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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT POLONAIS

14 Mars 2003



CERD
62ème session
14 avril 2003
Après-midi



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen des quinzième et seizième rapports périodiques de la Pologne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Sylweriusz Krolak, Sous-Secrétaire d'État au Ministère de la justice de la Pologne, a souligné que la Constitution de1997 met l'accent sur l'égalité de tous devant la loi ainsi que sur l'accès égal des citoyens aux services publics. Elle introduit une interdiction de la discrimination dans tous les aspects de la vie politique, sociale et économique du pays. Pour la première fois, la Constitution garantit les droits des minorités nationales, y compris le droit de conserver et de développer leurs propres langues ainsi que le droit de maintenir leurs coutumes et traditions; le droit d'établir leurs propres institutions éducatives et culturelles; ainsi que le droit de maintenir des institutions destinées à préserver leur identité religieuse.
M. Krolak a par ailleurs mis l'accent sur le Programme pilote du Gouvernement pour les communautés rom de la province de Malopolska pour les années 2001-2003 actuellement mis en œuvre en Pologne. Ces deux dernières années, la situation des élèves d'origine rom s'est considérablement améliorée, a-t-il assuré. Il a en outre rappelé que depuis 1998, le Gouvernement polonais reconnaît la compétence du Comité au titre de l'article 14 de la Convention, concernant la présentation de plaintes.
La délégation polonaise est également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'économie, du travail et des affaires sociales; du Ministère de l'éducation et des sports; du Ministère de la culture; du Ministère de la santé; ainsi que du Bureau du Plénipotentiaire pour la parité entre les sexes.
Tout en soulignant l'importance des dispositions de la législation pénale polonaise relatives à l'interdiction des organisations propageant des idées de haine ou d'intolérance, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport polonais, M. Yuri A.Reshetov, a déclaré que d'après les informations fournies par diverses organisations non gouvernementales, des groupes propageant des idées de haine raciale ou d'intolérance agissent sans que les organes de répression ne prennent les mesures requises pour les interdire. Notant par ailleurs que la Pologne connaît des manifestations de racisme à l'égard des Tziganes ainsi que des manifestations d'antisémitisme, il a estimé que la lutte contre de tels sentiments ne semble pas être menée de manière suffisamment constante.
Les membres suivants du Comité sont également intervenus: M. Luis Valencia Rodríguez, M. Régis de Gouttes, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, M. José A. Lindgren Alves, M. Mario Jorge Yutzis, M. Tang Chengyuan, M. Mohamed Aly Thiam, M. Ion Diaconu, M. Nourredine Amir, M. Patrick Thornberry.
Le Comité poursuivra lundi matin, à 10 heures, l'examen du rapport de la Pologne en entendant les réponses apportées par la délégation aux questions posées cet après-midi par les experts.

Présentation du rapport polonais
Présentant le rapport de son pays, M. SYLWERIUSZ KROLAK, Sous-Secrétaire d'État au Ministère de la justice de la Pologne, a souligné que la période couverte par ce rapport et la période écoulée depuis son élaboration ont été caractérisées par la poursuite d'intenses transformations sociales et juridiques en Pologne. Tout d'abord, une nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 17 octobre 1997 qui met l'accent sur l'égalité de tous devant la loi ainsi que sur l'accès égal des citoyens aux services publics et qui introduit une interdiction de la discrimination dans tous les aspects de la vie politique, sociale et économique du pays, tout en garantissant l'égalité de statut des églises et des communautés religieuses. Pour la première fois dans l'histoire du pays, la Constitution garantit les droits des minorités nationales, y compris le droit de conserver et de développer leurs propres langues ainsi que le droit de maintenir leurs coutumes et traditions; le droit d'établir leurs propres institutions éducatives et culturelles; ainsi que le droit de maintenir des institutions destinées à préserver leur identité religieuse.
M. Krolak a par ailleurs indiqué qu'un recensement de la population et des ménages a été effectué au printemps 2002 qui intégrait des questions liées à la nationalité. Il a en outre souligné que d'importantes modifications ont été apportées à la législation polonaise afin de garantir l'accès des minorités nationales et raciales à l'apprentissage de leur langue maternelle et à l'éducation dans leur langue maternelle. Le Sous-Secrétaire d'État a fait observer que le rapport de son pays ne contient pas d'informations sur le Programme pilote du Gouvernement pour les communautés rom de la province de Malopolska pour les années 2001-2003 actuellement mis en œuvre en Pologne, dont les composantes ont essentiellement trait à l'amélioration de la condition matérielle et sociale de ces communautés; à la santé; à la lutte contre le chômage, à la sécurité et à la culture, avec une attention spéciale pour les projets éducatifs. Ces deux dernières années, la situation des élèves d'origine rom s'est considérablement améliorée, a assuré M. Krolak, qui a notamment fait valoir que la scolarisation au sein de cette communauté s'est accrue et que le niveau atteint par ces élèves s'est amélioré.
M. Krolak a par ailleurs mis l'accent sur les activités du Groupe de travail pour les minorités nationales qui est un organe consultatif auprès du Premier Ministre et fait office de forum entre l'administration du Gouvernement et les représentants des minorités nationales et ethniques. Ce Groupe de travail comporte un sous-groupe pour l'éducation des minorités nationales et un autre pour les Roms.
M. Krolak a par ailleurs fait observer que le rapport de la Pologne et les observations finales adoptées par le Comité à l'issue de l'examen de la situation dans le pays au regard de la Convention ont fait l'objet d'une publicité via le site internet du Ministère de la justice. Le projet de rapport a quant à lui donné lieu à des consultations avec les organisations non gouvernementales de droits de l'homme telles qu'Amnesty International, la Fondation Helsinki des droits de l'homme et le Centre pour les droits des femmes.
En juin 2002, a poursuivi M. Krolak, le Gouvernement a décidé d'élargir le domaine de compétences du Plénipotentiaire du Gouvernement pour l'égalité entre hommes et femmes aux questions concernant, notamment, la prévention de la discrimination raciale et nationale. L'une des tâches confiées au Plénipotentiaire consiste à établir un bureau de prévention de la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, la religion, la croyance, l'âge et l'orientation sexuelle.
S'agissant de la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'emploi, le Sous-Secrétaire d'État a précisé que depuis le 1er janvier 2002, la réglementation relative à l'interdiction de la discrimination dans le domaine du travail a été étendue pour couvrir également l'interdiction de la discrimination, directe comme indirecte, au cours de l'emploi, en particulier lorsque celle-ci est fondée sur le sexe, l'âge, le handicap, la race, la nationalité, la croyance et l'appartenance à un syndicat. Le 25 novembre 2002, le Gouvernement a soumis au Sejm (la chambre basse du parlement) un projet d'amendement du Code du travail qui intégrerait notamment la notion de discrimination directe et définirait précisément la notion de discrimination indirecte.
Conformément à la directive du 28 septembre 1998, le Gouvernement polonais reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes) émanant d'individus ou de groupes d'individus relevant de la juridiction de la Pologne qui se disent victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention. Le 16 octobre 1997, le Gouvernement polonais a en outre notifié au Secrétaire général des Nations Unies qu'il retirait la réserve que le pays avait émise à l'égard de l'article 22 de la Convention (réserve par laquelle il rejetait la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice).
Les quinzième et seizième rapports périodiques de la Pologne, réunis en un seul document (CERD/C/384/Add.6), soulignent que la Constitution garantit aux citoyens polonais appartenant à des minorités nationales et ethniques la liberté de conserver et de cultiver leur langue et de préserver les coutumes et traditions propres à leur culture. Ils ont le droit de mettre en place des établissements scolaires et institutions culturelles ayant pour objet de préserver leur identité religieuse, ainsi que de participer au règlement des questions touchant à leur identité culturelle. Du point de vue de la Convention, l'une des dispositions constitutionnelles les plus importantes figure à l'article 32 de la Constitution, qui stipule que tous sont égaux devant la loi et ont droit à un traitement égal de la part des autorités, et que nul ne doit être traité de manière discriminatoire dans la vie politique, sociale ou économique pour quelque raison que ce soit. Toute atteinte à ces droits et à d'autres droits des personnes et des citoyens est contraire à la Constitution et est considérée comme une infraction. Le rapport précise que les minorités nationales ne constituent qu'une faible proportion de la société polonaise, de l'ordre de 2,2 à 2,5%. Les trois minorités les plus nombreuses sont l'allemande, la bélarussienne et l'ukrainienne. Un autre groupe se compose de Lemkowie, dont certains membres se considèrent comme appartenant à la nation ukrainienne cependant que d'autres affirment constituer une nation distincte des Ukrainiens. Les Lituaniens et les Slovaques comptent environ 20 000 personnes chacun, les Juifs environ 15 000, les Russes de 10 000 à 13 000 personnes. Les autres minorités, qui comptent moins de 10 000 personnes, sont les Arméniens, les Grecs et Macédoniens, les Tchèques, les Tartares, les Karaïtes .
La Commission parlementaire sur les minorités nationales et ethniques est en train de préparer un projet de loi sur les minorités nationales dont l'un des aspects les plus importants concerne le droit des minorités nationales de faire usage de leur langue. À l'heure actuelle, le polonais est la seule langue officielle de la Pologne, d'autres langues n'étant admises qu'en vertu de dispositions du Code de procédure administrative, du Code de procédure civile et du Code de procédure pénale.
La Constitution exclut l'existence de tout parti politique ou autre organisation dont le programme serait fondé sur des méthodes totalitaires et sur le nazisme, le fascisme et le communisme, ainsi que ceux dont le programme ou les activités supposent ou incitent à la haine raciale ou nationale. En outre, le Code pénal dispose que quiconque fait partie d'un groupe organisé ou d'une association ayant pour objectif de commettre des infractions encourt une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans. Le Code pénal dispose en outre que quiconque recourt à la violence ou profère des menaces à caractère illicite contre un groupe de personnes ou contre un individu en raison de leur appartenance nationale, ethnique, politique ou religieuse, ou en raison de leur absence de conviction religieuse, encourt une peine d'emprisonnement d'une durée de trois mois à cinq ans. Chaque année des poursuites pénales sont engagées au sujet de violations des dispositions qui stipulent l'interdiction de la discrimination, indique le rapport. Dans la majorité des cas, précise-t-il, les poursuites sont abandonnées, au motif le plus souvent que les auteurs des délits considérés ne peuvent pas être repérés. Cependant, certaines affaires ont abouti à des inculpations. En 1997, 13 inculpations ont été portées devant les tribunaux et quatre personnes ont été condamnées à des peines allant de six mois à plus d'une année de privation de liberté.
Depuis 1999, toutes les écoles publiques des minorités nationales sont gérées par des organes des administrations locales et financées avec les fonds reçus au titre des crédits généraux pour l'éducation, prévus sur une base annuelle dans la loi budgétaire. En Pologne, des langues minoritaires sont enseignées en tant que langues maternelles à plus de 37 000 personnes dans 532 établissements. Le problème des enfants tsiganes doit être exposé séparément car la réalisation des droits de ce groupe d'élèves exige des mesures distinctes : en raison de la diversité de la communauté tsigane en Pologne, il est difficile d'organiser un enseignement dans la langue maternelle de cette minorité, explique le rapport. C'est seulement dans certaines régions que des cours dits ethniques en langue rom sont organisés au niveau de l'enseignement primaire. Le plus grand problème de l'éducation des enfants tsiganes est leur connaissance médiocre de la langue polonaise, qui est la cause de nombreuses situations d'échec scolaire parmi eux.

Examen du rapport polonais
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Pologne, M. YURI A. RESHETOV, a jugé riche le contenu du rapport présenté par la Pologne et s'est réjoui de la qualité de la délégation que ce pays envoie aujourd'hui devant le Comité. Il s'est également réjoui que le Gouvernement polonais ait renoncé à la réserve que le pays avait émise à l'égard de l'article 22 de la Convention. M. Reshetov a rappelé que c'est en 1997 que le Comité avait examiné le précédent rapport de la Pologne et que d'importants changements sont intervenus dans le pays depuis cette date. Dans ses conclusions en 1997, le Comité avait parlé de certains actes de violence à l'encontre des Tziganes et des Juifs et s'était enquis des mesures prévues pour punir et prévenir ce type d'actions, a rappelé M. Reshetov. Le Comité avait également émis l'espoir que s'améliore la pratique en ce qui concerne la possibilité pour les membres des minorités nationales, en particulier les Tziganes, d'obtenir un logement et un travail, a ajouté le rapporteur. Relevant que le rapport aujourd'hui présenté par la Pologne affirme que les principes énoncés dans la Convention et ceux énoncés dans la Constitution concordent totalement, M. Reshetov a estimé qu'il est d'une manière générale, et ce quelles que soient les circonstances, un peu difficile d'admettre que l'on parle de concordance entière et complète avec la Convention.
M. Reshetov a d'autre part voulu savoir si la société civile, incarnée par les ONG, a participé à l'élaboration du rapport aujourd'hui présenté par la Pologne. S'agissant du statut de la Convention dans le droit interne, le rapporteur a relevé que le rapport affirme que cet instrument est d'application directe en Pologne. Il serait toutefois judicieux que la Pologne fournisse des informations sur des cas concrets où des tribunaux voire la cour suprême auraient invoqué des dispositions de la Convention.
S'agissant des minorités nationales, M. Reshetov a mis l'accent sur les changements considérables intervenus en Pologne sur le plan de la composition de la population au cours du demi-siècle écoulé. M. Reshetov a relevé que la prochaine rencontre entre la Pologne et le Comité devrait fournir l'occasion d'en savoir davantage sur le projet de loi sur les minorités que la Commission des minorités nationales et ethniques est en train d'élaborer.
Tout en jugeant importantes les dispositions de la législation pénale polonaise relatives à l'interdiction des organisations propageant des idées de haine ou d'intolérance, M. Reshetov a indiqué que d'après les informations fournies par diverses ONG, de telles organisations existent et agissent sans que les organes de répression ne prennent les mesures requises pour les interdire.
Notant que les manifestations de racisme à l'égard des Tziganes ainsi que les manifestations d'antisémitisme existent en Pologne, M. Reshetov a estimé que la lutte contre de tels sentiments ne semble pas être menée de manière suffisamment constante.
M. Reshetov a par ailleurs estimé que la question de l'éducation des enfants appartenant à des minorités nationales n'est toujours pas résolue en Pologne. Qu'en est-il de la gratuité de cet enseignement, a-t-il demandé? Selon diverses ONG, a-t-il fait observer, des difficultés subsistent en ce qui concerne l'organisation d'un enseignement spécifique pour les enfants tziganes dont il est dit qu'ils maîtrisent mal la langue polonaise. Les efforts déployés pour leur enseigner la langue polonaise ne doivent pas aboutir à une ségrégation à l'encontre de ces enfants par laquelle ils seraient maintenus à des niveaux d'éducation inférieurs.
En fin de compte, a conclu M. Reshetov, si d'importants changements positifs sont intervenus en Pologne, on conserve l'impression que certaines observations du Comité n'ont pas été suivies d'effet et restent donc valides, en particulier en ce qui concerne l'interdiction des organisations propageant des idées racistes, la prévention de l'incitation à la haine raciale et la sanction concrète des actes de vandalisme et des agressions à motivation raciale.
Tout en relevant les nombreuses dispositions législatives polonaises visant la prévention et la lutte contre la discrimination raciale, plusieurs membres du Comité ont indiqué avoir eu connaissance d'informations concernant des actes de discrimination perpétrés dans le pays à l'encontre des Roms et des Juifs.
La législation en place en Pologne semble répondre pour l'essentiel aux exigences de la Convention, a estimé un expert avant de relever que, néanmoins, le Code pénal n'incrimine pas spécifiquement les organisations tendant à la discrimination raciale. Ce même membre du Comité a fait état d'informations émanant de plusieurs organisations non gouvernementales qui témoignent de la subsistance de problèmes sérieux de manifestations de racisme et d'intolérance en Pologne, y compris s'agissant de propos à caractère raciste tenus par certains partis politiques. Selon certaines informations, les événements de Tchétchénie auraient eu pour effet de produire un flux massif de réfugiés tchétchènes en Pologne, a poursuivi cet expert. Aussi, s'est-il enquis de la situation de ces réfugiés. Il s'est également enquis de la législation éventuellement adoptée par la Pologne en matière de lutte contre le terrorisme.
Un membre du Comité a invité les autorités polonaises à parler de «besoins» des minorités plutôt que du «problème» des minorités comme elles le font dans le rapport lorsqu'elles parlent, par exemple, de «problème des enfants tziganes». Le choix de la terminologie dans ce contexte ne manquera pas d'influencer la manière dont les autorités aborderont ces questions, a estimé cet expert.



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