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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D'IRAN
13 août 2003
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CERD
63ème session
13 août 2003
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé ce matin l'examen du rapport périodique de la République islamique d'Iran sur l'application, dans ce pays, des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de l'Iran au cours de la semaine prochaine.
Présentant le rapport de son pays, Mme Paymaneh Hastei, Directrice du Département des droits de l'homme au Ministère iranien des affaires étrangères, a passé en revue les changements intervenus depuis la présentation du dernier rapport de l'Iran, attirant l'attention sur les efforts déployés en faveur des régions défavorisées habitées par les groupes ethniques et les nomades, les mesures en faveur des quelques 2,2 millions de réfugiés sur son sol ainsi que pour assurer l'emplois et la fourniture de services dans les zones frontalières. Elle a en outre mis l'accent sur les efforts visant à promouvoir le dialogue en les cultures et les civilisations et pour favoriser les expressions culturelles et artistiques des différents groupes ethniques et linguistiques d'Iran.
L'importante délégation iranienne était également composée du Chef du Comité de surveillance et de suivi de l'application de la Constitution et Conseiller du Président de la République, du Directeur général du Centre pour les relations culturelles du Ministère de la culture et de l'orientation islamique, de la Directrice des relations extérieures du Centre pour la participation des femmes, du Secrétaire du Conseil suprême pour le développement judiciaire ainsi que de membres de l'Assemblée consultative islamique et de représentants du Bureau des statistiques, du Ministère de l'intérieur, du Ministère du travail et du Ministère des affaires étrangères.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République islamique d'Iran, M. Marc Bossuyt, a relevé que le rapport iranien contenait des informations détaillées, mais a regretté son caractère essentiellement juridique et le fait que l'accent soit mis davantage sur les aspects économiques des politiques adoptées que sur leur application pratique et leur impact. Il s'est dit encouragé par la volonté permanente de réforme en Iran et s'est félicité de l'invitation permanente adressée par la République islamique d'Iran aux différents Rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme. Il a pris note des efforts déployés en faveur des groupes ethniques et des populations nomades, y compris les activités culturelles, ainsi que des programmes en faveur des femmes. Il a également salué les efforts faits par l'Iran pour accueillir les très nombreux réfugiés et leur offrir, malgré le manque de moyens et l'insuffisance de la coopération internationale, des conditions de vie décentes. Il a souligné l'importance, pour la mise en œuvre de la Convention, de collecter des informations sur les caractéristiques ethniques de la population. Il a également relevé que le rapport n'examine pas, au nombre des droits et libertés, la question de la liberté de religion et a exprimé sa préoccupation face aux discriminations qui frappent les minorités religieuses, au premier rang desquels les baha'is.
Au cours de la discussion, les experts du Comité se sont félicités des efforts déployés par la République islamique d'Iran en faveur des réfugiés. Ils se sont également félicités de l'arsenal juridique très complet dont dispose l'Iran malgré la persistance de quelques lacunes. Ils ont en revanche déploré le peu d'information sur l'application concrète de la législation contre la discrimination et se sont inquiétés de la persistance de discriminations, en particulier à l'égard des femmes et des minorités religieuses.
Les membres du Comité suivants ont participé au débat: M. Chengyuan Tang, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Mohamed Aly Thiam, M. Morten Kjaerum, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, M. Jose Lindgren Alves, M. Agha Shahi, M. Régis de Gouttes, M. Linos-Alexandre Sicilianos, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Mario Jorge Yutzis, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Kurt Herndl, M. Patrick Thornberry et M. Nourredine Amir.
Le Comité, qui devait également examiner ce matin la situation aux bahamas au titre de sa procédure spéciale, a décidé, un rapport de ce pays lui étant parvenu, d'examiner ce rapport lors de sa prochaine session, en mars 2004.
Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi, à partir de 15 heures, pour entamer l'examen du rapport périodique de la Lettonie (CERD/C/398/Add.2).
Présentation du rapport de la République islamique d'Iran
MME PAYMANEH HASTEI, Directrice du Département des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères, a souligné que le rapport a été rédigé par un Comité national regroupant les représentants de différentes instances œuvrant pour l'élimination de la discrimination. Ce Comité a passé en revue les observations du Comité ainsi que les mesures prises pour mettre en œuvre la Convention. Les changements qui se sont produits depuis la présentation du dernier rapport sont passés en revue dans le rapport. Il y est ainsi noté que les différentes populations qui composent la population iranienne vivent en bonne entente. Dans la mesure où il n'y a pas de division fondée sur la race ou l'appartenance ethnique, il n'y a pas de statistiques sur les différents groupes ethniques qui composent la population.
La délégation a en outre mis en avant la présence de plus de 2 200 000 réfugiés, dont la plupart viennent d'Afghanistan, ainsi que les efforts qui ont été déployés pour leur venir en aide malgré le peu d'assistance extérieure. Des mesures particulières ont été prises pour leur offrir des possibilités d'emploi, une couverture sociale et l'accès à l'éducation. Le Gouvernement a par ailleurs adopté des plans visant à assurer le développement des régions les moins développées, peuplées notamment par des groupes ethniques et des nomades, pour assurer le respect des ressources naturelles et la mise en place d'infrastructures, développer les services sociaux et promouvoir l'emploi. Un programme général pour le développement humain des tribus nomades a en outre été mis en place ainsi qu'un programme pour la promotion des femmes nomades et rurales. À cet égard, un programme pour l'éducation et une meilleure participation des femmes nomades a été créé, a souligné la délégation.
Tous les efforts sont faits pour éradiquer la discrimination raciale a affirmé la délégation, qui a ajouté qu'il s'agissait de l'une des priorités majeures du Gouvernement. Celui-ci a participé activement à la Conférence de Durban et s'emploie à mettre en œuvre les décisions qui ont été adoptées à cette occasion. En outre, le Gouvernement iranien œuvre en faveur du dialogue entre les civilisations qui a été présenté à l'initiative de la République islamique d'Iran. La délégation a mis l'accent sur la création d'un nombre très important d'associations et d'organisations représentant des groupes ethniques et religieux ainsi que de partis politiques. Elle a également souligné l'importance des programmes culturels qui reflètent les différentes cultures et fait valoir l'augmentation des publications dans les langues locales.
Affirmant qu'il n'y a aucune discrimination en ce qui concerne la race, la langue ou la couleur de la peau en Iran, la délégation a évoqué les politiques mises en œuvres pour créer davantage d'opportunités d'emplois, améliorer l'éducation et les services sociaux de base, notamment de santé, dans les régions peuplées par des groupes ethniques, ainsi que les mesures d'incitation pour les personnes qui travaillent dans les zones les moins développées. Des services éducatifs sont également fournis dans les zones frontalières et une politique de régionalisation des études universitaires a été adoptée afin d'établir un équilibre entre les différentes régions. En ce qui concerne la culture, le Gouvernement est chargé de développer et de promouvoir les activités culturelles et artistiques dans le pays et a organisé des festivals dans plusieurs régions.
La délégation a par ailleurs indiqué que, en vertu de la Constitution, la loi protège tous les citoyens. Elle a mis en avant les efforts déployés pour faire respecter les droits de l'homme ainsi que pour assurer l'éducation aux droits de l'homme en général et contre la discrimination raciale en particulier, auprès des enfants, des étudiants, des autorités, des religieux et des enseignants.
Les seizième et dix-septième rapports périodiques de la République islamique d'Iran (CERD/C/431/Add.6), réunis en un seul document, indique notamment que six groupes ethniques - les Azéris, les Kurdes, les Lurs, les arabophones, les Baloutches et les Turkmènes - vivent parmi les Persans avec leurs propres coutumes, traditions et dialectes. La société iranienne est un exemple réussi de cohabitation fraternelle et amicale entre différents peuples et la promotion et le renforcement de cette réalité demeurent l'une des priorités majeures du Gouvernement et constitue l'objectif d'un grand nombre d'activités. À cet égard, le rapport indique qu'étant donné l'absence totale de division fondée sur la race ou l'appartenance ethnique, les caractéristiques ethniques ne sont pas prises en compte lors des recensements officiels. Aucun chiffre précis ne peut donc être fourni en ce qui concerne l'effectif des différents groupes ethniques iraniens, mais on peut identifier les provinces dans lesquels les différents groupes vivent en majorité. À cet égard, des plans de développement ont été conçus en faveur des régions moins développées habitées par des groupes ethniques dont les modalités sont détaillées dans le rapport. Le rapport indique en outre que l'Iran accueille 2 563 827 réfugiés dont 91 % sont Afghans, 8 % sont Iraquiens et les autres viennent d'autres pays. On estime qu'il y a en outre 200 000 réfugiés illégaux ou non enregistrés en Iran. Malgré le manque de moyens et de ressources et l'insuffisance du financement international, le Gouvernement iranien prendra des mesures afin que les réfugiés conservent un niveau de vie décent jusqu'à ce qu'ils puissent être rapatriés comme il convient et de plein gré, note le rapport qui détaille un certain nombre d'activités en leur faveur.
Le rapport décrit par ailleurs de façon détaillée certains faits nouveaux concernant la législation et la planification à grande échelle qui ont eu lieu dans le domaine de la promotion et de la protection des droits des minorités ainsi qu'en vue de promouvoir la tolérance et l'amitié entre les différents groupes ethniques par le biais d'activités culturelles, d'activités éducatives et l'appui aux organisations qui s'occupent des droits de l'homme.
Examen du rapport de la République islamique d'Iran
M. MARC BOSSUYT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la République islamique d'Iran, a noté que ce rapport, bien que contenant des informations détaillées, ne répond pas pleinement aux directives du Comité pour la rédaction des rapports. En effet, il est essentiellement juridique et met l'accent davantage sur les aspects économiques des politiques adoptées que sur leur application pratique et leur impact. Le rapport ne comprend pas d'information sur les facteurs et difficultés qui peuvent avoir une influence négative sur la mise en œuvre de la Convention. En ce qui concerne les statistiques sur la population iranienne, le rapporteur s'est félicité de l'apparition du groupe des «Turkmènes» qui n'était pas mentionné dans le document de base. Il a rappelé toutefois que la collecte d'information sur les caractéristiques ethniques de la population est particulièrement importante pour l'application de la Convention. Se félicitant de la mention de statistiques sur le nombre important de réfugiés, le rapporteur s'est interrogé sur l'impact sur ces chiffres de l'évolution récente de la situation en Afghanistan et en Iraq. En outre, il s'est interrogé sur le caractère volontaire du processus de rapatriement des réfugiés afghans, au sujet duquel des préoccupations ont été exprimées notamment par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
M. Bossuyt s'est par ailleurs félicité de l'inclusion d'informations sur la situation des femmes mais il a souligné qu'une description des difficultés rencontrées pour assurer aux femmes la jouissance égale, sans discrimination raciale, de leurs droits garantis par la Convention serait bienvenue. M. Bossuyt a par ailleurs relevé que la définition de la discrimination raciale telle qu'elle apparaît dans la Constitution iranienne n'est pas totalement conforme à la définition plus large figurant dans la Convention et s'est interrogé sur l'intention du Gouvernement de réviser cette disposition comme l'avait recommandé le Comité.
La majeure partie du rapport, portant sur la mise en œuvre de l'article 2 de la Convention, fait référence à des mesures dans les domaines sociaux et économiques à destination des régions moins développées habitées par les groupes ethniques et à des mesures pour améliorer les conditions de vie des tribus nomades. Ces efforts sont bien sûr méritoires, mais le Comité serait davantage intéressé par l'impact de ces mesures sur les groupes visés. De même, le rapport énumère un certain nombre d'articles du Code civil et autres dispositions juridiques qui démontrent que l'Iran a adopté la législation nécessaire pour éliminer tout acte ou toute incitation à des actes de discrimination raciale. Toutefois, il n'y a pas d'information sur l'application effective de ces dispositions. M. Bossuyt a en outre relevé le manque d'information sur la mise en œuvre non discriminatoire des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que sur les restrictions à la jouissance des droits civils et politiques. À cet égard, il a relevé l'absence de la liberté de religion au nombre des droits et libertés discutées dans le rapport et a exprimé sa préoccupation face aux discriminations qui frappent les minorités religieuses, au premier rang desquels, les baha'is. Il s'est néanmoins félicité de l'établissement d'un Comité national spécial pour la promotion des droits des minorités religieuses et a déploré l'absence d'information sur ce développement positif dans le rapport.
Notant que le rapport donne en revanche d'amples détails sur la participation à la vie politique et aux organisations politiques, le rapporteur souligne que ces informations portent essentiellement sur la participation aux élections et s'attarde moins sur les critères de candidature ainsi que sur la représentation des minorités religieuses et les obstacles potentiels à leur accession à des positions de prise de décision. M. Bossuyt a en outre mis en relief les restrictions qui continuent de peser sur la liberté d'expression. S'agissant de l'emploi, M. Bossuyt s'est félicité que l'Iran ait suivi le conseil du Comité de poursuivre sa politique de promotion du développement économique, social et culturel des régions habitées par des groupes ethniques et défavorisés. Toutefois, il n'est pas très clair, au vu du rapport, si ces programmes, en particulier s'agissant de l'emploi, visent spécifiquement les groupes ethniques. De même, se félicitant des progrès de la lutte contre l'analphabétisme et de l'attention accrue au droit à l'éducation, il s'est néanmoins inquiété de savoir si ce droit est accordé également à tous, et en particulier, aux baha'is qui, selon certaines informations, ne peuvent accéder à l'éducation supérieure dans les institutions publiques. M. Bossuyt a par ailleurs exprimé sa surprise et demandé des éclaircissements sur la signification de l'affirmation figurant dans le rapport selon laquelle «il n'y a pas eu de cas fondés sur les dispositions de la Convention porté devant les tribunaux ordinaires» et les causes d'un tel phénomène.
La délégation a regretté de ne pouvoir répondre à certaines questions et commentaires du rapporteur qui sortent du champ d'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et doivent être traitées dans un autre contexte.
Tout en reconnaissant qu'aucun pays ne peut se targuer d'avoir totalement éliminé la discrimination raciale, la délégation a souligné que depuis la Révolution islamique, des efforts sérieux ont été déployés pour se doter des instruments permettant de combattre la discrimination et elle a assuré que les réformes en cours se poursuivront. La délégation a souhaité que le dialogue soit constructif et passe par l'acceptation mutuelle en se concentrant sur les questions qui relèvent de la Convention et qu'il ne s'attarde pas sur les questions religieuses qui relèvent d'autres instances.
Détaillant les mesures prises par le Parlement, la délégation a affirmé que sa priorité est la protection des droits de l'homme et d'empêcher les violations des droits et libertés garantis par la Constitution. Ainsi, des mesures législatives ont été prises notamment pour combattre la discrimination raciale et des projets de lois et des motions ont été approuvés pour donner les mêmes droits aux musulmans et aux non musulmans. De même, en ce qui concerne les droits des femmes, des projets de lois sont à l'étude, notamment en ce qui concerne le divorce ou les études à l'étranger pour les jeunes filles. La délégation a en outre particulièrement insisté sur les mesures en faveur des zones les moins développées et qui visent à améliorer les conditions de vie dans ces régions, ce qui a été reconnu comme une priorité.
Par ailleurs, la délégation a souligné que le Parlement a le droit et la responsabilité de contrôler et enquêter sur les activités des autres organisations de l'État. Ainsi, des enquêtes peuvent être diligentées sur les plaintes concernant les mauvaises performances du pouvoir judiciaire. Il y a obligation pour les services concernés de fournir une réponse dans un délai imparti au terme duquel, s'il n'y a pas eu de réponse, cela est considéré comme un délit. Les fonctionnaires ont également l'obligation de se rendre aux convocations de la Commission du Parlement pour être entendus. Des milliers de plaintes sont ainsi traitées par le Parlement qui touchent à tous les aspects, politiques, judiciaires, économiques ou autre.
La délégation iranienne a par ailleurs indiqué qu'un comité a été créé pour assurer le suivi de tout ce qui concerne les instruments internationaux, y compris la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et est habilité à recevoir des plaintes des particuliers. La délégation a fourni des exemples de plaintes pour discrimination et la suite qui leur a été donnée. Ainsi, à la suite d'une plainte de baha'is s'agissant de la confiscation de leurs biens ou de l'interdiction qui leur est faite de passer les examens, le Comité a essayé d'établir des lignes directrices concernant les baha'is et déployé des efforts pour que cette question soit inscrite et maintenue à l'ordre du jour. De nombreuses plaintes ont en outre été reçues de la part des nomades. Celles-ci ont été transmises aux autorités pertinentes et une orientation a été fournie aux responsables. Pour la délégation, le nombre de plaintes déposées constitue une bonne indication de la confiance que les citoyens iraniens placent dans le Parlement et les différentes voies de plaintes et de recours qui leur sont offerts.
En ce qui concerne l'information des citoyens, de grands efforts ont été déployés pour porter la Convention à la connaissance des citoyens ainsi que les moyens de recours et de plaintes qui existent. À la question de savoir si la Convention peut être directement invoquée, la délégation a répondu par l'affirmative, précisant toutefois qu'un tel cas ne s'est jamais présenté.
La délégation a par ailleurs détaillé les efforts déployés en matière d'éducation aux droits de l'homme qui se fait dès l'école primaire mais aussi par le biais de formations et de séminaires. La délégation a en outre fourni des exemples de publications, bulletins et articles dans la presse, ainsi que des travaux universitaires, visant à informer le public sur les droits de l'homme sous leurs divers aspects, y compris la discrimination raciale. Elle a mis en relief les activités menées dans le cadre du dialogue entre les civilisations pour lequel un centre a été créé regroupant des représentants de toutes les minorités et dont le but est de promouvoir les idées de tolérance, de respect et de dialogue entre les cultures et les civilisations. Une matière intitulée «dialogue entre les civilisations» a également été introduite dans les écoles.
Soulignant que la discrimination raciale n'est admise par aucune loi et fait l'objet d'une interdiction, la délégation a réaffirmé que la question religieuse ne doit pas être examinée dans ce cadre mais qu'elle relève d'autres instances. À cet égard, elle a observé que l'islam est la religion officielle et que trois autres religions sont reconnues. Les religions officiellement reconnues sont celles du Livre mais il n'appartient par au Gouvernement de juger des religions reconnues; c'est là une affaire qui relève exclusivement des autorités religieuses. En revanche, le Gouvernement s'attache à garantir et à faire respecter les droits protégés par la Constitution de tous ses citoyens, sans distinction de race, et y compris ceux des personnes qui ont des convictions différentes et professent une autre religion que la religion officielle. La délégation a reconnu qu'il peut y avoir des difficultés dans l'application des lois. Toutefois, elle a souligné que des mesures de correction sont prises comme cela a été le cas par exemple dans le cas de l'enregistrement des mariages de baha'is. Des efforts sont faits pour faire respecter les droits de citoyenneté mais en ce qui concerne les règles de l'islam, celles-ci doivent être réglées par les responsables religieux. Tout en soulignant que cela sort du cadre de la Convention, la délégation a par ailleurs fait part des activités du Comité sur les minorités religieuses institué par le Président de la République et des mesures prises en faveur de ces communautés afin de leur assurer l'égalité de traitement dans les faits qui leur est garantie par la loi.
Certains experts avaient notamment exprimé leur préoccupation face aux restrictions qui peuvent s'appliquer aux baha'is, notamment en ce qui concerne leur accès à l'université. Ils se sont félicités de la révision en cours de cette mesure ainsi que de l'octroi aux baha'is de passeports sur lesquels ne figure plus l'appartenance religieuse.
En ce qui concerne les réfugiés, la délégation a rappelé l'importance de la coopération internationale. S'agissant du rapatriement des réfugiés afghans, la délégation a affirmé avec force que ces rapatriements se sont déroulés sur une base absolument volontaire et sans pression. Elle a précisé que le seul critère d'acceptation des réfugiés est le fait qu'ils soient des réfugiés tels que définis en droit international. Elle a réfuté qu'il y ait un quelconque critère religieux pris en compte. Elle a par ailleurs souligné que les réfugiés se concentrent dans les zones frontalières, qui sont par ailleurs défavorisées et font l'objet d'une attention particulière de la part de l'État.
Plusieurs membres du Comité ont salué les efforts du Gouvernement iranien en faveur des réfugiés.
En réponse aux commentaires sur l'absence de critère ethnique utilisé dans le recensement de la population, la délégation a invoqué la difficulté d'introduire ce genre de critère notamment en raison des mariages mixtes et les risques qu'il y aurait à voir le recensement contesté. C'est pourquoi c'est la répartition géographique qui a été retenue comme critère.
S'agissant des réformes et du développement du pouvoir judiciaire, la délégation a souligné les progrès enregistrés dans l'administration de la justice, notamment en ce qui concerne l'accès de tous à une procédure judiciaire équitable. Les droits des personnes sont défendus notamment par un système de gestion au cas par cas. Un plan a été élaboré afin de nommer des juges connaissant les langues locales de leurs régions d'affectation afin de favoriser la confiance des populations dans le système, a souligné la délégation. La qualité de la justice et son indépendance font l'objet d'une attention particulière, notamment par le biais de la mise en place de structures d'arbitrages et de conseils spéciaux chargés par exemple de protéger les droits des femmes et des enfants dans la famille. Des structures de médiation ont été mises en place mais un effort de formation a également été déployé. Le judiciaire est en mesure de présenter des projets de lois au Parlement et il va introduire des lois de réforme dans plusieurs domaines civils et pénaux et afin de promouvoir les droits des citoyens. Le système judiciaire accorde en outre une attention particulière au suivi des plaintes des particuliers.
Répondant à des questions relatives à la fermeture de journaux ou d'imprimeries appartenant à des groupes ethniques, la délégation a affirmé que la presse est totalement libre mais reconnu qu'il peut y avoir des gens malintentionnés qui veulent fomenter des troubles à l'ordre public ou des divisions sur une base raciale ou ethnique, ce qui est interdit par la loi.
À cet égard, un expert a cité la loi sur la presse de 1985 qui prévoit la répression de la propagation d'idées racistes mais aussi d'idées «fallacieuses et pouvant conduire à la division», et s'est inquiété qu'elle puisse être davantage utilisée pour réprimer des opposants politiques que pour combattre le racisme. La délégation a corrigé la traduction de la loi qui stipule notamment que «semer la discorde entre différentes couches de la société, notamment sur une base ethnique ou raciale, est interdit» et affirmé que les journaux fermés ont reçu des avertissements préalables. En outre, la délégation a indiqué que le Gouvernement n'est pas responsable de ce que fait le judiciaire.
Sur la question de la situation des femmes en Iran, qui a fait l'objet de plusieurs questions et commentaires de la part des experts, la délégation a présenté la situation actuelle de la femme iranienne et les mesures prises pour améliorer leur situation dans les zones habitées pas les groupes ethniques ou dans les zones les plus défavorisées. Ainsi, des efforts ont été coordonnés avec les organisations non gouvernementales, les universités et les institutions spécialisées des Nations Unies en vue de promouvoir les femmes dans les zones rurales. Quelques cinquante plans ont été élaborés notamment pour soutenir des projets dans les domaines de l'éducation et de l'emploi; pour étendre les activités sportives des femmes et leurs loisirs; pour aider l'artisanat féminin; pour créer des réseaux de femmes rurales et nomades; pour les informer, notamment par le biais de cours dans les mosquées, sur les problèmes de santé génésique et générale. Des efforts sont particulièrement déployés pour les informer et les émanciper en ce qui concerne la santé reproductive mais aussi pour changer les perceptions de la société à l'égard des femmes et combattre la violence dont elles sont victimes. De nombreuses organisations politiques ou associatives s'occupent des femmes et 60% des étudiants à l'Université sont des femmes, a fait valoir la délégation.
Sur les activités culturelles des groupes ethniques qui vivent en Iran, la délégation a mis l'accent sur les mesures adoptées suite aux recommandations du Comité. Ainsi, le nombre de journaux en azéri, en kurde et dans d'autres langues est passé de 8 à 95, ce qui est une évolution considérable mais qui reflète le développement plus large qu'a connu la vie culturelle. Des stations de radio et de télévision se sont en outre développées et diffusent des programmes dans les langues des différents groupes ethniques. De façon générale, un effort a été fait pour promouvoir et faire connaître les traditions culturelles et les coutumes des différents groupes ethniques, notamment par le biais de festivals, mais aussi à travers environ 175 instituts de recherche ou d'art qui s'intéressent aux différents groupes ethniques. Le Gouvernement s'est efforcé d'accorder des subventions égales à tous les groupes ethniques mais une attention particulière, assortie de moyens particuliers, a été accordée aux régions défavorisées. En réponse à des questions sur l'existence d'écoles publiques dispensant un enseignement en langue locale, la délégation a précisé qu'il n'y a pas d'écoles publiques spéciales pour les différents groupes ethniques ou linguistiques mais que la loi reconnaît que l'enseignement des langues et des cultures est libre au sein de chaque école. Elle a toutefois reconnu que cette disposition et ses modalités d'application sont encore l'objet de discussions mais qu'il devrait y avoir prochainement des enseignements en langue kurde notamment.
S'agissant des politiques du Gouvernement en matière d'emploi, la délégation a indiqué que le Gouvernement iranien est convaincu que le travail est un droit inaliénable de la personne et de la famille indépendamment de toute considération de langue ou de culture. Afin d'offrir des opportunités égales et décentes à tous, le Gouvernement a adopté une politique générale qui vise à créer des possibilités d'emploi dans les zones les plus défavorisées et les régions habitées par des groupes ethniques afin de faire disparaître la discrimination fondée sur des considérations ethniques. Rappelant que le taux de croissance démographique en 1979 était supérieur à 3% et a entraîné un doublement de la population en l'espace de 10 ans, elle a souligné que l'arrivée sur le marché du travail de cette génération pose un problème critique. Même si les politiques démographiques ont conduit à un abaissement considérable du taux de croissance, des efforts sont nécessaires pour parvenir à un équilibre entre l'offre et la demande sur le marché de l'emploi, notamment par le biais de politiques de grands travaux dans les régions défavorisées. Une initiative, dotée d'un budget important, visant à la création de 300 000 emplois pour les jeunes a connu un succès certain. En outre, une révision de certains articles du Code du travail est en cours en coopération de l'Organisation internationale du travail (OIT) afin de contribuer à la création de nouvelles opportunités d'emplois. Le Gouvernement s'intéresse également particulièrement à la question cruciale de l'éducation et de la formation professionnelle dans les régions défavorisées où un réseau de centres de formation parmi les plus important du Moyen-Orient a été mis en place. Des mesures d'incitation fiscale et bancaire ont également été adoptées afin d'encourager l'investissement dans ces régions.
En réponse à la question de savoir si l'Iran est disposé à faire la déclaration reconnaissant la compétence du Comité à examiner des plaintes, la délégation a émis des doutes à ce stade mais s'est engagée à transmettre la question aux autorités.
Saluant la participation très importante qui a été celle de l'Iran dans la préparation de la Conférence de Durban, plusieurs experts ont déploré le peu d'information sur les meures de suivi de la Conférence qui ont pu être prises et en particulier si un plan d'action national a été adopté.
Un expert a par ailleurs rendu hommage au Gouvernement iranien pour avoir constitué un Comité national représentant toutes les provinces et les minorités pour la rédaction du rapport qui répond totalement à la méthodologie préconisée par le Comité, a-t-il estimé. Il s'est également félicité de l'incorporation des dispositions de la Convention dans la législation interne.
Observations préliminaires
M. MarcBossuyt s'est félicité du dialogue entre les membres de la nombreuse délégation iranienne et le Comité. Il s'est dit encouragé par la volonté permanente de réforme en Iran et s'est félicité de l'invitation permanente adressée par la République islamique d'Iran aux différents Rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme. Il a pris note des efforts déployés en faveur des groupes ethniques et des populations nomades, y compris les activités culturelles, ainsi que des programmes en faveur des femmes. Il a également salué les efforts faits par l'Iran pour accueillir les très nombreux réfugiés et leur offrir, malgré le manque de moyens et l'insuffisance de la coopération internationale, des conditions de vie décentes.
S'agissant de la question des minorités religieuses, M. Bossuyt, a indiqué que le Comité a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation face aux discriminations qu'ont subies les musulmans après les attentats du 11 septembre et face à la montée de l'islamophobie. De la même façon, il a exprimé ses préoccupations face aux discriminations touchant des groupes en raison de leur appartenance à d'autres religions ou de leur absence d'affiliation religieuse. Il a rappelé par ailleurs que la question de l'appartenance religieuse est souvent liée à l'ascendance et que la discrimination sur cette base est expressément interdite par la Convention. En outre, il a rappelé l'indissociabilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme.
Au nombre des informations positives apportées par la délégation, le Rapporteur a particulièrement relevé l'enregistrement des mariages des baha'is. En ce qui concerne le statut de la Convention en droit interne, des ambiguités demeurent, a-t-il toutefois estimé, s'interrogeant par ailleurs sur le rôle réel du Conseil des gardiens de la Révolution.
La délégation s'est également félicitée du dialogue constructif et indiqué qu'elle avait pris note de toutes les recommandations qui entrent dans le cadre de la Convention. Elle a réaffirmé la volonté continue de réforme de l'Iran et s'est dite convaincue que les observations et recommandations du Comité l'aideront à poursuivre ses efforts en vue de la pleine application de la Convention. Toutefois, elle a souhaité que les observations finales et les recommandations du Comité s'attachent aux domaines qui relèvent de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et ne s'attardent pas sur des questions qui relèvent d'autres organes.
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