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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA MAURITANIE

06 août 1999

MATIN


HR/CERD/99/40
6 août 1999




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen du rapport de la Mauritanie sur les mesures prises dans ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

En réponse aux questions des experts, la délégation mauritanienne, dirigée par le Ministre de la justice, M.Mohamed Salem Ould Merzoug, a notamment déclaré que la différenciation fondée sur la couleur ou sur l'ethnie ne fait pas partie des mentalités en Mauritanie. Il n'existe pas de partis ethniques en Mauritanie, mais des partis politiques défendant les préoccupations des citoyens dans leur ensemble. Aucune composante du peuple mauritanien n'est exclue de la participation au gouvernement. La délégation a souligné que l'esclavage était une composante des traditions de toutes les communautés de la société mauritanienne sans exception. À ce titre, s'il existe encore de manière isolée, il ne s'agit que de séquelles d'un passé qui ne peut être dépassé que par la mise en oeuvre d'un développement économique durable au profit de tous.

M.Agha Shahi et M.Eduardo Ferrero Costa, membres du Comité, sont également intervenus, notamment pour souligner la qualité du rapport initial de la Mauritanie, bien qu'il ne comporte pas suffisamment de renseignements sur la composition démographique du pays. Une préoccupation a été exprimée en ce qui concerne le fait que le Président de l'exécutif détient également la direction du judiciaire, ce qui paraît constituer une concentration de pouvoirs dangereuse. L'expert chargé de l'examen du rapport de la Mauritanie, M.Régis de Gouttes, a notamment estimé que les rapports de la Mauritanie devraient fournir des renseignements sur les mesures prises pour éradiquer complètement les survivances de facto de faits de servage.

Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité examinera la situation au Kosovo au titre de ses mesures d'alerte rapide et de procédure d'action urgente. Il entamera ensuite un débat général sur les questions intéressant ses travaux.


Examen du rapport de la Mauritanie

Un expert a rappelé la qualité du rapport initial de la Mauritanie, qui contient des informations complètes très utiles au travail du Comité. La mise en place d'un dialogue avec la délégation mauritanienne ne peut être que positive. Il a cependant noté qu'en matière de composition démographique, il serait intéressant d'obtenir plus de détails chiffrés. L'émergence d'une société civile constitue en outre un élément d'évolution essentiel pour un pays en développement. Un expert a exprimé sa préoccupation devant le fait que le Président de l'exécutif détient également la direction du judiciaire, ce qui paraît constituer une concentration de pouvoirs dangereuse ne garantissant pas l'indépendance du judiciaire. Concernant le Commissariat aux droits de l'homme, des renseignements complémentaires ont été demandés sur ses fonctions précises. De la même manière, le travail du Médiateur de la République mérite des explications qui devraient figurer dans le prochain rapport écrit.

M.Mohamed Salem Ould Merzoug, Ministre de la justice de Mauritanie, a tout d'abord abordé la question de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il a indiqué qu'aux termes de la Constitution, le pouvoir judiciaire est totalement indépendant. Le Président est garant de l'indépendance de la magistrature, et préside à ce titre le Conseil supérieur de la magistrature qui joue un rôle régulateur essentiel. M.Ould Merzoug a par ailleurs fait remarquer que la Constitution est inspirée des textes de la Constitution de la République française. Les orientations récentes du Gouvernement tendent à renforcer encore l'indépendance du statut des magistrats.

S'agissant de la question relative aux rapports inter-communautaires, la délégation mauritanienne a affirmé que la sous-représentation de certains groupes dans les appareils de l'État n'est pas une réalité. Elle a précisé que la différenciation basée sur la couleur ou sur l'ethnie ne fait pas partie des mentalités en Mauritanie. Elle a affirmé que la promotion d'une culture de citoyenneté constitue un objectif majeur des efforts du gouvernement, qui sont basés sur l'approfondissement de la démocratie. Par ailleurs, il n'existe pas de partis ethniques en Mauritanie, mais des partis politiques défendant les préoccupations des citoyens dans leur ensemble. Aucune composante du peuple mauritanien n'est exclue de la participation au Gouvernement. La seule condition à l'accès aux emplois publics est une scolarité générale, qui est actuellement assurée pour tous en Mauritanie.

Les différentes langues nationales sont transcrites en caractères latins, elles sont enseignées au Département des langues nationales de l'Université de Nouakchott. La délégation a rejeté l'accusation selon laquelle le gouvernement procéderait à l'arabisation de la population, estimant ce terme inadéquat, la majorité de la population mauritanienne étant arabe. Elle a indiqué que la réforme de l'éducation comporte la généralisation des langues d'ouverture, à savoir le français et l'anglais, et l'introduction de l'instruction civique comprenant une composante d'enseignement des droits de l'homme. Aucune discrimination ne peut être détectée dans ces éléments.

Concernant les problèmes de propriété, la délégation a fournit des données sur la situation de la Mauritanie, pays du Sahel qui est une région caractérisée par une forte concentration de la population, une pluviométrie faible et aléatoire, et des populations dont le mode de vie est fondé sur la mobilité. Les espaces de circulation se réduisent de nos jours, créant des conflits entre les éleveurs et les cultivateurs qui n'ont donc pas une cause raciale, mais une cause économique. Au sujet du conflit de 1989, la délégation a affirmé qu'il n'a pas impliqué la communauté maure, mais des minorités noires. Au cours des différends entre la Mauritanie et le Sénégal, la Mauritanie n'a pas organisé de camps de réfugiés pour accueillir les 240000 personnes qu'elle a reçues en dix jours. La solidarité a joué au niveau national pour accueillir les réfugiés. L'État mauritanien essaie aujourd'hui de réintégrer les populations revenues dans le pays lorsqu'elles occupaient un poste auparavant. De plus, des programmes de réinsertion sont mis en oeuvre; ils concernent plus de 250 projets. Le Ministre a rappelé que le fleuve Sénégal constitue la frontière naturelle entre le Sénégal et la Mauritanie et traverse le Mali dans sa partie supérieure. L'Organisation de la mise en valeur du fleuve Sénégal permet de gérer en commun les terres irrigables de la vallée, et d'assurer la navigabilité du fleuve par la construction de barrages. En Mauritanie, toutes les terres de la vallée ont été redistribuées aux petits paysans, sans aucune discrimination.

Au sujet du Commissariat pour la promotion des droits de l'homme, la lutte contre la pauvreté et l'insertion, créé en mai 1998, la délégation mauritanienne a indiqué qu'il vise à assurer à l'ensemble des Mauritaniens la pleine jouissance de leurs droits. Le Commissariat a mis en oeuvre une politique nationale des droits de l'homme en renforçant la concertation avec les associations se chargeant de leur défense. Il reçoit les plaintes, mène les enquêtes et assure le suivi des sanctions à l'encontre des auteurs de violations. Il est tenu de produire un rapport annuel. Le Commissariat fait également de la lutte contre la pauvreté et l'ignorance des priorités absolues. Dans ce cadre, un programme national a été mis en oeuvre en 1998, visant à réduire la pauvreté de 18% d'ici à l'an 2000. La délégation a précisé que ces programmes visent les populations des bidonvilles, et dans ce cadre les chômeurs diplômés des familles pauvres, les femmes démunies chefs de famille et les pêcheurs. Ils visent également à aider les populations rurales du Centre et du Sud du pays, sans discrimination liée à l'ethnie ou à la race.

La délégation a indiqué que la population nomade représente 8% de la population totale de la Mauritanie. Concernant l'esclavage, elle a indiqué que toutes les communautés mauritaniennes sont fondées sur une société de castes. L'esclavage est une composante de leurs traditions. La stratification sociale de la communauté arabe de Mauritanie a été mise en place sous influence des traditions des autres communautés. Il est donc faux de prétendre que c'est la communauté arabe qui a initié l'esclavage des populations noires. Ceci dit, l'abolition de l'esclavage en 1981 avait une raison d'être principalement pédagogique consistant à la légitimation par les autorités religieuses des efforts des pouvoirs publics. À cette date déjà, l'esclavage avait en effet disparu du pays. S'il existe encore de manière isolée, il ne s'agit que de séquelles du passé qui ne peuvent être dépassées que par la mise en oeuvre d'un développement économique durable.

La délégation a précisé que le Président de «SOS-Esclaves» a été directeur de l'unique entreprise de construction de Mauritanie dans les années 80, et a déclaré au cours d'un entretien pour un journal mauritanien en 1989, qu'il n'existait aucune séquelle d'esclavage en Mauritanie. Elle a donc appelé à la méfiance en ce qui concerne les informations sur ce sujet qui doivent être utilisées avec précaution. En outre, elle a affirmé que seul un amalgame regrettable peut expliquer qu'on prétende que la pigmentation de la peau ait jamais constitué un critère de la pratique de l'esclavage.

L'expert chargé de l'examen du rapport de la Mauritanie, M.Régis de Gouttes, a estimé que cet examen a démontré la richesse et la pluralité du travail du Comité. Il a rappelé que les experts du Comité sont indépendants et à ce titre ne représentent pas le gouvernement de leur pays. La question des sources sur lesquelles s'appuie le Comité a été soulevée. Ces sources sont de valeurs variables, et ne servent qu'à demander des précisions et des explications, et non à établir des vérités. L'expert a par ailleurs demandé des informations plus complètes sur les indices socio-économiques de la mise en oeuvre de la Convention. Le prochain rapport de la Mauritanie devrait contenir une partie concernant les mesures prises pour éradiquer complètement les survivances de facto de faits de servage, a recommandé M.deGouttes.

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