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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA BELGIQUE

13 mars 2002



CERD
60ème session
13 mars 2002
Après-midi



Il poursuit l'adoption de ses observations finales
concernant le rapport de la Suisse


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du treizième rapport périodique de la Belgique concernant les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En fin de séance, le Comité a également poursuivi l'adoption de ses observations finales concernant le rapport de la Suisse.

À cet égard, le Comité se dit vivement préoccupé par la persistance en Suisse d'attitudes ou de sentiments négatifs à l'égard des Noirs, des musulmans et des requérants d'asile. Le Comité fait également part de sa préoccupation face à la mise en place de classes distinctes pour les élèves étrangers dans certains cantons. Les allégations de violence policière et de recours excessif à la force contre des personnes d'origine étrangère au cours de leur arrestation ou durant leur renvoi préoccupent également au plus haut point le Comité.

Présentant le rapport de la Belgique, M. Jean-Marie Noirfalisse, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a notamment indiqué que l'adoption de mesures concernant les partis politiques antidémocratiques est devenue une priorité et qu'une législation concernant le financement de tels partis est en voie d'élaboration. Il a également indiqué qu'un projet de loi est en cours d'élaboration afin de renforcer la loi de 1981 réprimant certains actes racistes et la loi de 1995 concernant la répression du négationnisme. Un arrêté royal de février 2000 dispense de permis de travail les étrangers régularisés, a-t-il rappelé.

La délégation belge est également composée de représentants du Ministère de l'emploi et du travail, du Ministère de l'intérieur (Office des étrangers), du gouvernement fédéré de la Flandre, des gouvernements fédérés de la Communauté française et de la Wallonie, ainsi que de représentants de la Mission permanente de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève.

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport belge, M. Ion Diaconu, a estimé que l'adoption d'une loi d'ensemble sur la discrimination raciale serait le meilleur moyen de résoudre le problème de l'applicabilité directe des dispositions de la Convention et de leur primauté sur celles du droit interne. L'expert a regretté que le pays n'ait fourni aucune information concernant des actes d'incitation à la discrimination raciale et des actes de violence à motivation raciale alors que plusieurs sources font état de l'existence de tels actes, s'agissant notamment d'une Nigériane et d'un Albanais morts en détention ainsi que d'autres cas mentionnés par Amnesty International. M. Diaconu a par ailleurs relevé qu'en Belgique aussi, les réactions racistes et xénophobes se sont accrues à l'encontre de la communauté musulmane suite aux événements du 11 septembre dernier. L'expert a d'autre part fait état de rapports attestant de l'existence de discriminations en matière d'emploi sur la base de l'appartenance ethnique.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité achèvera son dialogue avec la délégation de la Belgique.


Présentation du rapport de la Belgique

Présentant le rapport de son pays, M. JEAN-MARIE NOIRFALISSE, Représentant permanent de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que «c'est par la mise en œuvre de la Déclaration de Durban et de son Programme d'action qu'il faudra mesurer l'effort accompli et maintenir la vigilance contre l'hydre raciste, contre toutes les tentatives de rejet de l'autre, de sa différence perçue ou réelle, et contre toutes les formes d'intolérance et de discrimination». La diversité culturelle reste un atout dont la société doit assurer la promotion et la valorisation, a insisté le Représentant permanent.

M. Noirfalisse a souligné que c'est le Centre pour l'égalité des chances et de la lutte contre le racisme qui est devenu le point focal pour la préparation des rapports au Comité. Il a rappelé que le pays a adopté en novembre 2000 une loi sur la criminalité informatique, notamment via internet. À la suite des recommandations du Comité, l'adoption de mesures concernant les partis politiques antidémocratiques est devenue une priorité et une législation concernant le financement de tels partis est en voie d'élaboration, a également indiqué M. Noirfalisse. Le Représentant permanent a par ailleurs souligné qu'un projet de loi est en cours d'élaboration afin de renforcer la loi de 1981 réprimant certains actes racistes et la loi de 1995 concernant la répression du négationnisme.

En ce qui concerne l'accès au territoire, l'accueil, le séjour et l'éloignement de ressortissants étrangers, M. Noirfalisse a notamment rappelé que des mesures ont été prises pour améliorer le statut des étrangers, leur participation aux élections locales et l'accès à la nationalité belge. Afin de lutter, entre autres, contre les «marchands de sommeil», la loi de janvier 2001 organise en outre la répression des abus de la position vulnérable d'un étranger en matière de logement, a-t-il ajouté. Il a également précisé qu'un arrêté royal de février 2000 dispense de permis de travail les étrangers régularisés. «Progressivement, on s'oriente d'ailleurs à terme vers une dispense quasi générale de ces permis puisque déjà les ressortissants de l'Espace économique européen et les ressortissants étrangers qui résident en Belgique depuis cinq ans en bénéficient», a déclaré le Représentant permanent.

M. Noirfalisse a indiqué que le gouvernement belge a décidé d'articuler sa politique d'asile sur des mesures consistant notamment à traiter en premier lieu les nouvelles demandes et d'en accélérer le traitement. Le gouvernement a également engagé une opération de régularisation à grande échelle des étrangers en situation irrégulière ou précaire ou dont la situation de demandeurs d'asile était en attente depuis trop longtemps (loi de janvier 2000). Cinquante mille personnes étaient concernées, a précisé M. Noirfalisse, qui a précisé que 96% des 36 000 demandes de régularisation présentées ont déjà fait l'objet d'une décision, positive dans 80% des cas.


Le treizième rapport périodique de la Belgique (CERD/C/381/Add.1) souligne que l'application des législations existantes en matière de racisme a posé de sérieux problèmes lorsque les délits sont commis au moyen de supports écrits, reproduits et publiés étant donné qu'ils constituent alors des délits de presse qui, conformément à l'ancien article 150 de la Constitution, ne pouvaient être poursuivis que devant la cour d'assises. La situation était donc celle d'une impunité de fait pour ce type de délits, seules deux affaires de ce genre ayant donné lieu à une procédure d'assises. L'article 150 de la Constitution a donc été modifié en 1999 et prévoit désormais une exception à la compétence de la cour d'assises en matière de délits de presse pour ceux de ces délits qui sont inspirés par le racisme et la xénophobie. Ainsi, le tribunal correctionnel pourra désormais connaître non seulement des délits de presse pouvant être sanctionnés en vertu de ladite loi, mais aussi d'autres délits de presse comme la calomnie et la diffamation ou le négationnisme, s'il apparaît qu'ils sont inspirés par le racisme ou la xénophobie. Il est espéré que cette modification constitutionnelle permettra de poursuivre de manière satisfaisante les auteurs de ce type de délit.

Le rapport indique par ailleurs que la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques prévoit un financement essentiellement public des partis. La loi du 10 avril 1995 a introduit une disposition qui a pour objectif de réserver le bénéfice de la dotation aux seuls partis qui ont inclus une disposition dans leurs statuts ou dans leurs programmes par laquelle ils s'engagent à respecter les droits reconnus dans la Convention européenne des droits de l'homme. Si tous les partis politiques ont satisfait à cette obligation en inscrivant cet engagement dans leurs statuts, cela n'a pas empêché certains d'éditer et de distribuer des tracts et publications et autres à connotation raciste et xénophobe et de ne pas être sanctionnés financièrement. Des propositions de loi ont été déposées en vue de clarifier la situation et de proposer un système quelque peu différent, poursuivant toujours l'objectif de sanctionner financièrement les partis politiques qui commettent des actes inspirés par le racisme ou la xénophobie avec les deniers publics.

Le rapport souligne que contrairement aux recommandations formulées lors des précédentes conclusions du Comité suite à l'examen des rapports présentés par les États parties conformément à la Convention, il n'est actuellement pas envisagé de modifier l'article 18 bis de la loi du 15 décembre 1980 qui permet au Roi d'interdire, sous certaines conditions, à certaines catégories d'étrangers de séjourner ou s'établir dans certaines communes.


Examen du rapport de la Belgique

La délégation de la Belgique, par la voix d'une représentante du Gouvernement de la Flandre, a indiqué que le gouvernement flamand a engagé une politique visant à supprimer les retards scolaires chez les immigrés. Près de huit mille élèves sont concernés par le programme mis en place à cette fin, a-t-elle indiqué avant de préciser que l'accès à l'éducation est aussi assuré pour les mineurs sans papiers.

Un représentant du Gouvernement de la communauté française et de la région wallonne a pour sa part indiqué que la région wallonne soutient un certain nombre d'actions visant l'intégration sociale des étrangers, notamment par le biais de la création de centres régionaux chargés de promouvoir, entre autres, l'information et la formation des étrangers. À cet égard, il convient d'ajouter qu'en 2001, quelque 200 projets associatifs ont été soutenus au niveau de la région wallonne.

Le Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport belge, M. ION DIACONU, a relevé que ce rapport fait état d'une évolution notable, tant sur le plan intérieur que sur le plan international, depuis la présentation du précédent rapport de ce pays. En effet, sur le plan intérieur, la Constitution a été modifiée en transférant aux tribunaux correctionnels la poursuite des délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie.

M. Diaconu a souhaité obtenir des données mises à jour sur la structure de la population résidant en Belgique. Lorsque le terme «nomades» est employé, s'agit-il de Roms, s'est par ailleurs enquis l'expert.

En dépit de la décision de la Cour de cassation de 1971 qui a affirmé la primauté des normes des traités internationaux ayant des effets directs en droit interne sur les normes nationales même postérieures, ce sera toujours aux juges belges de décider si une disposition de la Convention est directement applicable et donc si elle prime sur le droit interne. Une loi d'ensemble sur la discrimination raciale serait le meilleur moyen de résoudre le problème, a estimé M. Diaconu.

M. Diaconu a par ailleurs souhaité savoir s'il existe en Belgique des tendances à la ségrégation, surtout dans les grandes villes et, le cas échéant, comment les autorités s'y prennent pour prévenir un tel phénomène.

L'expert a rappelé qu'il revient aux autorités belges de rejeter le discours raciste et xénophobe des partis de l'extrême droite belge et d'éliminer la perception selon laquelle les immigrants et les réfugiés seraient la cause du mal tout en évitant les attitudes qui nourrissent une telle perception.

M. Diaconu a regretté que le pays n'ait fourni aucune information concernant des actes d'incitation à la discrimination raciale et des actes de violence à motivation raciale alors que plusieurs sources font état de l'existence de tels actes. Il a mentionné à cet égard les cas d'une Nigériane et d'un Albanais morts en détention ainsi que d'autres cas mentionnés par Amnesty International. Il est par ailleurs regrettable que la seule sanction envisagée pour lutter contre les partis politiques commettant des actes de propagande raciste soit financière (suppression de tout ou partie de la dotation qui leur est allouée).

M. Diaconu a par ailleurs relevé qu'en Belgique aussi – même si le phénomène est peut-être moins aigu que dans d'autres pays d'Europe de l'Ouest – les réactions racistes et xénophobes se sont accrues à l'encontre de la communauté musulmane suite aux événements du 11 septembre dernier.

M. Diaconu a par ailleurs fait état de rapports émanant de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui attestent de l'existence de discriminations en matière d'emploi sur la base de l'appartenance ethnique, en particulier à l'égard des jeunes d'origine marocaine. D'autres informations font état de discriminations contre les non-Belges dans certains secteurs des services publics alors qu'une étude de l'OIT relevait des discriminations contre les immigrants dans le secteur privé.

À l'instar de M. Diaconu, plusieurs experts se sont félicités que le pays ait ratifié un certain nombre de nouveaux instruments internationaux et fait la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention, par laquelle est reconnue la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.


Suite de l'adoption des observations finales de la Suisse

Dans la partie de ses observations finales adoptée cet après-midi, le Comité indique que la persistance en Suisse d'attitudes ou de sentiments négatifs à l'égard des Noirs, des musulmans et des requérants d'asile le préoccupe au plus haut point. Aussi, est-il recommandé à la Suisse de poursuivre ses efforts visant à prévenir et à combattre de telles attitudes. Le Comité est par ailleurs d'avis qu'il convient d'intégrer pleinement à la politique de naturalisation (actuellement en cours de révision) le droit de faire appel contre une décision en matière de naturalisation, en particulier lorsque cette décision est arbitraire ou discriminatoire. La Suisse devrait également s'engager à éviter toute apatridie sur son territoire, en particulier en ce qui concerne les enfants.

Tout en se réjouissant de la position adoptée par le Conseil fédéral selon laquelle la scolarisation séparée serait contraire à la Constitution fédérale, le Comité fait part de sa préoccupation face à une tendance à la mise en place de classes distinctes pour les élèves étrangers dans certains cantons. Le Comité est d'avis que la scolarisation séparée ne pourrait être considérée comme étant conforme à la Convention que dans des circonstances exceptionnelles.

Les allégations de violence policière et de recours excessif à la force contre des personnes d'origine étrangère au cours de leur arrestation ou durant leur renvoi préoccupent également au plus haut point le Comité. La Suisse devrait s'assurer que des organes indépendants ayant autorité pour enquêter sur les plaintes déposées contre des policiers sont mis en place dans tous les cantons. Des efforts devraient en outre être déployés pour assurer le recrutement de membres des groupes minoritaires au sein de la police.

Le Comité invite par ailleurs la Suisse à examiner si la réserve qu'elle a faite en ce qui concerne l'alinéa a) du premier paragraphe de l'article 2 de la Convention est toujours nécessaire ou si elle doit être retirée.

Le Comité se dit également préoccupé par la situation des gens du voyage, tels que les Roms et les Yinnish et espère que des efforts continueront à être déployés afin d'améliorer leurs conditions de vie et de travail en Suisse. Enfin, le Comité espère que la Suisse fera au cours de l'année 2002 la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention puisqu'il est établi que le Conseil fédéral a décidé de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications).

S'agissant des observations finales sur la Suisse, il ne reste plus au Comité qu'à adopter un paragraphe faisant référence à la Conférence mondiale contre le racisme.


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