Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU MALI

20 août 2002



CERD
61ème session
20 août 2002
Après-midi


Il poursuit l'examen d'un projet de recommandations générales
sur la discrimination fondée sur l'ascendance



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé cet après-midi l'examen du rapport du Mali sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité a ensuite repris l'examen d'un projet de recommandations générales sur la discrimination fondée sur l'ascendance, qu'il a entamé ce matin.
Présentant le rapport de son pays, M. Sinaly Coulibaly, Représentant permanent du Mali auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que le Gouvernement du Mali entend ne ménager aucun effort pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Il a souligné que la Constitution du Botswana interdit toute distinction fondée sur la race, l'origine raciale, la couleur ou la religion. Le Mali a toujours condamné la ségrégation raciale ainsi que l'apartheid. M. Coulibaly a par ailleurs attiré l'attention sur la mise en place d'une commission nationale consultative des droits de l'homme qui s'efforce d'éduquer la population aux principes du respect des droits de l'homme.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mali, M. Régis de Gouttes, s'est félicité de la reprise du dialogue avec le Mali, soulignant que ce pays est souvent cité comme l'un des États africains qui, malgré sa situation de pauvreté, a réalisé le plus d'avancées démocratiques, notamment en se dotant d'un grand nombre d'institutions et de textes juridiques protecteurs des droits de l'homme. À cet égard, il a demandé des informations complémentaires s'agissant des bilans d'activité du Médiateur de la République et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il a par ailleurs regretté que le rapport ne fournisse pas d'indications sur l'application des textes existants en matière de protection contre la discrimination et a demandé de plus amples informations sur les plaintes et les poursuites judiciaires constatées en matière d'infractions racistes. Le rapporteur a aussi demandé des informations complémentaires sur la situation des enfants «talibé», le plan national de lutte contre le trafic des enfants, la situation des femmes.
S'agissant de son projet de recommandations générales sur la discrimination fondée sur l'ascendance, le Comité a porté son attention en particulier sur les paragraphes de ce texte par lesquels le Comité recommanderait aux États parties de prévenir, interdire et éliminer les pratiques ségrégationnistes à l'encontre des membres de communautés fondées sur l'ascendance, notamment en matière de logement, d'éducation et d'emploi. Il leur recommanderait d'adopter des mesures spéciales et concrètes en vue de garantir aux membres de ces communautés le droit de participer aux élections, de voter et de se présenter aux élections sur la base d'un suffrage universel et égalitaire. Le Comité demanderait aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les multiples discriminations dont sont victimes les femmes membres de ces communautés.
Les experts suivants ont pris la parole au cours de la séance de cet après-midi : M. Mohamed Aly Thiam, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Nourredine Amir, M. Kurt Herndl, M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Yuri A. Reshetov, M. Patrick Thornberry, M. José Augusto Lindgren Alves, M. Mario Jorge Yutzis, M. Agha Shahi, M. Raghavan Vasudevan Pillai, M. Linos Alexander Sicilianos, M. Morten Kjaerum et M. Marc Bossuyt,
Le Comité se réunira demain à 10 heures afin de conclure son dialogue avec la délégation du Mali.

Présentation du rapport du Mali
Le rapport du Mali (CERD/C/407/Add.2) souligne notamment qu'en ce qui concerne le trafic d'enfants, le Code pénal réprime l'enlèvement, la traite, la mise en gage et la mise en servitude des enfants. Face à l'acuité de la question, souligne le rapport, la Commission nationale de réflexion sur le phénomène de l'adoption internationale et de lutte contre le trafic d'enfants mise en place en août 1998 a fait d'importantes recommandations au Gouvernement. Un plan national d'urgence de lutte contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation pour le travail est en cours d'exécution. Le rapport signale par ailleurs qu'un accord de coopération a été signé avec la Côte d'Ivoire, qui fixe les modalités de rapatriement et d'insertion des enfants victimes de trafic. Il a déjà permis le rapatriement au Mali de 500 enfants pour la période 1999-2000.
Le rapport précise par ailleurs que toutes les personnes résidant dans le pays, qu'elles soient maliennes ou étrangères sont, sauf dispositions légales contraires, égales devant la loi et ont droit, sans distinction aucune, à une égale protection de la loi. Le droit de saisir la justice leur est également garanti.
Le rapport souligne que des dispositions légales répriment les actes de violence et les comportements racistes à l'occasion des activités culturelles et sportives. Ainsi, l'article 179 du Code pénal punit de un à six ans d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 francs ceux qui auront, à l'occasion d'une compétition sportive ou d'une représentation culturelle, incité les spectateurs à la haine ou à la violence, au racisme ou à la xénophobie.
Présentant le rapport du Mali, M. SINALY COULIBALY, Représentant permanent du Mali auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a souligné que le Gouvernement du Mali entend ne ménager aucun effort pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention. Le représentant a déclaré que son pays s'est engagé dans un programme national de lutte contre la pauvreté qui a permis de réaliser des progrès s'agissant de la situation socioéconomique du pays. Il a par ailleurs souligné que la Constitution de 1992 établit une séparation nette entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il a attiré l'attention des membres du Comité sur l'article 2 de la Constitution, qui interdit toute distinction fondée sur la race, l'origine raciale, la couleur ou la religion. La discrimination, a précisé le représentant, est incriminée par le Code pénal. Le Mali a toujours condamné la ségrégation raciale ainsi que l'apartheid. M. Coulibaly a rappelé que le nord du Mali a connu deux rébellions avant de retrouver le calme. À cet égard, il a insisté sur la mise en place d'une agence pour le développement intégré du Nord. Il a par ailleurs déclaré que toutes les personnes, maliennes ou étrangères, ont droit à une égale protection devant la loi. Les juridictions sont compétentes pour connaître des atteintes à ce principe d'égalité.
Le Mali dispose d'une cour constitutionnelle qui garantit les droits fondamentaux des citoyens maliens. Le représentant a souligné la mise en place d'une commission nationale consultative des droits de l'homme qui s'efforce d'éduquer la population aux principes du respect des droits de l'homme. Il a par ailleurs évoqué la mise en œuvre d'un programme national visant à l'amélioration de la qualité du service public de la justice. Le représentant malien a assuré les membres du Comité que sa délégation sera très attentive aux observations qu'ils feront au cours de l'examen du rapport.

Examen du rapport du Mali
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mali, M. RÉGIS DE GOUTTES, a déclaré que la reprise du dialogue avec le Mali est d'autant plus appréciée que ce pays bénéficie d'une réputation exemplaire dans cette région du monde et se voit souvent citer comme l'un des États africains qui, malgré sa situation de pauvreté, a réalisé le plus d'avancées démocratiques. L'examen du rapport présenté par le Mali nous apprend que ce pays est un véritable confluent ethnique, une mosaïque de peuples et une zone de contact entre plusieurs civilisations, a souligné M. de Gouttes. Il apparaît également que la notion de minorité ethnique est très relative au Mali et qu'elle peut s'appliquer aussi bien à des groupes socio-ethniques blancs ou noirs qu'à des sédentaires ou à des nomades.
Le rapporteur a affirmé qu'à l'occasion de la discussion thématique des 8 et 9 août derniers sur la discrimination fondée sur l'ascendance et la question des castes, il a été fait état de la survivance de phénomènes comparables à ceux des castes dans cette région de l'Afrique. Aussi, le rapporteur a-t-il demandé à la délégation de faire part de ses commentaires sur ces informations. Le Gouvernement du Mali a-t-il, le cas échéant, pris des mesures pour réduire de telles pratiques sociales discriminatoires?
M. de Gouttes a ensuite attiré l'attention sur les progrès réalisés ces dix dernières années par le Mali dans le domaine des institutions démocratiques. Il a notamment attiré l'attention sur la mise en place d'une cour constitutionnelle, d'un conseil supérieur de la communication, d'un comité national d'accès aux médias de l'État, d'une commission nationale consultative des droits de l'homme, tandis que le rôle des organisations non gouvernementales et des associations de protection des droits de l'homme s'est considérablement accru. À cet égard, il serait intéressant, a estimé le rapporteur, que la délégation fournisse des informations plus complètes sur le bilan d'activités du Médiateur de la République et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il serait également intéressant que la délégation informe le Comité des suites qui ont été données à la mission du Haut Commissariat aux droits de l'homme d'octobre 1997 qui avait identifié six domaines d'action prioritaires à développer en matière de droits de l'homme. Le rapporteur a par ailleurs souligné que le Comité attache le plus grand intérêt au programme national de lutte contre la pauvreté. Il serait utile, a-t-il estimé, que le contenu de ce programme soit exposé plus complètement et qu'un premier bilan de cette expérience puisse être dressé par la délégation malienne.
Les textes constitutionnels et législatifs maliens consacrant le droit à l'égalité et interdisant toutes les formes de discriminations semblent répondre aux exigences de l'article 4 de la Convention, même s'il n'existe pas d'incrimination spécifique de la diffusion d'idées racistes, ni de circonstances aggravantes générales visant toutes les infractions motivées par des motivations raciales, a poursuivi M. de Gouttes. Il a par ailleurs regretté qu'en dépit d'une bonne présentation des textes existants, le rapport ne fournisse pas d'indications sur l'application de ces textes, pourtant essentielles pour évaluer l'efficacité du dispositif de lutte contre la discrimination raciale ou ethnique. Le rapporteur a ensuite déclaré que l'important pour le Comité n'est pas tant l'énumération des dispositions concernant les différents droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, que les indicateurs socio-économiques permettant d'apprécier la situation des groupes sociaux les plus exposés à la marginalisation et par conséquent aux risques de discrimination raciale ou ethnique. Aussi, le prochain rapport devrait-il mettre davantage l'accent sur ces points, a-t-il suggéré.
Le rapporteur a ensuite demandé à la délégation malienne une série d'informations complémentaires sur la situation des enfants «talibé», le plan national de lutte contre le trafic des enfants, la situation des femmes. Il a par ailleurs demandé à la délégation de donner de plus amples informations sur les plaintes et les poursuites judiciaires enregistrées en matière d'infractions racistes. Il a également demandé à la délégation de décrire les efforts déployés par le Gouvernement malien pour porter remède aux disparités entre les populations rurale et urbaine. M. de Gouttes a ensuite évoqué la perpétuation d'une coutume originale du nom de «sinangouya» qui permet aux différentes ethnies de se tourner en dérision. Cette pratique, s'est-il demandé, ne risque-t-elle pas, compte tenu des préjugés de castes qui subsistent ça et là, d'avoir des effets pervers ?
Un autre membre du Comité a attiré l'attention du Comité sur la situation tragique de certains enfants maliens qui font l'objet d'un véritable trafic. Il a noté qu'un accord aurait été signé avec la Côte d'Ivoire sur cette question et a souhaité des précisions à cet égard. Qu'entend faire le Gouvernement malien pour lutter contre ce phénomène tout à fait effroyable ? L'expert a par ailleurs demandé à la délégation de préciser les mesures prises par le Gouvernement malien pour lutter contre l'épidémie de sida.
Un expert a souligné que le Mali est un des pays les plus pauvres du monde, ce qui, a-t-il fait remarquer, conditionne très certainement l'application qui y est faite de la Convention. L'expert a demandé des informations complémentaires concernant le fonctionnement de l'institution du Médiateur de la République et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. À cet égard, il a demandé si ces institutions pouvaient connaître de requêtes intentées par des justiciables et fondées sur actes de discriminations raciales. Plus généralement, il a demandé davantage d'information sur les voies de recours judiciaires dont disposent les Maliens pour obtenir réparation en cas d'atteintes discriminatoires à leurs droits.

Examen du projet de recommandations générales sur la discrimination fondée sur l'ascendance
Aux termes des paragraphes d'un projet de recommandations générales sur la discrimination fondée sur l'ascendance examinés cet après-midi, le Comité demanderait aux États parties d'identifier les communautés victimes de discriminations fondées sur la caste et autres systèmes analogues. Le Comité recommanderait aux États d'envisager d'incorporer à leur constitution un amendement interdisant explicitement la discrimination fondée sur l'ascendance. Il inviterait notamment les États à prendre des mesures spéciales en faveur des groupes et communautés victimes de ce type de discrimination afin qu'ils puissent jouir de leurs droits de l'homme et de leurs libertés fondamentales, particulièrement en ce qui concerne l'accès aux fonctions publiques, à l'emploi et à l'éducation.
S'agissant plus particulièrement des discriminations multiples contre les femmes membres de communautés victimes de discrimination fondée sur l'ascendance, le Comité demanderait aux États parties de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les multiples discriminations dont elles sont victimes.
Aux termes de ce projet, le Comité recommanderait aux États de contrôler et de rendre compte des tendances qui aboutissent à la ségrégation des communautés fondées sur l'ascendance et d'œuvrer à l'élimination des conséquences négatives qui résultent d'une telle ségrégation. Le Comité recommanderait aux États parties de prévenir, interdire et éliminer les pratiques ségrégationnistes à l'encontre des membres de communautés fondées sur l'ascendance, y compris en matière de logement, d'éducation et d'emploi. Le Comité recommanderait par ailleurs aux États parties de prendre des mesures contre la diffusion d'idées fondées sur la haine raciale, y compris par le biais des médias et de l'internet. Le Comité recommanderait aux États de prendre des mesures pour garantir un accès égal à la justice à tous les membres des communautés fondées sur l'ascendance.
Si le Comité devait adopter ce texte, les États seraient priés d'adopter des mesures spéciales et concrètes en vue de garantir aux membres de ces communautés le droit de participer aux élections, de voter et de se présenter aux élections sur la base d'un suffrage universel et égalitaire. Le Comité recommanderait aux États de définir, adopter et mettre en œuvre des programmes de développement économique et social au bénéfice des membres des communautés fondées sur l'ascendance.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :