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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ADOPTE UNE DÉCLARATION SUR LA CRISE ACTUELLE AU MOYEN-ORIENT ET ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'OUGANDA

07 Mars 2003



CERD
62ème session
7 mars 2003
Après-midi



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a adopté, cet après-midi, au titre de la prévention de la discrimination raciale, une déclaration dans laquelle, alarmé par l'aggravation de la situation dans le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001 et par les menaces actuelles de recours à la force au Moyen-Orient, et convaincu que c'est la stabilité du monde et tout le système international de sécurité collective et de protection des droits de l'homme qui sont aujourd'hui menacés, il attire l'attention de la communauté internationale sur les effets dévastateurs d'un recours à la guerre et demande instamment au Conseil de sécurité et à la communauté internationale qu'une solution pacifique soit trouvée à la crise actuelle, dans le respect de l'ordre juridique international qui s'impose à tous.
Entamant par ailleurs l'examen du rapport périodique de l'Ouganda, le Comité a entendu M. Tom Butime, Ministre des affaires étrangères de l'Ouganda, qui a présenté le rapport de son pays en soulignant que la Constitution garantit l'égalité de toutes les personnes devant la loi, ainsi la protection contre toute forme de discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, l'origine ethnique ou tribale. La Constitution garantit en outre l'action affirmative en faveur de groupes marginalisés du fait de déséquilibres historiques, a-t-il précisé. Il a par ailleurs indiqué que la quasi-totalité des Indiens expropriés sous le régime d'Idi Amin a récupéré ses biens et que des indemnisations leur ont été versées.
La délégation ougandaise est également composée de M. Nathan Irumba, Chargé d'affaire à la Mission permanente de l'Ouganda auprès des Nations Unies à Genève ainsi que d'autres représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur et du Secrétariat du MRN (Mouvement de résistance nationale).
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport ougandais, M. Luis Valencia Rodríguez, a estimé que si la Constitution ougandaise a interdit la discrimination raciale, il reste indispensable que se manifeste une ferme décision gouvernementale d'appliquer cette disposition, en particulier en ce qui concerne certains groupes ethniques minoritaires. Il a par ailleurs souligné que l'application de la Convention, entre autres instruments, ne peut être dissociée du conflit civil interne dans le nord et l'est du pays, provoqué en particulier par les actions de l'Armée de résistance du Seigneur. Il a également souligné que l'essentiel de la population ougandaise, et tout spécialement les groupes minoritaires, souffrent d'un manque d'accès à l'éducation. Les enfants réfugiés et déplacés sont confrontés à de graves difficultés en ce qui concerne l'éducation, la santé et les services sociaux, a-t-il ajouté.
Les membres suivants du Comité sont également intervenus: M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Mohamed Aly Thiam, M. Patrick Thornberry, M. Kurt Herndl, M. Régis de Gouttes, M. Marc Bossuyt, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, M. Yuri A.Reshetov, M. Tang Chengyuan, M. Nourredine Amir, M. Agha Shahi. Nombre d'entre eux se sont inquiétés du statut de la Convention dans la législation nationale. Plusieurs experts ont également souhaité obtenir davantage d'informations sur les communautés autochtones et étrangères, demandant notamment à cette fin que leur soient fournies des données, ventilées par groupes ethniques, sur la composition de la population.
Le Comité poursuivra lundi matin, à 10 heures, l'examen du rapport de l'Ouganda en entendant les réponses apportées par la délégation aux nombreuses questions posées cet après-midi par les experts.

Déclaration sur la crise actuelle au Moyen Orient
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a adopté une déclaration aux termes de laquelle, s'exprimant dans le cadre de sa mission de mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; rappelant les dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies, notamment les principes énoncés dans son article 2; alarmé par l'aggravation de la situation dans le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001 et par les menaces actuelles de recours à la force au Moyen-Orient; convaincu que c'est la stabilité du monde et tout le système de sécurité collective et de protection des droits de l'homme construit depuis plus d'un demi-siècle par les Nations Unies qui sont aujourd'hui menacés; rappelant sa condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et de ses effets destructeurs sur les droits de l'homme, il attire l'attention de la communauté internationale sur les effets dévastateurs d'un recours à la guerre, non seulement au plan militaire, économique, politique, social et pour le sort des populations civiles, mais aussi en raison de la recrudescence des phénomènes de discrimination raciale et ethnique, de xénophobie, d'intolérance voire de terrorisme qui ne manqueraient pas d'en résulter. Le Comité demande instamment au Conseil de sécurité et à la communauté internationale qu'une solution pacifique soit trouvée à la crise actuelle, dans le respect de l'ordre juridique international qui s'impose à tous.

Présentation du rapport ougandais
Présentant le rapport de son pays, M. TOM BUTIME, Ministre des affaires étrangères de l'Ouganda, a regretté, au nom de son pays, le retard dans la présentation du rapport, tout en assurant que ce retard ne témoigne en rien d'un manque d'engagement de l'Ouganda en faveur de ses obligations internationales. M. Butime a rappelé que la Constitution de 1995 garantit l'égalité de tous devant la loi, ainsi que la protection contre toute forme de discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, l'origine ethnique ou tribale. La Constitution garantit en outre l'action affirmative en faveur de groupes marginalisés du fait de déséquilibres historiques, a par ailleurs précisé le Ministre. La loi sur la responsabilité pénale, à travers le Code pénal, incrimine le sectarisme, a-t-il ajouté.
M. Butime a également souligné que le processus judiciaire est accessible et ouvert à toutes les personnes relevant de la juridiction ougandaise. Il a précisé que tous les individus, tant les étrangers que les ressortissants nationaux, participent aux élections du comité qui forme les tribunaux informels que sont les conseils locaux. Le système judiciaire officiel, qui comprend, quant à lui, les tribunaux de magistrats, la Haute Cour et la Cour suprême, est également ouvert à tous. La participation aux niveaux inférieurs du conseil local est ouverte à tous, a poursuivi le Ministre avant de faire valoir qu'à ce niveau, même les tribus minoritaires peuvent choisir leur représentant. M. Butime a en revanche reconnu que certains groupes minoritaires, du fait de leur faible poids démographique, ont du mal à se faire représenter aux niveaux supérieurs des districts et du Parlement, bien que l'accès de tous à ce niveau soit également garanti.
Le Ministre des affaires étrangères a d'autre part assuré que le Gouvernement a pris des mesures afin d'assurer que toutes les personnes et tous les groupes raciaux soient libres de participer au développement de leur pays. De nombreux étrangers en Ouganda sont des investisseurs et jouissent à ce titre d'un traitement préférentiel sous forme d'exemptions fiscales.
M. Butime a par ailleurs indiqué que la communauté indienne en Ouganda a pleinement bénéficié de la loi de 1982 sur les expropriations et des réglementations correspondantes datant de 1993. Aujourd'hui, la quasi-totalité des Indiens a récupéré ses biens et des indemnisations ont été versées, a-t-il affirmé. Des écoles et des hôpitaux indiens fonctionnent dans le pays, a-t-il ajouté. Il a également fait observer que de nombreux groupes culturels ont été créés et opèrent dans le pays, tels que l'organisation culturelle ougando-germanique et l'Association ougando-asiatique.
M. Butime a reconnu que si le cadre juridique permettant de répondre aux préoccupations et aux dispositions de la Convention est en place, il reste encore beaucoup à faire en matière d'éducation juridique et civique et de sensibilisation du public aux lois existantes. La question des groupes minoritaires tels que les Batwa est une question que le Gouvernement se doit de traiter plus avant, a également affirmé le Ministre, précisant qu'il existe d'ores et déjà des programmes gouvernementaux destinés à ces groupes.
Les deuxième à dixième rapports périodiques de l'Ouganda, réunis en un seul document (CERD/C/358/Add.1), soulignent que la société ougandaise est multiraciale et multiethnique. La population autochtone est composée de 56 communautés et nationalités qui sont énumérées dans la troisième annexe de la Constitution de 1995. Ces entités sont réparties dans quatre grands groupes ethniques: les Bantous, les Nilotiques, les Nilo-Hamites et les Luos. La population étrangère est composée d'Asiatiques, d'Européens, d'Américains, d'Arabes et aussi d'Africains provenant d'autres pays d'Afrique. La volonté politique du Gouvernement ougandais de défendre les principes énoncés dans la Convention est attestée par les principes consacrés à l'article 21 de la Constitution qui affirme que «toutes les personnes sont égales devant la loi dans tous les domaines de la vie politique, économique, sociale et culturelle et à tous autres égards, et jouissent d'une protection égale de la loi» et que «nul ne peut faire l'objet d'une discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, l'origine ethnique, la tribu, la naissance, la croyance ou la religion, ou encore sur la situation sociale ou économique, l'opinion politique ou une incapacité».
Le rapport indique par ailleurs que le Gouvernement MRN a pris un certain nombre de mesures judiciaires et administratives en vue de remédier aux effets des actes de discrimination raciale perpétrés par le régime militaire du général Amin en 1972, quand le Gouvernement a expulsé et exproprié un grand nombre de personnes d'origine asiatique. Toutefois, un grand nombre d'expropriés n'ont pas pu récupérer leurs biens à cause de l'insécurité et de l'absence à cette époque de mesures administratives adaptées. En 1982, le Gouvernement mis en place par l'Uganda People's Congress (UPC) a promulgué la loi sur les expropriations relative au transfert au Ministère des finances des biens et commerces confisqués sous le régime militaire d'Idi Amin et à la restitution des biens en question à leurs propriétaires précédents. Mais cette loi n'a pas été pleinement mise en œuvre et plusieurs tentatives d'indemniser les anciens propriétaires asiatiques ont été gâchées par la corruption et les pots-de-vin qui ont discrédité le programme d'indemnisation. En 1986, le gouvernement actuel a relancé fortement le processus de restitution et d'indemnisation, créant un mécanisme concret de restitution. En 1991, le Ministère des finances a adopté les règlements sur les expropriations créant le Comité de vérification chargé d'examiner les réclamations des anciens propriétaires asiatiques. Par suite des innovations juridiques mises en œuvre, le nombre de demandes d'indemnisation émanant d'Asiatiques s'est élevé à 626 en décembre 1996. Les biens qui avaient été vendus et dont les anciens propriétaires avaient été indemnisés ont été évalués au 21 août 1996 à 3 millions de dollars des Etats-Unis. Par suite de l'amélioration de la sécurité et des mesures économiques libérales adoptées par le Gouvernement, la communauté asiatique a fait des investissements importants en Ouganda.
Le rapport précise en outre que la loi n°9 de 1988 sur le Code pénal vise à interdire et punir l'intolérance. Les institutions politiques de l'Ouganda telles que le Parlement, l'appareil exécutif, l'appareil judiciaire et les collectivités locales sont composées de personnes issues de toutes les communautés raciales et ethniques de l'Ouganda.

Examen du rapport
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport ougandais, M. Luis Valencia Rodríguez, a rappelé qu'avec une population de plus de 21 millions d'habitants, l'Ouganda compte plus de 40 communautés ethniques distinctes; c'est dire s'il s'agit d'un pays multiracial extrêmement complexe. Il existe notamment dans ce pays des communautés pygmées et d'importants groupes de population d'origine asiatique. Le pays compte également un nombre important de réfugiés provenant des pays voisins, a fait observer M. Valencia Rodríguez. Les conditions générales du pays ne sont pas entièrement satisfaisantes, a-t-il poursuivi, faisant observer que le taux d'alphabétisation est de 54% et que l'instabilité politique est quasi-permanente.
M. Valencia Rodríguez a souhaité savoir si les conseils locaux issus du système judiciaire informel peuvent se saisir de cas de discrimination raciale et s'ils peuvent prononcer des sentences concernant les affaires dont ils sont saisis. Si une nouvelle Constitution a été promulguée en 1995, il n'en demeure pas moins que les libertés d'association et de réunion ont été restreintes et, si l'existence de partis politiques a été autorisée, ceux-ci n'ont pu fonctionner en toute liberté, a ajouté l'expert. M. Valencia Rodríguez s'est par ailleurs enquis des activités de la Commission nationale des droits de l'homme qui sont en relation avec la lutte contre la discrimination raciale et le tribalisme.
Relevant que les instruments internationaux tels que la Convention ne sont pas directement applicables par les tribunaux ougandais, M. Valencia Rodríguez a préconisé l'adoption d'une loi visant à ce que les dispositions de la Convention puissent être directement invocables devant les tribunaux et applicables par eux. Il a affirmé que si la Constitution ougandaise a interdit la discrimination raciale, il reste indispensable que se manifeste une ferme décision gouvernementale d'appliquer cette disposition, en particulier en ce qui concerne certains groupes ethniques minoritaires.
M. Valencia Rodríguez a souligné que l'application des instruments internationaux de droits de l'homme, et de la Convention en particulier, ne peut être dissociée du conflit civil interne dans le nord et l'est du pays, provoqué en particulier par l'Armée de résistance du Seigneur et sa campagne de terreur, de brutalités, d'assassinats et de pillage à l'encontre des populations du nord du pays. Ces actes ont causé des violations des droits des membres de la tribu Acholi, en particulier dans les districts de Gulu et de Kitgum. Des abus ont également été commis contre les membres des tribus Bakonjo et Bamba, dans l'ouest du pays, par le groupe rebelle baptisé Forces alliées démocratiques. En outre, les enlèvements d'enfants aux fins d'enrôlement en tant que soldats ou d'exploitation sexuelle continuent de se produire, même si ces pratiques ont diminué en intensité, a affirmé l'expert. Évoquant l'intervention armée de l'Ouganda en République démocratique du Congo, il a notamment rappelé que les forces ougandaises dans ce contexte sont accusées par certains d'avoir commis des actes de nettoyage ethnique. Il a par ailleurs rappelé que le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans ses résolutions 1304 et 1332 (2000), a demandé au Rwanda et à l'Ouganda de retirer leurs forces du territoire congolais. Les gouvernements ougandais et rwandais n'ont pas obtempéré et ont maintenu leur attitude interventionniste. Toutefois, selon Amnesty International, l'Ouganda a retiré l'essentiel de ses troupes de la République démocratique du Congo conformément aux accords de paix de Lusaka de 1999. Quelques petits contingents de troupes ougandaises sont restés dans les zones frontalières.
S'agissant de l'indemnisation des Ougandais d'origine asiatique expulsés sous le régime militaire d'Idi Amin, M. Valencia Rodríguez a souhaité savoir si de nouvelles mesures étaient prévues afin d'indemniser les victimes de ces expulsions et répondre au nombre croissant de demandes d'indemnisation.
M. Valencia Rodríguez a souhaité obtenir des données ventilées sur la participation de personnes appartenant aux différents groupes ethniques et raciaux aux institutions politiques de l'Ouganda. Il s'est également enquis de la manière dont agit la force mise en place par le Gouvernement pour la protection des groupes ethniques minoritaires. Selon le rapport de Minority Rights Group pour 2001, le taux de chômage est très élevé parmi les groupes ethniques minoritaires, a relevé M. Valencia Rodríguez. Il a également souligné que l'essentiel de la population ougandaise, et tout spécialement les groupes minoritaires, souffrent d'un manque d'accès à l'éducation. En outre, les enfants réfugiés et déplacés sont confrontés à de graves difficultés en ce qui concerne l'éducation, la santé et les services sociaux.
Les membres du Comité se sont réjouis que l'Ouganda ait repris le dialogue après de longues années de silence. Plusieurs d'entre eux se sont ensuite inquiétés du statut de la Convention dans la législation nationale. Nombre d'entre eux ont également souhaité obtenir davantage d'informations sur les communautés autochtones et étrangères, demandant notamment à cette fin que leur soient fournies des données, ventilées par groupes ethniques, sur la composition de la population.
Un membre du Comité s'est enquis de la situation des Batwa qui semblent avoir été chassés des zones forestières afin de permettre la création de parcs nationaux. Un autre expert s'est enquis des procédures pour l'acquisition de la nationalité ougandaise.



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