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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION MAROCAINE

04 mars 2003



CERD
62ème session
4 mars 2003
Matin




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son dialogue avec la délégation du Maroc, qui présentait un rapport périodique. À l'issue de la réunion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport marocain, M. Nourredine Amir, a notamment salué le renforcement de la coopération et du dialogue entre la délégation marocaine et le Comité. Le Comité adoptera ultérieurement, avant la fin de la présente session, ses observations finales sur le rapport marocain.
La délégation marocaine, dirigée par M. Omar Hilale, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a apporté aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, de la torture; de la liberté de culte; de l'apostasie; de la révision de textes législatifs; des compétences du Conseil consultatif des droits de l'homme et de l'ombudsman; de la situation des Amazigh (Berbères); de la polygamie; des travailleurs étrangers; des réfugiés; et de la question du Sahara.
La délégation a reconnu que la législation ne prévoit pas d'incrimination particulière de la discrimination raciale. Elle a néanmoins fait valoir que le Ministère public peut être alerté à tout moment en cas d'injures, d'actes ou d'humiliations ayant un caractère de discrimination raciale. La délégation a par ailleurs souligné que les Amazigh sont d'abord des citoyens marocains et jouissent donc de l'ensemble des droits conférés et garantis à tous les Marocains.
S'agissant de la question du Sahara, la délégation a indiqué que le Conseil de sécurité doit se pencher à la fin du mois sur les réponses apportées par les parties à la proposition de M. James Baker concernant l'accord-cadre. La délégation a espéré que ce problème puisse être réglé et que la paix puisse prévaloir dans la région.
Les membres suivants du Comité sont intervenus dans le cadre de l'échange avec la délégation : Mme Patricia Nozipho January-Bardill, M. José A. Lindgren Alves, M. Régis de Gouttes, M. Alexandre Sicilianos, M. Kurt Herndl, M. Agha Shahi, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Mario Jorge Yutzis. Certains se sont inquiétés de l'affirmation, figurant dans le rapport marocain, selon laquelle la discrimination raciale n'a pas cours au Maroc. Une telle affirmation n'est jamais recevable du point de vue du Comité, ont-ils rappelé.
En fin de séance, le Président du Comité, M. Ion Diaconu, a notamment indiqué que le Comité a été informé que M. Nelson Mandela ne semble pas être en mesure de participer aux travaux du Comité au cours de cette session, comme il a été suggéré hier. Le Secrétariat examinera donc la possibilité pour le Comité d'entendre M. Mandela au mois d'août.
M. Diaconu a également rappelé qu'il a été demandé au Comité de fournir des points de vue et informations concernant un certain nombre de questions parmi lesquelles: la question du rapport unique que les États parties aux différents traités internationaux relatifs aux droits de l'homme pourraient présenter à l'ensemble des organes créés en vertu de ces traités; le suivi des recommandations du Comité; les nouvelles normes dans le domaine des droits de l'homme; la question d'un protocole d'inspection in situ; la question du terrorisme et des droits de l'homme; la question des réserves aux traités; les non-ressortissants; et le projet de directives sur les stratégies de réduction de la pauvreté.
M. Yutzis a indiqué qu'il n'était pas d'accord pour que le Comité accorde une année de plus au Gouvernement du Guyana pour présenter son rapport, eu égard à la situation qui prévaut dans ce pays, et a souhaité que l'examen de la situation du Guyana soit examinée au titre de la procédure d'urgence. M. de Gouttes a pour sa part rappelé qu'il a demandé que l'examen de la situation au Suriname soit lui aussi inscrit au titre de la procédure d'urgence.
Le Comité entamera, cet après-midi à 15 heures, l'examen du rapport périodique de l'Équateur (CERD/C/384/Add.8).

Fin de l'examen du rapport marocain
La délégation marocaine, dirigée par M. Omar Hilale, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le Centre de documentation, d'information et de formation en matière de droits de l'homme a assuré une large diffusion de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Un site web a par ailleurs été conçu où sont diffusés les rapports présentés par le Maroc aux divers organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que les recommandations émanant de ces organes.
La délégation a par ailleurs indiqué que le Maroc a signé la Convention contre la torture le 21 juin 1993 et qu'il soumettra prochainement son troisième rapport périodique au Comité contre la torture. La torture est pénalement réprimée dans le droit positif marocain, a-t-elle assuré. Les dispositions pénales incriminant la torture vont être rendues encore plus effectives dans le cadre de l'harmonisation en cours de la législation nationale marocaine avec les différents instruments internationaux, a précisé la délégation. Le Maroc reconnaît les tortures qui ont été perpétrées par le passé dans le pays et a créé une commission d'arbitrage et d'indemnisation des victimes de la torture, a d'autre part rappelé la délégation. Des indemnisations ont d'ores et déjà été attribuées à plusieurs victimes de la torture. Les autorités sont en outre conscientes de l'importance qu'il convient d'accorder à la réhabilitation physique et psychologique des victimes de la torture et un centre de réhabilitation a donc été créé à cet effet à Casablanca.
La délégation marocaine a souligné que les principes fondamentaux de liberté et d'égalité en dignité et en droit sont proclamés dans la Constitution, dont l'article 5 proclame l'égalité de tous les Marocains devant la loi. L'article 6 de la Constitution garantit à tous le libre exercice des cultes. L'article 15 de la Constitution garantit le droit de propriété et la liberté d'entreprendre reconnus à tous sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue ou de religion, a poursuivi la délégation.
En réponse à une question posée par un membre du Comité concernant la liberté de culte pour les religions non monothéistes, la délégation a souligné que l'ordre juridique marocain, dont l'Islam est l'un des piliers de base, considère l'exercice du culte comme l'un des droits fondamentaux de l'individu au sein de la société. En ce qui concerne la question spécifique sur l'apostasie soulevée par un expert, la délégation a assuré que le Code pénal ne contient aucune disposition à ce sujet. L'article 220 du Code pénal incrimine en fait la personne qui empêche, par des violences ou des menaces, d'autres personnes d'exercer un culte ou qui emploie des moyens de séduction dans le but d'ébranler la foi d'un musulman ou de le convertir à une autre religion en exploitant sa faiblesse ou ses besoins. Quant à la question posée par un membre du Comité concernant d'éventuels incidents interconfessionnels au Maroc, la délégation a souligné que le Maroc est une terre de coexistence inter-religieuse, de tolérance et de respect de toutes les religions.
Interrogée sur l'état d'avancement des travaux concernant la révision des différents codes législatifs nationaux aux fins d'harmonisation avec les dispositions de la Convention et d'autres instruments internationaux, la délégation a indiqué que le Code pénal est en cours d'harmonisation et que le Code sur le statut personnel devrait être rebaptisé Code de la famille. Le Code de la nationalité est lui aussi en cours d'harmonisation, a poursuivi la délégation.
La délégation a précisé que le processus de révision du Code pénal dure depuis presque une année. Elle a indiqué ne pas être en mesure de se hasarder sur une quelconque date concernant l'aboutissement de ce processus, l'essentiel pour le Maroc étant l'amélioration qu'il apportera en matière de respect des droits de l'homme. Il n'existe pas d'incrimination particulière de la discrimination raciale, a d'autre part reconnu la délégation. Elle a néanmoins fait valoir que le Ministère public peut être alerté à tout moment en cas d'injures, d'actes ou d'humiliations ayant un caractère de discrimination raciale. L'analyse de la nature des plaintes reçues par l'Observatoire national pour l'analyse et le suivi des doléances et des plaintes (au sein du Ministère de la justice) n'a pas permis de relever des indications sur l'existence de plaintes liées à la discrimination raciale, a indiqué la délégation. Cependant, a-t-elle poursuivi, «il y a lieu de relativiser ce constat étant donné l'absence au Maroc de la culture de saisine des tribunaux pour atteintes à motif racial, comme c'est le cas dans d'autres pays».
En ce qui concerne le Code de la presse, la délégation a indiqué qu'il prévoit des dispositions incriminant et punissant tout acte de discrimination raciale. Ainsi, sont réprimées toute diffusion d'idées fondées sur la supériorité et la haine raciales, ainsi que la provocation ou l'incitation à des actes de violence de nature raciste.
Répondant à d'autres questions, la délégation a assuré qu'il n'y avait aucun conflit de compétence entre le Conseil consultatif des droits de l'homme et l'ombudsman dans la mesure où le Conseil, par ses avis, est chargé d'assister le Roi sur toutes les questions relatives aux droits de l'homme alors que l'ombudsman est chargé de promouvoir la médiation entre, d'une part, les citoyens et, de l'autre, les administrations ou tout organisme disposant des prérogatives de la puissance publique. Le dahir portant création de l'ombudsman stipule que celui-ci est membre du Conseil auquel il est en outre chargé de faire rapport. Les questions relevant de la compétence du Conseil ne peuvent être instruites par l'ombudsman, a par ailleurs précisé la délégation.
La délégation a souligné que les Amazigh sont d'abord des citoyens marocains et jouissent donc de l'ensemble des droits conférés et garantis à tous les Marocains.
Avec la promulgation du dahir portant application de la loi n°37.99 concernant l'état civil et du décret portant application de ladite loi, il n'y a plus lieu d'invoquer la fameuse circulaire limitative des prénoms pouvant être inscrits sur le registre des naissances, a par ailleurs indiqué la délégation en réponse aux inquiétudes manifestées par plusieurs experts qui s'étaient inquiétés de l'interdiction frappant certains prénoms amazigh.
Un expert s'étant inquiété de la menace que pourrait receler la phrase prononcée par le Roi dans son discours d'installation de l'Institut royal de la culture amazigh («l'Amazigh […] appartient à tous les Marocains, sans exclusivité, et […] ne peut être mis au service de dessins politiques de quelque nature que ce soit»), la délégation a assuré que les propos du Roi «ne renferment aucune insinuation comminatoire». Il s'agit plutôt là d'une invitation au rassemblement et à l'union adressée à tous les Marocains.
Il ne saurait y avoir 30 millions de Berbères au Maroc comme certains membres l'ont suggéré hier, a fait observer la délégation, qui a rappelé que la totalité de la population marocaine est officiellement de 28 millions d'habitants.
Au Maroc, aucune référence n'est faite aux populations autochtones pour la seule raison que la situation du pays, à la croisée des mondes méditerranéen et atlantique, a suscité un brassage de populations qui a donné naissance à une population riche et multiculturelle.
Les questions de nationalité sont régies par un dahir de 1958 qui protège contre tout risque d'apatridie, a indiqué la délégation. Elle a précisé que la transmission de la nationalité marocaine est régie aussi bien par le jus solis que par le jus sanguinis.
Certains experts ayant souhaité savoir ce qu'il en était au Maroc de la polygamie, la délégation a expliqué que l'on a assisté dans le pays à une judiciarisation de cette pratique. En effet, la polygamie a connu une certaine réforme dans la mesure où, désormais, un homme marié ne peut contracter un second mariage qu'après décision du juge et qu'après que la première et la deuxième épouses ont été dûment informées de la situation.
S'agissant des questions relatives aux travailleurs étrangers, la délégation a notamment souligné que le droit social actuellement en vigueur comprend tout un éventail de dispositions affirmant le principe de l'égalité de tous les travailleurs. Par ailleurs, le projet de Code de travail, conçu en harmonie avec les principes des droits fondamentaux des travailleurs, a consacré le principe de la non-discrimination raciale dans toutes ses dispositions. La délégation a par ailleurs assuré que les travailleurs étrangers jouissent des mêmes droits et obligations que les travailleurs nationaux. Les textes prévoient que l'employeur recrute le personnel dont il a besoin en tenant compte uniquement des aptitudes et de la qualité des postulants et de leurs références. Toutefois, les textes en vigueur disposent que tout travailleur étranger doit être muni d'un contrat de travail visé par le Département de l'emploi.
Une nouvelle loi de novembre 2002 réglementant la condition d'entrée et de séjour des étrangers au Maroc est en cours de discussion devant le Parlement.
Répondant aux questions à caractère politique soulevées par les experts concernant les réfugiés au Maroc et l'évolution actuelle de la question du Sahara, le Représentant permanent du Maroc, M. Omar Hilale, a notamment indiqué que le Maroc, depuis des siècles, a toujours été, de par sa position géographique, une terre d'asile. Les populations hébraïques expulsées d'Espagne auxquelles le Maroc a offert asile au XVe siècle ont été intégrées à part entière dans la population et la société marocaines. Le nombre de réfugiés au Maroc est de seulement 63, conformément au décompte du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR).
S'agissant de la question du Sahara, M. Hilale a affirmé que le Maroc s'est inscrit depuis de longues années dans une logique de règlement de ce problème conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. L'on s'est néanmoins trouvé dans l'impossibilité de mettre en œuvre l'accord du fait de l'impossibilité d'identifier le corps électoral. Le Conseil de sécurité doit se pencher à la fin de ce mois-ci sur les réponses apportées par les parties concernées à la proposition de M. James Baker concernant l'accord-cadre. Jusqu'à présent, tout est confidentiel mais j'ose espérer que ce problème puisse être réglé et que la paix puisse prévaloir dans cette région, a déclaré M. Hilale.
Plusieurs membres du Comité ont ensuite pris la parole pour réagir aux réponses apportées par la délégation aux questions qu'ils avaient posées hier après-midi. Certains d'entre eux se sont inquiétés de l'affirmation, contenue dans le rapport marocain, selon laquelle la discrimination raciale n'a pas cours au Maroc. Une telle affirmation n'est jamais recevable du point de vue du Comité, ont-ils rappelé.
Un autre expert s'est réjoui des perspectives évoquées par la délégation concernant, d'une part, l'incrimination pénale des actes de racisme dans le cadre de la réforme du Code pénal et, de l'autre, l'examen par le Maroc de la possibilité de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. Un membre du Comité a toutefois tenu à affirmer que la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention concernant les communications - ou plaintes - émanant de particuliers est facultative. Cette dernière opinion est minoritaire au sein du Comité, a fait observer un autre expert.
Certains membres du Comité, tout en se réjouissant des progrès réalisés au Maroc eu égard à la mise en œuvre des dispositions de la Convention, ont souligné qu'il faudra bien que le Maroc finisse par intégrer l'article 4 de la Convention concernant l'interdiction de la discrimination raciale dans son Code pénal.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport marocain, M. Nourredine Amir, a fait un certain nombre d'observations dans lesquelles il a notamment souligné que la délégation marocaine a, tout au long de l'examen de son rapport par le Comité, fait preuve d'un constructif esprit de dialogue. Rien n'est facile avec les contraintes, notamment économiques, de notre temps, a souligné M. Amir. Il s'est réjoui de la poursuite du dialogue entre le Comité et le Maroc, avant d'assurer que cette rencontre de travail a renforcé la coopération et le dialogue entre la délégation marocaine et le Comité. M. Amir a relevé que le rapport marocain n'a pas avancé de certitudes. Il a fait mieux: il a parlé d'histoire, a affirmé le rapporteur. «Ce rapport a donc constitué pour moi un outil d'intérêt pour accompagner l'examen de la situation au Maroc eu égard à la mise en œuvre de la Convention», a expliqué M. Amir. Il a indiqué qu'il laissait aux membres du Comité le soin d'élaborer des recommandations et observations finales.
La délégation du Maroc a assuré que le Gouvernement marocain s'attacherait à prendre les mesures nécessaires pour que, lors de l'examen du prochain périodique du Maroc, un nombre encore accru de points positifs soit enregistré eu égard à l'évolution de la mise en œuvre des dispositions de la Convention dans le pays. Le Maroc continuera à travailler avec le Comité pour parvenir à «cette société dont nous rêvons tous»: une société de liberté et de tolérance, a déclaré la délégation.



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