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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

30 Avril 2002



CESCR
28ème session
30 avril 2002
Matin



Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu, ce matin, M. Miroslav Fuchs, Vice-Ministre tchèque du travail et de la protection sociale, qui a présenté le rapport initial de la République tchèque sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le pays a donné notification en 1993 qu'il contractait toutes les obligations de l'ex-Tchécoslovaquie découlant du Pacte.
Le rapport ayant été soumis en 2000, M. Fuchs a présenté les nouvelles mesures adoptées par son Gouvernement en vue d'assurer un meilleur respect des droits consacrés par le Pacte, notamment en ce qui concerne l'application du principe de non discrimination à l'égard des femmes ou de non discrimination raciale.
Les experts ont relevé un écart entre les principes énoncés par la législation tchèque et la pratique. Ils ont souligné en particulier la persistance des inégalités entre les sexes et de la discrimination à l'égard des minorités, dont les Roms. On observe ainsi que l'application du droit à l'égalité d'accès dans le travail soulève des problèmes qui ne concernent pas uniquement les discriminations fondées sur le sexe, mais aussi les discriminations visant les groupes vulnérables : les jeunes sans expérience, les femmes avec des enfants en bas âge, les personnes handicapées, les personnes peu qualifiées. Les experts ont également fait part de leurs préoccupations concernant les inégalités s'agissant de l'accès à l'éducation, qui frappent principalement la minorité rom et les filles.
La délégation tchèque a apporté des précisions concernant une loi nouvelle sur le statut des minorités, qui ouvre la possibilité de nouveaux recours. Par ailleurs, les citoyens peuvent déposer un recours devant la Cour constitutionnelle ou devant les tribunaux de district pour violation de leurs droits. En outre, il existe un conseil des minorités nationales, composé de membres du gouvernement et de membres des minorités nationales. Ce conseil est un organe consultatif où sont représentées 11 minorités nationales. Un représentant tchèque a par ailleurs fait savoir que le Code pénal comporte plusieurs dispositions qui peuvent s'appliquer aux cas de violence au sein de la famille. En outre, en septembre dernier, une ligne d'urgence a été ouverte pour les victimes de violence et des centres de conseil et d'accueil à l'intention des femmes victimes de violence ont été ouverts dans six villes du pays.
Le Comité poursuivra cet après-midi son examen du rapport de la République tchèque.

Présentation du Rapport initial de la République tchèque
M. MIROSLAV FUCHS, Vice-Ministre du travail et des affaires sociales de la République tchèque, a expliqué la politique qui avait accompagné les changements fondamentaux de la période de transition. Il a reconnu que l'État avait eu des difficultés à imposer une approche équilibrée s'agissant du rapport entre l'individu et l'État. Il a souligné que le pays est engagé dans un processus intense de codification des droits consacrés par le Pacte. Il a fait état d'une modification de la loi sur les minorités ethniques. Grâce à ce nouvel amendement, les minorités ethniques peuvent saisir les tribunaux pour des motifs qui n'étaient pas prévus auparavant. Par ailleurs, le Gouvernement cherche encore des solutions pour codifier de manière satisfaisante le droit à la grève. Il a fait savoir qu'un projet de loi visant à garantir le droit au logement était à l'étude, notamment pour garantir une certaine liberté contractuelle pour les logements locatifs, tout en assurant une protection des deux parties.
Le Gouvernement s'emploie également à faire des propositions pour assurer l'efficacité de l'interdiction juridique de la discrimination, dont la mise en œuvre n'est pas satisfaisante. Il a expliqué que la politique actuelle vise à traiter les questions de discrimination au cas par cas plutôt que par une loi générale. Le Ministre a fait savoir que son pays est membre de l'OSCE depuis 1996, ce qui devrait l'aider à élaborer les mesures nécessaires pour pallier les lacunes dans la législation. Il a expliqué que les normes législatives et les politiques s'efforcent de s'appuyer sur des citoyens responsables sans oublier d'assister ceux qui ne sont pas en mesure d'exercer pleinement leurs droits.
Le rapport initial de la République tchèque (E/1990/5/Add.47) couvre la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1999. La population actuelle du pays se caractérise par une proportion d'enfants inférieure à celle des plus de 50 ans. Les jeunes générations parviennent à un niveau d'instruction plus élevé que les générations précédentes : en 1991, seuls 11 % des 25-29 ans n'avait suivi qu'un enseignement élémentaire. Durant les années 1990 les taux de nuptialité, de fécondité et de natalité ont régressé, et le taux élevé de divorces est un phénomène négatif persistant. La politique économique du pays est principalement orientée vers l'entrée dans l'Union européenne qui pourrait s'effectuer en 2003.
Le rapport admet que, si l'ensemble des droits consacrés par le Pacte sont reconnus dans l'ordre juridique interne, on observe toutefois quelques disparités entre le droit et la pratique. Le principe de l'égalité entre hommes et femmes est consacré par la Constitution, mais le cadre juridique recèle encore certaines inégalités concernant le statut des salariés. En ce qui concerne l'égalité des sexes dans l'éducation, on constate que les filles n'ont pas accès à certaines sphères de l'éducation. Le Gouvernement a adopté des «priorités» pour renforcer les procédures de promotion de l'égalité entre les sexes, mais on relève encore un écart de rémunération au détriment des femmes. En outre, l'application du droit à l'égalité d'accès dans le travail soulève des problèmes qui ne concernent pas uniquement les discriminations fondées sur le sexe, mais surtout les discriminations visant les groupes vulnérables : les jeunes sans expérience, les femmes avec des enfants en bas âge, les personnes handicapées, les personnes peu qualifiées. De surcroît, les membres de la minorité rom ont de grandes difficultés à trouver leur place sur le marché du travail. Cette minorité présente un très fort taux de chômage (70 à 80 % des Roms en âge de travailler), ce qui les rend tributaires des prestations sociales et les exposent à d'autres formes de discrimination.
Tout le monde a accès aux soins de santé et les femmes enceintes bénéficient d'une protection particulière. Des lois garantissent la protection et le développement moral des adolescents, mais, dans la pratique, ces dispositions juridiques sont contournées. Si l'accès aux soins de santé est assuré, on ne constate toutefois aucune régression des taux de maladies chez les enfants et les adolescents, notamment du fait de la pollution de l'environnement. L'état de l'environnement est préoccupant et des territoires entiers ont été dévastés par l'exploitation minière. Dans le cadre de son adhésion à l'Union européenne, la République tchèque doit procéder à des modifications considérables de sa législation sur l'environnement. Le droit à l'éducation est garanti et la durée de la scolarité minimum est de neuf ans (entre 6 et 15 ans). Dans la République tchèque, seule la minorité polonaise, concentrée dans les districts de Karviná et de Frýdek-Mistek, bénéficie d'un enseignement complet dispensé dans sa langue. Pour l'instant, il n'y a qu'un seul établissement secondaire privé rom à Kolín qui assure la formation professionnelle des travailleurs sociaux roms, mais l'enseignement se fait en tchèque.

Dialogue avec les experts
Plusieurs interventions des membres du Comité ont porté sur l'application du principe de non-discrimination, notamment sur le fait qu'il n'existe aucun recours pour les victimes de discrimination fondée sur le sexe, ou de discrimination raciale. Des questions ont également porté sur le droit à l'éducation des enfants minorités, des experts rappelant que la procédure intentée par des parents roms à cet égard avait été rejetées. La question de l'intégration des Roms demande une attention plus soutenue de la part du Gouvernement, ont observé les experts qui ont tenu à connaître les détails de la politique du Gouvernement à l'égard de cette minorité, insistant sur le fait qu'intégration ne voulait pas dire assimilation. Dans ce contexte, les experts ont tenu à savoir si la République tchèque se sentait liée par la Déclaration de l'Assemblée générale sur les droits des minorités. Les experts ont également voulu connaître les différences juridiques qui existent entre les minorités nationales et les citoyens appartenant à la majorité tchèque.
D'autres questions ont porté sur la protection des droits des femmes, s'inquiétant surtout de la violence à l'égard des femmes au sein de la famille, de la prostitution, de la perception de la femme en tant que mère et non comme participant à la société. Des experts ont souhaité obtenir des précisions sur les lacunes de la législation qui ne prévoit pas de protection des femmes contre la violence, car il n'existe aucune structure d'accueil ni aucun processus de réparation. Les experts ont également fait part de graves préoccupations concernant la prostitution des jeunes. Des questions ont également porté sur l'accès des femmes aux écoles de police et aux écoles militaires.
Des précisions ont ensuite été demandées sur les procédures de recours des victimes de discrimination fondée sur le sexe ou de discrimination raciale. Un expert a également demandé davantage d'informations sur le rôle et les compétences des institutions nationales de protection des droits de l'homme, notamment sur le médiateur et sur le conseil pour les droits de l'homme. Des questions ont également porté sur la diffusion des dispositions du Pacte et sur le matériel d'information rédigé à l'intention des citoyens, qui ne semble pas adapté au grand public actuellement. Il importe que le grand public connaisse ses droits avant de pouvoir les faire valoir auprès des autorités, a-t-il été observé. En outre, il importe que toutes les instances chargées de faire appliquer la loi reçoivent une formation adéquate et connaissent les dispositions du Pacte qu'elles doivent faire respecter. Les experts ont demandé pourquoi la République tchèque n'avait pas ratifié la Charte sociale européenne. Ils ont demandé des précisions sur les moyens dont disposent les citoyens pour faire reconnaître par le Cour constitutionnelle les discriminations dont ils sont victimes.
Les experts ont également posé des questions ayant trait au statut d'apatride et de réfugiés, notamment en ce qui concerne le droit au regroupement familial. Un expert a voulu connaître les nouvelles dispositions régissant le statut des mineurs demandeurs d'asile qui est en augmentation constante.
D'autres questions ont porté sur l'incidence de la privatisation sur le taux de chômage, sur le salaire minimum, sur le droit à un niveau de vie décent. Les experts ont voulu savoir si les dispositions du Pacte étaient prises en compte dans le processus de privatisation. Les experts se sont inquiétés de la conjoncture économique et ont voulu savoir si d'ici à quelques mois on pouvait espérer que le salaire minimum permettra à un travailleur et à sa famille de vivre décemment. Des précisions ont également été demandées sur les conditions de sécurité dans le travail et sur les recours existants en cas de violations de la législation du travail. Des éclaircissements ont été sollicités sur le droit des travailleurs étrangers à se syndiquer. Les experts ont également voulu connaître les résultats obtenus par le plan national pour l'emploi compte tenu du fait que le chômage continue d'augmenter.
Répondant aux questions des membres du Comité, le représentant du Ministère de la justice a expliqué que la Charte des droits et libertés fondamentaux consacrait la primauté des traités internationaux sur le droit interne. En outre, une disposition constitutionnelle confère la protection des droits fondamentaux au pouvoir judiciaire. Le recours constitutionnel vient en complément des recours traditionnels, il intervient lorsque toutes les autres possibilités de recours ont été épuisées. Ainsi, le recours constitutionnel ne dépend pas de la volonté des juges, mais est à la disposition de toute personne qui estime subir une violation de ses droits fondamentaux. La Cour constitutionnelle est également habilitée à se prononcer sur la constitutionnalité des décisions de l'administration régionale ou nationale, ainsi que sur les violations qui découlent d'un état de fait. De surcroît, tout citoyen peut faire valoir ses droits, que ce soit auprès d'un tribunal ordinaire ou de la Cour suprême.
Partant, le représentant a expliqué que le médiateur ou «protecteur public des droits» ne dépend pas du Gouvernement et n'est responsable que devant la chambre des députés. Le Bureau du médiateur ne fonctionne que depuis un an ou deux. Il n'est pas voué exclusivement à la protection des droits fondamentaux, mais intervient également pour protéger les citoyens des décisions administratives. Par exemple, le médiateur s'est récemment prononcé sur le droit au logement en déposant un recours constitutionnel en vue d'abroger les mesures discriminatoires appliquées par les bailleurs.
En ce qui concerne la diffusion des dispositions du Pacte, tant auprès des fonctionnaires et des magistrats que du public, le représentant a reconnu qu'il existait encore de nombreuses lacunes. Toutefois, le Gouvernement a prévu une formation plus poussée des magistrats à partir de cette année. Le représentant a indiqué qu'aucune décision de la Cour constitutionnelle ne se fondait directement sur le Pacte, mais plutôt sur la Charte des droits et des libertés fondamentaux qui reconnaît la validité du Pacte en droit interne. Par ailleurs, la délégation tchèque a indiqué qu'elle avait adhéré à la Charte sociale européenne révisée et avait dûment procédé aux amendements nécessaires au Code du travail, mais avait décidé d'attendre avant de procéder à sa ratification.
Reconnaissant qu'il n'existe aucun plan national général concernant les droits de l'homme, un membre de la délégation tchèque a néanmoins expliqué que le Commissaire aux droits de l'homme était chargé de formuler des recommandations au Gouvernement sur le respect des droits de l'homme. En outre, il existe un plan sur l'emploi, un programme national sur le vieillissement de la population, un plan national d'action pour l'intégration des Roms dans la société (dont une version anglaise a été distribuée en salle). Par ailleurs, un conseil des droits de l'homme a été institué en 1998, dans l'objectif d'assurer un suivi des questions relatives aux droits de l'homme et de formuler des recommandations au Gouvernement. Le Conseil des droits de l'homme regroupe des fonctionnaires de haut rang, des représentants de la société civile. Ce Conseil est composé de 22 membres et divisé en sous-comité chargé d'examiner des situations ou des questions spécifiques. Le Conseil des droits de l'homme peut se saisir de toute question qu'il juge importante et peut formuler des observations et recommandations au Gouvernement. Il est également habilité à connaître de la compatibilité des lois internes avec les obligations internationales découlant des traités.
Apportant des précisions sur la question des réfugiés, un membre de la délégation a déclaré que le droit au regroupement familial était reconnu aux réfugiés. Ainsi, en 2001, 83 personnes ont obtenu l'asile en République tchèque alors que seules 30 d'entre elles étaient victimes de persécution dans leur pays d'origine. Concernant la situation des mineurs non accompagnés, le représentant a déclaré que leur nombre en 2001 s'élevait à 281 personnes, dont 116 étaient accompagnés par un membre de leur famille élargie ou un ami. En outre, ces mineurs non accompagnés sont souvent âgés de 16 à 17 ans et viennent principalement de Roumanie, de Géorgie, d'Inde et d'Afghanistan. Le représentant a considéré que la situation n'était pas explosive. Toutefois, le Gouvernement a adopté, il y a quelques jours, une décision concernant le placement de ces mineurs non accompagnés.
S'agissant du statut des minorités, un représentant tchèque a souligné l'importance de la nouvelle loi sur les minorités nationales. Outre les droits dont jouissent tous les citoyens, les membres des minorités nationales voient renforcé leur droit à la participation à la vie de la société. Il existe également un conseil des minorités nationales, composé de membres du gouvernement et de membres des minorités nationales. Ce conseil est un organe consultatif dans lequel sont représentées 11 minorités nationales. La presse des minorités bénéficie aussi d'un appui du Gouvernement. Il existe également 32 conseils de ce type au niveau des municipalités.
Des précisions ont également été apportées en ce qui concerne la parité entre les sexes. Ainsi, les femmes ont une meilleure représentativité dans l'armée et la police. Les femmes peuvent faire valoir leurs droits auprès d'un conseil du Gouvernement chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ce conseil est composé de fonctionnaires du Gouvernement et de membres des organisations non gouvernementales. Reconnaissant que les femmes méconnaissant souvent leurs droits, il a été expliqué que le plan d'action national faisait une priorité de la diffusion de ces droits. Le représentant a toutefois regretté qu'aucun recours n'ait été déposé par des femmes, ce qui aurait permis de mener une campagne d'information plus efficace dans ce domaine.
En ce qui concerne la violence à l'égard des femmes, un représentant tchèque a reconnu qu'il n'existait aucune disposition pénale portant spécifiquement sur la violence au sein de la famille, à l'égard des femmes ou des enfants. Le représentant a fait état de difficultés quant à la détection de la violence au sein de la famille. En outre, il a observé que de nombreux barrages psychologiques font que le nombre de cas de violence fondée sur le sexe portés à l'attention des tribunaux reste faible. Un amendement au code de procédure pénale permet désormais d'introduire des recours contre des personnes proches auteurs de violence. S'expliquant sur l'absence de dispositions visant spécifiquement à protéger les femmes de la violence, le représentant a estimé qu'il ne serait pas juste d'inscrire des dispositions protégeant les femmes de la violence sans reconnaître que les hommes peuvent également être victimes. Le représentant a toutefois précisé qu'une réforme du code pénal était à l'étude.
Répondant aux questions sur les mesures prises pour lutter contre la traite des femmes, un représentant a expliqué que le proxénétisme était pénalisé. En outre, la définition du délit de commerce sexuel a été élargie pour prendre en compte les cas d'enfants ou d'hommes victimes du commerce sexuel. Le représentant a toutefois reconnu, parmi les lacunes de la législation, l'impossibilité de poursuivre les personnes morales pour commerce sexuel. Il a également admis des lacunes dans le droit à réparation. Les victimes de violence fondée sur le sexe et de la prostitution bénéficient de l'aide des organisations non gouvernementales travaillant dans ce domaine. Ainsi, ces organisations ont contribué aux campagnes d'information menées dans le pays, notamment en direction des enfants. En septembre dernier, une ligne d'urgence a été ouverte pour que les victimes de violence puissent recevoir des conseils et des suggestions pour remédier à leur situation. Des centres de conseil à l'intention des femmes victimes de violence ont été ouverts dans six villes du pays. Un nouveau plan national pour lutter contre la traite des femmes est à l'étude. Le représentant a précisé que la République tchèque est à la fois un pays de transit et de destination.


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