Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DE L'ARABIE SAOUDITE

06 Mars 2003



CERD
62ème session
6 mars 2003
Matin



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son dialogue avec la délégation de l'Arabie saoudite concernant le premier rapport présenté par ce pays au Comité. À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport saoudien, M. Marc Bossuyt, a souligné l'importance que revêt l'adoption récente de nouveaux codes de procédure civile, de procédure pénale et de pratique des avocats. Il a estimé qu'il reste «beaucoup de travail à faire» par l'Arabie saoudite, ajoutant qu'il faut replacer les efforts à entreprendre dans le contexte d'un pays encore jeune. Le Comité adoptera ultérieurement, avant la fin de la présente session, ses observations finales sur le rapport de l'Arabie saoudite.
Dirigée par le Prince Torki bin Mohamed bin Saud Al-Kabeer, Vice-Ministre saoudien chargé des affaires politiques au Ministère des affaires étrangères, la délégation a répondu aux questions posées hier après-midi par les membres du Comité s'agissant, en particulier, de la situation des étrangers, des non-musulmans et des femmes, notamment du point de vue de l'éducation, de l'héritage, du mariage, des procédures judiciaires, de la liberté de culte, de la liberté de mouvement et des questions de nationalité.
La délégation a notamment affirmé qu'il n'y a pas de travailleurs immigrés dans le Royaume mais seulement des travailleurs étrangers travaillant temporairement dans le pays sous contrat à durée déterminée éventuellement reconductible. L'application du Code des travailleurs et de l'emploi se fait sans discrimination aucune, a par ailleurs assuré la délégation. S'agissant de la situation des réfugiés iraquiens du camp de Rafha, la délégation a fait valoir que le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) a clairement indiqué dans un mémorandum que les délégations d'Amnesty International sur le sujet n'avaient aucun fondement et que les réfugiés iraquiens dans le pays jouissaient bien de toute la protection internationalement reconnue. Grâce au programme de rapatriement volontaire, l'Arabie saoudite s'est efforcée de trouver une solution à la situation de ces personnes pour mettre un terme à cette situation, l'Arabie saoudite a décidé d'accueillir 2500 de ces réfugiés en leur accordant un statut de résident permanent.
Les membres suivants du Comité ont ensuite pris la parole pour réagir aux réponses apportées par la délégation aux questions posées hier après-midi: M. Régis de Gouttes, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Mohamed Aly Thiam, M. Morten Kjaerum, M. Yuri A. Reshetov, M. Mario Jorge Yutzis.
Le Comité entamera, cet après-midi à 15 heures, l'examen du rapport périodique de la Tunisie (CERD/C/431/Add.4)

Fin de l'examen du rapport saoudien
Avant de répondre aux questions soulevées hier après-midi, la délégation saoudienne a tenu à souligner qu'elle entendait se limiter à répondre aux seules questions qui relèvent effectivement de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La délégation a également souligné que l'Arabie saoudite entend privilégier l'esprit de transparence et de coopération dans son approche vis-à-vis de tous les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
La délégation saoudienne a fait observer que la mise en pratique des dispositions d'un instrument international peut différer d'un pays à l'autre. Pour le Royaume d'Arabie saoudite, État nouveau qui souffrait avant sa réunification de graves problèmes, notamment en matière de santé, la priorité a été accordée à la promotion des infrastructures, notamment scolaire et sanitaire, afin de parvenir à l'édification de l'homme moderne. On ne peut comparer des pays qui lancent depuis le XIXe siècle des programmes de modernisation et des pays qui n'ont entamé ce processus qu'à partir du milieu du XXe siècle, a fait observer la délégation. Dans chaque société, des obstacles contrarient la réalisation des objectifs fixés et l'Arabie saoudite ne fait pas figure d'exception dans ce domaine, a-t-elle ajouté. Il existe des pratiques traditionnelles qui sont vouées à prendre fin grâce, notamment, aux efforts d'éducation et de protection sociale que déploient les autorités saoudiennes, a d'autre part souligné la délégation.
La plupart des informations dont ont fait état les membres du Comité proviennent d'organisations non gouvernementales au nombre desquelles Amnesty International, organisation que l'Arabie saoudite tient par ailleurs en estime, figure en bonne place. Nombre des allégations faites par ces ONG ont déjà été examinées en d'autres instances, a rappelé la délégation, qui a ajouté que le Groupe de travail sur les communications des Nations Unies a notamment décidé de ne pas s'en saisir à la lumière des réponses bien documentées que l'Arabie saoudite avait présentées en son temps. Aussi, la délégation a-t-elle indiqué qu'elle n'entendait pas répondre de nouveau à ces allégations afin d'éviter tout double emploi.
En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a indiqué que l'Arabie saoudite a accordé aux communautés étrangères établies dans le Royaume le droit de créer des écoles qui leur soient propres et qui adoptent les programmes scolaires de leurs pays d'origine. Ainsi, pour l'année actuelle, on compte dans le Royaume 178 écoles de ce type réparties sur 16 provinces et préfectures pédagogiques, qui scolarisent au total plus de 100 000 élèves, de sorte que plus de vingt programmes scolaires étrangers sont enseignés à travers le pays.
La délégation a par ailleurs indiqué que 592 227 non-Saoudiens sont scolarisés dans l'enseignement général du pays (du primaire au secondaire) qui, dans les écoles publiques en tout cas, est gratuit pour ces élèves. Les non-Musulmans n'ont pas besoin d'étudier l'islam dans les écoles privées, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs assuré que le droit qui s'applique aux non-musulmans en matière d'héritage est celui qui s'applique en la matière dans leur pays conformément à ce qu'indiquent leurs ambassades respectives. Juridiquement, les garanties offertes aux non-Saoudiens ne sont pas différentes de celles offertes aux Saoudiens, a assuré la délégation. Les non-Saoudiens peuvent s'adresser directement à un tribunal, par l'intermédiaire d'un avocat, a par exemple fait valoir la délégation.
La délégation a expliqué que la hiérarchie du pouvoir judiciaire est, dans l'ordre croissant, la suivante: tribunaux de première instance, tribunaux d'appel (cour de cassation), Conseil suprême du judiciaire. Pour plaider sa cause, le plaignant doit d'abord la présenter au tribunal de première instance, a précisé la délégation. Elle a souligné que la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux. Il existe en outre des tribunaux spéciaux tels que les tribunaux des prudhommes devant lesquels les employés peuvent porter leurs problèmes. La délégation a par ailleurs rappelé que la charia est la source du droit en Arabie saoudite. Les dispositions de la Convention ne sont pas en contradiction avec celles de la charia, a-t-elle assuré. Le Coran affirme effectivement que le témoignage d'un homme vaut celui de deux femmes, mais, il arrive que le témoignage d'une femme vaille celui d'un homme, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs expliqué que l'islam interdit le mariage entre une femme musulmane et un homme non musulman. Il n'est pas correct d'affirmer qu'il y a des minorités religieuses en Arabie saoudite, a poursuivi la délégation. Les chiites qui vivent dans le pays, par exemple, sont des Saoudiens et constituent l'une des composantes de l'islam, a-t-elle précisé; ce sont des musulmans.
La délégation a assuré que les lois en vigueur dans le Royaume garantissent le droit des non-musulmans de pratiquer en toute liberté leurs rituels religieux dans les lieux prévus. Il n'est pas légal de molester les non-musulmans et s'ils sont soumis à une forme quelconque de discrimination, la loi châtie le contrevenant conformément aux peines prévues par la loi pertinente, a souligné la délégation. Parfois, il peut arriver que se produisent des actes individuels de discrimination, mais ce ne sont pas des actes légaux et ils sont passibles de poursuites, a-t-elle assuré.
Pour ce qui est de la liberté de mouvement des femmes, la délégation a assuré que rien, juridiquement, n'interdit la liberté de mouvement dans le pays. Pour ce qui est du code vestimentaire, la seule exigence est d'être vêtu décemment; toute autre exigence procède d'une interprétation personnelle, a affirmé la délégation.
La délégation a expliqué que la nationalité saoudienne peut être accordée à un étranger qui est adulte au moment de la demande de nationalité; qui est sain d'esprit; qui réside de manière permanente et régulière dans le pays depuis une période d'au moins cinq années consécutives; qui a eu une conduite morale irréprochable et n'a pas été emprisonné pour des délits moraux depuis au moins six mois; qui reçoit un revenu licite; et qui abandonne sa nationalité d'origine. Un homme étranger n'obtient pas automatiquement la nationalité saoudienne en épousant une Saoudienne, a ajouté la délégation. Il peut néanmoins l'acquérir s'il remplit les critères ci-dessus mentionnés.
Plusieurs experts s'étant enquis hier de la situation des réfugiés iraquiens en Arabie saoudite, la délégation a rappelé que la situation de ces personnes relève de conventions et de traités internationaux. Cela a été confirmé par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) qui a affirmé que les réfugiés en Arabie saoudite sont traités conformément aux conventions et aux traités internationalement reconnus en la matière. La délégation a fait valoir qu'après avoir effectué une visite dans le Royaume, le HCR, et plus particulièrement l'ancien Haut Commissaire aux réfugiés, Mme Sadako Ogata, avait déclaré que l'Arabie saoudite offrait aux réfugiés iraquiens toutes les conditions permettant de garantir une vie décente. Quant aux allégations d'Amnesty International sur cette question, elles ont fait l'objet de vérification par le HCR qui a clairement indiqué dans un mémorandum qu'elles n'avaient aucun fondement et que les réfugiés iraquiens dans le pays jouissaient bien de toute la protection internationalement reconnue, a poursuivi la délégation. En coopération avec le HCR et grâce au programme de rapatriement volontaire des Iraquiens, l'Arabie saoudite s'est efforcée de trouver une solution à cette question et il subsiste actuellement dans le pays 5 000 réfugiés iraquiens, a déclaré la délégation. Une entente a été passée avec le HCR afin de mettre un terme à cette situation et l'Arabie saoudite a décidé qu'elle allait accueillir 2 500 de ces réfugiés en leur accordant un statut de résident permanent dans le pays, a indiqué la délégation.
Plusieurs experts ayant fait part, hier, de leurs préoccupations face à la situation des travailleurs migrants en Arabie saoudite, la délégation a affirmé qu'il n'y a pas de travailleurs immigrés dans le Royaume mais seulement des travailleurs étrangers travaillant temporairement dans le pays sous contrat à durée déterminée (CDD) éventuellement reconductible. L'employeur n'est pas autorisé à retenir le passeport d'un travailleur étranger ou des membres de sa famille, a assuré la délégation. Le travailleur étranger peut rester dans le pays tant qu'il est en possession d'un permis de résidence valable, a par ailleurs précisé la délégation. Il peut s'adresser aux autorités compétentes pour bénéficier des services auxquels il a droit (permis de conduire, appartement, ligne téléphonique). La délégation a indiqué que l'Arabie saoudite envisage actuellement la possibilité d'accéder à la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. L'application du Code des travailleurs et de l'emploi se fait sans discrimination aucune, a assuré la délégation.
Un membre du Comité a fait observer que, selon ce qu'a affirmé le Comité des droits de l'enfant suite à l'examen du rapport de l'Arabie saoudite, ce n'est pas la charia qui est susceptible de poser problème eu égard à la mise en œuvre de la Convention sur les droits de l'enfant, mais la manière dont elle est interprétée.
Un autre membre du Comité a déploré que le Comité ait passé la moitié du temps consacré à l'examen du rapport saoudien à passer en revue des questions qui, à l'instar de la situation des femmes (à moins que celles-ci ne soient victimes d'une discrimination fondée sur leur race), ne sont pas pertinentes du point de vue de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport saoudien, M. Marc Bossuyt, a souligné l'importance que revêt l'adoption, dont a fait part la délégation saoudienne, de nouveaux codes de procédure civile, de procédure pénale et de pratique des avocats. Il a également souligné que l'Arabie saoudite est un pays jeune auquel il reste beaucoup de travail à faire et qu'il faut précisément replacer le travail à accomplir dans ce contexte, à savoir celui d'un pays encore jeune. M. Bossuyt s'est en outre réjoui que la délégation ait indiqué que la pratique de la rétention des passeports par l'employeur n'est plus autorisée. M. Bossuyt a également pris note avec satisfaction que deux instances de droits de l'homme - l'une à caractère gouvernemental, l'autre à caractère non gouvernemental - vont voir le jour prochainement.
Le Président du Comité, M. Ion Diaconu, a pour sa part estimé que le dialogue entre les experts et la délégation saoudienne a permis de dresser le tableau d'un pays en évolution qui maintient ses traditions tout en se modernisant. Ce pays enregistre des progrès importants mais on note également certaines lacunes et il est nécessaire pour l'Arabie saoudite d'assurer une évolution progressive mais constante des mentalités, a conclu M. Diaconu.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :