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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ITALIE ET TERMINE L'EXAMEN DE LA SITUATION EN YOUGOSLAVIE

08 Mars 1999



APRÈS-MIDI

HR/CERD/99/13
8 mars 1999



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de l'Italie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité a également achevé, au titre de la procédure d'action urgente, l'examen de la situation en République fédérative de Yougoslavie, en particulier au Kosovo.

La délégation de la République fédérative de Yougoslavie, dirigée par le Vice-Ministre de la justice, M. Redzep Hodza, a réitéré l'engagement des autorités fédérales et des autorités de la République de Serbie à participer aux entretiens qui se tiendront en France dans quelques jours en vue d'aboutir au règlement des questions encore en suspens.

M. Peter Nobel, expert chargé de l'examen de la situation en Yougoslavie, a affirmé qu’il serait de l'intérêt des personnes qui souffrent au Kosovo et de l'Étatpartie de restaurer la confiance en faisant en sorte que toutes les parties respectent immédiatement tous les droits de l'homme et le droit humanitaire.

Présentant le rapport de l'Italie, M. Claudio Moreno, du Ministère des affaires étrangères, Président du Comité interministériel des droits de l'homme, a affirmé que les réactions négatives à la présence dans le pays d'un grand nombre d'étrangers originaires de pays non membres de l'Union européenne n'ont un caractère ni discriminatoire, ni raciste mais découlent de la constatation que de nombreux immigrés clandestins ont des liens avec la criminalité organisée. Il a affirmé que l'Italie a enregistré en 1998 une baisse des actes d'inspiration raciste, xénophobe et antisémite.

La délégation italienne est également composée du Secrétaire général du Comité interministériel des droits de l'homme, M. Luigi Citarella, et de représentants des Ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères.


L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport italien, M.Ion Diaconu, s'est demandé si les mesures prises en Italie en ce qui concerne des Roms ne conduisent pas à une ségrégation de fait. Il a souligné que, selon les rapports de nombreuses organisations non gouvernementales, des phénomènes de xénophobie et des manifestations de racisme se sont produits, surtout dans certaines villes du Nord. Il a rappelé que de nombreux rapports font état d'actes de violence commis par la police contre des émigrants en détention ou contre des membres des minorités. MM. Michael E. Sherifis et Eduardo Ferrero Costa, membres du Comité, sont également intervenus.

Le Comité achèvera demain matin, à partir de 10 heures, l'examen du rapport italien.



Examen de la situation en Yougoslavie

La délégation de la République fédérative de Yougoslavie a réitéré l'engagement des autorités fédérales et de celles de la République de Serbie à poursuivre la recherche d'une solution pacifique aux problèmes du Kosovo-Metohija et à participer aux entretiens qui seront organisés en France dans quelques jours. La Yougoslavie, n’épargnera aucun effort pour aboutir au règlement des questions encore en suspens.

Les règles du droit humanitaire ne sauraient s'appliquer à l'Armée de libération du Kosovo, a souligné la délégation. Cela reviendrait à reconnaître une légitimité à cette organisation terroriste qui s'oppose au dialogue, a fait valoir la délégation. La majorité des Albanais n'est pas favorable aux activités des terroristes.

Il n'y a aucun risque de voir les pays voisins touchés par la situation au Kosovo-Mitohija, a assuré la délégation. Au lieu de craindre une telle contagion, la communauté internationale ferait mieux de se pencher sur la situation qui prévaut au Nord de l'Albanie où se trouvent les camps d'entraînement et d'armement de nombre de terroristes.

La Yougoslavie est favorable à un certain degré d'autonomie au Kosovo-Metohija, mais toutes les communautés, et non pas seulement la communauté albanaise, doivent en bénéficier, a déclaré la délégation, qui a précisé que le Kosovo-Metohija compte notamment 250 000 Serbes et Monténégrins, 50000 Musulmans et 100 000 Roms.

La délégation a affirmé que les membres de la communauté albanaise du Kosovo-Metohija jouissent pleinement du droit de participer aux élections mais ne l'exercent pas parce que leurs dirigeants politiques leur ont demandé de boycotter les élections. Aucun journal de langue albanaise n'a été interdit, a assuré la délégation. S'il a pu arriver qu'un journal cesse de paraître, cela est lié à une situation de cessation de paiement dont souffrait ce journal à l'égard de sa maison d'édition.

Au Kosovo-Metohija, l'aide humanitaire ne parvient qu'aux membres de la communauté albanaise, a affirmé la délégation.

M. Peter Nobel, expert chargé de l'examen de la situation en République fédérative de Yougoslavie, a affirmé qu'il serait de l'intérêt des personnes qui souffrent au Kosovo et de l'Étatpartie de restaurer la confiance en faisant en sorte que toutes les parties respectent immédiatement tous les droits de l'homme et le droit humanitaire.

Présentation du rapport de l'Italie

Présentant le rapport de l'Italie, M.Claudio Moreno, Ministre plénipotentiaire au Ministère des affaires étrangères et Président du Comité interministériel des droits de l'homme, a affirmé que l'évolution des problèmes liés à la présence de différentes ethnies et de nombreux étrangers en Italie s'explique notamment par le taux de croissance négatif de la population italienne qui laisse entrevoir, pour un avenir proche, une société progressivement multiethnique. Il a rappelé que l'Italie s'inspire par tradition d'une politique et d'une attitude largement fondées sur les principes de solidarité sociale et d'assistance. À partir de 1998, les Albanais du Kosovo et les Kurdes se sont succédés à un rythme accéléré, a précisé M.Moreno.

Le représentant italien a indiqué qu'actuellement, la moyenne des entrées illégales en Italie se situe entre 100 et 150 par jour. Les réactions négatives à la présence dans le pays d'un grand nombre d'étrangers non ressortissants de l'Union européenne n'ont un caractère ni discriminatoire, ni raciste mais découlent de la constatation que de nombreux immigrés clandestins ont des liens avec la criminalité organisée, a déclaré M.Moreno. On a en effet constaté que les migrants qui entrent illégalement en Italie se livrent souvent à des activités illicites comme le trafic de stupéfiants et la prostitution. En outre, de nombreux clandestins ne trouvant pas de débouchés dans le monde du travail sont amenés, voire parfois contraints, à suivre les filières illégales ou criminelles. L'entrée illégale, surtout en ce qui concerne les femmes et les enfants, est souvent liée à un trafic criminel qui amène en Italie un nombre croissant de personnes qui sont ensuite acheminées sur la voie de la prostitution et de la men
dicité.

Malgré le fort taux de chômage qui prévaut dans le pays (plus de 12%), toutes les forces sociales italiennes se sont prononcées en faveur de l'accueil des ressortissants étrangers qui entrent clandestinement, de leur insertion et de leur régularisation lorsque leur migration est due à des situations politiques exceptionnelles dans leur pays d'origine ou à des conditions de pauvreté extrême. Compte tenu de ces circonstances, le Gouvernement italien a estimé nécessaire de revoir radicalement sa politique en matière d'immigration et de résidence des étrangers. En outre, la constatation de l'existence d'un véritable trafic de migrants, auquel sont intéressés les milieux criminels italiens et ceux des pays d'origine des migrants, est à l'origine d'une proposition italo-autrichienne visant à l'élaboration d'une convention internationale contre le trafic des migrants, actuellement en discussion à Vienne. D'une manière générale, la nouvelle législation sur l'immigration et les conditions de séjour des étrangers originaires de pays non membres de l'Union européenne s'inspire des principes suivants : réalisation d'une politique ponctuelle d'entrées légales limitées, planifiées et réglementées; lutte contre l'immigration clandestine et l'exploitation criminelle des courants migratoires; mise en place de filières d'intégration viables pour les nouveaux immigrés et pour les étrangers qui séjournent régulièrement en Italie.

M.Moreno a par ailleurs fait part d'une nouvelle disposition législative prévoyant qu'en présence d'une conduite discriminatoire de la part d'une personne privée ou de l'administration publique, le sujet ayant-droit peut d'adresser au juge civil selon une procédure particulièrement rapide et efficace.

M.Moreno a affirmé que l'année 1998 a enregistré une baisse des actes d'inspiration raciste, xénophobe et antisémite. Un seul épisode assez grave, condamné par toute la presse et l'opinion publique, s'est produit le 29novembre dernier à l'occasion d'un match de football à Rome lorsqu'un groupuscule de supporters d'une des équipes brandissait des banderoles offensantes à l'égard de la communauté hébraïque. Cet acte sera poursuivi conformément à la loi, a assuré M.Moreno. Il a par ailleurs indiqué que le Sénat italien est actuellement saisi d'un projet de loi sur les «Normes en matière de protection des minorités linguistiques et historiques» déjà approuvé par la Chambre des députés le 17 juin 1998. Ce projet entend développer harmonieusement la culture de tous les groupes linguistiques en insistant sur la reconnaissance des minorités du pays. À cette fin, l'article 2 de ce projet identifie les ethnies albanaise, catalane, germanique, grecque, slovène et croate et celles de langue française, franco-provençale, ladine, occitane, sarde et du Frioul.

S'agissant des nomades (Roms), M.Moreno a affirmé que compte tenu du phénomène de nomadisme qui caractérise encore ces minorités, certaines dispositions de la loi visent à assurer notamment la protection juridictionnelle et l'accès à l'instruction des membres de ces minorités. Il s'agit donc d'une action positive destinée à éviter les incohérences et les inconvénients découlant de l'impossibilité d'appliquer les lois communes lorsque celles-ci sont jugées préjudiciables ou en tout cas inapplicables aux nomades. Le Sénat étudie actuellement un projet de loi sur la «Protection du droit au nomadisme et la reconnaissance des populations romanichelles en tant que minorité linguistique». Des projets de loi sont également étudiés par le Parlement en vue d'octroyer une meilleure protection aux minorités slovène et ladine.

Les dixième et onzième rapports périodiques de l'Italie, réunis en un seul document (CERD/C/317/Add.1), couvrent la période allant de 1994 à 1997. Ils indiquent que le nombre et l'importance des cas d'intolérance signalés au cours de cette période ont considérablement diminué. Malgré l'importante augmentation du nombre de citoyens de pays extérieurs à l'Union européenne entrés en Italie (notamment des Albanais, des Kurdes et des citoyens de l'ex-Yougoslavie), on constate une amélioration générale de l'application des principes de la Convention dans le pays. De 1993 à 1996, peu d'infractions relatives à la discrimination raciale ont été enregistrées, précise le rapport. La plupart des infractions perpétrées à l'encontre de citoyens de pays extérieurs à l'Union européenne ont eu lieu dans un contexte de crime organisé et ce sont souvent d'autres citoyens de pays n'appartenant pas à l'Union européenne qui en ont été les auteurs. Le placement illégal de main-d'oeuvre - souvent organisé par d'autres citoyens de pays extérieurs à l'Union européenne - est le secteur dans lequel les infractions dont sont victimes des citoyens de ces pays ont été le plus fréquemment commises.

Le nombre d'infractions relatives à la discrimination raciale et ethnique s'est élevé à 327 en 1994, 74 en 1995 et 124 en 1996. Treize personnes ont été arrêtées pour ce type d'infraction en 1994, 9 en 1995 et 37en 1996. Suite à la situation d'urgence provoquée par l'arrivée massive en Italie d'un nombre particulièrement important d'Albanais en raison de la crise politique dans laquelle leur pays est plongé, un décret a été pris le 20 mars 1997 prévoyant des «mesures exceptionnelles». Ce décret, converti en loi deux mois plus tard, tolère un séjour temporaire pour des raisons humanitaires sur délivrance d'une autorisation provisoire spéciale d'entrée et de séjour en Italie, valable 60 jours et renouvelable pour 30 jours supplémentaires. Si l'autorisation est refusée ou révoquée, une assistance est prévue en cas de besoin. L'intéressé est ensuite reconduit à la frontière par la police et expulsé, précise le rapport. Le Parlement étudie actuellement un projet de loi portant «Règles régissant les migrations et la situation des étrangers» qui vise à réglementer les migrations de manière systématique et qui a pour objet d'instituer des règles plus sévères à l'encontre des immigrants illégaux et d'accorder une plus grande reconnaissance des droits civils (y compris le droit de vote aux élections locales) aux personnes installées légalement en Italie depuis au moins sixans.

Le rapport indique que 17% des 50397 prisonniers recensés au 31mars1994 étaient des étrangers dont 6978 n'étaient pas originaires de pays de l'Union européenne. Malgré l'absence de toute discrimination légale, les prisonniers étrangers connaissent de réelles difficultés en raison de problèmes de communication liés aux barrières linguistiques et aux différences culturelles et religieuses, ainsi qu'en raison de difficultés économiques et autres. Les besoins annuels de l'Italie en travailleurs étrangers s'élèvent à environ 23000demandes, note par ailleurs le rapport.


Examen du rapport de l'Italie

M.Ion Diaconu, expert chargé de l'examen du rapport de l'Italie, a déploré que le rapport de l'Italie ne rende pas compte de la complexité de la situation dans le pays et ne contienne pas de statistiques sur ses minorités. Affirmant qu'un premier projet de loi sur les minorités linguistiques prévoyait de reconnaître aux Roms le statut de minorité linguistique, M.Diaconu s'est demandé pourquoi les Roms ne figurent plus, dans l'actuel projet de loi dont est saisi le Sénat italien, sur la liste des minorités auxquelles ce statut devrait être accordé.

M.Diaconu a rappelé que dans son rapport d'août 1998, le Comité des droits de l'homme s'est dit alarmé par l'accroissement des incidents provoqués par l'intolérance raciale. L'expert a donc souhaité que la délégation italienne présente au Comité son évaluation de la situation compte tenu du fait que certains actes de violence raciale sont intervenus dans les années 1997-1998. Tout en reconnaissant que le Gouvernement italien a toujours manifesté sa ferme condamnation de toute forme de ségrégation raciale, M.Diaconu s'est demandé si les mesures prises au sujet des Roms ne conduisent pas à une ségrégation de fait. En effet, selon les rapports émanant de plusieurs organisations non gouvernementales, les Roms sont tous traités comme nomades et sont placés à l'écart des villes, ce qui conduirait à leur marginalisation et à leur séparation de la majorité de la population. M.Diaconu a demandé à la délégation de lui fournir des informations complémentaires en ce qui concerne la décision qu'aurait prise le Conseil municipal de la ville de Rome d'accorder à 70 familles roms le droit de s'établir sur un terrain fortement contaminé par des produits chimiques.

M.Diaconu a par ailleurs souligné que selon les rapports de nombreuses organisations non gouvernementales, des phénomènes de xénophobie et des manifestations de racisme se sont produits, surtout dans certaines villes du Nord, dans la zone dominée par la Liga Nord, où a été relevée une tendance au discours discriminatoire et haineux à l'encontre des non Italiens. Un autre parti italien, l'Allianza Nazionale, se prononce contre la société multinationale et contre le pluralisme culturel, a souligné M.Diaconu. En outre, une organisation considérée comme fasciste, le Movimento Sociale Italiano, aurait lancé une série d'«expéditions» contre la population africaine dans certaines zones près de Turin et «la police aurait regardé sans intervenir».

La régularisation des travailleurs étrangers irréguliers est la solution adéquate pour qu'ils puissent bénéficier de la protection offerte par la loi, a d'autre part estimé M.Diaconu. Il a rappelé que de nombreux rapports font état d'actes de violence commis par la police contre des émigrants en détention ou contre des membres des minorités, notamment à Bologne, à Milan, à Florence et à Rome. M.Diaconu a regretté que le rapport italien ne contienne aucune information en ce qui concerne l'octroi d'une protection et d'un recours efficaces devant les tribunaux, contre tout acte de discrimination raciale. M.Diaconu s'est demandé s'il ne serait pas nécessaire que l'Italie crée un organisme spécialisé et indépendant ayant des responsabilités importantes dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale.

Un autre membre du Comité s'est demandé si l'Italie avait l'intention de créer une institution nationale de droits de l'homme et si le pays avait l'intention d'accepter l'amendement à l'article 8 de la Convention concernant le financement du Comité. Cet expert s'est demandé si l'Italie a suffisamment attiré l'attention de la population sur l'existence d'une procédure de plainte devant le Comité conformément à l'article 14 de la Convention concernant les communications. Un autre membre du Comité s'est inquiété de la discrimination que constitue la division des étrangers en plusieurs catégories distinctes : étrangers originaires d'un pays de l'Union européenne, étrangers originaires de pays bénéficiant de mesures exceptionnelles (notamment les Albanais), et les autres. Plusieurs experts se sont inquiétés des mauvais traitements infligés par la police à certains détenus en raison uniquement de leur race.

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