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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO AU TITRE DE LA PROCÉDURE D'URGENCE

05 Mars 1999

MATIN

HR/CERD/99/10
5 mars 1999
Il achève l'examen du rapport du Portugal


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, ce matin, la situation en République démocratique du Congo au titre de sa procédure d'alerte rapide et d'action urgente. L'examen s'est effectué en l'absence de représentants de cet Étatpartie à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En début de séance, le Comité a achevé l'examen du rapport du Portugal.

S'agissant de la République démocratique du Congo, M.Luis Valencia Rodríguez, expert chargé de l'examen de la situation dans ce pays, a estimé que le Gouvernement a réagi à la rébellion du mois d'août 1998 «avec une mentalité de nettoyage ethnique». Il a déploré que ce Gouvernement considère les organisations non gouvernementales, les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme comme des ennemis. Il a insisté sur la nécessité, pour les gouvernements des pays qui, d'une manière ou d'une autre, participent aux combats, de cesser immédiatement leur intervention dont la conséquence première est d'aggraver une situation déjà difficile. MM.Eduardo Ferrero Costa, Régis de Gouttes, Agha Shahi, Michael Sherifis, Peter Nobel sont également intervenus. Le Comité a décidé de rester saisi de cette question et a prié M.Valencia de lui soumettre un projet de déclaration ou de décision sur la situation en République démocratique du Congo.

M.Ivan Garvalov, expert du Comité chargé de l'examen du rapport du Portugal, s'est félicité que l'examen du rapport du Portugal ait permis de lever quelques malentendus qui subsistaient quant à la situation dans le pays, notamment du point de vue de l'applicabilité directe de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale devant les tribunaux portugaise. La délégation a répondu aux questions qui lui avaient été posées, hier, par de nombreux experts ainsi que ce matin par
M.Mario Jorge Yutzis, en ce qui concerne, notamment, les minorités, les organisations racistes, le travail et le logement des étrangers ainsi que la situation au Timor oriental, aux Açores, à Madère et à Macao.

(à suivre)
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité examinera la situation au Rwanda au titre des mesures d'alerte rapide et de la procédure d'action urgente, ainsi que la situation au Congo, dont le rapport initial, attendu en 1989, n'a jamais été soumis.


Examen du rapport du Portugal

La délégation portugaise a souligné que dans l'ensemble de l'Europe, le débat sur les minorités est d'autant plus difficile que la Convention-cadre du Conseil de l'Europe ne définit pas le terme de minorité nationale. Les habitants des Açores et de Madère ne sauraient en aucun cas constituer des minorités, a souligné la délégation. Il s'agit de ressortissants portugais qui habitent dans les régions autonomes constitués par ces îles. «Eux-mêmes se sentiraient humiliés si on les qualifiait de minorités», a ajouté la délégation portugaise.

S'agissant de Macao, la délégation a rappelé qu'il s'agit d'un territoire chinois sous administration portugaise. Le Portugal cessera d'administrer le territoire le 20 décembre 1999, conformément à l'accord solennel conclu en avril 1997, qui prévoit que Macao deviendra une région administrative spéciale de la République populaire de Chine. La Chine a assuré que le système socio-économique et juridique de Macao ne subirait aucun changement. Jusqu'à présent, la Convention n'a pas été appliquée au territoire de Macao en raison de son statut particulier. Néanmoins, le Portugal et la Chine se sont mis d'accord sur le principe de l'application de la Convention à Macao, a indiqué la délégation. En outre, le statut particulier de Macao n'est pas un obstacle à l'application des normes et dispositions constitutionnelles portugaises à Macao, a assuré la délégation.

S'agissant du Timor oriental, la délégation portugaise a par ailleurs rappelé que, depuis 1975, le Portugal est empêché d'exercer son autorité administrative sur ce territoire non encore autonome. Le Portugal s'efforce de faire en sorte que le droit à l'autodétermination du peuple du Timor oriental devienne une réalité, a rappelé la délégation.

Après les Tsiganes, le principal groupe de victimes des phénomènes de discrimination raciale sont les Noirs, a déclaré la délégation, qui a toutefois précisé que ces phénomènes sont marginaux. S'agissant de la femme gitane dont la peine prononcée pour trafic d'héroïne avait été aggravée par un tribunal de première instance au seul motif de son appartenance à la communauté tsigane, la délégation a rappelé que, fort heureusement, la Cour constitutionnelle a cassé cet arrêt de première instance.

S'il est regrettable que la Cour constitutionnelle n'ait pas prononcé la dissolution du MAN (Mouvement d'action nationale), les personnes qui participaient aux actions du MAN ont toutefois été sanctionnées, a souligné la délégation avant de préciser que la Cour constitutionnelle avait jugé inutile d'engager une procédure de dissolution parce qu'elle considérait que le MAN s'était lui-même dissous avant que ne soit engagée la moindre procédure.

La disposition constitutionnelle en vertu de laquelle l'appartenance à une organisation raciste entraîne la perte du mandat de député a été prise pour permettre la levée de l'immunité parlementaire dont jouissent les députés, a expliqué la délégation. Cela explique pourquoi le seul mandat mentionné dans cette disposition constitutionnelle est la députation.

La loi actuelle sur les étrangers, qui date de mai 1998, n'établit aucune limitation quantitative pour le travail des étrangers, a par ailleurs déclaré la délégation. L'accès à l'habitat social se fait dans le cadre de plans spéciaux de logement qui n'établissent aucune discrimination d'aucune sorte, a-t-elle également indiqué.

M.Ivan Garvalov, expert chargé de l'examen du rapport du Portugal, a affirmé que l'examen du rapport a permis de lever quelques malentendus qui subsistaient quant à la situation dans le pays. Ainsi, la délégation a très clairement affirmé que la Convention est directement applicable devant les tribunaux nationaux, a noté M.Garvalov. Il a également rappelé la longue tradition multiculturelle du pays, tout en relevant l'existence d'actes de discrimination dans le pays.


Examen de la situation en République démocratique du Congo

Au titre de la procédure d'action urgente, M.Luis Valencia Rodríguez, expert chargé de l'examen de la situation en République démocratique du Congo, a rappelé que l'examen de la situation dans ce pays a déjà amené le Comité à adopter trois décisions, en août 1997, en mars 1998 et en août 1998. Il a également rappelé que, sur la base du rapport présenté par la mission d'enquête chargée d'examiner les plaintes de massacres et autres violations des droits de l'homme dans le pays - mission qui n'a jamais pu s'acquitter pleinement de son mandat à cause de l'attitude du Gouvernement du pays - le Secrétaire général était parvenu à la conclusion que les assassinats perpétrés par l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et ses alliés, y compris les éléments de l'Armée patriotique rwandaise, constituent des crimes contre l'humanité, tout comme le fait d'avoir refusé l'aide humanitaire aux réfugiés rwandais hutus. Pour le Gouvernement de la République démocratique du Congo, le rapport du Secrétaire général visait à couvrir la responsabilité des puissances qui ont pris part au génocide rwandais, a rappelé M.Valencia Rodríguez.

Le dernier rapport établi par M.Roberto Garretón, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme dans ce pays, souligne que la guerre tribale se poursuit dans le Nord du Kivu et que cette situation est aggravée par la présence de Tutsis rwandais, de rebelles ougandais, les Interahamwe burundais, ainsi que par les questions de la propriété de la terre et de l'accès au pouvoir. Suite à la décision du Président de la République démocratique du Congo, fin juillet 1998, d'ordonner le retrait des forces militaires étrangères du pays, les militaires banyamulenge et rwandais se sont soulevés à Kinshasa: ce soulèvement s'est soldé par de nombreux morts et blessés. La réponse du Gouvernement ne fut pas moins violente, incitant à la haine contre les Tutsis. À la fin du mois d'août 1998, les forces armées du Zimbabwe et de l'Angola intervinrent en faveur du Président Kabila alors que le Rwanda et l'Ouganda soutenaient les rebelles. Ce tableau général, en particulier du point de vue des violations des dispositions de la Convention, est confirmé par les rapports publiés par les principales organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty International et Human Rights Watch, a ajouté l'expert du Comité.

M.Valencia Rodríguez a souligné que les conflits ethniques persistent dans le pays, en particulier à l'encontre des Tutsis. Le Gouvernement a réagi à la rébellion du mois d'août «avec une mentalité de nettoyage ethnique», a ajouté l'expert. Ce Gouvernement considère les organisations non gouvernementales, les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme comme des ennemis et ne manque pas de les persécuter voire de les emprisonner. Des violations très graves du droit à la vie, à l'intégrité physique et psychologique, à la liberté personnelle, au droit d'association, à un procès équitable et à la liberté d'expression et d'opinion fondées sur des considérations ethniques ou politiques continuent de se produire dans le pays. Il y a une intervention étrangère alarmante sous la forme de fournitures d'armes et de ressources en faveur des forces en présence, a également regretté M.Valencia Rodríguez.

Aussi, l'expert a-t-il recommandé que soient réitérées les recommandations contenues dans la dernière décision que le Comité avait prise le 18 août 1998 (décision 4/53), en particulier pour exhorter les parties au conflit à mettre immédiatement un terme aux combats et demander au Gouvernement de coopérer à cette fin avec le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Kinshasa. Il convient également que le Comité rappelle la nécessité, pour le Gouvernement, d'accéder à la demande du Président du Conseil de sécurité d'effectuer une enquête sur les faits dénoncés. Il faut également que le Gouvernement de la République démocratique du Congo coopère efficacement au travail des enquêtes internationales, a recommandé l'expert. Il a également souligné la nécessité, pour les gouvernements des pays qui, d'une manière ou d'une autre, participent aux combats en République démocratique du Congo, de cesser immédiatement leur intervention dont la conséquence première est d'aggraver la situation déjà difficile qui prévaut. Il faut que le Comité, par le biais du Secrétaire général des NationsUnies, attire l'attention du Conseil de sécurité sur la situation en République démocratique du Congo et la nécessité de prendre des mesures destinées à résoudre ce conflit.

Le Président du Comité, M.Mahmoud Aboul-Nasr a rappelé que l'Organisation de l'unité africaine (OUA) déploie également des efforts pour pallier à la situation dans cette région du continent africain. Il a affirmé que le Comité devrait exprimer son vif regret que le débat sur la situation en République démocratique du Congo se déroule en l'absence d'une délégation de ce pays, en dépit des tentatives du Secrétariat de joindre la Mission permanente de ce pays à Genève pour qu'elle envoie une délégation. S'il faut dénoncer l'intervention étrangère en République démocratique du Congo, il convient de souligner que d'autres pays que le Rwanda y prennent part, a rappelé M.Aboul-Nasr. Il a recommandé que le Comité soit saisi assez rapidement d'un projet de décision énonçant clairement que la Convention est violée en République démocratique du Congo et qu'un génocide est en cours dans cette partie de l'Afrique.

D'autres experts ont pris la parole pour souligner la gravité de la situation qui prévaut en République démocratique du Congo. Un membre du Comité a souligné que le problème est régional et qu'il ne saurait être résolu par le seul Gouvernement de la République démocratique du Congo. Il serait nécessaire que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme ou son adjoint tiennent le Comité au courant de la situation qui prévaut dans ce pays, ont estimé la plupart des experts.

Un expert a estimé que la situation en République démocratique du Congo mérite qu'une résolution soit adoptée par le Conseil de sécurité, au delà de la «déclaration du Président» sur cette question. Sans cessez-le-feu, les possibilités de mettre un terme aux massacres sont minces, a souligné un expert.

Résumant, en fin de séance, la discussion sur la République démocratique du Congo, M.Mahmoud Aboul-Nasr a indiqué que le Comité décide de rester saisi de cette question et prie M.Valencia Rodríguez d'essayer de lui soumettre un projet de déclaration ou de décision sur le sujet. Il serait judicieux d'obtenir un complément d'informations auprès du bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), a ajouté le Président du Comité.

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