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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION OUGANDAISE

10 mars 2003



CERD
62ème session
10 mars 2003
Matin



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son dialogue avec la délégation de l'Ouganda sur la base du rapport périodique présenté par ce pays conformément aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Dirigée par le Ministre des affaires étrangères de l'Ouganda, M. Tom Butime, la délégation ougandaise a répondu aux questions posées hier par les membres du Comité s'agissant notamment de la situation des minorités et des réfugiés; des activités de l'Armée de résistance du seigneur dans le nord du pays; de la situation des populations nomades de la région de Karamoja; de l'implication de l'Ouganda en République démocratique du Congo.
À cet égard, la délégation a affirmé que la présence ougandaise dans ce pays ne visait qu'à contribuer à faire cesser les massacres et que l'Ouganda attend d'être libéré de cette responsabilité. La confrontation militaire entre l'Ouganda et le Rwanda ne trouve aucunement son origine dans une quelconque différenciation ethnique ou raciale, a-t-elle par ailleurs assuré.
La délégation a d'autre part indiqué que la région de Karamoja souffre d'un retard par rapport au reste du pays en raison d'un climat qui l'expose à la sécheresse et à la famine, de la résistance qu'opposent les Karamojong à toute modification de leurs modes de vie traditionnels basés surtout sur le nomadisme; ainsi que de la prolifération des petites armes dans la région. Le Gouvernement fait des efforts pour favoriser le développement de la région, a assuré la délégation.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport ougandais, M. Luis Valencia Rodríguez, a noté qu'après une phase difficile, une reprise se fait actuellement sentir et il faut espérer que celle-ci apportera les fruits escomptés. La Commission nationale des droits de l'homme devrait désormais jouer un rôle très important pour assurer la pleine et entière mise en œuvre des dispositions de la Convention, a-t-il poursuivi. Il a exprimé l'espoir que le Gouvernement ougandais continuerait d'accorder au problème du tribalisme toute l'attention qu'il requiert.
Les membres suivants du Comité ont ensuite pris la parole pour réagir aux réponses apportées par la délégation aux questions qu'ils avaient posées vendredi après-midi: MM. Mahmoud Aboul-Nasr, Régis de Gouttes et Raghavan Vasudevan Pillai.
Le Comité a constitué en fin de séance un groupe de travail chargé d'examiner, entre autres, la question de savoir si le Comité devait désormais examiner à huis clos ou continuer d'examiner en séance publique ses conclusions et recommandations concernant les rapports présentés par les États parties.
Le Comité entamera, cet après-midi à 15 heures, l'examen des quinzième, seizième et dix-septième rapports périodiques de la Fédération de Russie (CERD/C/431/Add.2).

Fin de l'examen du rapport ougandais
S'agissant du statut de la Convention dans l'ordre juridique interne ougandais, la délégation a rappelé que d'après la Constitution, les traités internationaux ne peuvent pas être directement invoqués devant les tribunaux nationaux tant qu'ils n'ont pas été intégrés dans la législation nationale. Il n'en demeure pas moins que la quasi-totalité des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ont été reprises dans la Constitution, de sorte qu'elles peuvent être appliquées par les tribunaux, a précisé la délégation.
S'agissant de la situation des droits de l'homme dans le nord de l'Ouganda, la délégation a rappelé que l'Armée de résistance du seigneur (L.R.A., selon son sigle anglais) dirigée par Jospeh Kony, n'a jamais avancé le moindre ordre du jour politique cohérent : il prétend vouloir établir un nouvel ordre politique basé sur les dix commandements de la Bible. La méthode de recrutement de la L.R.A. consiste à enlever des adultes et des enfants qu'elle terrorise en les soumettant ensuite à des traitements brutaux et inhumains (mariages forcés, participation à des exécutions…). La L.R.A. ne prend pas pour cible les forces de sécurité ougandaise mais plutôt les civils. C'est pourquoi le Gouvernement - comme d'ailleurs les États-Unis - considère la L.R.A. comme une organisation terroriste, a expliqué la délégation. La L.R.A. a été condamnée par Commission des droits de l'homme de l'ONU depuis cinq années consécutives, ainsi que par l'Union européenne et d'autres organisations. La difficulté majeure qui entrave toute tentative d'élimination de ce groupe rebelle réside dans le fait qu'il possède des bases à l'extérieur du pays et qu'il est financé et équipé par l'extérieur. Afin de protéger les civils contre les ravages de la L.R.A., le Gouvernement ougandais a dû mettre en place des camps protégés dans les zones affectées, a précisé la délégation. Les forces de défense ougandaise fournissent une protection à ces camps, a-t-elle assuré. Elle a indiqué que le Gouvernement ougandais s'est efforcé de trouver des moyens alternatifs qui permettraient de mettre un terme à l'insurrection, en accordant par exemple une amnistie à ceux qui se rendraient et, par le biais de contacts diplomatiques, en faisant en sorte que les rebelles ne puissent bénéficier de sanctuaires dans les pays voisins. Plus récemment, le Gouvernement a accédé aux demandes de divers groupes de pression en acceptant d'engager des négociations de paix avec les rebelles. Une équipe chargée de négociations de paix a été formée par le Gouvernement et on attend la réponse des rebelles, a affirmé la délégation.
Plusieurs experts s'étant inquiétés du retard dont souffre la région de Karamoja en matière de développement économique, la délégation a reconnu que cette région est effectivement défavorisée en raison notamment d'un climat semi-aride qui l'expose à la sécheresse et à la famine. Une autre raison expliquant ce retard réside dans la résistance qu'opposent les Karamojong, en tant que peuple, à toute modification de leurs modes de vie traditionnels basés notamment sur le nomadisme, ce qui ne manque pas de compliquer singulièrement l'établissement de toute installation hospitalière ou scolaire, par exemple. Enfin, la prolifération des petites armes dans la région comprise entre le nord du Kenya, le sud du Soudan et le sud-ouest éthiopien a fait des Karamojong une menace pour leurs voisins et pour eux-mêmes. Cette situation malheureuse amène parfois les voisins des Karamojong à considérer ces derniers comme un peuple arriéré et guerrier. Néanmoins conscient des ses obligations en la matière, le Gouvernement a mis sur pied une Agence du développement de Karamoja ayant pour mandat de mettre en place les infrastructures favorables au développement, a précisé la délégation. Elle a par ailleurs affirmé que les Karamojong ne sont pas politiquement marginalisés, comme en témoigne le fait qu'ils disposent de conseils locaux, qu'ils sont représentés au Parlement national sur la même base que les autres groupes et qu'ils sont représentés par deux ministres au sein du Gouvernement.
Plusieurs experts ayant soulevé la question de l'implication de l'Ouganda en République démocratique du Congo, la délégation a rappelé que la chute du dictateur Mobutu Sese Seko après 32 ans de pouvoir personnel avait laissé un vide dans le pays et que la région orientale du pays, qui borde l'Ouganda, avait alors été occupée par les responsables du génocide au Rwanda, par les rebelles congolais et par les forces rebelles ani-gouvernementales ougandaises. Le nouveau Gouvernement congolais a donc éprouvé beaucoup de difficultés à faire régner la loi et l'ordre dans cette zone. Par le biais de consultations bilatérales, il fut décidé que les forces de sécurité des deux gouvernements devraient mener des opérations conjointes dans l'est de la République démocratique du Congo afin de mettre un terme à la menace que faisaient peser les rebelles et d'autres éléments hors-la-loi. Cet objectif en tête, un protocole conjoint fut signé le 27 avril 1998 entre l'Ouganda et la République démocratique du Congo. C'est ainsi que les forces de sécurité ougandaises se sont retrouvées sur le sol congolais, a expliqué la délégation. L'Ouganda ne pouvait pas abandonner le terrain sans avoir obtenu des garanties quant aux graves préoccupations que le pays nourrissait pour sa sécurité eu égard, en particulier, aux agissements du groupe rebelle connu sous le nom de ADF qui, entre 1996 et 1998, fut responsable du massacre de centaines de civils dans l'ouest de l'Ouganda, a souligné la délégation.
La façon dont feu le Président Kabila a géré cette crise a mené à un conflit armé impliquant six pays africains puis à d'intenses efforts diplomatiques qui ont abouti à l'accord de cessez-le-feu de Lusaka dont le Conseil de sécurité des Nations Unies a lui-même affirmé qu'il constituait une base pour la paix dans la région. Conformément au calendrier énoncé dans cet accord, l'Ouganda a jusqu'ici retiré 13 de ses 14 bataillons présents dans le pays, a indiqué la délégation. Le dernier bataillon est resté conformément aux responsabilités assignées à l'Ouganda en matière de maintien de la paix dans la région de l'Ituri. Le Gouvernement congolais a d'ores et déjà décidé avec le Gouvernement ougandais de mettre sur pied un Comité de pacification de l'Ituri qui veillera à la sécurité dans la région jusqu'à ce que le Gouvernement de Kinshasa soit en mesure d'assumer pleinement cette charge. Ainsi, l'implication de l'Ouganda chez son voisin n'a-t-elle rien à voir avec la discrimination ou avec les rivalités ethniques en République démocratique du Congo, a affirmé la délégation.
Le conflit entre les Hema et les Lendu est un conflit ancien qui a resurgi de manière exacerbée du fait de la faiblesse de l'autorité centrale, a poursuivi la délégation. L'implication de l'Ouganda ne visait alors qu'à contribuer à faire cesser les massacres et l'Ouganda attend d'être libéré de cette responsabilité, peut-être par la Mission des Nations Unies au Congo. La confrontation militaire entre l'Ouganda et le Rwanda sur le territoire de la République démocratique du Congo est le résultat d'un malentendu politique dans un conflit régional complexe et ne trouve aucunement son origine dans une quelconque différenciation ethnique ou raciale.
La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement ougandais reconnaît le droit au logement de tous les citoyens. Elle a également indiqué que les pratiques traditionnelles refusant le droit des femmes à l'héritage ont été abolies par la loi sur les terres de 1998 en vertu de laquelle les femmes bénéficient désormais des mêmes droits que les hommes en matière d'héritage de biens. La même loi stipule que les hommes ne peuvent vendre leurs terres ou leurs biens sans le consentement de leurs épouses.
En ce qui concerne les minorités, la délégation a indiqué que la Constitution de l'Ouganda garantit les droits civils et politiques ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels des minorités raciales, ethniques, religieuses et autres. Toutefois, le terme de minorité n'est pas défini dans ce contexte, a précisé la délégation. La pratique depuis l'adoption de la Constitution actuelle veut que les groupes minoritaires attirent eux-mêmes l'attention sur leurs doléances, a souligné la délégation. C'est ainsi que les Bakonzo et les Basongora de l'ouest du pays ont signé une pétition, il y a quelques années, pour se plaindre de leur manque d'accès à la terre du fait que leurs terres traditionnelles étaient transformées en parcs nationaux. Le Gouvernement a nommé un comité chargé d'étudier cette question et leurs doléances ont été jugées fondées, de sorte que le Gouvernement a désigné un certain nombre de terres qui devaient être rendues à ces minorités afin qu'elles s'y réinstallent.
La délégation a par ailleurs indiqué que l'Ouganda compte 237 000 réfugiés, constitués pour la plupart de paysans qui ont fui les conflits des pays voisins. L'Ouganda ne possède aucun camp de réfugiés, ce qui signifie que chaque famille de réfugié se voit attribuer une parcelle de terre sur laquelle elle peut s'établir.
S'agissant du fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme, la délégation a indiqué qu'elle présente des rapports annuels au Parlement qui les étudie et adopte les résolutions appropriées, lesquelles sont ensuite transmises au Cabinet qui prend des décisions quant à leur mise en œuvre. Suite à une recommandation de la Commission nationale des droits de l'homme, les droits de l'homme ont été inscrits dans le programme de formation des futurs membres de la police, de l'armée et du personnel pénitentiaire.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite réagi aux réponses apportées par la délégation. L'un d'entre eux a estimé que l'article 42a du Code pénal ne suffit pas à répondre à toutes les exigences de la Convention s'agissant en particulier de l'incrimination de la violence et des organisations à caractère raciste. Un autre membre a notamment insisté sur la nécessité de mieux former aux droits de l'homme les fonctionnaires responsables de l'application des lois.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport ougandais, M. Luis Valencia Rodríguez, a noté que l'Ouganda et le Comité sont tous deux intéressés au respect des dispositions de la Convention. Il a remercié la délégation pour les réponses qu'elle a apportées s'agissant de la situation interne, notamment du point de vue des agissements de l'Armée de résistance du seigneur. Le fait que l'Ouganda ait connu une phase difficile n'empêche pas qu'une reprise se fait actuellement sentir et il faut espérer que celle-ci apportera les fruits escomptés, a ajouté M. Valencia Rodríguez. La Commission nationale des droits de l'homme devrait désormais jouer un rôle très important pour assurer la pleine et entière mise en œuvre des dispositions de la Convention, a poursuivi l'expert. Il a salué les efforts déployés par l'Ouganda pour faire en sorte que les fonctionnaires de la justice et de la police soient suffisamment informés quant aux dispositions de la Convention. M. Valencia Rodríguez a exprimé l'espoir que le Gouvernement ougandais continuerait d'accorder au problème du tribalisme toute l'attention qu'il requiert.



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