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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA BELGIQUE

27 Février 2008

Comité pour l'élimination de la discrimination raciale

26 février 2008

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Belgique sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Belgique, M. Morten Kjærum, s'est réjoui qu'il existe en Belgique une approche sérieuse, dynamique et solidaire pour l'intégration des minorités. Il a tout particulièrement relevé les mesures de sensibilisation mises en place dans de nombreux domaines pour lutter contre la discrimination et les préjugés, ainsi que les politiques destinées à faciliter l'accès des minorités à l'emploi.

M. Bart Ouvry, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a affirmé l'engagement de la Belgique dans la lutte contre le racisme et la discrimination, en soulignant notamment le rôle joué par son pays dans le suivi et la préparation de la Conférence de Durban, rôle par ailleurs maintes fois salué par les membres du Comité. Il a également tenu à souligner que si la Belgique traverse actuellement une crise, celle-ci est politique et non de société. La délégation a ensuite fourni des renseignements complémentaires sur la mise en oeuvre des dispositions de la Convention.

La délégation belge était également composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'emploi, du travail et de la concertation sociale, du Comité P (l'organe de contrôle sur les organes policiers), du Centre de l'égalité des chances et de la lutte contre le racisme, du Ministère de la communauté flamande et du Ministère de la communauté française et de la région wallonne. Elle a fourni des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la manière dont la Belgique gère ses différentes communautés, notamment linguistiques; les mesures prises pour faciliter l'accès de tous à l'emploi; les programmes développées pour sensibiliser le personnel officiel, du policier qui patrouille les rues au juge qui rend son jugement, en matière de lutte contre la discrimination et les préjugés; l'immigration et l'acquisition de la nationalité; et les activités du Centre de médiation des Gens du voyage et du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, des observations finales sur le rapport de la Belgique, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 7 mars 2008.



Le Comité doit entamer cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Nicaragua (CERD/C/NIC/14).

Présentation du rapport

M. BART OUVRY, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a assuré le Comité du soutien que lui accorde la Belgique et souligné l'engagement dont son pays a toujours fait preuve à l'égard de la Conférence de Durban. Il a reconnu que son pays traverse une situation politique difficile, puisqu'il n'existe aujourd'hui pas de gouvernement définitif et que des négociations sont en cours sur la révision des institutions. S'il existe une crise politique difficile, cela ne veut pas dire que la Belgique traverse une crise de société, a-t-il insisté, priant les membres du Comité de ne pas croire tout ce que la presse relate au sujet de la Belgique.

La délégation a rappelé que le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a été créé en 1993 et que ses compétences ont récemment été élargies aux bases de discrimination non raciales. Elle a souligné que bien que le pays n'ait pas encore de Commission nationale des droits de l'homme, il existe déjà des institutions spécifiques traitant de matières liées aux droits de l'homme, comme ce Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, une Commission nationale pour les droits de l'enfant ou un Institut pour l'égalité des femmes et des hommes.

S'agissant des Gens du voyage, la politique de la région wallonne vise à lutter contre les stéréotypes négatifs par des actions de sensibilisation de la population, a expliqué un délégué belge. Le Centre de médiation des Gens du voyage a ainsi un rôle d'accompagnement, mais aussi de sensibilisation et d'information, a-t-il précisé. Dans la région flamande, a pour sa part précisé un autre membre de la délégation, l'autorité, consciente de la vulnérabilité de ces personnes, a mis en place des cellules de travail social d'aide aux Gens du voyage, réparties dans diverses régions.

S'intéressant ensuite à la question de la ségrégation dans le domaine de l'éducation, la délégation a fait part de l'existence, dans la région flamande, d'un décret datant de 2002 et consacrant l'égalité des chances. Le même type de décret existe dans la communauté française et vise à lutter contre le phénomène des «écoles-ghettos», a ajouté une déléguée belge représentant la région wallonne.

Une nouvelle loi sur le racisme est entrée en vigueur en juin 2007, a par ailleurs précisé la délégation. Entre autres éléments de cette loi, il est à noter que la définition de la discrimination est plus restrictive, puisqu'elle doit être obligatoirement intentionnelle. En outre, il existe des infractions spécifiques au racisme, comme la diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, a ajouté la délégation.

Réagissant à des préoccupation quant à la longueur anormale des procédures, la délégation a tenu à souligner que les retards inhérents aux procédures pénales ne sont pas propres aux affaires liées au racisme, mais qu'ils sont le lot de tous les dossiers, quelle que soit la nature des infractions.

Quant à la déclaration interprétative (la délégation a précisé qu'il ne s'agit pas d'une réserve) que le pays a formulée s'agissant de l'article 4 de la Convention (relatif à l'interdiction de la propagande et des organisations faisant la promotion de la haine raciale), la délégation a précisé que la Belgique est en train d'examiner l'éventualité de son retrait. Cette déclaration interprétative avait été faite suite à une recommandation du Conseil d'Europe, a-t-elle précisé. D'autre part, un délégué belge a fait part de l'existence d'une proposition de loi relative à l'interdiction des organisations racistes, négationnistes et néonazies, destinée à combler la lacune existant dans la législation belge à cet égard. En attendant, il existe un article dans la loi contre le racisme qui vise la pénalisation de quiconque faisant partie d'une organisation raciste, a-t-il souligné.

La délégation a reconnu que certains articles de la Constitution s'appliquent uniquement aux Belges. Mais, a-t-elle souligné, la Constitution n'est pas la base pour la protection contre la discrimination raciale dans la législation belge. Et les lois antiracisme et antidiscrimination s'appliquent de sorte que quiconque, Belge ou non-Belge, peut introduire une plainte sur la base de ces lois.

La délégation a expliqué qu'en région wallonne, la politique d'intégration est organisée sur une base volontaire. Il existe ainsi des programmes qui accompagnent les personnes «primo-arrivantes» dans leur parcours d'intégration. Un décret de 1996 a agréé des centres régionaux d'intégration dans les grandes villes où il y a une présence significative de migrants, a-t-elle ajouté. En ce qui concerne la situation dans la région flamande, un parcours d'intégration civique est offert à l'intégrant, a expliqué un membre de la délégation. Ce parcours est double. Un volet primaire, tout d'abord, constitue un accueil de première ligne comprenant l'enseignement du néerlandais, ainsi qu'une orientation sociale et professionnelle. Le second volet, ensuite, est volontaire et peut comporter formation professionnelle, poursuite d'études ou engagement dans le volontariat, a –t-il précisé.

Face aux préoccupations suscitées par une étude rapportant que les tribunaux sont plus sévères à l'égard des mineurs étrangers, la délégation a souligné que ces faits ne procèdent pas d'une logique intentionnelle mais plutôt d'une logique inconsciente, fruit de l'auto-alimentation du système. Il faut briser ce cercle vicieux, a reconnu la délégation, avant de souligner que la sensibilisation et la formation sont importantes à cet égard.

En matière d'emploi pour les personnes étrangères et les minorités ethniques, il existe un programme de sensibilisation destiné aux entreprises mêmes, a d'autre part expliqué la délégation. S'il existe des dispositions juridiques, il n'en faut pas moins mener un travail de sensibilisation et de changement des mentalités, a souligné une déléguée. Elle a également fait part de l'existence d'un autre projet appelé «label égalité diversité» destiné à promouvoir l'implémentation de la diversité au sein des entreprises et diminuer la discrimination sur le marché de l'emploi. Ce projet travaille sur les mentalités et les préjugés, a-t-elle précisé. Il vise le long terme et fait l'objet d'évaluations annuelles.

S'agissant de la scolarisation des Roms, un représentant de la région wallonne a rappelé qu'un Centre de médiation des gens du voyage a été mis en place. Ce centre fait des propositions en matière d'insertion professionnelle ou de scolarisation. Le délégué a reconnu qu'il existe certaines difficultés dues à une faible fréquentation. Il a indiqué que des pourparlers sont en cours sur la possibilité de développer des écoles itinérantes. Rappelant que la Belgique compte 25 000 à 30 000 personnes issues de la communauté des Gens du voyage, la délégation a fait observer qu'il n'est pas facile de mettre en œuvre de telles initiatives sans tomber dans l'individualité.

Dans la perspective de lutter contre les actes discriminatoires commis par des policiers, un nouveau code de déontologie qui renvoie explicitement aux principes d'antidiscrimination et d'antiracisme est entré en vigueur en 2006, a indiqué la délégation. Entre autres initiatives, elle a fait part de la mise en œuvre de programmes de sensibilisation et de la diffusion de publications en matière de lutte contre la discrimination au sein de la police et accessibles par Intranet et Internet. Il existe trois types de contrôle des services policiers, a souligné un membre de la délégation. Un contrôle hiérarchique, tout d'abord. Ensuite, un contrôle de l'exécutif qui dépend du Ministre de l'intérieur, celui-ci étant habilité à inspecter les services de police. Enfin, un troisième niveau de contrôle externe est opéré par le Comité permanent de contrôle des services de police qui rend compte au Parlement. La loi sur le Comité P a été plusieurs fois modifiée pour renforcer ses moyens et son indépendance, a précisé la délégation.

Pour conclure sa présentation, la délégation a assuré le Comité qu'une attention particulière est accordée au rôle des médias pour lutter contre les préjugés et les encourager à ne pas ancrer les stéréotypes dans l'esprit de leurs lecteurs.

Le quinzième rapport périodique de la Belgique (CERD/C/BEL/15) rend compte notamment des modifications constitutionnelles et législatives effectuées par le pays en vue de renforcer la lutte contre la discrimination. Deux nouvelles lois stipulent notamment que l'injonction de pratiquer une discrimination et le harcèlement raciste constituent autant de formes de discrimination et que, en matière d'emploi, la discrimination à l'égard d'un groupe (et plus seulement à l'égard d'une personne) fait l'objet d'une répression. En outre, le mobile raciste est une circonstance aggravante pour toute une série d'infractions pénales. En matière d'interdiction des organisations et de la propagation raciste, le rapport indique notamment que la loi prévoit la privation ou la suspension de certains droits civils et politiques, dont notamment le droit à être élu, pour des personnes qui auraient été condamnées à une peine en la matière. Le programme de formation des magistrats et stagiaires judiciaires belges comprend une formation concernant la répression du racisme et de la xénophobie. En outre, l'enseignement des principes de la Convention européenne des droits de l'homme est inclus dans la formation des policiers, qui intègre également une description du concept d'«éthique policière». Les policiers doivent être en mesure de pouvoir intervenir et effectuer les constatations dans des situations de discrimination et/ou de racisme à l'égard des minorités et des individus.

Le rapport indique en outre que le Comité ministériel restreint a adopté, en 2004, les principes d'un plan d'action fédéral contre les violences racistes, antisémites et xénophobes, qui veille à l'application des législations antidiscriminatoires, surveille le suivi des plaintes et promeut la lutte contre les préjugés - notamment par la mise en place de «plateformes de la démocratie» dans les grandes villes du pays chargées de stimuler les initiatives prises sur le plan local en faveur de la promotion du «vivre ensemble». Par ailleurs, suite à une recrudescence d'actes antisémites dans le pays, la Ministre de l'intégration sociale et de l'interculturalité a confié au Centre pour l'égalité des chances la mission de mener une politique proactive de réception, d'analyse et de suivi systématique de toute plainte contre des actes antisémites et la coordination d'un rapport portant sur la nature et l'ampleur du regain d'antisémitisme en Belgique. S'agissant des politiques d'intégration, le rapport explique qu'en région wallonne, le secteur de l'intégration des immigrés vise principalement à promouvoir l'égalité des chances et favoriser une société respectueuse de la diversité culturelle par le biais d'une politique de financement de centres régionaux d'intégration ainsi que par l'octroi de subventions à des initiatives de terrain développant une méthodologie et une pédagogie adaptée, par exemple dans les domaines de la médiation sociale ou interculturelle, de l'aide à l'exercice des droits et obligations des personnes étrangères et de l'amélioration de la compréhension et de la connaissance mutuelle entre autochtones et personnes étrangères ou d'origine étrangère. Le gouvernement flamand pratique pour sa part une politique de diversité, en promouvant notamment le «vivre ensemble dans la diversité» auprès de toutes les couches de la population et en facilitant l'émancipation des minorités ethniques établies dans le pays. Le rapport souligne en outre que compte tenu de leur situation de séjour souvent précaire, les Roms, les voyageurs et les Tsiganes sont des groupes cibles de la politique d'accueil et de prise en charge.

Le rapport explique également que l'accès à la nationalité belge a été amélioré, dans un sens de plus de rapidité, de facilité, de simplicité et d'efficacité. La dernière modification vise à favoriser l'intégration des étrangers par l'acquisition de la nationalité, notamment en assouplissant les conditions d'accès à la déclaration de nationalité et à la naturalisation et en accélérant et facilitant le déroulement de toutes les procédures d'obtention de la nationalité belge. En outre, le questionnaire de naturalisation ne comporte plus de questions sur la connaissance des langues ou la profession de l'intéressé et l'enquête policière portant sur l'intégration du demandeur de naturalisation est désormais supprimée. Dans le domaine de l'emploi, le rapport mentionne l'existence d'une structure créée au sein du Service public fédéral emploi, travail et concertation sociale pour mener des campagnes de sensibilisation, d'information et d'éducation relatives à la discrimination ethnique sur le marché du travail et en vue de promouvoir l'égalité de traitement des travailleurs d'origine étrangère.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. Morten Kjærum, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Belgique, a souhaité savoir dans quelle mesure la société civile a été invitée à participer à l'élaboration du rapport.

Le rapporteur a demandé si, au vu de la situation particulière de ce pays, des efforts sont menés pour forger une identité belge, par opposition aux identités flamande et wallonne. À cet égard, il s'est enquis de possibles cas de discrimination en Flandre à l'encontre des Wallons et en Wallonie à l'égard des Flamands.

Rappelant qu'en sus du français et du néerlandais, l'allemand et plusieurs dialectes sont parlés en Belgique, il a souhaité connaître les mesures prises pour soutenir ces différentes langues. Il s'est également demandé pourquoi la Belgique n'est pas partie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ni à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

Le Rapporteur a également voulu savoir si des mesures ont été prises contre le Vlaams Belang, nouveau parti politique issu du Vlaams Blok qui avait été accusé en 2004 de propagande raciste et discriminatoire.

Abordant la question de la définition de la discrimination, il a demandé à la délégation de confirmer si la preuve d'intention est nécessaire uniquement pour que la discrimination soit punie ou si elle est également requise pour la compensation des victimes.

Rappelant que dans le cadre des initiatives de constitution d'un nouveau gouvernement sous l'égide de M. Yves Leterme, ce dernier a indiqué que le nouveau gouvernement s'attellerait à évaluer et réorienter les lois en matière de discrimination, M. Kjærum a souhaité savoir où en sont ces propositions actuellement. Quels sont les changements envisagés pour les lois contre la discrimination, a-t-il demandé? La liste des minorités protégées serait-elle par exemple limitée?

Préoccupé par l'implication de policiers dans des incidents racistes, le Rapporteur a souhaité savoir si la proposition de mettre sur pied des formations sur les questions de la diversité et du multiculturalisme a effectivement été mise en œuvre. S'il a estimé positif que les juges et les procureurs reçoivent une formation sur l'antidiscrimination, il a toutefois souhaité savoir ce que la Belgique fait pour lutter contre les différences de traitement au sein des tribunaux entre les personnes d'origine belge et les autres.

En matière d'accès des minorités aux logements, M. Kjærum a noté que la délégation belge a fait valoir dans son rapport que la surreprésentation des minorités dans les logements sociaux urbains tient à leur bas revenu. Toutefois, a-t-il fait observer, dans de nombreux pays cette surreprésentation tient autant aux bas revenus de certaines minorités qu'à leur difficulté d'accès à d'autres habitations. Il a ainsi souhaité savoir si des études ont été menées en la matière et si la Belgique compte prendre des mesures pour lever les difficultés rencontrées par les minorités dans l'accès à des logements autres que sociaux.

S'agissant de la situation des Roms, il a souhaité avoir un complément d'information sur les résultats enregistrés par le Centre de médiation dont a fait part la délégation belge. Se félicitant qu'un décret, en Flandre, reconnaisse les caravanes comme logement et, par là, accepte les logements traditionnels de certaines minorités, il s'est enquis du statut des caravanes dans les régions de Wallonie et de Bruxelles-Capitale.

Faisant observer que la loi antiracisme, pièce législative la plus importante au regard de la Convention pour l'élimination de la discrimination raciale, est postérieure à la soumission du rapport, un membre du Comité a souhaité avoir plus d'informations sur le contenu de cette loi.

Abordant la question du port du voile islamique, un expert a noté que le rapport explique que la question relève la compétence des communautés et fait l'objet de pratiques disparates selon les écoles. Beaucoup d'écoles n'autorisant pas le port du voile, une jeune fille qui souhaiterait le porter se verrait renvoyée dans une école où le port est permis, a-t-il poursuivi. Elle se trouverait ainsi dans une école déjà remplie vraisemblablement de nombreux étudiants musulmans, venus pour les mêmes raisons. Comment la Belgique compte-t-elle assurer un équilibre dans de telles situations, a-t-il demandé?

Faisant observer que la Belgique a une croissance zéro de la population et, partant qu'elle aurait besoin d'assurer la relève de ses travailleurs, un membre du Comité a souhaité savoir si le gouvernement a comme politique d'encourager l'immigration.

Un expert a également souhaité avoir davantage d'informations sur le Centre d'égalité des chances et notamment son rôle en matière de recueil de plaintes.


Réponses de la délégation

M. Bart Ouvry, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a notamment expliqué, en réponse à une remarque du Rapporteur, que l'identité belge n'est pas en opposition à une identité régionale ou européenne. Le monde culturel en Belgique semble peu porté sur le nationalisme flamand et se sent très confortable dans un contexte d'identités multiples, a-t-il souligné. L'enseignement des langues reste un aspect fort dans le pays, a-t-il poursuivi, rappelant que l'enseignement des deuxièmes et troisièmes langues reste de rigueur.

Reconnaissant que la situation belge est difficile à comprendre, il a expliqué que la Belgique est un État fédéral, composé de trois communautés (flamande, française et germanophone) et de trois régions (wallonne, flamande et Bruxelles Capitale). Il n'y a pas de hiérarchie des normes entre ces différentes structures, a-t-il souligné. Le fonctionnement est donc de nature coopérative et impose une concertation continue.

En ce qui concerne le parti Vlaams Belang, il ne faut le pas ramener uniquement à son identité raciste, a fait observer le représentant belge. L'attrait qu'a ce parti sur une partie de la population s'explique aussi par le fait que tous les partis politiques laissent un certain vide à droite, chacun tendant à migrer vers le centre. En outre, le refus de la politique, l'antipolitique, semble assez payant pour le Vlaams Belang qui se présente comme une parti «anti-establishment», a-t-il ajouté, avant de souligner que depuis sa condamnation, on ne trouve plus de discours ouvertement raciste au sein de ce parti. Ce parti n'est pas unique en Europe et correspond à une réalité dans beaucoup de sociétés, a-t-il fait observer.

S'agissant des questions d'immigration, M. Ouvry a indiqué que la Belgique a organisé, à l'été 2006, un Forum mondial sur l'immigration. Un des principaux messages de cette réunion a été de mettre en exergue la valeur ajoutée de l'immigration à la fois pour les pays du Nord que pour ceux du Sud, a-t-il souligné. Il a également mentionné que ce forum a vocation de devenir une instance permanente de dialogue.

À l'expert qui souhaitait connaître le défi principal qui attend la Belgique en matière de racisme, le représentant a répondu que s'il est extrêmement important de bien gérer la trilogie enseignement, emploi et logement pour assurer une intégration optimale de tous les membres de la société, il est également crucial d'éviter la hiérarchie des droits de l'homme.

Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a une triple fonction: la lutte contre le racisme, la lutte contre les discriminations et l'observatoire des migrations, a expliqué la délégation belge. Elle a souligné que le Centre, tout en privilégiant le dialogue et la médiation, continue de mettre l'accent sur les actions en justice car l'objectif est de s'assurer que les lois font l'objet d'une application régulière.

Plusieurs experts ayant salué le recours aux règlements à l'amiable et à la médiation au détriment d'un recours automatique au pénal, la délégation a souligné que cette question est du ressort des parquets, bien que cette voie soit encouragée. Elle a fait observer que la justice fait plutôt de la conciliation et que la médiation est plutôt transmise à des organismes - toujours plus nombreux - spécialisés dans ce domaine.

Si la délégation a, dans sa présentation, mis l'accent sur les programmes de sensibilisation mis en œuvre, cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun cadre législatif, a souligné un membre de la délégation qui tenait à rappeler que des mécanismes et des législations de base existent en matière de lutte contre la discrimination. Quant aux actions de sensibilisation, elles sont permanentes et vont du policier qui patrouille les rues au juge qui rend son jugement, a-t-il ajouté, faisant observer que les problèmes ne se limitent pas au système judiciaire mais sont le fruit d'interactions avec d'autres éléments. Une solution satisfaisante passe par une approche globale, a à cet égard fait observer la délégation.

S'agissant des sanctions imposées aux forces chargées de l'application de la loi, la délégation a expliqué qu'il existe une procédure d'inspection interne des services de police qui prévoit que tout officier peut être interpellé. Il s'agit d'une enquête interne et non pas d'une plainte judiciaire, a-t-elle précisé. Et cette enquête peut aboutir à une sanction disciplinaire. D'autre part, a poursuivi la délégation, le plaignant peut déposer une plainte auprès du comité de contrôle P, service extérieur et indépendant qui peut également mener une enquête. En outre, une plainte au pénal peut également être déposée.

Revenant sur la question des minorités, la délégation a informé le Comité de l'existence d'un Forum des minorités, ainsi que d'un Centre des minorités chargé de mener des recherches sur les migrations. L'accent est mis sur la solidarité et des mesures d'intégration pour les minorités sont prises par tous les ministères, a-t-elle assuré.

En matière d'immigration, la délégation a expliqué qu'un changement de loi a modifié la procédure d'asile. Désormais, toute demande est examinée à fond, a précisé un délégué belge. Et pendant cet examen, le réfugié est accueilli dans un centre, a-t-il ajouté, indiquant par là que seuls les réfugiés reconnus entrent dans le processus d'intégration de la Belgique. Au Rapporteur qui se demandait si les réfugiés ont, dans le cadre de la politique civique d'intégration, le droit de travailler, la délégation a répondu par la négative. Toutefois, elle a à titre d'exemple indiqué que l'accès à des cours de langue organisés par des associations est ouvert à tous, quelque soient leurs statuts. La loi belge prévoit un accès aux soins urgents pour les réfugiés, a-t-elle ajouté.

Au Comité qui demandait des précisions sur les conditions d'obtention de la nationalité, un membre de la délégation a expliqué que les immigrés de deuxième génération, soit des personnes nées en Belgique ou venues dès leur plus jeune âge, peuvent, dès 18 ans et par un acte volontaire, accéder à la nationalité belge. Aucune condition n'est requise, a-t-il précisé, et seul un motif de sécurité nationale ou un casier judiciaire trop chargé peut empêcher l'obtention de la nationalité. Quant aux immigrés de troisième génération, soit les personnes nées en Belgique et dont l'un des parents est également né en Belgique, ils obtient automatiquement la nationalité belge.

En matière d'emploi, et en réponse à un expert qui faisait observer que généralement les taux les plus élevés de discrimination perçue se manifestent dans ce secteur, un membre de la délégation a expliqué que la lutte contre la discrimination a été renforcée, tant au niveau fédéral qu'au niveau des régions. Une impulsion a été donnée à la politique de diversité, notamment par le biais d'une aide financière de la part du gouvernement, a-t-elle souligné. Par exemple en Flandre, cette impulsion s'inscrit dans une structuration de la politique et dans l'adhésion de tous les acteurs du monde du travail à ce projet. En région wallonne, la lutte contre la discrimination raciale prend la forme de l'intégration professionnelle et de l'encouragement à la diversité. À cet égard, la délégation a fait part de la création d'un» prix diversité» octroyé aux entreprises modèles en la matière. La question de la discrimination sur le lieu de travail est une préoccupation réelle du Gouvernement belge, a-t-elle assuré.

S'agissant de la question du port du voile, la délégation a déclaré qu'il n'y a pas d'injonction en la matière. L'autorisation ou l'interdiction du port du voile est déterminée par l'ordre intérieur de chaque établissement scolaire. Actuellement, 10% des écoles francophones acceptent le port du voile, a indiqué une déléguée. Un expert s'étonnant d'un si faible pourcentage, elle a fait observer qu'un taux de 10% ne signifie pas que 90% des écoles ont refusé le port du voile, arguant que parmi ces 90%, de nombreuses écoles n'ont pas été concernées par cette question. La délégation a par ailleurs rappelé que rien n'empêche les parents d'élèves d'introduire des actions, avant de souligner avoir connaissance d'aucune action menée en la matière. À un membre du Comité qui se demandait ce qu'il adviendrait d'une jeune fille qui doit quitter son établissement scolaire pour cette raison, la délégation a assuré qu'une solution à l'amiable serait trouvée ou qu'il lui serait garanti de trouver un autre établissement pour elle.

Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Belgique, M. Morten Kjærum, a remercié la délégation pour ce dialogue interactif, estimant qu'elle a établi une nouvelle référence en offrant des réponses aussi complètes. D'autres délégations pourraient s'en inspirer.

Le rapporteur a estimé que le rapport de la Belgique et les réponses apportées par la délégation ont montré qu'il existe en Belgique, tant au niveau fédéral qu'au niveau régional, une approche sérieuse pour ce qui est d'inclure les minorités. Dans les discussions, la nécessité d'adopter de nouvelles approches plus dynamiques à l'égard de l'intégration est clairement ressortie, a-t-il fait observer, avant de saluer les efforts mis en œuvre par la Belgique pour adopter une démarche plus inclusive et plus solidaire qui tienne compte des nombreuses dimensions de l'intégration, comme la lutte contre la discrimination ou l'accès à l'emploi.

M. Kjærum a fait remarquer que cette même dimension est ressortie dans l'accent mis sur la médiation. Il s'est dit d'avis qu'une approche purement juridique n'est pas forcément la meilleure, puisqu'elle débouche sur des gagnants et des perdants et pas forcément sur une société plus solidaire; la médiation est nettement plus féconde.

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