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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'AUSTRALIE

02 Mars 2005

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale 2 mars 2005
MATIN


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé ce matin l'examen, entamé hier après-midi, du rapport périodique de l'Australie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Mike Smith, Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que l'Australie continue, comme elle l'a toujours fait, de prendre avec le plus grand sérieux ses obligations au titre de la Convention. Le Gouvernement australien est fermement engagé en faveur d'un renforcement de l'éducation aux droits de l'homme dans le pays, a-t-il ajouté. Il n'y a pas de place, dans la société australienne, pour les attitudes racistes, ni pour les comportements discriminatoires, a assuré M. Smith. S'agissant des questions autochtones, il a reconnu que les inégalités et la situation défavorable dont souffrent les autochtones persistent en dépit de toute une série d'engagements sans précédent de l'État pour améliorer la situation, et qui ont porté des fruits, comme en témoignent, par exemple, la proportion d'enfants aborigènes qui achèvent le cycle d'enseignement secondaire ou la chute du taux de chômage parmi les autochtones. Selon M. Smith, tout porte à croire que le nouveau régime législatif amendé en matière de droits fonciers autochtones fonctionne mieux que le précédent, et on peut affirmer que la question des droits de propriétés autochtones est désormais réglée.

La délégation australienne était également composée de représentants du Ministère de l'immigration et des affaires multiculturelles et autochtones; du Ministère de la justice; et du Ministère des affaires étrangères et du commerce.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. Raghavan Vasudevan Pillai, a fait observer, en ce qui concerne l'application de la loi de 1975 sur la discrimination raciale, qu'il est difficile pour les plaignants d'établir l'existence d'une discrimination raciale en l'absence de preuve directe et que, depuis 2001, aucune affaire de discrimination raciale n'a été tranchée avec succès par les tribunaux fédéraux, alors même que le pays est de plus en plus marqué par la diversité ethnique et culturelle. M. Pillai a par ailleurs rappelé que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme a fait état d'actes racistes et xénophobes à l'encontre des Arabes et des musulmans, en particulier après les événements de Bali du 12 octobre 2002.

Plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs interrogations et préoccupations face aux modifications apportées en 1998 à la loi sur les titres fonciers autochtones; à la sur-représentation des autochtones dans le système carcéral australien; ou encore au problème des enfants autochtones qui avaient été arrachés à leurs familles, parfois sans le consentement des parents.


Le Comité entamera, cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial de l'Irlande (CERD/C/460/Add.1).


Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. MIKE SMITH, Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que l'Australie continue, comme elle l'a toujours fait, de prendre avec le plus grand sérieux ses obligations au titre de la Convention. Il a rappelé que le pays est constitué en système fédéral dans le cadre duquel les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont partagés ou répartis entre le Gouvernement fédéral et les six États et deux Territoires intérieurs autonomes que compte l'Australie. En d'autres termes, neuf gouvernements ont ou partagent la responsabilité s'agissant de questions qui intéressent le Comité. La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances œuvre en faveur d'une meilleure compréhension et d'une meilleure protection des droits de l'homme dans le pays, a précisé M. Smith. Il a ajouté que le Gouvernement australien a récemment restructuré de fond en comble la gestion et la mise en œuvre des programmes à l'intention des autochtones australiens.

Le Gouvernement australien condamne la discrimination sous toutes ses formes, notamment celle fondée sur la race, et entend maintenir la tradition australienne de tolérance et de respect de la diversité, a poursuivi M. Smith. C'est cette tradition de tolérance et d'équité qui est à l'origine de la générosité qu'ont manifestée tant le Gouvernement que les citoyens australiens à l'égard des victimes du récent raz-de-marée asiatique, a-t-il souligné. C'est également ce souci de se préoccuper du sort d'autrui qui a amené les Australiens à agir, souvent au péril de leurs vies, pour contribuer à apporter à d'autres pays la stabilité, la démocratie et la bonne gouvernance.

Au niveau national, a poursuivi M. Smith, l'Australie s'attaque à la discrimination par deux moyens essentiels: le pays a adopté toute une législation portant sur les droits de l'homme, au premier rang de laquelle figure la Loi de 1975 sur la discrimination raciale, sur laquelle se fonde la mise en œuvre de la Convention. Cette loi déclare illégale toute discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine ethnique ou raciale; elle interdit également les comportements fondés sur la haine raciale. En sus de cette loi fédérale, chaque État et Territoire a adopté sa propre législation interdisant la discrimination raciale, a souligné le Représentant permanent de l'Australie. Le Gouvernement australien est fermement engagé en faveur d'un renforcement de l'éducation aux droits de l'homme dans le pays, a-t-il ajouté. La récente publication, par le Gouvernement, d'un nouveau Cadre national de protection des droits de l'homme témoigne de l'engagement permanent de l'Australie en faveur de l'élimination de la discrimination raciale, a fait valoir M. Smith.

Depuis 1947, ce sont six millions de migrants qui sont arrivés en Australie, a poursuivi le Représentant permanent. Aujourd'hui, une personne sur quatre vivant en Australie est née à l'étranger, a-t-il indiqué. Ainsi, la diversité culturelle fait-elle clairement partie de l'identité contemporaine de l'Australie. Il n'y a pas de place, dans la société australienne, pour les attitudes racistes, ni pour les comportements discriminatoires, a assuré M. Smith. Il a fait valoir la politique multiculturelle nationale mise en place par le Gouvernement australien. À cet égard, il a précisé que les objectifs de la stratégie d'accès et d'équité sont énoncés dans la Charte du service public dans une société culturellement diverse. Afin de faciliter le développement de l'harmonie de la communauté nationale et traiter le racisme, le Gouvernement a lancé l'initiative «Vivre en harmonie».

S'agissant des questions autochtones, M. Smith a déclaré que les inégalités et la situation défavorable dont souffrent les autochtones persistent en dépit de toute une série d'engagements sans précédent de l'État en faveur du changement dans ce domaine. Le Gouvernement australien a récemment revu ses arrangements administratifs et sa politique dans le domaine des affaires autochtones, a indiqué M. Smith. À cet égard, a-t-il précisé, le nouveau cadre se fonde sur trois principes, à savoir que toute solution doit être basée sur la notion de «responsabilité partagée»; que les gouvernements des États et Territoires doivent remettre de l'ordre chez eux en améliorant leur coordination interne, en réduisant la lourdeur bureaucratique et en faisant preuve de davantage de souplesse et de réactivité face aux besoins locaux; et que la priorité doit être accordée aux résultats plutôt qu'aux procédures, ce qui signifie que les programmes et services doivent être jugés à l'aune de leurs résultats et non de leurs intentions. Cette «révolution tranquille» dans les affaires autochtones en Australie est le résultat d'une reconnaissance que l'approche politique de ces trente dernières années n'a pas répondu aux attentes, a déclaré M. Smith. Il n'en demeure pas moins que nombre d'indicateurs socioéconomiques fondamentaux ont connu des améliorations substantielles, comme en témoignent, par exemple, la proportion d'enfants aborigènes qui achèvent le cycle d'enseignement secondaire, qui atteint désormais presque 40%, ou encore la chute du taux de chômage parmi les autochtones.

En ce qui concerne les droits fonciers autochtones, M. Smith a notamment assuré que tout porte à croire que, dans ce domaine, le nouveau régime législatif amendé fonctionne mieux que le précédent, qui datait de 1998. Environ 20% du territoire australien sont désormais détenus par des autochtones ou contrôlés par eux, a-t-il fait valoir. On peut véritablement affirmer que la question des droits de propriétés autochtones - question si controversée et qui faisait l'objet de tant de contentieux dans les années 1990 - est désormais réglée, a déclaré M. Smith.

En réponse à des questions qui, conformément à la pratique récente du Comité, lui ont été adressées à l'avance par le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. Pillai, M. Smith a admis que des problèmes significatifs persistent en ce qui concerne les femmes autochtones, notamment si l'on se réfère à leur taux d'emprisonnement, qui augmente. Néanmoins, il convient de souligner que les filles autochtones restent désormais à l'école plus longtemps et que le taux de chômage des femmes autochtones a baissé de manière significative, a notamment fait valoir M. Smith.

Le Représentant permanent de l'Australie a conclu sa présentation en soulignant que son pays avait été particulièrement déçu par le rapport du Comité ayant fait suite à la précédente audience de son pays devant cet organe; ce rapport ne tenait pas compte de l'ensemble des informations fournies de manière coopérative par le pays et traitait de façon superficielle de questions complexes. En outre, le Comité a émis des commentaires concernant les obligations de l'Australie au titre de la Convention sur les réfugiés alors que cette question ne relève pas de son mandat, a ajouté M. Smith. Il a également fait part de la déception de l'Australie face aux inexactitudes factuelles du rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, suite à la visite de ce dernier dans le pays.

Le quatorzième rapport périodique de l'Australie (CERD/C/428/Add.2) rappelle que la loi de 1975 sur la discrimination raciale interdit toutes les formes de discrimination raciale dans toutes les juridictions australiennes, au niveau fédéral et au niveau des États et des Territoires. Bien que l'adoption d'une législation distincte par les États et les Territoires ne soit pas nécessaire pour assurer l'application de la Convention par l'Australie, les États et les Territoires ont tous adopté des lois dans ce domaine, ce qui permet aux particuliers de choisir entre les filières fédérales et les filières pertinentes des États ou des Territoires pour faire valoir leurs droits.

La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances est le principal organisme chargé à la fois de suivre l'application de la Convention en Australie, d'enquêter sur les plaintes et de rechercher un règlement par voie de conciliation. Le Commissaire à la justice sociale pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres a des fonctions spéciales qui lui sont conférées par la loi de 1986 sur la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et par le Native Title Act, 1993 (loi de 1993 sur les droits fonciers autochtones). Ses fonctions consistent à suivre l'exercice par la population autochtone des droits qui lui sont reconnus par la loi. La loi de 1999 portant modification de la législation relative aux droits de l'homme a donné effet à plusieurs réformes importantes concernant l'administration, les fonctions et les procédures de la Commission. Dans le cadre du nouveau système entré en vigueur en avril 2000, une personne peut présenter à la Commission une plainte pour discrimination illégale fondée sur le sexe, la race ou l'invalidité. Le Président de la Commission doit alors ouvrir une enquête sur la plainte et rechercher un règlement par voie de conciliation. Lorsqu'il n'est pas possible de parvenir à un règlement à l'amiable ou si, de l'avis du Président, la plainte est sans fondement, le Président peut rejeter la plainte, auquel cas l'auteur peut saisir le Federal Magistrates Service ou le Tribunal fédéral d'Australie en demandant que soit rendue une décision exécutoire lui accordant réparation pour discrimination illégale. Les réparations susceptibles d'être accordées peuvent comporter des excuses, une indemnisation pécuniaire, la réintégration ou une promotion, la fourniture de biens ou de services nécessaires ou une combinaison de ces mesures.

En ce qui concerne les populations autochtones, le rapport indique que la détermination du Gouvernement australien de réduire le handicap dont souffrent les autochtones implique un véritable partenariat avec ces populations. Le Gouvernement est fermement attaché au processus de réconciliation en cours, insiste le rapport. Il rappelle que les gouvernements successifs ont pris diverses initiatives pour renforcer ou reconnaître les droits fonciers des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres. Tous les États et Territoires australiens (à l'exception de l'Australie occidentale où il existe un système de réserve foncière) ont mis en œuvre une législation foncière qui accorde généralement des droits fonciers inaliénables à la population autochtone. Le rapport précise en outre que le Gouvernement étudie actuellement des stratégies de «déjudiciarisation» novatrices dans le cadre de son Programme national de prévention de la criminalité.


Examen du rapport

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. RAGHAVAN VASUDEVAN PILLAI, a pris note de l'ensemble des informations contenues dans le rapport de l'Australie, relevant notamment, au nombre des évolutions intervenues depuis l'examen du précédent rapport, les mesures prises par le Gouvernement en ce qui concerne les mécanismes institutionnels chargés de traiter les questions de discrimination. M. Pillai a précisé avoir également consulté, aux fins de l'examen du rapport, des informations émanant d'autres organes de traités; du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme; du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants; du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones; du Groupe de travail sur la détention arbitraire; de la Commission nationale des droits de l'homme et de l'égalité des chances; de la Commission pour la justice sociale des autochtones et des insulaires du détroit de Torres; du rapport du Comité parlementaire sur la loi relative aux titres fonciers autochtones; ainsi que du rapport d'un groupe d'une trentaine d'organisations non gouvernementales.

M. Pillai a rappelé qu'en avril 2000, le Gouvernement australien avait indiqué, par le biais d'une déclaration dans les médias, qu'il rejetait les commentaires du Comité ayant trait au douzième rapport périodique de l'Australie, examiné le mois précédent, arguant que le Comité n'avait pas tenu compte de l'histoire unique et complexe des relations raciales dans le pays. Or, ce point de vue n'était pas partagé par tous en Australie, comme en témoigne le fait que l'ex-Premier Ministre avait alors déclaré que si les commentaires du Comité avaient été faits par quelqu'un à l'intérieur de l'Australie, le Gouvernement les aurait probablement considérés comme raisonnables. M. Pillai s'est néanmoins réjoui que le paragraphe 4 du présent rapport indique que le Gouvernement australien attache une grande importance au fonctionnement efficace du Comité.

En ce qui concerne l'application de la loi de 1975 sur la discrimination raciale, M. Pillai a attiré l'attention sur les commentaires de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances selon laquelle il s'est avéré difficile pour les plaignants d'établir l'existence d'une discrimination raciale en l'absence de preuve directe. Cette Commission australienne souligne en outre que, depuis 2001, aucune affaire de discrimination raciale n'a été tranchée avec succès par les tribunaux fédéraux, alors que le pays connaît un contexte de plus en plus marqué par la diversité ethnique et culturelle. M. Pillai a par ailleurs rappelé que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme a pour sa part fait état d'actes racistes et xénophobes à l'encontre des Arabes et des musulmans, en particulier après les événements de Bali du 12 octobre 2002. Le Rapporteur spécial avait en outre exprimé sa préoccupation face à l'augmentation des insultes racistes essentiellement dirigées contre les joueurs aborigènes dans les stades de football australiens. M. Pillai a souhaité savoir de quelle manière l'Australie entend tenir compte des observations de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances.

M. Pillai a réitéré la préoccupation du Comité face à l'absence, dans la loi australienne, de toute garantie contre la discrimination raciale qui serait susceptible de prévaloir sur les lois des États et Territoires du pays. M. Pillai a également rappelé la préoccupation déjà exprimée par le Comité s'agissant des changements de structure qu'il était envisagé d'apporter à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et qui risquaient de réduire l'efficacité de cette Commission. Aussi, l'expert a-t-il souhaité en savoir davantage sur la situation actuelle à cet égard.

Se référant à une déclaration faite la semaine dernière par le Ministre des affaires autochtones et de l'immigration qui affirmait que les Australiens autochtones, en tant qu'individus dans leurs familles et leurs communautés, ne peuvent être considérés comme ayant une véritable voix que lorsque le Gouvernement les entend directement, M. Pillai a souhaité savoir si cela signifie que le Gouvernement considère comme inutiles les organisations représentatives des autochtones.

M. Pillai s'est en outre enquis de la manière dont le Gouvernement répond aux besoins de logement des autochtones. Un tiers des affaires dont sont saisis les tribunaux pour mineurs concernent des personnes autochtones, a par ailleurs relevé M. Pillai. En ce qui concerne les droits fonciers, l'expert a rappelé qu'à l'issue de l'examen du douzième rapport périodique de l'Australie, le Comité avait fait part de ses préoccupations face aux amendements qu'il était proposé d'apporter à la loi sur les titres fonciers. S'il est vrai que la majorité du Comité parlementaire mixte auquel le Sénat avait transmis, pour enquête et rapport, les opinions du Comité relatives à la loi sur les droits fonciers autochtones (ndlr: décisions 1(53), 2(54) et 2 (55)) avait conclu que cette loi telle qu'amendée était compatible avec les obligations de l'Australie au titre de la Convention, il n'en demeure pas moins qu'un rapport séparé émanant des membres non gouvernementaux de ce comité parlementaire avait estimé qu'en vertu de cette loi, les droits autochtones étaient soit éteints soit détournés au profit d'intérêts non autochtones. En outre, a poursuivi M. Pillai, la Commission de la justice sociale des autochtones et des insulaires du détroit de Torres a exprimé sa préoccupation face au fait que la conclusion à laquelle est parvenue le Comité parlementaire mixte se fonde sur une interprétation erronée des obligations de l'Australie au titre des articles 2 et 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapporteur a par ailleurs rappelé que la loi sur les migrations, telle qu'amendée en 1994, stipule que les non-ressortissants qui se trouvent illégalement en Australie doivent immédiatement être placés en détention. Le nombre total de personnes ainsi détenues s'établissait, en mai 2002, à environ 1 500, provenant essentiellement d'Afrique et d'Asie. Or, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a estimé que les conditions de détention sont à maints égards similaires aux conditions carcérales, a fait observer M. Pillai.

Un autre membre du Comité a fait observer qu'alors qu'ils représentent seulement 2% de la population totale australienne, les autochtones représentent près de 20% de la population carcérale du pays. Quelles mesures ont-elles été prises pour réduire la sur-représentation des autochtones parmi les personnes confrontées au système pénal, a demandé un autre expert. Ce même expert a souhaité en savoir davantage sur les patrouilles de nuit autochtones créées pour réduire la criminalité autochtone et sur le système pilote dit circle-sentencing mis en place en 2001 au tribunal local de Nowra (Nouvelle-Galles du Sud) afin d'introduire une gamme de sanctions mieux adaptées aux délinquants aborigènes.

Un expert a souhaité connaître les résultats obtenus par la mise en œuvre des lois adoptées dans les différents États et Territoires de l'Australie pour lutter contre la discrimination raciale.

Un expert a fait état d'informations selon lesquelles l'Australie compterait actuellement quelque 187 requérants d'asile déboutés et de fait apatrides, qui sont placés en détention illimitée, certains depuis trois ans. Le Gouvernement leur propose de rentrer chez elles mais il semble que ces personnes ne soient plus les bienvenues dans leurs pays, a insisté l'expert.

Tout en jugeant très positive et intéressante la présentation faite par la délégation australienne concernant certaines évolutions intervenues dans le pays, un expert a fait part de sa déception face aux propos inhabituels de la délégation mettant en cause la façon dont le Comité mène ses travaux. En outre, il semble que le Gouvernement australien n'ait pas jugé utile de devoir suivre certaines des recommandations précédentes du Comité, a relevé l'expert.

Certains experts se sont enquis du bilan de la situation en ce qui concerne le grave problème des retraits d'enfants autochtones de leurs familles.

Un membre du Comité s'est fait l'écho d'informations faisant état d'un financement insuffisant des services de santé destinés aux autochtones. Dénonçant la pénurie de personnel de santé travaillant auprès des autochtones, cet expert a précisé qu'il faudrait disposer de 500 médecins supplémentaires pour y remédier.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Le Représentant permanent de l'Australie auprès des Nations Unies, M. Mike Smith, a rappelé que les Australiens sont connus pour leur franchise. L'Australie a pleinement conscience de l'importance du rôle que jouent les organisations non gouvernementales. Néanmoins, a poursuivi M. Smith, elles perçoivent les choses d'un point de vue qui leur est propre et le Gouvernement doit, en ce qui le concerne, prendre des décisions politiques qui soient susceptibles de répondre au mieux aux intérêts des différentes communautés. Or, par le passé, l'Australie a pu avoir l'impression que le Comité accordait peut-être plus de poids aux informations des organisations non gouvernementales qu'aux dilemmes auxquels est confronté le Gouvernement, a déclaré M. Smith.

S'agissant de la question de savoir si les modifications apportés en 1998 à la loi sur les titres fonciers autochtones étaient discriminatoires ou non, la délégation australienne a souligné que ces titres fonciers autochtones relèvent d'une question extrêmement complexe. Il faut donc dans ce domaine se garder de toute conclusion hâtive. La délégation a fait valoir que la majorité du Comité parlementaire mixte auquel le Sénat australien avait transmis, pour enquête et rapport, les opinions du Comité sur la question, a conclu que ces modifications n'étaient pas discriminatoires. La délégation a rappelé qu'en 1992, l'arrêt rendu par la Haute Cour dans l'affaire Mabo affirmait qu'en tant que droit de common law, une forme de titre autochtone avait survécu à la colonisation, ces titres étant donc valables à moins que la Couronne n'ait accordé un intérêt à une tierce partie concernant le titre en question (auquel cas, il serait périmé). La loi de 1993 sur les droits fonciers autochtones a ensuite défini un cadre pour la reconnaissance et la protection des droits de propriété autochtones. Intervint ensuite, en décembre 1996, l'arrêt Wik par lequel la Haute Cour estimait que les titres autochtones pouvaient exister sur des terres données à bail. Cette décision avait pour conséquence potentielle que plus de 80% du continent pouvaient être réclamés par des titres autochtones. Le Parlement a donc dû revoir en 1998 la loi de 1993. Pour ce qui est de l'impact des changements apportés en 1998 à la loi sur les droits fonciers autochtones, la délégation a notamment indiqué qu'entre la loi d'origine de 1993 et les modifications qui lui ont été apportées en 1998, seules 5 décisions de justice sur les droits fonciers autochtones avaient été rendues, alors que, depuis 1998, ce sont plus d'une cinquantaine de décisions de justice de ce type qui ont été rendues, dont 37 ont confirmé l'existence de droits fonciers autochtones.

La délégation a ensuite cité un certain nombre d'indicateurs qui attestent d'une évolution positive de la situation des autochtones en Australie. Outre la baisse sensible de la mortalité infantile chez les aborigènes, la délégation a ainsi fait valoir que la proportion de diplômés aborigènes exerçant un emploi à plein temps se situe à 84%, soit à un niveau supérieur de ce qu'elle est pour les diplômés non autochtones. Le chômage des jeunes autochtones est passé de 23% à 20% et le nombre d'aborigènes travaillant dans le secteur privé a nettement augmenté. En outre, le problème du surpeuplement des logements autochtones s'est atténué puisque le foyer autochtone moyen est composé non plus de 4,4 mais de 3,6 personnes, a indiqué la délégation.

En réponse aux préoccupations exprimées par certains experts s'agissant du fort taux d'emprisonnement des populations autochtones australiennes, la délégation a reconnu que les populations autochtones sont nettement sur-représentées au sein du système de justice pénale. La délégation a néanmoins fait valoir les programmes de «déjudiciarisation» mis en place, en vertu desquels les jeunes délinquants sont remis à des programmes non judiciaires, en étant par exemple soumis à des travaux d'intérêt public plutôt qu'à des peines de prison. En outre, il n'est pas rare que les juges déduisent de la peine le châtiment subi par le jeune délinquant au sein de sa communauté autochtone traditionnelle.

À ceux qui souhaitaient savoir si l'Australie avait pris des mesures de discrimination positive afin d'assurer la représentation parlementaire des aborigènes, la délégation a indiqué qu'au sein du Parlement fédéral, l'Australie n'a pas réservé de siège aux populations autochtones; beaucoup estiment en effet que cela serait inefficace et marginaliserait, en fait, ces populations. Le seul membre autochtone que comptait le Parlement fédéral a perdu son siège l'an dernier, a précisé la délégation. Elle a fait valoir la forte représentation dont bénéficient néanmoins les autochtones au sein des parlements et gouvernements des États et Territoires australiens.

En ce qui concerne le problème des retraits d'enfants autochtones de leurs familles, la délégation a rappelé que durant la première moitié du XXe siècle et jusque dans les années 1960, des enfants aborigènes avaient été arrachés à leurs collectivités et placés dans des institutions religieuses ou des familles non autochtones, parfois contre la volonté de leurs parents. Il convient de souligner que la notion de bien-être de l'enfant différait à l'époque de l'appréciation qui en est faite aujourd'hui, a fait observer la délégation. Une enquête nationale sur cette question a alors été menée dans les années 1990, qui aboutit au rapport «Ramenez-les chez eux», lequel contenait un certain nombre de recommandations à l'intention des enfants et des familles concernées. Plus de mille enfants qui avaient été arrachés à leurs familles ont alors pu leur être rendus, a fait valoir la délégation. Ce sont au total 170 millions de dollars qui ont été consacrés à cette initiative et à des initiatives connexes, a-t-elle insisté. Plusieurs parlements des États australiens ont présenté des excuses et le Parlement fédéral a adopté en 1999 une motion nationale sur la question.

La délégation a indiqué qu'à travers tout le pays, la police reçoit une formation portant sur la question de la diversité culturelle. En Tasmanie, a précisé la délégation, un des éléments du plan stratégique de la police consiste à renforcer la formation des policiers pour améliorer leurs relations positives avec la population aborigène. Des indicateurs de performance sont associés à ce plan, a précisé la délégation.

La délégation a souligné que l'éducation et la législation vont de pair lorsqu'il s'agit de lutter contre la discrimination.

En ce qui concerne les incidents racistes qui se produisent dans les stades de football, la délégation a rappelé que beaucoup de footballeurs australiens sont des autochtones. Il est vrai qu'il y a dix ans, un incident tristement célèbre s'est produit, a ajouté la délégation. Néanmoins, la Ligue australienne de football a mis en place un certain nombre de règles et procédures afin de faire face à ce type d'incidents.

Les droits de citoyenneté sont égaux pour tous en Australie, a affirmé la délégation.

S'agissant de la législation antiterroriste adoptée par le pays, la délégation a rappelé que cette loi est conçue pour protéger l'ensemble de la communauté. Dans cette loi, les terroristes sont visés indépendamment de leurs convictions politiques, religieuses ou autre, a souligné la délégation. Elle a précisé que les personnes qui sont appréhendées dans le cadre de cette législation antiterroriste bénéficient d'un ensemble de garanties, au nombre desquelles figure l'obligation qui est faite aux forces de police de disposer d'un mandat d'amené émanant d'un juge.

La délégation a souligné que la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances s'est penchée sur la question de savoir si les Arabes et les musulmans connaissaient en Australie des discriminations plus fortes que le reste de la population. Le rapport de cette Commission a conclu qu'effectivement, les Arabes et musulmans souffraient davantage que le reste de la population d'actes de discrimination, sans compter que de nombreux actes ne sont pas relatés ni recensés. En outre, certains médias présenteraient des informations empreintes de préjugés, a-t-il été relevé. Diverses initiatives ont donc été prises pour lutter contre ce phénomène, telle que celle baptisée «Vivre dans l'harmonie», a précisé la délégation.

S'agissant de la politique d'immigration de l'Australie, et plus particulièrement de la question de la détention des immigrants, la délégation a souligné que de nombreuses informations erronées circulent à ce sujet. Les personnes qui sont placées en détention sont des immigrants illégaux et non des requérants d'asile, a souligné la délégation. En effet, la grande majorité des demandeurs d'asile en Australie sont arrivés légalement dans le pays; un quart seulement des personnes ainsi placées en détention sont des personnes qui demandent l'asile. Environ un millier de personnes sont actuellement détenues dans les divers centres spécialisés pour immigrés illégaux que compte le pays, a précisé la délégation; il ne s'agit pas de prisons mais de lieux gérés en tenant compte du fait que la détention est administrative et non pas punitive. La détention en immigration est l'un des programmes les plus surveillés en Australie, y compris par des visites de parlementaires, a insisté la délégation. Les personnes ainsi détenues ont pleinement accès à la justice australienne pour contester la légitimité de leur détention, a-t-elle précisé.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport australien, M. RAGHAVAN VASUDEVAN PILLAI, a remercié la délégation australienne pour avoir répondu aux questions des membres du Comité. Il a demandé au Gouvernement de l'Australie de bien vouloir recevoir les observations et recommandations que présentera le Comité à l'issue de la présente session dans un esprit de dialogue constructif visant à assurer une meilleure application des dispositions de la Convention. La question n'est pas de savoir si le Comité se fonde sur telle ou telle source mais si ses observations et recommandations sont utiles, a insisté M. Pillai.

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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