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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU RAPORT INITIAL DU BRÉSIL

08 Mai 2003



CESCR
30ème session
8 mai 2003





Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport initial du Brésil. Le chef de la délégation a affirmé l'engagement de son pays en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme et, en particulier, des droits économiques, sociaux et culturels qui sont au centre des priorités du nouveau gouvernement du Président Luis Ignacio «Lula» da Silva. À cet égard, il a mis l'accent que l'action du Gouvernement pour lutter contre la pauvreté et éradiquer la faim dans le cadre du programme «faim zéro».
La délégation brésilienne a souligné les grandes disparités non seulement géographiques mais aussi raciales, ethniques et sexuelles dans la répartition de la richesse nationale. Elle a en particulier précisé les mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'égard des femmes, les Afro-brésiliens, les populations autochtones et des homosexuels. Elle a en outre fourni des renseignements sur la mise en œuvre du droit au travail et, en particulier, sur les mesures visant à combattre les formes contemporaines d'esclavage et le travail forcé, encore prévalents dans certaines régions du pays.
La délégation brésilienne, dirigée par M. Antonio Carlos do Nascimento Pedro, Chef de la division des droits de l'homme du Ministère brésilien des relations extérieures, est composée de plusieurs représentants du Ministère des relations extérieures.
Le Comité poursuivra demain, vendredi 9 mai à 10 heures, son dialogue avec la délégation du Brésil.

Présentation du rapport initial du Brésil
Présentant le rapport initial du Brésil au Comité, M. Antonio Carlos do Nascimento Pedro, Chef de la division des droits de l'homme au Ministère brésilien des relations extérieures, a souligné que les droits économiques, sociaux et culturels sont une priorité pour le Gouvernement. Il a assuré les experts de l'importance que le Brésil accorde au dialogue avec le Comité. Il a affirmé que l'État brésilien s'associe au rapport qui a été présenté au début de la session par les représentants de la société civile sur le respect du Pacte par le Brésil. Il a mis l'accent sur la somme importante d'informations et des efforts considérables déployés pour les réunir.
Le représentant brésilien a déclaré que le nouveau gouvernement brésilien a adopté une orientation différente pour le pays et a mis la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels au centre de ses priorités. Réitérant l'engagement du Brésil en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme et, en particulier, des droits économiques, sociaux et culturels, M. do Nascimento Pedro a notamment évoqué le programme «Fome zero» (faim zéro), la création d'un commissariat spécial pour l'égalité entre les races ou encore la nomination du premier Afro-brésilien comme juge à la Cour suprême.
Le rapport initial du Brésil (E/1990/5/Add.53) rend compte des progrès réalisés par le pays dans la promotion et la protection des droits visés dans le Pacte sans passer sous silence les insuffisances qui subsistent. Il réaffirme la volonté résolue du Brésil d'assurer la réalisation de ces droits. Le Brésil est partie à tous les instruments internationaux et régionaux destinés à promouvoir et protéger les droits de l'homme. Sur le plan intérieur, des progrès importants ont été enregistrés, en particulier grâce à l'adoption de la Constitution en 1988 qui contient de nombreuses dispositions qui favorisent la promotion et la protection des droits de l'homme. Le Brésil s'est doté d'un secrétariat d'État aux droits de l'homme ayant rang de ministère. Un département spécial des droits de l'homme a également été créé au sein du ministère des relations extérieures et un important programme de consultations ouvertes à la société civile a permis d'élaborer le Programme national des droits de l'homme adopté en mai 1996 qui a donné des résultats extrêmement positifs. Dernièrement, un document intitulé «Rapport de la société civile sur le respect par le Brésil du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels» a été remis directement au Comité par des personnes représentant la société civile et le Congrès brésiliens. Ce document traduit le fait que le débat sur les droits économiques, sociaux et culturels est en phase avec le souci du Gouvernement de voir la société participer davantage à ce débat. Un sujet auquel les organisations de la société civile ont accordé une importance particulière est celui de la mondialisation, de sa signification et de ses répercussions.
Le Gouvernement brésilien partage un certain nombre des préoccupations exprimées à ce sujet et des efforts sont actuellement déployés pour mener à bien les réformes internes indispensables à la modernisation du Brésil, mais sans ignorer la nécessité de faire en sorte que les programmes d'ajustement structurel comportent aussi des objectifs de développement social visant en particulier à lutter contre la pauvreté et l'exclusion. À cet égard, un «filet de sécurité sociale» a été créé qui regroupe 22 programmes gouvernementaux conçus pour fournir des services sociaux de base aux groupes à faible revenu. Le Brésil ne pouvait mettre en œuvre des politiques sociales de vaste portée avant d'avoir surmonté un certain nombre d'obstacles importants constitués notamment par des programmes d'ajustement des finances publiques et toute une série de crises financières internationales. Toutefois, les montants consacrés par les autorités fédérales aux programmes sociaux ont continué de progresser. Des gains de productivité ont été obtenus grâce à des réformes institutionnelles touchant les services sociaux de base, en particulier dans les domaines de la sécurité sociale, de la santé, de la protection sociale et de l'éducation. Il s'agissait de changements à la fois profonds et vastes comportant un certain nombre d'objectifs ambitieux : améliorer la qualité et le taux de couverture des services afin d'éliminer les injustices dans l'accès aux prestations fournies par ces programmes; renforcer la décentralisation de ces derniers et le contrôle de leur exécution par la société; et créer des obstacles à la reproduction de pratiques traditionnelles relevant du népotisme, afin d'accroître l'effet redistributif des programmes gouvernementaux.

Examen du rapport initial du Brésil
Au cours du dialogue avec le Comité, la délégation a donné un certain nombre de renseignements d'ordre général sur le territoire, la population et le cadre juridique général de la protection des droits de l'homme. Elle a notamment souligné que le Gouvernement s'est engagé à protéger les 746 000 communautés de «quilombos», qui sont des descendants d'esclaves, dans le pays. En ce qui concerne les gitans, il est difficile de réunir des données démographiques de leur population. Mais, depuis la Conférence de Durban, un effort est fait pour recueillir des informations sur leur situation. Certaines estimations parlent de 600 000 personnes, a informé la délégation.
La délégation a indiqué que le taux d'analphabétisme est plus important parmi les plus de 40 ans que parmi les enfants. Elle a souligné par ailleurs que des efforts sont en cours pour augmenter le taux de scolarisation, en particulier des groupes vulnérables et des minorités raciales dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale.
Environ 46 millions de personnes vivraient en dessous du seuil de pauvreté, a poursuivi la délégation. Elle a toutefois ajouté que le concept de seuil de pauvreté fait l'objet d'un débat et que le Gouvernement a créé une commission chargée d'élaborer une méthode de définition du seuil de pauvreté qui permettra de mieux cerner le problème. La délégation a souligné les liens existant entre pauvreté et racisme. Il est également clair que la pauvreté affecte davantage les enfants. Elle a mis l'accent sur la stratégie de lutte contre la pauvreté mise en place par le nouveau gouvernement, notamment par le biais du programme «faim zéro» et de la création d'un ministère de la ville.
La délégation brésilienne en outre insisté sur la nécessité d'intégrer les droits de l'homme, et en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, dans le cadre des négociations financières et commerciales internationales. Le Président Luiz Inacio Lula da Silva a pris un engagement historique en faveur des droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé le représentant brésilien.
En ce qui concerne la question de la concentration du revenu, la délégation a souligné la nécessité de faire évoluer la situation et réitéré l'engagement du Gouvernement à étudier la situation de la concentration de la richesse, des terres et des inégalités de revenus afin d'y trouver des remèdes. À une question sur la réforme agraire, la délégation a reconnu que le problème tient à l'ampleur de la réforme qui sera menée. Le Président Lula s'est vraiment engagé dans le sens d'une telle réforme et a commencé à travailler sur des mécanismes tels que la «banque de la terre», car il ne suffit pas de donner une terre à quelqu'un mais il faut lui permettre de continuer à vivre et à se développer, a-t-elle précisé.
S'agissant des disparités régionales qui existent dans le pays, le Gouvernement s'interroge sur les mesures de soutien de l'État fédéral aux États ou aux Municipalités qui doivent être prises dans le cadre de la politique de décentralisation. La réforme du budget en discussion vise également à compenser les disparités entre les différents États.
La délégation a par ailleurs reconnu que la législation brésilienne fait obstacle à la protection des droits des populations autochtones à jouir des bénéfices engendrés par les concessions minières situées sur leurs terres.
En ce qui concerne l'impunité en matière de droits économiques, sociaux et culturels, des efforts restent à faire pour améliorer la justiciabilité de ces droits, a reconnu la délégation. Des efforts doivent aussi être faits pour sensibiliser et informer davantage la population à leurs droits et à la possibilité de les faire valoir devant les tribunaux.
Pour ce qui est de l'application du Pacte dans la pratique, la délégation a reconnu un certain nombre de déficiences, tant au niveau de la loi, parfois imparfaite, que des mécanismes pour garantir ces droits. Toutefois des initiatives ont été prises, notamment dans le cadre de la coopération internationale, et de nouvelles lois ont été adoptées. Mais la question essentielle concerne la transposition des dispositions des instruments internationaux en droit interne et le Gouvernement compte y œuvrer.
La délégation a en outre reconnu la nécessité de renforcer les mécanismes de surveillance de la mise en œuvre des droits de l'homme en assurant la plus grande participation de la société civile. À cet égard, le Conseil national des droits de l'homme ainsi que le système de rapporteurs spéciaux nationaux sont en cours de réforme pour mieux intégrer les représentants de la société civile. En ce qui concerne la question de l'indépendance, tout en reconnaissant la nécessité d'avoir des structures indépendantes, il a souligné le rôle que l'État doit également jouer et estimé que la meilleure garantie d'indépendance est la participation des organisations non gouvernementales et de la société civile à tous les niveaux.
La délégation a par ailleurs évoqué des initiatives visant à intégrer l'éducation aux droits de l'homme et en particulier à travers les tentatives de réformer les programmes scolaires pour mettre l'accent sur les valeurs citoyennes et positives, notamment en ce qui concerne la population noire. D'autres initiatives seront prises, en particulier en direction des forces de police ou des juges.
En réponse à une question sur la politique de gestion des ressources de l'Amazonie et des mesures prises pour mettre un terme à la déforestation, la délégation a précisé que la politique brésilienne tente d'atteindre un équilibre entre les revenus de l'exploitation et la protection de la biodiversité de l'Amazonie. Des mesures sont centrées sur le contrôle de l'environnement, la recherche de processus de développement qui tiennent compte de l'être humain et la protection des communautés traditionnelles grâce à des zones de préservation.
La délégation a indiqué qu'un certain nombre de mesures ont été prises après Durban pour lutter contre le racisme et la discrimination au sens large, notamment des actions positives et des recherches sur ce thème. Elle a reconnu que les femmes sont sous représentées aux postes d'autorité et de décision mais le débat sur le droit des femmes et très intense au Brésil et des mesures pour instaurer des quotas sont à l'étude. En ce qui concerne les populations autochtones, la délégation a indiqué que les différents groupes autochtones se sont vu octroyer 12% du territoire national. La Commission interaméricaine des droits de l'homme est par ailleurs saisie d'un cas d'un autochtone brésilien qui a demandé une protection spéciale. Ce cas illustre bien la complexité de la question de la protection à accorder aux populations autochtones. Le Gouvernement a par ailleurs pris des mesures pour rectifier les discriminations et l'impact du racisme à l'égard des Afro-brésiliens en matière d'emploi, d'éducation, de santé et d'accès aux services essentiels ainsi que leur sous représentation aux postes d'autorité et de décision. Le recueil de statistiques est important, a souligné la délégation, afin de démonter certains mythes, comme celui de la «démocratie raciale» qui a longtemps prévalu, et de cerner les problèmes de façon plus précise pour ainsi trouver les solutions adaptées aux problèmes réels qui se posent. Le Gouvernement a reconnu notamment la dimension à la fois raciale et sexuelle de la pauvreté qui a été mise en lumière à travers les statistiques du dernier recensement.
La délégation a reconnu les problèmes d'enregistrement à l'état civil des gitans. La question est de savoir comment remédier à ces problèmes en respectant la coutume gitane qui n'est pas très favorable à ce genre de démarches.
La délégation a précisé que le terme «quilombos» ne recèle pas de connotation péjorative et n'a pas été adopté par l'État en vue de les stigmatiser ces communautés. Un problème se pose s'agissant de la propriété des terres sur lesquels ils sont installés.
S'agissant de l'obligation d'assurer l'égalité entre hommes et femmes dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels, des efforts sont faits pour réunir des informations et des mesures ont été prises dans ce sens. Elles sont contenues dans le rapport qu'a présenté le Brésil au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. La délégation a indiqué qu'elle fournirait davantage de détails sur les mesures prises dans ce sens au cours de la séance de demain.
Au sujet des discriminations et des violences dont les homosexuels sont l'objet, la délégation a rappelé que le Brésil a soumis, lors de la dernière session de la Commission des droits de l'homme, un projet de résolution contre la discrimination en raison de l'orientation sexuelle qui a fait apparaître une certaine frilosité de la communauté internationale sur cette question. Des initiatives ont été prises au Brésil pour étendre certains droits, notamment à la sécurité sociale, en faveur des couples homosexuels. En outre, des efforts de sensibilisation sont faits en direction des forces de police. Plusieurs idées sont actuellement à l'examen pour combattre les discriminations et renforcer les droits des homosexuels.
En réponse à une question sur les compétences du Conseil des droits de la personne, la délégation a reconnu qu'elles doivent être étendues pour mieux prendre en compte les droits économiques, sociaux et culturels. Les juges et les législateurs doivent également être davantage sensibilisés aux dispositions figurant dans le Pacte. La délégation a également souligné la méfiance générale dans la société brésilienne à l'égard des mécanismes et institutions de l'État. Des projets visent à renforcer la cohérence des différents mécanismes afin qu'ils aient une influence sur les politiques publiques.
En ce qui concerne l'application des droits spécifiques reconnus par le Pacte, et en particulier le droit au travail, la délégation a reconnu qu'il existe des formes contemporaines d'esclavage au Brésil. Ces formes d'exploitation dégradante font l'objet d'une vaste campagne visant à éradiquer ce phénomène et notamment à libérer des personnes soumises à l'esclavage. Au cours du premier semestre 2002, 841 personnes ont ainsi été libérées et indemnisées. Beaucoup d'obstacles et de difficultés demeurent du fait notamment que ces pratiques ont cours dans des zones reculées. Le Gouvernement a adopté le programme d'éradication du travail forcé à titre prioritaire, a précisé la délégation. La délégation a précisé que ce travail d'esclave existe avant tout dans les campagnes mais aussi dans les villes et un département s'occupe tout particulièrement de ce phénomène. Elle a précisé que le travail forcé ou d'esclave est pénalisé mais que les peines prévues jusqu'à présent sont trop faibles. Le Gouvernement envisage des mesures pour appliquer des peines plus sévères.
La délégation a souligné l'impact négatif que la crise a eu sur le marché de l'emploi. À cet égard, elle a indiqué que le taux de chômage, en particulier des jeunes les moins qualifiés et des femmes, a beaucoup augmenté.



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