Communiqués de presse Organes conventionnels
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
07 août 2007
Partager
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
7 août 2007
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le périodique de la République démocratique du Congo sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport a été présenté par le Ministre des droits de l'homme de la République démocratique du Congo.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport, Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, a relevé l'absence, dans la législation du pays, d'une quelconque définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention. Elle a en outre fait état de discrimination mais aussi de ségrégation de facto dans le domaine du logement. La situation actuelle dans l'est du pays ne va pas sans rappeler celle qui y prévalait en 1996, s'est par ailleurs inquiétée Mme Dah. En outre, dans le domaine de la discrimination raciale, la situation reste fragile en République démocratique du Congo, a-t-elle estimé.
Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport de la République démocratique du Congo, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 17 août 2007.
Présentant le rapport de son pays, le Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, M. Eugène Lokwa Ilwaloma, a notamment fait valoir que la nouvelle Constitution de février 2006 consacre le principe de l'égalité de tous les Congolais devant la loi ainsi que celui de la non-discrimination. Il a en outre souligné que le pays dispose, depuis novembre 2004, d'une nouvelle loi relative à la nationalité congolaise qui intègre les normes modernes du droit de la nationalité et des conventions internationales.
Évoquant les conflits interethniques et tribaux dont fait état le rapport, le Ministre a indiqué qu'ils ont connu un apaisement, mais que la situation sécuritaire reste quelque peu préoccupante à l'est du pays, plus particulièrement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. S'agissant de la propriété de la terre, il a expliqué que le sol et le sous-sol sont la propriété exclusive de l'État; ils ne peuvent que faire l'objet de concessions.
La délégation de la République démocratique du Congo était également composée de M. Basile Olela-Okondji, Directeur de Cabinet, ainsi que d'un conseiller et d'un magistrat, membres du Comité interministériel de rédaction des rapports périodiques. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne la participation des organisations non gouvernementales au processus d'élaboration du présent rapport; les dispositions visant à réprimer le racisme et le tribalisme; les notions de «peuple autochtone» et de «minorité»; la situation des pygmées; les mesures prises à l'encontre de candidats aux dernières élections qui ont tenu des propos discriminatoires; les questions d'éducation et de langues; la question de la nationalité; et la situation actuelle s'agissant des conflits interethniques. Sur ce dernier point, le Ministre des droits humains a indiqué qu'il n'existe plus, à l'heure actuelle, de conflits entre les originaires du Kasaï et du Katanga. En Ituri, le conflit entre les Hema et les Lendu a connu un apaisement notable. La situation dans les provinces du Nord et du Sud Kivu demeure préoccupante, a toutefois reconnu la délégation, ajoutant que le Gouvernement déploie des efforts importants pour ramener la paix entre les communautés.
Lors de sa prochaine séance publique, demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial et des premier et deuxième rapports périodiques de l'Indonésie (CERD/C/IDN/3).
Présentation du rapport
M. EUGÈNE LOKWA ILWALOMA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a rappelé que son pays, un pays post-conflit, a connu, au cours de la dernière décennie, des guerres récurrentes qui ont occasionné des violations massives et flagrantes des droits humains et des libertés fondamentales, ainsi que du droit international humanitaire. Il a souligné que pour mettre fin à cette situation tragique, les Congolais avaient engagé des négociations qui ont abouti à la mise en place d'un gouvernement de transition qui a organisé des élections démocratiques, libres et transparentes ayant permis la mise en place de nouvelles institutions politiques au sein desquelles la question des droits de l'homme et des libertés fondamentales occupe une place de choix. Le Président Joseph Kabila Kabange, lors de son discours d'investiture, a proclamé que le respect des droits de l'homme constitue, après la démocratie et la bonne gouvernance, le troisième pilier de la gestion de tout État moderne. M. Lokwa Ilwaloma a rappelé que, préalablement au processus électoral, le Gouvernement de transition a organisé en décembre 2005 un référendum constitutionnel ayant abouti à la promulgation de la Constitution, le 18 février 2006. Le Ministre des droits humains a par ailleurs rappelé que le Gouvernement de la République démocratique du Congo, soucieux d'entretenir des relations de bon voisinage ainsi qu'un climat de paix et de stabilité dans la sous-région africaine des Grands Lacs, a signé en décembre 2006, à Nairobi, le Pacte sur la paix, la stabilité, la démocratie et le développement dans la région des Grands Lacs.
Le Ministre des droits humains a d'autre part fait savoir que la nouvelle configuration politique et institutionnelle post-électorale offre les conditions favorables en vue de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications émanant des personnes relevant de la juridiction de la République démocratique du Congo qui se plaignent d'être victimes de violation de l'une ou l'autre des dispositions de la Convention.
Poursuivant sa présentation, M. Lokwa Ilwaloma a indiqué que la République démocratique du Congo comptait en 2003 environ 60 millions d'habitants répartis en 450 tribus que l'on peut regrouper dans les grands ensembles ci-après: les Luba, 18%; les Kongo, 15%; les Mongo, 13,5%; les Zande, 6,1%; sans parler des Mungbetu, Hema, Lendu, Alur, Nande, Hunde, Bashi et Bafulu, les pygmées représentant quant à eux 0,5% de la population. Quatre langues nationales sont parlées en République démocratique du Congo: le swahili (parlé par 40% de la population); le lingala (27,5%); le kikongo (17%) et le tshiluba (15%).
Le Ministère des droits humains est la structure gouvernementale qui joue le rôle de conseiller du Gouvernement en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a poursuivi M. Lokwa Ilwaloma. Pendant la transition, le pays comptait, outre le Ministère des droits humains, l'Observatoire national des droits de l'homme, structure publique et indépendante dotée d'une double compétence consultative et contentieuse en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Cette institution ayant disparu par la volonté du constituant de la transition, les efforts sont entrepris pour la restaurer conformément aux dispositions de l'actuelle Constitution, a indiqué le Ministre.
Tout comme la Constitution de la transition de 2003, la nouvelle Constitution de février 2006 consacre le principe de l'égalité de tous les Congolais devant la loi ainsi que celui de la non-discrimination, tel qu'il ressort des articles 10,12 et 13 de la loi fondamentale. En plus des principes constitutionnels, la République démocratique du Congo a, bien avant la ratification de la Convention, pris des mesures législatives, y compris pénales, pour interdire et réprimer la discrimination raciale, a précisé M. Lokwa Ilwaloma. Il s'agit de l'Ordonnance-loi de 1960 relative à la répression des manifestations de racisme ou d'intolérance religieuse; du Décret de 1960 relatif à la discrimination raciale dans les magasins et autres lieux publics; et de l'Ordonnance-loi de 1966 relative à la répression du racisme et du tribalisme.
En ce qui concerne la question de la nationalité, le Ministre a fait savoir que la République démocratique du Congo dispose, depuis novembre 2004, d'une nouvelle loi relative à la nationalité congolaise qui intègre dans ses différentes articulations des normes modernes du droit de la nationalité et des conventions internationales, plus particulièrement la Convention sur la réduction de cas d'apatridie.
La République démocratique du Congo ne présente aucune lacune quant à l'article 4 de la Convention (qui porte sur l'interdiction de la propagande et des organisations racistes), a par ailleurs déclaré M. Lokwa Ilwaloma.
Le Ministre a assuré que les conflits interethniques et tribaux dont il est fait état dans le rapport ont connu un apaisement, spécialement en Ituri en raison notamment de la remise à la Cour pénale internationale de M. Thomas Lubanga, une des seigneurs de guerre, et de l'appui à la phase III du Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion en Ituri. Toutefois, la situation sécuritaire reste quelque peu préoccupante à l'est du pays, plus particulièrement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu où les affrontements entre groupes armés ont entraîné le déplacement d'environ 700 000 personnes fuyant les exactions et violations des droits de l'homme perpétrés par ces groupes. Le Ministre a fait part d'un certain nombre de mesures pratiques prises par le Gouvernement «afin de mettre fin aux différents conflits ethniques survenus au Congo», notamment en Ituri, au Katanga et au Nord-Kivu. Il a ainsi cité, l'organisation de la conférence sur la paix en Ituri; la mise sur pied du Programme national pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion; les poursuites judiciaires internes et internationales contre certains seigneurs de guerre; la lutte contre l'impunité retenue parmi les axes prioritaires du programme du Gouvernement; ou encore l'envoi d'une commission interministérielle dans les provinces du Nord et du Sud Kivu pour régler les conflits entre communautés.
La jurisprudence en matière de discrimination raciale est quasi inexistante dans nos tribunaux, a indiqué le Ministre des droits humains, précisant que les plaintes dans ce domaine sont rares. En vertu de la Constitution, qui consacre l'égalité de tous les Congolais devant la loi et le principe de la non-discrimination, la République démocratique du Congo ne reconnaît pas des droits distincts particuliers à une catégorie spécifique des citoyens. Quant à la question de la terre, il convient d'indiquer que toutes les constitutions de la République démocratique du Congo depuis 1967 – y compris celle de 2006 – consacrent le principe selon lequel le sol et le sous-sol sont la propriété exclusive de l'État; ils ne peuvent que faire l'objet de concessions dans les conditions déterminées par la loi.
S'agissant des préoccupations du Président du Comité telles que contenues dans sa note du 18 août 2006 adressée au Représentant permanent de la République démocratique du Congo – suite à la requête d'organisations non gouvernementales qui lui ont demandé d'examiner la situation des peuples autochtones dans le pays au titre de sa procédure d'alerte rapide et d'action urgente – le Ministre des droits humains a rappelé que la loi de 1973 portant code foncier, telle que modifiée à ce jour, a transformé en terres domaniales toutes les terres occupées jadis par des populations locales. L'article 43 de cette loi dispose que «le sol est la propriété exclusive, inaliénable de l'État». Toutefois, le droit de jouissance de ces terres est reconnu à ces populations, a souligné M. Lokwa Ilwaloma. Il s'agit de celles habitées, cultivées ou exploitées par elles en vertu de la coutume et des usages locaux, a-t-il précisé. Contrairement à ce que les différentes ONG ont soutenu dans leur requête, la loi susvisée a institué une enquête préalable en cas de concession, qui a pour but de constater la nature et l'étendue des droits que pourraient détenir des tiers sur les terres à concéder, en vue de leur indemnisation éventuelle. Aux termes de la loi précitée, seul le paiement de l'indemnité rend la terre quitte et libre de tout droit, a poursuivi le Ministre.
S'agissant du moratoire forestier décrété en 2002, M. Lokwa Ilwaloma a souligné qu'il a été prolongé par le décret du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrat de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d'octroi des titres d'exploitation forestière. En dépit dudit moratoire, l'exploitation forestière s'est poursuivie, ce qui n'a pas manqué de causer des dommages aux populations locales. Ceci s'explique par le fait que, pendant la guerre, le Gouvernement de Kinshasa avait perdu le contrôle sur une grande partie du territoire national. Ce moratoire n'était pas d'application dans les parties du territoire sous contrôle de la rébellion, a expliqué le Ministre des droits humains. C'est ainsi que depuis la réunification du pays, le Gouvernement a, en application du moratoire prorogé en 2005, décidé de transformer les anciens titres forestiers en contrats de concession forestière, ce qui a eu pour conséquence la suspension de la délivrance de tout nouveau titre pendant toute la durée du moratoire. C'est dans ce contexte qu'il faut inscrire l'action du Ministre de l'environnement qui, par son arrêtée du 13 juin 2007, a annulé 12 titres délivrés aux sociétés qui n'ont pas fait la demande de conversion ainsi que 9 autres titres octroyés après le décret du 24 octobre 2005 susmentionné. Cet arrêté a permis à l'État congolais de récupérer environ trois millions d'hectares de forêt.
Le quinzième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CERD/C/COD/15) explique le retard accumulé dans la présentation des rapports périodiques du pays par le fait que la République démocratique du Congo a été, de 1996 à 2002, le théâtre de conflits armés dont la guerre ayant mis fin au régime de la deuxième République et celle du 2 août 1998 lui ont été imposées par la coalition rwando-ougando-burundaise et se sont doublées de rébellions internes. En dépit de ces vicissitudes, la République démocratique du Congo a continué à manifester son engagement pour le respect des droits de l'homme. Soucieux de résorber les retards cumulés dans la présentation de ses rapports, le Gouvernement a mis sur pied le Comité interministériel chargé de l'élaboration des rapports initiaux et périodiques sur les droits de l'homme. Sur le plan politique, des développements positifs ont été enregistrés, poursuit le rapport. En effet, de laborieuses négociations, dites «Dialogue intercongolais», ont abouti à la signature de l'Accord global et inclusif sur la Transition en République démocratique du Congo, intervenu à Pretoria en 2002 entre le Gouvernement, le Rassemblement congolais pour la démocratie/Mouvement de libération du Congo, le Rassemblement congolais pour la démocratie/National, les Maï-Maï, l'opposition politique et les forces vives de la nation. Un Gouvernement d'union nationale a été mis sur pied le 30 juin 2003, chargé notamment d'organiser des élections au plus tard le 30 juin 2006. Des progrès notables ont été également enregistrés dans les relations de la République démocratique du Congo avec le Rwanda et l'Ouganda.
La République démocratique du Congo pratique une politique d'intégration de tous les groupes raciaux dans la vie nationale, notamment par le recrutement au sein de l'administration publique et la participation à la vie publique, indique le rapport. Cette politique d'intégration a été traduite dans la Constitution de transition, au paragraphe 3 du préambule qui exprime le souci de construire une seule et même nation, harmonieusement intégrée et de consolider l'unité nationale afin de donner une véritable âme à l'État. Les conflits interethniques en Ituri ont fait plus de 20 000 morts et plus ou moins 500 000 personnes déplacées. Plusieurs causes sont à la base de ces conflits, notamment la rivalité traditionnelle entre les ethnies hemas et lendus, l'idéologie de la xénophobie et de la haine ethnique, le problème de la répartition de terres, les angoisses existentielles liées à la hantise d'extermination d'une communauté par une autre, la manipulation politicienne. La Constitution de la République démocratique du Congo promulguée en février 2006 dispose en son article 10: «Est Congolais d'origine toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République démocratique du Congo) à l'indépendance».
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République démocratique du Congo, a assuré que le Comité mesure à sa juste valeur l'effort de la République démocratique du Congo pour renouer le dialogue avec lui. La Constitution actuellement en vigueur dénote un parti pris flagrant du pays pour le respect de ses obligations tant nationales qu'internationales, a-t-elle par ailleurs salué.
La République démocratique du Congo vient de traverser l'une des périodes les plus difficiles de son histoire, a poursuivi Mme Dah. Depuis la Conférence de Berlin qui en 1884-85 a présidé au partage de l'Afrique, la République démocratique du Congo n'a jamais manqué de montrer son importance dans le contexte africain, puisqu'il s'agit du troisième plus grand pays d'Afrique et l'un des plus peuplés; seule l'économie n'est pas à la hauteur de ce rang, a fait observer la rapporteuse.
Mme Dah a fait observer que la majorité des informations contenues dans le rapport de la République démocratique du Congo auraient mérité de figurer dans un document de base. La République démocratique du Congo n'a jamais présenté un tel document de base, contrairement aux directives du Comité concernant la présentation du rapport, et Mme Dah a souhaité savoir si les autorités envisageaient de le faire.
La rapporteuse a par ailleurs souhaité connaître la place que la République démocratique du Congo accorde à la Convention, dans la mesure où ce pays a été maintes fois menacé par des conflits à connotation tribale ou ethnique.
Mme Dah a relevé qu'à première vue, aucune ethnie n'est majoritaire en République démocratique du Congo; mais cela signifie-t-il qu'il n'y aurait pas de minorités au sens où l'entendent les conventions internationales? Cela signifie-t-il en outre qu'il n'y a pas non plus de populations autochtones, alors que ce territoire était occupé par les pygmées et Banthous bien avant l'émergence des premiers royaumes vers le XVIe siècle?
Mme Dah a par ailleurs relevé l'absence, dans la législation congolaise, d'une quelconque définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention.
La rapporteuse s'est en outre enquise des éventuelles sanctions prises à l'encontre d'un candidat du gouvernorat du Katanga qui, lors des dernières élections, a tenu des discours haineux à l'encontre de ses concurrents.
S'agissant des questions de nationalité, et eu égard à la «bombe à retardement zaïroise» que fut la législation rétroactive qui a eu les conséquences que nous savons (guerre régionale impliquant les pays voisins), il y a lieu de se féliciter de la loi sur la nationalité de 2004, a poursuivi Mme Dah. Bien que réglant certains problèmes, la législation actuellement en vigueur stipule que la nationalité congolaise est exclusive, ce qui ne va pas sans poser problème pour certaines personnes, d'origine burundaise par exemple, qui se retrouvent alors exclues, par exemple, du processus électoral.
Dans le domaine du logement, non seulement il y a discrimination mais aussi ségrégation de facto, a poursuivi Mme Dah.
Les terres traditionnelles des pygmées ont-elles été enregistrées sur le cadastre, a par ailleurs demandé la rapporteuse?
La situation actuelle dans l'est du pays ne va pas sans rappeler celle qui y prévalait en 1996, s'est inquiétée Mme Dah. En outre, dans le domaine de la discrimination raciale, la situation dans le pays reste fragile , a-t-elle estimé.
Un autre membre du Comité s'est enquis de la raison pour laquelle l'Observatoire national des droits de l'homme avait disparu. Il a également souhaité connaître les modalités envisagées pour la restauration de cette institution. L'absence de plaintes en matière de discrimination raciale pourrait découler d'un manque d'informations voire d'une méfiance du public à l'égard des tribunaux, a rappelé l'expert. Les pygmées ont-ils été reconnus en tant que peuple autochtone et qu'en est-il de leur jouissance de la terre, a-t-il en outre demandé?
En raison de l'exploitation forestière ou minière, il y a eu des expulsions massives de populations autochtones qui vivent désormais dans des conditions inhumaines, a fait observer un autre expert, qui a en outre dénoncé les conditions dans lesquelles certains autochtones travaillent, équivalant quasiment à l'esclavage.
Les Banyamulenge ont-ils reçu la citoyenneté congolaise ou doivent-ils la demander, s'est interrogé un autre membre du Comité?
Les programmes de la plupart des partis politiques tournent autour des questions d'origine ethnique, a relevé un expert. Un autre a souhaité mieux comprendre les conflits interethniques qui se déroulent en République démocratique du Congo et qui semblent être à motivation politique.
Un membre du Comité a fait observer qu'il est rare que, lorsqu'ils se présentent devant le Comité, des pays africains reconnaissent la réalité des conflits ethniques; aussi, a-t-il salué la franchise et l'esprit autocritique dont fait preuve la délégation de la République démocratique du Congo.
Réponses et renseignements complémentaires de la délégation
La délégation a précisé que le Comité interministériel de rédaction des rapports périodiques comprend 35 membres représentant 17 ministères ayant un rapport, direct ou indirect, avec les droits de l'homme. Ce Comité interministériel dispose en son sein de plusieurs sous-comités chargés, chacun, de la rédaction d'un rapport relatif à un instrument déterminé. Dès qu'un sous-comité termine son projet de rapport, une plénière du Comité interministériel est convoquée pour examen et amendement, après quoi un exemplaire du projet est envoyé aux organisations non gouvernementales qui sont ainsi appelées à donner leur avis et considérations par écrit. Enfin, une plénière du Comité interministériel est convoquée pour adopter la mouture finale du rapport. Au cours de cette plénière, les organisations non gouvernementales sont invitées pour développer oralement leurs avis et considérations consignées par écrit. Elles siègent à cette plénière avec voix consultative. Par la suite, le projet est adopté définitivement moyennant les amendements. À ce propos, a poursuivi la délégation, les organisations non gouvernementales répondent habituellement aux invitations du Comité interministériel; mais de manière exceptionnelle et pour des raisons qui n'ont pas été explicitées, elles n'ont pas répondu lors de la consultation relative à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a indiqué la délégation, précisant qu'elle tient à disposition une copie de l'accusé de réception de l'invitation que le Ministère des droits humains a adressée aux organisations non gouvernementales à ce sujet.
Concernant le champ d'application de la Convention, la délégation a affirmé qu'il n'existe pas en République démocratique du Congo une hiérarchie entre les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le pays. Si le Constituant a, dans le préambule de la loi fondamentale, mis un accent sur les droits des femmes et des enfants, c'est en raison de la longue guerre que la République démocratique du Congo a connue et au cours de laquelle les femmes et les enfants ont payé le plus lourd tribut, a expliqué la délégation.
Par ailleurs, la République démocratique du Congo a pris des mesures législatives pour réprimer le racisme et le tribalisme et ce, bien avant la ratification de la Convention, a rappelé la délégation. Le terme «minorité» repris par la Constitution renvoie aux groupes ethniques qui ne sont pas numériquement importants, comme c'est le cas avec les pygmées, qui représentent 0,5% de la population. Il est vrai que les instruments internationaux reconnaissent les pygmées comme peuple autochtone, a poursuivi la délégation. Toutefois, il convient de relever que le concept de «peuples autochtones» fait l'objet d'une vive controverse en République démocratique du Congo voire ailleurs en Afrique où l'on considère comme autochtones tous les peuples que le colonisateur a trouvés sur le continent africain, a précisé la délégation.
L'ordonnance-loi du 7 juin 1966 relative à la répression du racisme et du tribalisme permet aux personnes victimes de discrimination raciale de saisir les juridictions pénales et de se constituer partie civile en vue d'obtenir la réparation du préjudice subi, a souligné la délégation.
Quant aux questions foncières, il convient de souligner qu'il n'existe pas en droit congolais une propriété individuelle ou communautaire du sol et du sous-sol, a expliqué la délégation. Le sol et le sous-sol appartiennent à l'État et ne peuvent que faire l'objet de concession, qui est en fait un droit de jouissance reconnu aux particuliers par l'État à travers la signature d'un contrat.
Pour ce qui est de l'éducation, la délégation a indiqué que l'État a récemment pris des mesures pour rendre l'enseignement primaire gratuit pour tous les enfants congolais indistinctement.
La délégation a par ailleurs fait savoir que les candidats aux dernières élections qui, au cours de la campagne électorale, ont tenu des propos discriminatoires à l'endroit de leurs adversaires politiques, ont été sanctionnés par la Haute autorité des médias qui a non seulement suspendu leur passage sur les médias mais a également frappé d'une interdiction temporaire de diffusion les médias qui ont relayé ces messages.
Sur le plan économique et social, a poursuivi la délégation, la République démocratique du Congo a, pour lutter contre la pauvreté, adopté le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté qui concerne tous les Congolais sans discrimination aucune.
La délégation a rappelé que le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba constituent les quatre langues nationales; quant aux autres langues, aucune entrave n'est posée par l'État à leur promotion et à leur épanouissement, pour chacune des tribus qui peuplent le pays.
En ce qui concerne la situation actuelle s'agissant des conflits interethniques, la délégation a indiqué qu'il n'existe plus, à l'heure actuelle, de conflits entre les originaires du Kasaï et du Katanga. En Ituri, a ajouté la délégation, le conflit entre les Hema et les Lendu a connu un apaisement notable. Toutefois, la situation dans les provinces du Nord et du Sud Kivu demeure préoccupante, a déclaré la délégation, par la voix du Ministre des droits humains, M. Eugène Lokwa Ilwaloma. À cet effet, le Gouvernement déploie des efforts importants pour ramener la paix entre les communautés, a ajouté la délégation. C'est ainsi qu'une délégation gouvernementale s'est rendue dernièrement à l'est du pays pour évaluer la situation et a organisé à son retour les travaux préparatoires de la table-ronde qui va regrouper les leaders de toutes les communautés de l'est de la République démocratique du Congo, a indiqué la délégation.
S'agissant de la question de la nationalité en République démocratique du Congo, la délégation a rappelé que la nationalité est une et exclusive. Quant aux Banyamulenge et aux Banyarwanda, le Dialogue intercongolais organisé en Afrique du Sud ainsi que la loi de 2004 sur la nationalité congolaise a réglé le problème de leur nationalité, de sorte qu'à l'heure actuelle, il ne se pose plus de problème de nationalité en ce qui les concerne. Elle a par ailleurs fait valoir que des Banyamulenge se trouvent dans toutes les institutions de la République démocratique du Congo.
La délégation a enfin indiqué qu'un avant-projet de loi a été présenté portant création, attributions et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.
Conclusions de la rapporteuse
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République démocratique du Congo, a souligné que malgré leur titre d'experts, les membres du Comité font eux aussi œuvre humaine, donc imparfaite. Elle a toutefois déclaré indiqué qu'elle restait optimiste quant au fruit de ce travail entre le Comité et l'État partie. Le dialogue que le Comité a eu avec la délégation de la République démocratique du Congo a répondu aux espoirs qui avaient été placés en lui, tant par sa richesse que par sa franchise. Mme Dah a exprimé l'espoir que les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, avant de les rendre publiques à la fin de la session, serviront de base pour des actions conséquentes permettant un progrès qui pourra être constaté lors de l'examen du prochain rapport périodique du pays.
__________
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
7 août 2007
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le périodique de la République démocratique du Congo sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le rapport a été présenté par le Ministre des droits de l'homme de la République démocratique du Congo.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport, Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, a relevé l'absence, dans la législation du pays, d'une quelconque définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention. Elle a en outre fait état de discrimination mais aussi de ségrégation de facto dans le domaine du logement. La situation actuelle dans l'est du pays ne va pas sans rappeler celle qui y prévalait en 1996, s'est par ailleurs inquiétée Mme Dah. En outre, dans le domaine de la discrimination raciale, la situation reste fragile en République démocratique du Congo, a-t-elle estimé.
Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport de la République démocratique du Congo, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 17 août 2007.
Présentant le rapport de son pays, le Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, M. Eugène Lokwa Ilwaloma, a notamment fait valoir que la nouvelle Constitution de février 2006 consacre le principe de l'égalité de tous les Congolais devant la loi ainsi que celui de la non-discrimination. Il a en outre souligné que le pays dispose, depuis novembre 2004, d'une nouvelle loi relative à la nationalité congolaise qui intègre les normes modernes du droit de la nationalité et des conventions internationales.
Évoquant les conflits interethniques et tribaux dont fait état le rapport, le Ministre a indiqué qu'ils ont connu un apaisement, mais que la situation sécuritaire reste quelque peu préoccupante à l'est du pays, plus particulièrement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. S'agissant de la propriété de la terre, il a expliqué que le sol et le sous-sol sont la propriété exclusive de l'État; ils ne peuvent que faire l'objet de concessions.
La délégation de la République démocratique du Congo était également composée de M. Basile Olela-Okondji, Directeur de Cabinet, ainsi que d'un conseiller et d'un magistrat, membres du Comité interministériel de rédaction des rapports périodiques. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne la participation des organisations non gouvernementales au processus d'élaboration du présent rapport; les dispositions visant à réprimer le racisme et le tribalisme; les notions de «peuple autochtone» et de «minorité»; la situation des pygmées; les mesures prises à l'encontre de candidats aux dernières élections qui ont tenu des propos discriminatoires; les questions d'éducation et de langues; la question de la nationalité; et la situation actuelle s'agissant des conflits interethniques. Sur ce dernier point, le Ministre des droits humains a indiqué qu'il n'existe plus, à l'heure actuelle, de conflits entre les originaires du Kasaï et du Katanga. En Ituri, le conflit entre les Hema et les Lendu a connu un apaisement notable. La situation dans les provinces du Nord et du Sud Kivu demeure préoccupante, a toutefois reconnu la délégation, ajoutant que le Gouvernement déploie des efforts importants pour ramener la paix entre les communautés.
Lors de sa prochaine séance publique, demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial et des premier et deuxième rapports périodiques de l'Indonésie (CERD/C/IDN/3).
Présentation du rapport
M. EUGÈNE LOKWA ILWALOMA, Ministre des droits humains de la République démocratique du Congo, a rappelé que son pays, un pays post-conflit, a connu, au cours de la dernière décennie, des guerres récurrentes qui ont occasionné des violations massives et flagrantes des droits humains et des libertés fondamentales, ainsi que du droit international humanitaire. Il a souligné que pour mettre fin à cette situation tragique, les Congolais avaient engagé des négociations qui ont abouti à la mise en place d'un gouvernement de transition qui a organisé des élections démocratiques, libres et transparentes ayant permis la mise en place de nouvelles institutions politiques au sein desquelles la question des droits de l'homme et des libertés fondamentales occupe une place de choix. Le Président Joseph Kabila Kabange, lors de son discours d'investiture, a proclamé que le respect des droits de l'homme constitue, après la démocratie et la bonne gouvernance, le troisième pilier de la gestion de tout État moderne. M. Lokwa Ilwaloma a rappelé que, préalablement au processus électoral, le Gouvernement de transition a organisé en décembre 2005 un référendum constitutionnel ayant abouti à la promulgation de la Constitution, le 18 février 2006. Le Ministre des droits humains a par ailleurs rappelé que le Gouvernement de la République démocratique du Congo, soucieux d'entretenir des relations de bon voisinage ainsi qu'un climat de paix et de stabilité dans la sous-région africaine des Grands Lacs, a signé en décembre 2006, à Nairobi, le Pacte sur la paix, la stabilité, la démocratie et le développement dans la région des Grands Lacs.
Le Ministre des droits humains a d'autre part fait savoir que la nouvelle configuration politique et institutionnelle post-électorale offre les conditions favorables en vue de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications émanant des personnes relevant de la juridiction de la République démocratique du Congo qui se plaignent d'être victimes de violation de l'une ou l'autre des dispositions de la Convention.
Poursuivant sa présentation, M. Lokwa Ilwaloma a indiqué que la République démocratique du Congo comptait en 2003 environ 60 millions d'habitants répartis en 450 tribus que l'on peut regrouper dans les grands ensembles ci-après: les Luba, 18%; les Kongo, 15%; les Mongo, 13,5%; les Zande, 6,1%; sans parler des Mungbetu, Hema, Lendu, Alur, Nande, Hunde, Bashi et Bafulu, les pygmées représentant quant à eux 0,5% de la population. Quatre langues nationales sont parlées en République démocratique du Congo: le swahili (parlé par 40% de la population); le lingala (27,5%); le kikongo (17%) et le tshiluba (15%).
Le Ministère des droits humains est la structure gouvernementale qui joue le rôle de conseiller du Gouvernement en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a poursuivi M. Lokwa Ilwaloma. Pendant la transition, le pays comptait, outre le Ministère des droits humains, l'Observatoire national des droits de l'homme, structure publique et indépendante dotée d'une double compétence consultative et contentieuse en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Cette institution ayant disparu par la volonté du constituant de la transition, les efforts sont entrepris pour la restaurer conformément aux dispositions de l'actuelle Constitution, a indiqué le Ministre.
Tout comme la Constitution de la transition de 2003, la nouvelle Constitution de février 2006 consacre le principe de l'égalité de tous les Congolais devant la loi ainsi que celui de la non-discrimination, tel qu'il ressort des articles 10,12 et 13 de la loi fondamentale. En plus des principes constitutionnels, la République démocratique du Congo a, bien avant la ratification de la Convention, pris des mesures législatives, y compris pénales, pour interdire et réprimer la discrimination raciale, a précisé M. Lokwa Ilwaloma. Il s'agit de l'Ordonnance-loi de 1960 relative à la répression des manifestations de racisme ou d'intolérance religieuse; du Décret de 1960 relatif à la discrimination raciale dans les magasins et autres lieux publics; et de l'Ordonnance-loi de 1966 relative à la répression du racisme et du tribalisme.
En ce qui concerne la question de la nationalité, le Ministre a fait savoir que la République démocratique du Congo dispose, depuis novembre 2004, d'une nouvelle loi relative à la nationalité congolaise qui intègre dans ses différentes articulations des normes modernes du droit de la nationalité et des conventions internationales, plus particulièrement la Convention sur la réduction de cas d'apatridie.
La République démocratique du Congo ne présente aucune lacune quant à l'article 4 de la Convention (qui porte sur l'interdiction de la propagande et des organisations racistes), a par ailleurs déclaré M. Lokwa Ilwaloma.
Le Ministre a assuré que les conflits interethniques et tribaux dont il est fait état dans le rapport ont connu un apaisement, spécialement en Ituri en raison notamment de la remise à la Cour pénale internationale de M. Thomas Lubanga, une des seigneurs de guerre, et de l'appui à la phase III du Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion en Ituri. Toutefois, la situation sécuritaire reste quelque peu préoccupante à l'est du pays, plus particulièrement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu où les affrontements entre groupes armés ont entraîné le déplacement d'environ 700 000 personnes fuyant les exactions et violations des droits de l'homme perpétrés par ces groupes. Le Ministre a fait part d'un certain nombre de mesures pratiques prises par le Gouvernement «afin de mettre fin aux différents conflits ethniques survenus au Congo», notamment en Ituri, au Katanga et au Nord-Kivu. Il a ainsi cité, l'organisation de la conférence sur la paix en Ituri; la mise sur pied du Programme national pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion; les poursuites judiciaires internes et internationales contre certains seigneurs de guerre; la lutte contre l'impunité retenue parmi les axes prioritaires du programme du Gouvernement; ou encore l'envoi d'une commission interministérielle dans les provinces du Nord et du Sud Kivu pour régler les conflits entre communautés.
La jurisprudence en matière de discrimination raciale est quasi inexistante dans nos tribunaux, a indiqué le Ministre des droits humains, précisant que les plaintes dans ce domaine sont rares. En vertu de la Constitution, qui consacre l'égalité de tous les Congolais devant la loi et le principe de la non-discrimination, la République démocratique du Congo ne reconnaît pas des droits distincts particuliers à une catégorie spécifique des citoyens. Quant à la question de la terre, il convient d'indiquer que toutes les constitutions de la République démocratique du Congo depuis 1967 – y compris celle de 2006 – consacrent le principe selon lequel le sol et le sous-sol sont la propriété exclusive de l'État; ils ne peuvent que faire l'objet de concessions dans les conditions déterminées par la loi.
S'agissant des préoccupations du Président du Comité telles que contenues dans sa note du 18 août 2006 adressée au Représentant permanent de la République démocratique du Congo – suite à la requête d'organisations non gouvernementales qui lui ont demandé d'examiner la situation des peuples autochtones dans le pays au titre de sa procédure d'alerte rapide et d'action urgente – le Ministre des droits humains a rappelé que la loi de 1973 portant code foncier, telle que modifiée à ce jour, a transformé en terres domaniales toutes les terres occupées jadis par des populations locales. L'article 43 de cette loi dispose que «le sol est la propriété exclusive, inaliénable de l'État». Toutefois, le droit de jouissance de ces terres est reconnu à ces populations, a souligné M. Lokwa Ilwaloma. Il s'agit de celles habitées, cultivées ou exploitées par elles en vertu de la coutume et des usages locaux, a-t-il précisé. Contrairement à ce que les différentes ONG ont soutenu dans leur requête, la loi susvisée a institué une enquête préalable en cas de concession, qui a pour but de constater la nature et l'étendue des droits que pourraient détenir des tiers sur les terres à concéder, en vue de leur indemnisation éventuelle. Aux termes de la loi précitée, seul le paiement de l'indemnité rend la terre quitte et libre de tout droit, a poursuivi le Ministre.
S'agissant du moratoire forestier décrété en 2002, M. Lokwa Ilwaloma a souligné qu'il a été prolongé par le décret du 24 octobre 2005 fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrat de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d'octroi des titres d'exploitation forestière. En dépit dudit moratoire, l'exploitation forestière s'est poursuivie, ce qui n'a pas manqué de causer des dommages aux populations locales. Ceci s'explique par le fait que, pendant la guerre, le Gouvernement de Kinshasa avait perdu le contrôle sur une grande partie du territoire national. Ce moratoire n'était pas d'application dans les parties du territoire sous contrôle de la rébellion, a expliqué le Ministre des droits humains. C'est ainsi que depuis la réunification du pays, le Gouvernement a, en application du moratoire prorogé en 2005, décidé de transformer les anciens titres forestiers en contrats de concession forestière, ce qui a eu pour conséquence la suspension de la délivrance de tout nouveau titre pendant toute la durée du moratoire. C'est dans ce contexte qu'il faut inscrire l'action du Ministre de l'environnement qui, par son arrêtée du 13 juin 2007, a annulé 12 titres délivrés aux sociétés qui n'ont pas fait la demande de conversion ainsi que 9 autres titres octroyés après le décret du 24 octobre 2005 susmentionné. Cet arrêté a permis à l'État congolais de récupérer environ trois millions d'hectares de forêt.
Le quinzième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CERD/C/COD/15) explique le retard accumulé dans la présentation des rapports périodiques du pays par le fait que la République démocratique du Congo a été, de 1996 à 2002, le théâtre de conflits armés dont la guerre ayant mis fin au régime de la deuxième République et celle du 2 août 1998 lui ont été imposées par la coalition rwando-ougando-burundaise et se sont doublées de rébellions internes. En dépit de ces vicissitudes, la République démocratique du Congo a continué à manifester son engagement pour le respect des droits de l'homme. Soucieux de résorber les retards cumulés dans la présentation de ses rapports, le Gouvernement a mis sur pied le Comité interministériel chargé de l'élaboration des rapports initiaux et périodiques sur les droits de l'homme. Sur le plan politique, des développements positifs ont été enregistrés, poursuit le rapport. En effet, de laborieuses négociations, dites «Dialogue intercongolais», ont abouti à la signature de l'Accord global et inclusif sur la Transition en République démocratique du Congo, intervenu à Pretoria en 2002 entre le Gouvernement, le Rassemblement congolais pour la démocratie/Mouvement de libération du Congo, le Rassemblement congolais pour la démocratie/National, les Maï-Maï, l'opposition politique et les forces vives de la nation. Un Gouvernement d'union nationale a été mis sur pied le 30 juin 2003, chargé notamment d'organiser des élections au plus tard le 30 juin 2006. Des progrès notables ont été également enregistrés dans les relations de la République démocratique du Congo avec le Rwanda et l'Ouganda.
La République démocratique du Congo pratique une politique d'intégration de tous les groupes raciaux dans la vie nationale, notamment par le recrutement au sein de l'administration publique et la participation à la vie publique, indique le rapport. Cette politique d'intégration a été traduite dans la Constitution de transition, au paragraphe 3 du préambule qui exprime le souci de construire une seule et même nation, harmonieusement intégrée et de consolider l'unité nationale afin de donner une véritable âme à l'État. Les conflits interethniques en Ituri ont fait plus de 20 000 morts et plus ou moins 500 000 personnes déplacées. Plusieurs causes sont à la base de ces conflits, notamment la rivalité traditionnelle entre les ethnies hemas et lendus, l'idéologie de la xénophobie et de la haine ethnique, le problème de la répartition de terres, les angoisses existentielles liées à la hantise d'extermination d'une communauté par une autre, la manipulation politicienne. La Constitution de la République démocratique du Congo promulguée en février 2006 dispose en son article 10: «Est Congolais d'origine toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République démocratique du Congo) à l'indépendance».
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République démocratique du Congo, a assuré que le Comité mesure à sa juste valeur l'effort de la République démocratique du Congo pour renouer le dialogue avec lui. La Constitution actuellement en vigueur dénote un parti pris flagrant du pays pour le respect de ses obligations tant nationales qu'internationales, a-t-elle par ailleurs salué.
La République démocratique du Congo vient de traverser l'une des périodes les plus difficiles de son histoire, a poursuivi Mme Dah. Depuis la Conférence de Berlin qui en 1884-85 a présidé au partage de l'Afrique, la République démocratique du Congo n'a jamais manqué de montrer son importance dans le contexte africain, puisqu'il s'agit du troisième plus grand pays d'Afrique et l'un des plus peuplés; seule l'économie n'est pas à la hauteur de ce rang, a fait observer la rapporteuse.
Mme Dah a fait observer que la majorité des informations contenues dans le rapport de la République démocratique du Congo auraient mérité de figurer dans un document de base. La République démocratique du Congo n'a jamais présenté un tel document de base, contrairement aux directives du Comité concernant la présentation du rapport, et Mme Dah a souhaité savoir si les autorités envisageaient de le faire.
La rapporteuse a par ailleurs souhaité connaître la place que la République démocratique du Congo accorde à la Convention, dans la mesure où ce pays a été maintes fois menacé par des conflits à connotation tribale ou ethnique.
Mme Dah a relevé qu'à première vue, aucune ethnie n'est majoritaire en République démocratique du Congo; mais cela signifie-t-il qu'il n'y aurait pas de minorités au sens où l'entendent les conventions internationales? Cela signifie-t-il en outre qu'il n'y a pas non plus de populations autochtones, alors que ce territoire était occupé par les pygmées et Banthous bien avant l'émergence des premiers royaumes vers le XVIe siècle?
Mme Dah a par ailleurs relevé l'absence, dans la législation congolaise, d'une quelconque définition de la discrimination raciale telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention.
La rapporteuse s'est en outre enquise des éventuelles sanctions prises à l'encontre d'un candidat du gouvernorat du Katanga qui, lors des dernières élections, a tenu des discours haineux à l'encontre de ses concurrents.
S'agissant des questions de nationalité, et eu égard à la «bombe à retardement zaïroise» que fut la législation rétroactive qui a eu les conséquences que nous savons (guerre régionale impliquant les pays voisins), il y a lieu de se féliciter de la loi sur la nationalité de 2004, a poursuivi Mme Dah. Bien que réglant certains problèmes, la législation actuellement en vigueur stipule que la nationalité congolaise est exclusive, ce qui ne va pas sans poser problème pour certaines personnes, d'origine burundaise par exemple, qui se retrouvent alors exclues, par exemple, du processus électoral.
Dans le domaine du logement, non seulement il y a discrimination mais aussi ségrégation de facto, a poursuivi Mme Dah.
Les terres traditionnelles des pygmées ont-elles été enregistrées sur le cadastre, a par ailleurs demandé la rapporteuse?
La situation actuelle dans l'est du pays ne va pas sans rappeler celle qui y prévalait en 1996, s'est inquiétée Mme Dah. En outre, dans le domaine de la discrimination raciale, la situation dans le pays reste fragile , a-t-elle estimé.
Un autre membre du Comité s'est enquis de la raison pour laquelle l'Observatoire national des droits de l'homme avait disparu. Il a également souhaité connaître les modalités envisagées pour la restauration de cette institution. L'absence de plaintes en matière de discrimination raciale pourrait découler d'un manque d'informations voire d'une méfiance du public à l'égard des tribunaux, a rappelé l'expert. Les pygmées ont-ils été reconnus en tant que peuple autochtone et qu'en est-il de leur jouissance de la terre, a-t-il en outre demandé?
En raison de l'exploitation forestière ou minière, il y a eu des expulsions massives de populations autochtones qui vivent désormais dans des conditions inhumaines, a fait observer un autre expert, qui a en outre dénoncé les conditions dans lesquelles certains autochtones travaillent, équivalant quasiment à l'esclavage.
Les Banyamulenge ont-ils reçu la citoyenneté congolaise ou doivent-ils la demander, s'est interrogé un autre membre du Comité?
Les programmes de la plupart des partis politiques tournent autour des questions d'origine ethnique, a relevé un expert. Un autre a souhaité mieux comprendre les conflits interethniques qui se déroulent en République démocratique du Congo et qui semblent être à motivation politique.
Un membre du Comité a fait observer qu'il est rare que, lorsqu'ils se présentent devant le Comité, des pays africains reconnaissent la réalité des conflits ethniques; aussi, a-t-il salué la franchise et l'esprit autocritique dont fait preuve la délégation de la République démocratique du Congo.
Réponses et renseignements complémentaires de la délégation
La délégation a précisé que le Comité interministériel de rédaction des rapports périodiques comprend 35 membres représentant 17 ministères ayant un rapport, direct ou indirect, avec les droits de l'homme. Ce Comité interministériel dispose en son sein de plusieurs sous-comités chargés, chacun, de la rédaction d'un rapport relatif à un instrument déterminé. Dès qu'un sous-comité termine son projet de rapport, une plénière du Comité interministériel est convoquée pour examen et amendement, après quoi un exemplaire du projet est envoyé aux organisations non gouvernementales qui sont ainsi appelées à donner leur avis et considérations par écrit. Enfin, une plénière du Comité interministériel est convoquée pour adopter la mouture finale du rapport. Au cours de cette plénière, les organisations non gouvernementales sont invitées pour développer oralement leurs avis et considérations consignées par écrit. Elles siègent à cette plénière avec voix consultative. Par la suite, le projet est adopté définitivement moyennant les amendements. À ce propos, a poursuivi la délégation, les organisations non gouvernementales répondent habituellement aux invitations du Comité interministériel; mais de manière exceptionnelle et pour des raisons qui n'ont pas été explicitées, elles n'ont pas répondu lors de la consultation relative à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a indiqué la délégation, précisant qu'elle tient à disposition une copie de l'accusé de réception de l'invitation que le Ministère des droits humains a adressée aux organisations non gouvernementales à ce sujet.
Concernant le champ d'application de la Convention, la délégation a affirmé qu'il n'existe pas en République démocratique du Congo une hiérarchie entre les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le pays. Si le Constituant a, dans le préambule de la loi fondamentale, mis un accent sur les droits des femmes et des enfants, c'est en raison de la longue guerre que la République démocratique du Congo a connue et au cours de laquelle les femmes et les enfants ont payé le plus lourd tribut, a expliqué la délégation.
Par ailleurs, la République démocratique du Congo a pris des mesures législatives pour réprimer le racisme et le tribalisme et ce, bien avant la ratification de la Convention, a rappelé la délégation. Le terme «minorité» repris par la Constitution renvoie aux groupes ethniques qui ne sont pas numériquement importants, comme c'est le cas avec les pygmées, qui représentent 0,5% de la population. Il est vrai que les instruments internationaux reconnaissent les pygmées comme peuple autochtone, a poursuivi la délégation. Toutefois, il convient de relever que le concept de «peuples autochtones» fait l'objet d'une vive controverse en République démocratique du Congo voire ailleurs en Afrique où l'on considère comme autochtones tous les peuples que le colonisateur a trouvés sur le continent africain, a précisé la délégation.
L'ordonnance-loi du 7 juin 1966 relative à la répression du racisme et du tribalisme permet aux personnes victimes de discrimination raciale de saisir les juridictions pénales et de se constituer partie civile en vue d'obtenir la réparation du préjudice subi, a souligné la délégation.
Quant aux questions foncières, il convient de souligner qu'il n'existe pas en droit congolais une propriété individuelle ou communautaire du sol et du sous-sol, a expliqué la délégation. Le sol et le sous-sol appartiennent à l'État et ne peuvent que faire l'objet de concession, qui est en fait un droit de jouissance reconnu aux particuliers par l'État à travers la signature d'un contrat.
Pour ce qui est de l'éducation, la délégation a indiqué que l'État a récemment pris des mesures pour rendre l'enseignement primaire gratuit pour tous les enfants congolais indistinctement.
La délégation a par ailleurs fait savoir que les candidats aux dernières élections qui, au cours de la campagne électorale, ont tenu des propos discriminatoires à l'endroit de leurs adversaires politiques, ont été sanctionnés par la Haute autorité des médias qui a non seulement suspendu leur passage sur les médias mais a également frappé d'une interdiction temporaire de diffusion les médias qui ont relayé ces messages.
Sur le plan économique et social, a poursuivi la délégation, la République démocratique du Congo a, pour lutter contre la pauvreté, adopté le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté qui concerne tous les Congolais sans discrimination aucune.
La délégation a rappelé que le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba constituent les quatre langues nationales; quant aux autres langues, aucune entrave n'est posée par l'État à leur promotion et à leur épanouissement, pour chacune des tribus qui peuplent le pays.
En ce qui concerne la situation actuelle s'agissant des conflits interethniques, la délégation a indiqué qu'il n'existe plus, à l'heure actuelle, de conflits entre les originaires du Kasaï et du Katanga. En Ituri, a ajouté la délégation, le conflit entre les Hema et les Lendu a connu un apaisement notable. Toutefois, la situation dans les provinces du Nord et du Sud Kivu demeure préoccupante, a déclaré la délégation, par la voix du Ministre des droits humains, M. Eugène Lokwa Ilwaloma. À cet effet, le Gouvernement déploie des efforts importants pour ramener la paix entre les communautés, a ajouté la délégation. C'est ainsi qu'une délégation gouvernementale s'est rendue dernièrement à l'est du pays pour évaluer la situation et a organisé à son retour les travaux préparatoires de la table-ronde qui va regrouper les leaders de toutes les communautés de l'est de la République démocratique du Congo, a indiqué la délégation.
S'agissant de la question de la nationalité en République démocratique du Congo, la délégation a rappelé que la nationalité est une et exclusive. Quant aux Banyamulenge et aux Banyarwanda, le Dialogue intercongolais organisé en Afrique du Sud ainsi que la loi de 2004 sur la nationalité congolaise a réglé le problème de leur nationalité, de sorte qu'à l'heure actuelle, il ne se pose plus de problème de nationalité en ce qui les concerne. Elle a par ailleurs fait valoir que des Banyamulenge se trouvent dans toutes les institutions de la République démocratique du Congo.
La délégation a enfin indiqué qu'un avant-projet de loi a été présenté portant création, attributions et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.
Conclusions de la rapporteuse
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République démocratique du Congo, a souligné que malgré leur titre d'experts, les membres du Comité font eux aussi œuvre humaine, donc imparfaite. Elle a toutefois déclaré indiqué qu'elle restait optimiste quant au fruit de ce travail entre le Comité et l'État partie. Le dialogue que le Comité a eu avec la délégation de la République démocratique du Congo a répondu aux espoirs qui avaient été placés en lui, tant par sa richesse que par sa franchise. Mme Dah a exprimé l'espoir que les observations finales que le Comité adoptera ultérieurement, avant de les rendre publiques à la fin de la session, serviront de base pour des actions conséquentes permettant un progrès qui pourra être constaté lors de l'examen du prochain rapport périodique du pays.
__________
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
VOIR CETTE PAGE EN :