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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ALGÉRIE

15 Novembre 2001



CESCR
2ème session
15 novembre 2001
Matin





Le secteur de la santé, qui a placé l'Algérie au premier rang des pays africains dans le domaine des soins, a subi les contrecoups de l'application du programme d'ajustement structurel engagé en 1994. Ce sont aussi les rigueurs de cet ajustement qui ont amené l'Algérie à concevoir, pour prévenir toute dégradation de la situation sociale, l'instauration d'un filet social en cas de perte d'emploi afin d'assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population. C'est ce qu'a expliqué M. Mohamed-Salah Dembri, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, alors que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels entamait l'examen du deuxième rapport périodique de son pays.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant notamment de l'ajustement structurel appliqué en Algérie depuis 1994; des notions de berbérité et d'amazighité; de la langue tamazight; du Code de la famille du Sahara occidental.

La délégation a également procédé à une analyse du phénomène terroriste ayant affecté les sociétés arabo-musulmanes, indiquant que les activités terroristes, en Algérie, connaissent aujourd'hui une baisse manifeste, même si elles persistent en certains points du territoire.

Outre le représentant permanent auprès de l'ONU à Genève, la délégation algérienne est également composée de représentants de la Mission permanente de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève ainsi que des ministères de l'action sociale et de la solidarité nationale; de l'intérieur et des collectivités locales; du travail et de la sécurité sociale; de l'habitat et de l'urbanisme; de la formation professionnelle; de la justice; de la communication et de la culture; de la santé; des affaires étrangères.

Le Comité achèvera, cet après-midi à partir de 15 heures, son dialogue avec la délégation algérienne.


Présentation du rapport de l'Algérie

Le deuxième rapport périodique de l'Algérie (E/1990/6/Add.26) souligne que depuis la présentation du rapport initial de l'Algérie en 1995, les pouvoirs publics algériens ont poursuivi leur tâche de consolidation de l'état de droit, de la démocratie pluraliste et de la promotion et de la protection des droits de l'homme en dépit de la contrainte liée à la criminalité terroriste. Ainsi, de nouvelles institutions ont été mises en place à la faveur d'une révision constitutionnelle du 28 novembre 1996, les mécanismes de promotion des droits de l'homme déjà en place ont été renforcés et certains aspects de la législation économique, sociale et culturelle mis en conformité avec les nouvelles réalités. Enfin, le mouvement associatif, de plus en plus encouragé, a connu un développement remarquable. La loi sur les associations, édictée en 1988 et amendée en 1990, dispose que les associations peuvent être créées sur simple déclaration des fondateurs, soit à la wilaya (préfecture), soit au Ministère de l'intérieur (si l'association a un caractère national). Aujourd'hui, près de 50 000 associations sont actives en Algérie; certaines, comme les associations de défense et de promotion des droits des femmes, revendiquent la reconnaissance d'un statut d'utilité publique.

Le rapport souligne par ailleurs qu'aujourd'hui, les femmes constituent entre 45 et 48% des effectifs scolaires dans les cycles d'enseignement primaire, moyen, secondaire et universitaire. Par ailleurs, 43% des enseignants sont des femmes dans le cycle primaire (ce taux atteint 82% des effectifs totaux dans les cinq plus grandes villes du pays), 45% dans le cycle moyen (71% dans les villes) et 33% dans le cycle secondaire (61% dans les villes). En outre, 26,57% des magistrats sont des femmes et le Conseil d'État, installé en juin 1998, compte 16 femmes sur les 34 magistrats qui le composent. La femme travailleuse mariée jouit du statut social qui lui est conféré en sa qualité de cotisante. La situation matrimoniale n'influe aucunement sur ses droits à la sécurité sociale. En matière de recrutement, il y a lieu de relever que la loi consacre l'égal accès à l'emploi sans distinction de sexe. Il y a lieu de rappeler qu'il n'est exigé des femmes aucune autorisation maritale pour accéder à l'emploi.

Le rapport précise en outre que les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence n'affectent en rien la mise en œuvre du Pacte. Les citoyens algériens ont continué à jouir intégralement des droits reconnus dans le Pacte malgré les altérations et forfaits commis par la criminalité terroriste. À la date du 30 avril 1998, il a été enregistré, sur l'ensemble du territoire national, 6 032 actes terroriste de sabotage ou de destruction d'infrastructures qui ont entraîné une dépense budgétaire de remise en état de l'ordre de plus de 22 milliards de dinars.

Présentant le rapport de son pays, M. MOHAMED-SALAH DEMBRI, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que la centralité historique et géographique de l'Algérie - à la fois foyer et carrefour d'échanges enrichissants entre civilisations et cultures millénaires - a permis au peuple algérien de se prévaloir d'une double dimension qui s'est affinée au fil des siècles: celle d'un peuple qui a forgé sa charpente identitaire et les traits de sa personnalité sur les trois grands piliers de l'arabité, de l'amazighité et de l'islam et celle d'un peuple ouvert à la diversité et opposé à toute forme de discrimination ou de domination. Dès les premiers mois de sa renaissance en 1962, l'État algérien s'est attaché à transcrire, aussi bien dans ses textes fondamentaux que dans ses actions de gestion quotidienne des affaires publiques, les valeurs de solidarité nationale comme levier de la transformation sociale et à ériger la promotion des droits et libertés fondamentaux en base de cohésion unitaire. «Le cap de cette démarche globale et progressive a été maintenu en dépit des contraintes induites par une double transition économique et politico-institutionnelle, à l'orée des années 1990, menée de surcroît dans un contexte marqué, comme vous le savez, par l'irruption d'un terrorisme sanguinaire», a souligné M. Dembri.

Le Représentant permanent de l'Algérie a rappelé que l'État algérien consacre depuis 1962 la plus grande partie du budget national au secteur de l'éducation. Ce primat du droit à l'éducation a amené les pouvoirs publics à renforcer leur action en direction des exclus du système scolaire, qui bénéficient des services du Centre national d'enseignement à distance, a précisé M. Dembri. Parallèlement, a-t-il ajouté, un dispositif d'alphabétisation et d'enseignement pour adultes réparti sur l'ensemble du territoire national dispense des cours à cette catégorie de citoyens avec le concours de 160 associations.

Au droit à l'éducation, a poursuivi le Représentant permanent, est ajouté le droit à la santé qui a vu, pendant trois décennies consécutives, l'Algérie promouvoir une vaste politique de médecine gratuite ouverte à tous sans distinction. Néanmoins, ce secteur, qui a placé l'Algérie au premier rang des pays africains dans le domaine des soins, a subi les contrecoups de l'application du programme d'ajustement structurel, a reconnu M. Dembri. Ce sont aussi les rigueurs de l'ajustement qui ont amené l'Algérie à concevoir, pour prévenir toute dégradation de la situation sociale, l'instauration d'un filet social en cas de perte d'emploi et pour assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population.

Convaincue de sa richesse et de sa diversité culturelle, l'Algérie s'est attachée à protéger son patrimoine culturel par la promotion des langues régionales, a par ailleurs indiqué M. Dembri. Inscrite dans une dynamique progressive, cette action de réhabilitation des différentes composantes de l'identité algérienne a abouti, en 1995, à la création du Haut Commissariat à l'amazighité, dont un représentant siège, aujourd'hui, au sein de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, récemment instituée. Cependant, il faut savoir que les langues régionales algériennes sont encore orales, a précisé M. Dembri. Un effort scientifique est actuellement mené pour l'unification de la graphie et l'élaboration de méthodes scientifiques d'enseignement, parallèlement à la formation d'enseignants d'un niveau approprié. M. Dembri a fait valoir que la Constitution de 1996 a intégré l'amazighité dans les éléments constitutifs de la personnalité algérienne. Il a ajouté que le peuple algérien est un peuple amazigh, c'est-à-dire berbère, dans sa totalité, qui s'est approprié d'autres apports dont la fusion et les interactions ont, au fil des siècles, façonné la personnalité actuelle de l'Algérien.

Soulignant que la réalisation des droits de l'homme a besoin, pour s'épanouir, de paix civile, M. Dembri a rappelé que les pouvoirs publics se sont lancés dans une politique de concorde civile depuis 1999, prélude à un gigantesque plan de relance de la croissance économique financé par une enveloppe d'un montant de 7 milliards de dollars des États-Unis.


Examen du rapport de l'Algérie

Répondant aux question des membres du Comité concernant le phénomène du terrorisme qui a affecté les sociétés arabo-musulmanes ces dernières années, la délégation algérienne a relevé que ce phénomène commence à être mieux compris depuis les événements du 11 septembre dernier. Partout, on se trouve en présence des mêmes facteurs exogènes, a fait observer la délégation. Lorsque l'Afghanistan s'est libéré du joug soviétique, a déclaré la délégation, les combattants qui avaient été recrutés dans les pays arabo-musulmans, y compris en Algérie, pour libérer l'Afghanistan de ce qui leur était présenté comme du communisme athée et impie, sont retournés chez eux et se sont retrouvés dans une société, la leur, qui ne correspondait plus aux valeurs qu'ils avaient désormais adoptées. En effet, l'Algérie, pour ce qui la concerne, ne prétend nullement ériger une société théocratique, de sorte que la société algérienne paraissait impie à ces combattants de retour d'Afghanistan.

Des informations ont été fournies à certains pays, notamment européens, sur les réseaux de soutien au terrorisme, y compris au terrorisme présent en Algérie, a indiqué la délégation. Elle a ajouté que l'on constate aujourd'hui une baisse manifeste de l'activité terroriste en Algérie, même si cette activité persiste en certains points du territoire. La délégation a par ailleurs indiqué que les États-Unis ont demandé à l'Algérie de contribuer à dégager une meilleure connaissance du phénomène islamiste. La délégation a fait observer que l'Algérie avait eu raison de demander dès 1994 une prise en charge de la lutte contre le terrorisme international dans le cadre d'une solidarité internationale.

La délégation a par ailleurs assuré qu'aucune des dispositions du Pacte n'a été touchée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme menée par les autorités algériennes. La loi sur l'état d'urgence ne s'est accompagnée d'aucune restriction des droits individuels et collectifs, a-t-elle insisté. Seuls un couvre-feu nocturne et un droit de perquisition permanent ont été instaurés. Le couvre-feu ayant été levé il y a deux ans, ne persiste plus aujourd'hui que le droit des autorités de perquisitionner à tout moment. La délégation a précisé que l'Algérie notifie chaque année comme il se doit au Secrétaire général des Nations Unies la prorogation de l'état d'urgence.

S'agissant du programme d'ajustement structurel en Algérie, la délégation a rappelé qu'il a démarré en 1994, année où le pays ne disposait plus de suffisamment de ressources pour rembourser sa dette et les intérêts. Il convient de souligner que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale n'ont alors rien imposé à l'Algérie; le pays a choisi dans la panoplie de ces deux institutions ce qui lui convenait. Elle a ainsi choisi de suivre la voie de la privatisation du secteur public, du retour de la propriété foncière agricole vers ses propriétaires originels, et de la vérité des prix. La perte de pouvoir d'achat résultant de cette politique de vérité des prix ne se trouve pas en contradiction avec les dispositions du Pacte, a estimé la délégation.

Un expert s'est enquis de la position du Gouvernement algérien face à la récente et nouvelle proposition du Maroc visant à accorder au Sahara une autonomie limitée. La délégation algérienne a rappelé que pour l'Algérie, le problème du Sahara occidental relève d'un problème de décolonisation. La délégation a rappelé que la population du Sahara occidental avait été inscrite au bénéfice de la résolution 1514 du 15 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux peuples coloniaux. La puissance occupante espagnole avait alors entrepris en 1974 un recensement complet de la population du Sahara occidental en vue du référendum d'autodétermination. En 1975, alors que la mort du Général Franco était suivie en Espagne d'un flottement constitutionnel momentané, le Maroc et la Mauritanie se sont partagé le territoire du Sahara occidental et ont créé une situation de fait que la population du Sahara occidental n'a pas accepté. L'Algérie a alors fortement contesté cette «captation prédatrice d'un territoire qui était à décoloniser». L'Organisation de l'unité africaine (OUA) a fini par admettre le bien-fondé de la lutte du peuple sahraoui qui, entre-temps, avait entrepris de mener une guerre de libération nationale. Le Sahara occidental a même été admis comme État au sein de l'OUA. L'alternative était donc soit la poursuite de la lutte du peuple sahraoui - avec les risques que cela comporte - soit un plan de règlement permettant aux deux parties de trouver une solution convenable dans le respect du droit à l'autodétermination. L'accord finalement conclu dans le cadre du plan de règlement prévoyait un référendum qui permettrait au peuple du Sahara occidental de choisir entre l'indépendance totale ou l'intégration au Royaume du Maroc. C'est cela qui reste d'actualité, a affirmé la délégation algérienne.

Le Maroc, a poursuivi le représentant a tout fait pour que la base constitutive des listes électorales de 1974 soit modifiée en sa faveur par l'adjonction d'une population nouvelle présentée comme étant des Sahraouis de l'étranger ou comme ayant suffisamment vécu au Sahara pour pouvoir prétendre à la qualité d'électeur. La proposition d'une autonomie régionale dans le cadre de la souveraineté marocaine n'a pas été retenue par les Sahraouis eux-mêmes, a souligné la délégation. L'Algérie, pour sa part, demande que le plan de règlement et le référendum soient respectés dans leurs termes initiaux. Bien entendu, si le Front Polisario et le Maroc concluent un accord entre eux, l'Algérie n'y verra aucun inconvénient.

Un membre du Comité a rappelé que selon le Congrès mondial amazigh, réuni à Paris, l'une des causes des troubles qui ont secoué la Kabylie provient de l'arabisation de la culture berbère en Algérie.

La délégation a souligné que des confusions sont toujours entretenues entre les notions de berbérité et d'amazighité. Le terme de «berbère» vient de l'époque des empires grec et romain qui considéraient que tous ceux qui ne parlaient pas leur langue et ne vivaient pas comme eux étaient des barbares. Le mot «berbère» est donc un terme d'importation qui n'appartient pas à l'Algérie. «Amazigh», en revanche, signifie «homme libre» car le peuple algérien dans sa forme originelle était un peuple qui s'opposait à toute invasion et à toute intrusion. Ainsi, lorsqu'on parle d'amazigh, on ne parle pas de couleur de peau ou d'yeux; on se réfère surtout à un programme politique basé sur la lutte pour la liberté et la libération. Historiquement, la civilisation arabo-musulmane a été adoptée par les Amazighs justement parce qu'elle se présentait alors comme fortement éprise de liberté.

En ce qui concerne la question de la langue tamazight, la délégation a mis l'accent sur la nécessité de reconstituer avant tout ce qui n'est, pour l'heure, qu'une langue régionale orale. Lorsqu'une langue est enfin constituée et devient une langue commune pour tous, il faut qu'elle investisse ensuite tous les éléments de la modernité (science, etc..). Il convient donc avant tout de se pencher sur l'œuvre de réhabilitation d'une langue dont l'assise est pour l'heure précaire. Depuis mai 1995, a précisé la délégation, des travaux ont été engagés en vue d'intégrer l'enseignement de la langue tamazight dans les programmes scolaires. Un programme en ce sens a été mis en œuvre dans toutes les préfectures qui en ont exprimé le souhait, soit 16 wilayas au total. Le nombre d'enfants bénéficiant de cet enseignement dépasse actuellement les 72 000. Cet enseignement sera étendu en fonction de l'évolution de la demande et de la disponibilité d'un encadrement enseignant approprié.

Un membre du Comité a relevé que le Code de la famille actuellement en vigueur en Algérie contredit les dispositions constitutionnelles en ce sens qu'il comporte plusieurs éléments discriminatoires à l'égard des femmes. La délégation a reconnu que le Code de la famille, qui date de 1984, demande effectivement à être «dépoussiéré» en ce qui concerne notamment la question de la répudiation. S'agissant de la répudiation, c'est-à-dire du divorce par volonté unilatérale du mari, la délégation a indiqué qu'il est prévu de mettre en place une série d'obstacles législatifs afin de d'assortir la répudiation de conditions draconiennes qui empêcheraient tout abus de cette pratique. En vertu de la législation actuellement en vigueur, le divorce peut être obtenu par consentement mutuel, sur volonté de l'époux ou sur demande de l'épouse. Soit l'épouse demande le divorce en présentant des motifs ou griefs, soit elle offre une compensation en contrepartie de la rupture du lien conjugal, sans avoir à présenter aucun motif ou grief. L'indemnité ne saurait alors dépasser le montant de la dot accordée au moment du mariage.




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