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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DE L'ÉQUATEUR

05 mars 2003



CERD
62ème session
5 mars 2003
Matin



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, son dialogue avec la délégation de l'Équateur en entendant des réponses aux questions posées hier après-midi par les membres du Comité s'agissant, notamment, des populations autochtone et afro-équatorienne; de la justice autochtone; des plaintes pour discrimination raciale; de la situation des réfugiés.
À l'issue de la discussion, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport équatorien, M. Tang Chengyuan, s'est notamment réjoui de l'engagement pris par la délégation de faire en sorte que soient reprises, dans le prochain rapport de l'Équateur, les questions relatives à la terre; au statut des femmes; au logement; à l'éducation; aux médias autochtones. Le Comité adoptera ultérieurement, avant la fin de la présente session, ses observations finales sur le rapport équatorien.
La délégation, dirigée par M. Roberto Ponce Alvarado, Sous-Secrétaire aux relations multilatérales au sein du Ministère des relations extérieures de l'Équateur, a notamment indiqué que le pays reconnaît aux autorités des peuples autochtones la capacité d'exercer des fonctions de justice en appliquant pour la résolution des conflits internes des normes et des procédures propres à ces communautés, pourvu qu'elles ne soient pas contraires à la Constitution ou à la loi. La délégation a par ailleurs expliqué qu'il n'y a pas eu dans le pays d'incidents sérieux de discrimination raciale. En revanche, les migrations internes de la campagne vers la ville sont un phénomène social qui pose un certain nombre de problèmes, notamment l'exclusion socio-économique.
Les membres suivants du Comité ont pris la parole dans le cadre du dialogue de cet après-midi : MM. José A. Lindgren Alves, Morten Kjaerum, Mahmoud Aboul-Nasr, Nourredine Amir, Régis de Gouttes, Raghavan Vasudevan Pillai, Patrick Thornberry, Mario Jorge Ytzis.
En fin de séance, plusieurs membres du Comité ont fait part de leurs commentaires s'agissant du projet de réforme en vertu duquel les États parties aux différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme présenteraient un rapport unique à l'ensemble des organes conventionnels, exprimant, pour la plupart, leurs réserves.
Le Comité entamera, cet après-midi à 15 heures, l'examen du rapport initial et du deuxième rapport périodique de l'Arabie saoudite, réunis en un seul document (CERD/C/370/Add.1).

Fin de l'examen du rapport de l'Équateur
Répondant aux remarques de nombreux membres du Comité s'agissant des différences importantes d'évaluation de la population autochtone par le recensement de 2001 d'une part et par la Confédération des nationalités autochtones de l'Équateur (CONAIE), la délégation a souligné que lors d'un recensement, les données relatives à la composition ethnique de la population s'accompagnent, même lorsqu'elles se fondent sur l'auto-identification, d'une certaine marge d'erreur, supérieure en tout cas à celle qui accompagne d'autres données concernant, par exemple, le sexe ou l'âge. Lors du recensement, la population avait à répondre à la question «Comment vous considérez-vous?», et l'enquêteur ne pouvait modifier la réponse de la personne recensée même lorsqu'il semblait évident que la réponse était erronée. Il n'y a en effet aucun moyen d'éviter qu'un métis se considère blanc ou indien, par exemple, tout simplement parce que les ethnies pures n'existent pas en Équateur, a affirmé la délégation. L'appartenance à un groupe ethnique déterminé est davantage lié à des modes de vie et à des comportements sociaux qu'à des caractéristiques physiques, a ajouté la délégation. C'est pourquoi l'affirmation de la CONAIE selon laquelle il y aurait 40% d'autochtones en Équateur n'a aucun fondement technique. En ce qui concerne les Afro-Équatoriens, les probabilités d'erreur associées à l'auto-identification sont moindres que celles applicables aux populations autochtones, a estimé la délégation.
Interrogée hier sur les rôles respectifs des différentes structures administratives qui traitent des questions autochtones, la délégation a indiqué que le Secrétariat national aux affaires autochtones et afro-équatoriennes, créé en 1994 et rattaché à la Présidence de la République, a été remplacé en 1996 par le Ministère «ethnico-culturel», dont la création a été contestée par la CONAIE et d'autres organisations autochtones qui la percevait comme une forme d'ingérence de l'État dans les affaires autochtones. La CONAIE souhaitait la création d'une entité au sein de laquelle la participation directe des populations autochtones serait décisive et estimait que le Ministère ethnico-culturel ne répondait pas à cette attente. La ferme opposition autochtone aboutit alors à la disparition de ce Ministère. Avec l'arrivée au pouvoir du Président Jamil Mahuad, le Conseil national de planification et de développement des autochtones et Noirs d'Équateur (CONPLADEIN) créé en 1997 fut remplacé par le Conseil national des nationalités et peuples d'Équateur (CODENPE), qui fonctionne toujours à l'heure actuelle. Le CODENPE est une entité de l'État rattachée à la Présidence de la République qui dispose d'un organe directeur, le Conseil national, composé d'un Secrétaire exécutif et de représentants de nombreuses nationalités et peuples du pays. Parmi les attributions du CODENPE, figurent la définition de politiques visant le renforcement des nationalités et peuples d'Équateur; l'exécution, en cogestion entre l'État et les nationalités et peuples d'Équateur, de programmes de développement intégral et durable; ainsi que la coordination, avec les organismes nationaux et internationaux (gouvernementaux ou non), des plans, programmes et projets.
En ce qui concerne les questions relatives à la justice autochtone, la délégation a souligné que le principe constitutionnel qui régit ce type de justice est clair. En effet, le pays reconnaît aux autorités des peuples autochtones la capacité d'exercer des fonctions de justice en appliquant pour la résolution des conflits internes des normes et des procédures propres à ces communautés, conformément à leurs coutumes et à leur droit coutumier, pourvu que lesdites normes et procédures ne soient pas contraires à la Constitution ou à la loi. Il est également dit que la loi rendra ces fonctions judiciaires autochtones compatibles avec celles du système judiciaire national, a précisé la délégation. Cela ne signifie pas que la justice autochtone doive prévaloir sur la justice ordinaire, a-t-elle poursuivi avant de préciser que l'ordre juridique impose dans ce contexte que lorsque la justice autochtone a été appliquée, la justice ordinaire ne le soit pas et vice-versa. Quant à l'éventuelle contradiction entre les peines émanant de la justice autochtone et les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la délégation a expliqué que si certaines peines infligées par la justice autochtone comportent un châtiment physique, ce type de châtiment n'atteint jamais le degré de sévérité qu'il atteint dans d'autres systèmes pénaux de par le monde et, en comparaison avec les séquelles que laissent sur nombre d'individus les années d'emprisonnement imposées par la justice ordinaire, il est moins nocif pour la société et permet le plus souvent la réinsertion du contrevenant au sein de la communauté. La justice autochtone s'applique tant au droit civil qu'au droit pénal, a ensuite précisé la délégation.
Il n'existe pas d'étude expliquant le manque de confiance dont pâtit le système de justice équatorien de la part des communautés autochtones et afro-équatoriennes, a par ailleurs indiqué la délégation. Conscient de ce fait, le pouvoir judiciaire a entrepris depuis déjà cinq ans de mener à bien un projet de réforme administrative avec l'appui de la Banque mondiale, a-t-elle néanmoins souligné.
S'agissant des activités menées par le Défenseur du peuple, la délégation a fait observer que cette entité a eu à connaître de plaintes liées aux droits économiques et environnementaux des autochtones et des Afro-Équatoriens.
Un membre du Comité ayant souhaité savoir pourquoi aucune plainte n'a été transmise au Comité au titre de l'article 14 de la Convention, la délégation a expliqué qu'il n'y a pas eu dans le pays d'incidents sérieux de discrimination raciale ou en tout cas d'incidents suffisamment sérieux pour avoir abouti devant les tribunaux.
En ce qui concerne les questions relatives au milieu naturel et à son exploitation, la délégation a rappelé que la garantie de préservation de l'environnement se fonde sur les articles 86 à 91 de la Constitution et sur la loi de gestion environnementale de juillet 1999. Cette dernière loi établit les mécanismes de participation sociale à la gestion du milieu naturel à travers un certain nombre de modalités dont la consultation des populations, les audiences publiques et l'examen des initiatives et propositions. Est également reconnue la possibilité d'une action populaire pour dénoncer le non-respect de cette garantie de participation, a souligné la délégation. Le non-respect du principe de consultation énoncé à l'article 88 de la Constitution entraîne l'impossibilité d'exécuter l'activité en cause, a assuré la délégation. Elle a en outre rappelé que la préservation de l'environnement est déclarée d'intérêt public au terme de l'article 86 de la Constitution.
Certains experts ayant souhaité savoir si des affaires impliquant un délit de discrimination raciale (tel qu'énoncé dans la Constitution et dans le Code pénal) avaient été portées devant les tribunaux équatoriens, la délégation a reconnu que quelques plaintes ont été déposées pour discrimination dans les écoles publiques, mais qu'elles n'ont pas abouti devant les tribunaux dans la mesure où elles ont été résolues dans le cadre des autorités éducatives des circonscriptions scolaires concernées.
La délégation a par ailleurs expliqué que les mesures adoptées par l'État pour améliorer les conditions de vie des pauvres en Équateur ne sont pas spécifiquement destinées aux populations autochtones et aux Noirs, car ce n'est pas uniquement au sein de ces deux communautés que l'on rencontre les plus faibles revenus. Le fait que les communautés autochtones et noires pâtissent d'un niveau de revenu plus faible que le reste de la population ne constitue pas une discrimination de facto, a par ailleurs assuré la délégation. Il convient en effet de souligner que l'État équatorien consacre un certain nombre de ressources à l'amélioration de la situation des paysans équatoriens, ce dont témoigne l'existence de la sécurité sociale paysanne. Peut-être ces ressources ne sont-elles pas suffisantes, a admis la délégation, mais ce sont les ressources que l'État est en mesure de débloquer eu égard aux limitations qu'imposent des exigences telles que la dette extérieure, dont le service grève 40% du budget de l'État.
S'agissant de la situation juridique des enfants réfugiés dans le pays, la délégation a assuré que les réfugiés qui se trouvent en Équateur conformément aux instruments de droit international auxquels le pays est partie bénéficient d'un statut juridique conforme aux dispositions de ces instruments. Les procédures d'acquisition de la nationalité équatorienne ou du statut de résident en Équateur ne sont nullement discriminatoires à l'encontre des étrangers réfugiés, a poursuivi la délégation. Il convient de souligner que les réfugiés qui se sont établis le long de la frontière entre l'Équateur et la Colombie se trouvent dans des camps contrôlés conjointement par les autorités équatoriennes et par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), a précisé la délégation. Elle a ajouté que le HCR a reconnu à plusieurs reprises que l'Équateur appliquait pleinement les conventions internationales pertinentes dans le cadre de l'accueil qu'il fournit à ces personnes déplacées par le conflit interne en Colombie. La délégation a par ailleurs admis que les migrations internes de la campagne vers la ville sont un phénomène social qui ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. La Rapporteuse spéciale sur les migrants a relevé, lors de sa visite en Équateur, que les autochtones récemment arrivés en ville étaient exposés à l'exclusion sociale et économique, a ajouté la délégation. La délégation a indiqué que le Gouvernement n'avait pas mis en place de programmes spécifiquement destinés aux migrants autochtones venus en ville, entre autres parce qu'il est difficile de localiser ces personnes qui ont coupé tout lien avec leur communauté.
S'agissant des moyens de communication, la délégation a souligné que l'État équatorien ne contrôle aucune chaîne de télévision et ne maintient qu'une seule radio nationale. Plusieurs communautés autochtones disposent de radios ayant une couverture locale et la radio est également utilisée pour diffuser des programmes bilingues à l'attention de diverses localités de populations autochtones, a précisé la délégation. Se disant incapable de fournir des informations précises sur les radios autochtones et leur audience, la délégation a assuré qu'elle chercherait à intégrer de telles informations dans son prochain rapport périodique.
Réagissant aux réponses apportées par la délégation, un membre du Comité a souligné que le fait qu'aucune plainte pour discrimination raciale ne soit enregistrée ne signifie pas absence de discrimination raciale dans le pays. Souvent, l'absence totale de plainte résulte d'un manque d'information du public, a rappelé cet expert. C'est pourquoi il est important d'assurer la plus large diffusion possible des principes énoncés dans la Convention, a-t-il ajouté. Un autre membre du Comité a souhaité savoir si l'Équateur penchait plutôt pour une limitation ou pour un renforcement des sanctions corporelles prévues dans le droit coutumier autochtone.
M. Tang Chengyuan, en tant que rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Équateur, a assuré que ce rapport, ainsi que les propos de la délégation traduisent une attitude honnête de la part de l'Équateur qui ne cherche pas à cacher les problèmes qu'il rencontre dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention. M. Tang s'est réjoui de l'engagement pris par la délégation de faire en sorte que soient reprises dans le prochain rapport de l'Équateur les questions relatives à la terre; au statut des femmes, notamment autochtones et afro-équatoriennes; au logement; à l'éducation; aux médias autochtones; ainsi qu'aux affaires traitées par l'ombudsman (défenseur du peuple). M. Tang a en outre indiqué qu'il souhaitait que le prochain rapport de l'Équateur fournisse un exposé détaillé du fonctionnement des tribunaux, en particulier des tribunaux autochtones.



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