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Communiqués de presse Organes conventionnels

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS : AUDITION D'ONG SUR LES PAYS QUI SERONT EXAMINÉS PENDANT LA SESSION

12 Novembre 2001



CESCR
27ème session
12 novembre 2001
Après-midi







Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu, cet après-midi, les informations présentées par plusieurs organisations non gouvernementales concernant la situation de ces droits dans certains pays dont les rapports seront examinés au cours de cette session.

Plus d'une douzaine d'ONG ont ainsi attiré l'attention du Comité sur un certain nombre de problèmes rencontrés, selon elles, par la Suède, la Colombie, l'Algérie et la France dans la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

S'agissant de la Suède, l'ONG suédoise Foundation for Human Rights a notamment déploré la réticence du Gouvernement suédois à appuyer l'adoption d'un protocole facultatif se rapportant au Pacte.

En ce qui concerne la Colombie, les ONG suivantes ont fait des déclarations : Grupo de Apoyo Pedagógico, Red Nacional de Mujeres, Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Confédération internationale des syndicats libres (CISL), FIAN-Pour le droit à se nourrir; Comisión Colombiana de Juristas, Plate-forme colombienne pour les droits de l'homme, Mouvement national colombien pour la santé et la sécurité sociale, Corporación Medellín; Asociación de Trabajo Interdisciplinario. Ces ONG ont notamment attiré l'attention sur la situation des femmes en Colombie, sur la violence endémique dans le pays, sur la situation des paysans, sur le nombre important de personnes déplacées à l'intérieur du pays, ainsi que sur les persécutions et les assassinats dont continuent d'être victimes les syndicalistes.

S'agissant de l'Algérie, sont intervenus des représentants du Congrès mondial amazigh, de la Confédération internationale des syndicats libres, du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie et de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Ces ONG ont essentiellement attiré l'attention sur la situation des Berbères dans le pays.

En ce qui concerne la France, les représentants du Congrès mondial amazigh et de l'association «Pour que vivent nos langues» ont mis l'accent sur les problèmes rencontrés dans le pays en matière d'enseignement des langues minoritaires et régionales.

Ont également fait des déclarations d'ordre général les représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), ainsi que les représentants du Réseau des droits économiques, sociaux et culturels; de la Coalition internationale Habitat; du Centre argentin d'études juridiques et sociales; et du Centre pour le droit au logement et contre les évictions (COHRE).

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du quatrième rapport périodique de la Suède (E/C.12/4/Add.4).

Aperçu des déclarations

Suède

La représentante de l'ONG suédoise Foundation for Human Rights, a déclaré que le fait que le niveau de vie de la Suède soit élevé par rapport à celui d'autres pays peut donner l'impression que la Suède prend très au sérieux les droits économiques, sociaux et culturels. Néanmoins, le comportement des autorités à certains égards contredit cette impression, notamment par leurs réserves à l'idée d'adopter un protocole facultatif se rapportant au Pacte (qui habiliterait le Comité à examiner des plaintes émanant de particuliers). Par ailleurs, la Suède n'a toujours pas ratifié le protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, a souligné la représentante. Elle a en outre souligné que l'autonomie dont jouissent les municipalités en Suède ne saurait servir d'excuse pour ne pas accorder à tous les mêmes droits.

Colombie

La représentante du Grupo de Apoyo Pedagógico (ONG colombienne) a déploré que la situation des «mères communautaires», qui assurent des services par le biais de centres communautaires en Colombie, ne se soit toujours pas améliorée; elles ne perçoivent qu'un revenu moyen équivalant à environ 65% du salaire minimum. Une autre représentante de la même ONG a attiré l'attention du Comité sur des décisions prises en 1995 et 1998 par la Cour constitutionnelle concernant le statut juridique des mères communautaires lorsqu'elles sont confrontées à une décision de fermeture de leurs foyers communautaires. La Cour constitutionnelle a considéré que les activités de ces mères communautaires, qui visent à assurer des services sociaux pourtant jugés essentiels, ne sont pas de nature professionnelle mais relèvent du volontariat.

La représentante de l'ONG colombienne Red Nacional de Mujeres a relevé que six années se sont écoulées depuis que le Comité a demandé à l'État colombien de se pencher sur les problèmes de discrimination que rencontrent les femmes en Colombie. Or, il semble que les femmes ne jouissent toujours pas de l'égalité de salaire et qu'elles ne soient toujours pas équitablement représentées dans de nombreux domaines de la vie publique. Le problème de la violence contre les femmes, en particulier au sein de la famille, reste un problème grave en Colombie et concerne selon certains chiffres environ 67% de femmes. La représentante du a regretté que le processus de dialogue engagé par le Président Pastrana avec les FARC n'ait pas tenu compte de la nécessité d'associer les femmes à ce processus.

La représentante de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a souligné que la violence est devenue le lot quotidien de la population colombienne, la majorité des victimes de cette violence étant des civils. Les groupes paramilitaires qui opèrent avec l'accord tacite des forces armées sont les principaux acteurs de cette violence, a affirmé la représentante. Le maintien de ces groupes, qui n'ont toujours pas été démantelés, reste l'un des principaux obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en Colombie. La Colombie devrait accorder davantage de ressources afin de maintenir un «filet de sécurité sociale» et empêcher que des pans entiers de la population ne sombrent dans la précarité voire dans la pauvreté; le Plan Colombie devrait être mis en œuvre en tenant compte de cet impératif. Tel qu'il est actuellement appliqué, le Plan Colombie est incompatible avec les obligations internationales contractées par le pays en vertu des divers instruments internationaux. La question agraire étant l'une des principales sources de la violence dont souffre le pays, le Gouvernement colombien devrait prendre des mesures concrètes afin de remédier aux profondes inégalités dans le secteur agricole.

La représentante de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a fait part de sa profonde préoccupation face à la situation qui prévaut actuellement en Colombie où les syndicalistes sont toujours victimes d'importantes persécutions. En 2000, davantage de syndicalistes ont été tués en Colombie que dans toute autre région du monde, a précisé la représentante avant d'ajouter que pour le seul mois d'octobre dernier, huit syndicalistes ont été assassinés dans le pays, ce qui porte à 118 le nombre de syndicalistes tués depuis le début de l'année. Si la majorité des assassinats est attribuée aux paramilitaires, aux trafiquants de drogue et aux guérilleros, il n'en demeure pas moins que c'est aux autorités qu'il incombe d'assurer la sécurité de l'ensemble des citoyens, a rappelé la représentante.

Le représentant de FIAN-Pour le droit à se nourrir a fait part du rapport détaillé que son organisation a récemment publié sur la situation générale que connaît le secteur agricole a Colombie. Il a souligné que le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays ne cesse d'augmenter ces dernières années et il arrive souvent que les terres des personnes déplacées sont vendues, ce qui ne fait qu'aggraver la situation agraire du pays. Des millions d'hectares de terres ont été perdus du fait de l'éviction forcée de nombreuses personnes, a souligné le représentant.

La représentante de la Comisión Colombiana de Juristas a affirmé que le principal problème auquel est confrontée la Colombie reste l'inégale répartition des richesses. Environ 8 millions de ruraux, soit près de 69% de la population totale, vivent en dessous du seuil de pauvreté, a-t-elle précisé. Bien que le Gouvernement colombien ait signé six nouvelles conventions de l'OIT depuis l'examen par le Comité du précédent rapport de ce pays, la liberté syndicale et la situation des droits syndicaux ne cessent de se dégrader dans le pays.

Le représentant de la Plate-forme colombienne pour les droits de l'homme a déclaré que nombre de citoyens colombiens se voient priver de l'exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention du Comité sur le nombre sans cesse croissant de Colombiens qui passent en dessous du seuil de pauvreté. Le représentant a ajouté que, ces dix dernières années, plus de 1 500 syndicalistes ont été assassinés dans le pays. Il a par ailleurs dénoncé les évictions forcées pratiquées dans le pays à l'encontre de nombreux paysans.

Le représentant du Mouvement national colombien pour la santé et la sécurité sociale a dénoncé la dégradation de la situation sanitaire en Colombie où la couverture vaccinale ne dépasse pas la moitié de la population. Il a déploré les fermetures d'un nombre sans cesse croissant d'hôpitaux publics, ce qui restreint d'autant l'accès de la population à la santé. Le représentant a rappelé que la Colombie enregistre depuis dix ans une moyenne de 25 000 meurtres par an. On ne saurait évoquer la situation en Colombie sans parler du flot de personnes déplacées à l'intérieur du pays et de la dégradation constante de l'environnement, a-t-il ajouté.

Le représentant de la Corporación Medellín a rappelé que l'éducation de base n'est pas gratuite en Colombie bien que ce pays ait ratifié il y a 33 ans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a expliqué que la réforme constitutionnelle de 1991 prévoit la possibilité de faire payer des droits de scolarité aux élèves et étudiants qui sont en mesure de le faire, alors qu'une grande partie de la population vite en dessous du seuil de pauvreté.

La représentante de l'Asociación de Trabajo Interdisciplinario a rappelé qu'alors que la Constitution colombienne reconnaît le droit à un logement convenable, la situation des locataires ne s'est pas améliorée du point de vue de ce droit et une partie importante de la population connaît une situation de précarité à cet égard.

Le représentant de la Plate-forme colombienne des droits de l'homme a attiré l'attention du Comité sur le recul qu'ont enregistré la plupart des indicateurs sociaux en Colombie ces cinq dernières années. Le Comité devrait envoyer une mission afin de déterminer l'impact du Plan Colombie sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays.

Algérie

Le représentant du Congrès mondial amazigh a exposé la situation du peuple amazigh (berbère) en Algérie en soulignant que les Berbères sont un peuple autochtone vivant dans toute l'Afrique du Nord et représentant un tiers de la population algérienne, principalement regroupé en Kabylie et dans les Aurès. Les différentes constitutions dont s'est dotée l'Algérie au cours de son histoire ont pour point commun de reposer sur deux notions essentielles, à savoir l'arabité et l'islamité. Ainsi, l'arabe est-il la seule langue officielle. La loi d'arabisation promulguée en 1991 et modifié en 1996 avant d'entrer en vigueur en 1998 exclut totalement la langue berbère qui se trouve reléguée au même rang que les langues étrangères en Algérie. La réponse du pouvoir aux revendications pacifiques des Berbères, tant en 1980 qu'en 1994-95, en 1998 ou en 2001, a toujours été la répression, a souligné le représentant. Il faudrait donc que les droits et la culture des Amazighs soient reconnus dans la Constitution et que le Gouvernement algérien donne entièrement satisfaction aux revendications de la société civile algérienne. Le Gouvernement algérien devrait en outre reconnaître le droit à l'autodétermination des Amazighs, a déclaré le représentant.

En réponse à un membre du Comité qui s'interrogeait sur le crédit qu'il convient d'accorder aux informations publiées dans la presse selon lesquelles une loi reconnaissant la langue amazigh aurait été adoptée en Algérie, le représentant a assuré qu'aucune loi dans ce sens n'a été proposée ni encore moins adoptée dans le pays. Il ne s'agit que d'une promesse dont on peut craindre qu'elle reste lettre morte comme les précédentes, a estimé le représentant du Congrès mondial amazigh.

Une autre représentante s'exprimant également au nom du Congrès mondial amazigh a dénoncé la violence d'État en Algérie et dont témoigne la répression du Printemps berbère de 2001.

La représentante de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a souligné que ce n'est que par le dialogue et la concertation que toutes les revendications légitimes de la population algérienne trouveront des solutions dans un cadre démocratique.

Le représentant du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie a rappelé que la langue berbère reste interdite en Algérie, tant à l'école qu'à la télévision. Le kabyle reste sans statut officiel dans le pays, a-t-il insisté. La Kabylie vit un martyre depuis l'indépendance nationale, a-t-il affirmé, ajoutant qu'il ne saurait y avoir d'unité nationale dans l'exclusion. Il a déclaré que la Kabylie est victime d'un sabotage économique de la part du gouvernement, comme en témoigne le fait que le régime n'ait investi dans aucune entreprise économique en Kabylie en dehors de la construction de casernes nationales. Depuis que les Kabyles ont commencé à faire valoir leurs revendications, l'État algérien a entrepris de soustraire à la Kabylie des services publics vitaux. En outre, la fiscalité est plus lourde en Kabylie qu'ailleurs en Algérie. La Kabylie s'est dotée de représentants communautaires officiels qui ont établi un programme en quinze points que le Gouvernement algérien ferait bien d'appliquer, a déclaré le représentant.


Le représentant de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme a déclaré que le «bilan de dix ans de guerre» en Algérie était de 200 000 morts et 7 000 disparitions forcées, sans parler de la torture érigée au rang de pratique quotidienne. Il a rappelé que le peuple algérien ne cesse de demander que des élections soient organisées en présence d'observateurs indépendants. Le représentant a par ailleurs affirmé que la justice algérienne n'est pas indépendante. Il a également souligné que les associations indépendantes sont systématiquement interdites. Les syndicats font quant à eux l'objet de sévères restrictions, a-t-il ajouté. L'Algérie viole systématiquement les droits de l'homme en toute impunité, a-t-il conclu.


France

Le représentant du Congrès mondial amazigh a rappelé que la France est l'un des pays qui abrite un nombre important de Berbères. On estime à au moins 1,5 million le nombre de Berbères vivant en France, dont un grand nombre ont obtenu la nationalité française. Le représentant a regretté que, dans nombre de régions françaises, l'épreuve orale de berbère au baccalauréat n'a jamais été organisée, . Ainsi, l'État français participe au processus d'arabisation des Berbères en France même, a-t-il fait observer. Il a donc préconisé que la langue berbère soit enseignée dans toutes les écoles publiques françaises et que le Ministère de la culture mette en place un fonds pour la culture berbère en France.

Le représentant de l'association Pour que vivent nos langues a fait observer que des dizaines de lois sur le statut des langues régionales ont été élaborées en France au fil des ans mais aucune n'a jamais été débattue devant les assemblées, a-t-il rappelé. À chaque fois que l'on parle de ratifier la Charte européenne des langues régionales, la France invoque l'article 2 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a déclaré cette Charte européenne anticonstitutionnelle après que le pays eût pourtant accepté à Budapest 39 dispositions de la Charte. Ainsi, aujourd'hui encore, l'enseignement des langues régionales n'est toujours pas un droit en France mais simplement une possibilité offerte au Gouvernement.


Autres déclarations

Le représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) a souligné que l'Unesco accorde un rang de priorité élevé à la promotion de l'éducation pour tous, en particulier depuis l'adoption du cadre d'action de Dakar.

La représentante du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a rappelé que le Fonds accorde une grande importance à la dimension droits de l'homme de son action, qui vise notamment à promouvoir le droit à la santé génésique. Or la santé génésique est précisément un domaine qui pâtit de profondes inégalités. Le FNUAP a signé un mémorandum d'accord avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme et a élaboré une directive sur le droit au développement, a par ailleurs indiqué la représentante. Elle s'est félicitée des résultats positifs de la réunion conjointe que le Fonds a organisée cette année avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme afin d'assurer l'intégration d'une dimension droits de l'homme dans la promotion de la santé génésique.

Le représentant du Réseau des droits économiques, sociaux et culturels (ESCR-Net, Royaume-Uni) a indiqué qu'en septembre 2002, une conférence formalisera la création de ce réseau. Il a souhaité mettre en garde contre le grave danger que la campagne contre le terrorisme soit invoquée pour justifier la restriction de certains droits. La sécurité permanente ne sera assurée qu'en garantissant la justice et l'équité dans tous les domaines, a-t-il rappelé.

Le représentant de Coalition internationale Habitat a rappelé qu'au vu de la grave détérioration de la situation des droits humains au Kenya, son organisation a organisé une mission d'enquête sur la situation dans le pays en ce qui concerne le droit à un logement adéquat. Cette mission d'enquête s'est rendue au Kenya en mars 2000 et a constaté que le gouvernement ne parvient pas à protéger le droit à la terre et au logement pour ses citoyens, alors même que Nairobi abrite le siège du Centre des Nations Unies pour les établissments humains (Habitat). En fait, il apparaît que la situation s'est particulièrement aggravée dans le pays en ce qui concerne les évictions forcées. Ainsi, les conseils prodigués dans le cadre des services consultatifs offerts par les Nations Unies n'ont pas été entendus par le Kenya. Le Comité devrait demander au Rapporteur spécial sur le droit à un logement adéquat de se rendre au Kenya, a estimé le représentant.

La représentante du Centre argentin d'études juridiques et sociales a dénoncé le processus de précarisation des droits sociaux en Argentine qui s'accompagne d'un processus parallèle d'enrichissement d'une toute petite frange de la population, de sorte que l'Argentine figure dans la liste des 15 pays du monde où les richesses sont le plus inégalement réparties. La représentante a dénoncé la décision prise par le gouvernement de réduire les salaires des employés du secteur public.

Le représentant du Centre pour le droit au logement et contre les évictions (COHRE) a dit espérer que le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte sera bientôt adopté car cet instrument pourrait constituer une procédure de plainte utile au cas où le système interne s'avèrerait incapable de fournir les recours nécessaires en cas de violation de l'un des droits économiques, sociaux et culturels reconnus dans le Pacte.





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