation. Des études d'organisations non gouvernementales font état d'une baisse de 15% de ces pratiques entre 1997 et 2007, a-t-elle précisé.
Il n'y a pas de système de quotas pour les femmes au Parlement, a fait savoir la délégation.
Une organisation non gouvernementale qui tire plus de 10% de son financement de sources étrangères peut fonctionner en Éthiopie mais son statut sera différent de celui des autres ONG en ce sens qu'elle sera considérée comme une ONG internationale, a en outre expliqué la délégation.
La Constitution accorde un statut d'égalité à toutes les langues du pays; chacun des États fédérés peut choisir sa propre langue de travail, la langue de travail au niveau fédéral restant l'amharique, a indiqué la délégation.
Bien que la Convention ne l'exige pas spécifiquement dès lors que les textes existants sont suffisants, il ne serait pas problématique pour l'Éthiopie, si cela s'avérait nécessaire, d'adopter une loi spécifique contre la discrimination, a déclaré la délégation, après avoir rappelé que la Constitution du pays interdit toutes les formes de discrimination.
Aucune restriction juridique n'empêcherait la Commission nationale des droits de l'homme d'enquêter sur des cas de discrimination raciale, même s'il est vrai que cette institution, qui n'en est encore qu'à ses balbutiements depuis 4 ans qu'elle est devenue opérationnelle, a des capacités limitées, a d'autre part indiqué la délégation.
Un représentant de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Éthiopie, qui participait à la réunion en tant qu'observateur, a souhaité attirer l'attention de la délégation de son pays sur les questions ayant trait aux mutilations génitales féminines et aux discriminations à caractère ethnique en Éthiopie, même si – a-t-il reconnu – il y a eu des changements à cet égard dans le pays.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Éthiopie, M. CHRIS MAINA PETER, a remercié la délégation de l'Éthiopie pour les réponses très honnêtes et ouvertes qu'elle a fournies aux questions et problèmes qui ont été soulevés par les experts. Ce dialogue a été très constructif, ouvert et franc, a-t-il ajouté. Il a salué les efforts d'explication qui ont été déployés par la délégation dans le cadre de ce dialogue.
Depuis 20 ans que l'Éthiopie ne s'était pas présentée devant le Comité, les choses ont incontestablement changé; le Gouvernement en place est soucieux d'engager un dialogue avec la communauté internationale, a relevé M. Peter.
Revenant sur la question de la discrimination fondée sur la caste, le rapporteur a tenu à préciser que ses remarques et questions à ce sujet se fondaient sur des diverses sources.
Un autre membre du Comité est intervenu pour rappeler que les prescriptions de l'article 4 de la Convention pour lutter contre l'incitation à la haine sont impératives. Aussi, a-t-il souhaité que l'Éthiopie soit en mesure d'assurer, dans son prochain rapport, que tous les actes relevant de l'article 4 de la Convention sont bien couverts par les lois nationales.
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