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Communiqués de presse Organes conventionnels

DÉBAT GÉNÉRAL SUR L'ÉGALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES : LES ÉTATS PARTIES DOIVENT ÊTRE ENCOURAGÉS À ADOPTER DES «MESURES SPÉCIALES»

13 Mai 2002



CESCR
28ème session
13 mai 2002
Matin



Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entamé, ce matin, une journée de débat général sur «le droit égal de l'homme et de la femme au bénéfice des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte». Il a notamment entendu, dans ce cadre, deux membres de Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, ainsi que des représentantes d'organisations non gouvernementales.
Dans ses remarques d'ouverture, la Présidente du Comité des droits économiques sociaux et culturels, Mme Virginia Bonoan-Dandan, a déclaré que le Comité avait constaté, dans le cadre de l'examen des rapports des États parties, que les femmes continuaient de pâtir de la pauvreté, de l'absence d'accès à des opportunités économiques et à une protection sociale suffisante. Elle a mis l'accent sur les difficultés particulières des femmes chefs de famille, alors que la société les confine dans des rôles préjudiciables à leur épanouissement. Le Comité dispose désormais d'informations et du recul suffisant pour fournir une interprétation de l'article 3 du Pacte relatif à l'égalité entre les sexes et pour recommander l'adoption de mesures spécifiques, a-t-elle estimé.
Partageant l'expérience acquise au sein du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Mme Hanna Beate Schopp-Schilling, membre du Comité, a observé que pour réaliser une égalité de facto, l'application de mesures temporaires était obligatoire sinon les déséquilibres historiques ne peuvent être dépassés. Apportant des précisions terminologiques, elle a estimé que le terme «discrimination positive» posait un problème et paraissait paradoxal, puisqu'on y retrouvait la notion de «discrimination». Elle a indiqué que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait opté pour le terme «mesures temporaires spéciales», espérant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels adopterait la même terminologie dans son commentaire général. Ces mesures doivent se fonder sur la Constitution et être inclues dans les règlements et les lois, ainsi que dans les conventions collectives.
Pour sa part, Mme Savitri Goonesekere, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a expliqué que le Comité s'attache à examiner le cadre juridique des pays en faveur de la réalisation des droits des femmes. Ainsi, il demande l'intégration des droits économiques et sociaux au niveau des constitutions et pas seulement des politiques mises en œuvre. Il convient tout d'abord de consacrer ces droits dans les textes puis de procéder à leur réalisation, a-t-elle insisté. Sur la base de son expérience, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes estime que les États ont un rôle fondamental à jouer, notamment par l'adoption de mesures temporaires spéciales, surtout dans le contexte de la mondialisation et des privatisations, avec le transfert, par les États, de vastes domaines comme la protection sociale et l'éducation vers le secteur privé.
Le Comité a également entendu des interventions de Mmes Martha Freeman, Directrice d'International Women's Rights Action Watch, et Shelag Day, du Women's Economic Equality Project.
Le Comité poursuivra son débat général cet après-midi, avec l'audition d'autres organisations non gouvernementales sur le thème de l'égalité entre hommes et femmes.

Remarques d'ouverture
MME VIRGINIA BONOAN-DANDAN, Présidente du Comité, a souligné l'importance de l'égalité en droit des hommes et des femmes au bénéfice des droits économiques, sociaux et culturels, regrettant la survivance des stéréotypes fondés sur les sexes dans toutes les sociétés qu'elles soient riches ou pauvres. La question de l'égalité entre les hommes et les femmes pose la question de l'égalité entre les puissants et les sans droits et souligne les différences de traitement qui subsistent dans de nombreuses sociétés.
Mme Bonoan-Danan a rappelé que, depuis l'entrée en vigueur du Pacte et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, le Comité avait constaté que les femmes continuaient de pâtir de la pauvreté et de l'absence d'accès à des opportunités économiques et à une protection sociale suffisante. Elle a mis l'accent sur les difficultés particulières des femmes chefs de famille, alors que les diverses sociétés les confinent dans des rôles qui sont préjudiciables à leur épanouissement. Le Comité dispose désormais d'informations et de recul suffisant pour examiner de nouveau cette question et fournir une interprétation de l'article 3 du pacte qui dispose de l'égalité entre les sexes et recommande l'adoption de mesures spécifiques, a-t-elle estimé. La question est aujourd'hui de savoir si ce commentaire doit porter sur une interprétation de l'article 3 du Pacte ou traiter directement des droits des femmes.
MME SAVITRI GOONESEKERE, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a souligné l'importance de l'article 3 du Pacte alors que la majeure partie des femmes se voit dénier la réalisation de leurs droits économiques. Elle a expliqué que, souvent, son Comité examinait les rapports de pays à la lueur des observations et recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a présenté les travaux du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, qui s'attache à examiner le cadre juridique des pays en faveur de la réalisation des droits des femmes. Ainsi, le Comité demande l'intégration des droits économiques et sociaux au niveau des constitutions et pas seulement des politiques mises en œuvre. Il convient tout d'abord de consacrer ces droits dans les textes puis de procéder à leur réalisation. D'après son expérience, le Comité estime que les États ont un rôle fondamental à jouer, notamment par l'adoption de mesures temporaires spéciales, surtout dans le contexte de la mondialisation et des privatisations puisque les États transfèrent de vastes domaines comme la protection sociale et l'éducation vers le secteur privé.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes met l'accent sur la responsabilité partagée au sein de la famille, a poursuivi Mme Goonesekere. L'équilibre au sein de la famille doit se fonder sur l'égalité entre les sexes. Les États sont responsables en ce qui concerne l'accès des femmes à l'éducation et à des soins de santé reproductive. Ils doivent aborder les questions relatives à la violence au sein de la famille, les droits de succession et de propriété comme des domaines où les femmes sont particulièrement victimes de discrimination. Par ailleurs, elle a estimé qu'il serait utile que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine l'accès des femmes au secteur informel, comme le fait le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Elle s'est félicitée du fait que le Comité aborde la question de la liberté des femmes à former des syndicats, surtout dans un contexte où de nombreuses femmes sont employées dans les zones franches et soumises à des conditions de travail inhumaines. Elle a souligné l'importance aussi d'examiner la mobilité sociale des femmes et s'est attachée à montrer la complémentarité des travaux des deux comités.
MME HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a indiqué que le Comité prépare de son côté un commentaire général sur l'article 2 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, qui traite des mesures prises par les États en vue de réaliser l'égalité entre les sexes et l'égalité des chances. Les experts du Comité se sont rendus compte que de nombreux États parties ne comprenaient pas exactement la signification de cet article et la nécessité d'appliquer des mesures correctives provisoires pour accélérer la réalisation de l'égalité des chances. Elle a retracé le travail du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes en vue de la rédaction de ce commentaire général dont une première version devra être examinée en janvier 2003 lors de sa prochaine session, après avoir entendu les organisations non gouvernementales sur ce point en juin prochain.
Mme Schopp-Schilling a espéré que le commentaire général du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pourra combiner les deux approches citées par la Présidente ce matin. Faisant part de quelques divergences avec le point de vue exprimé par M. Marc Bossyut, du Comité des droits de l'homme, elle a souligné l'importance des mesures temporaires spéciales, dont l'application doit être maintenue pendant une période suffisamment longue. Ainsi le Comité a observé que, pour réaliser une égalité de facto, l'application de mesures temporaires était obligatoire pour rétablir les déséquilibres historiques. Il est également nécessaire d'examiner attentivement les résultats des mesures adoptées par les États.
Apportant des précisions terminologiques sur ces mesures temporaires spéciales, elle a estimé que le terme «discrimination positive» posait un problème et paraissait paradoxal, puisqu'on y retrouvait un notion de «discrimination». Quant au terme «action positive», elle a regretté qu'il soit trop limitatif et a indiqué que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait opté pour le terme «mesures temporaires spéciales», espérant que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels adopterait la même terminologie dans son commentaire général sur l'égalité entre les sexes. Ces mesures doivent se fonder sur la Constitution et être inclues dans les règlements et les lois, ainsi que dans les conventions collectives. Ces mesures peuvent également recommander des quotas, a-t-elle dit expliquant qu'il fallait également veiller à ne pas inclure des droits fondamentaux et permanents dans ces mesures temporaires spéciales. Il importe en outre que les femmes puissent participer à l'élaboration de ces mesures et à leur évaluation. S'agissant des quotas, elle a observé qu'ils étaient d'un emploi facile dans le domaine de la représentation politique, mais plus difficile dans l'éducation ou l'évolution des carrières des femmes qui reposent sur le principe de la «méritocratie». Toutefois, ces principes «méritocratiques» sont souvent le fait d'un système patriarcal ignorant la situation spécifique des femmes.

Dialogue avec les experts
Se prononçant en faveur de l'adoption d'un commentaire général sur l'égalité entre les sexes, un expert a souligné l'importance de recevoir, de la part des États parties, des statistiques ventilées, notamment en ce qui concerne l'avancement des carrières des femmes. En effet, il est pour le moment particulièrement difficile de mesurer la discrimination à l'égard des femmes dans ce domaine. Prenant l'exemple de la magistrature, il a démontré que si les femmes accèdent souvent en plus grand nombre à la magistrature, elles sont bien moins nombreuses au sommet de la pyramide. En effet, les femmes interrompent souvent leur carrière pour s'occuper de leur famille, ce qui a des incidences négatives sur l'avancement de leur carrière. Dans ce contexte, se déclarant d'accord sur le fait qu'il faut abandonner le terme «discrimination positive», il s'est demandé ce qu'il fallait recommander. Prenant l'exemple de la loi sur la parité adoptée en France, l'expert a souligné les difficultés de son application du fait que les hommes ne souhaitent pas céder le pouvoir et que peu de femmes s'engagent dans les carrières politiques, souvent à cause d'habitudes séculaires. Toutefois, il a estimé que l'adoption d'une législation contraignante était le meilleur moyen de parvenir à la parité, tout en veillant à les accompagner d'une pédagogie en vue de faire évoluer les mentalités. Pour ce faire, il a considéré qu'il faillait s'appuyer sur les organisations de femmes et sur la jurisprudence. Citant de nouveau l'exemple de la France, il a observé que les témoignages des femmes africaines lors de procès sur des mutilations génitales avaient eu un impact très fort sur l'opinion publique.
Un expert a estimé pour sa part que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels doit se limiter à mettre l'accent sur l'égalité et la non-discrimination, plutôt que sur les droits des femmes qui sont le domaine réservé du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Il convient d'étudier l'inégalité au plan formel ou procédural, en gardant à l'esprit les droits des femmes, et aborder les questions de fond ayant trait à l'égalité des chances. Dans ce contexte, il a cité le Protocole facultatif à la Convention européenne des droits de l'homme qui pourrait inspirer le commentaire du Comité sur l'article 3 du Pacte. Par ailleurs, se félicitant de la coopération avec le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, il a estimé qu'il était nécessaire d'établir des liens étroits entre tous les mécanismes des droits de l'homme lorsqu'il existe une convergence ou un chevauchement entre les instruments internationaux. S'agissant de l'action positive, il s'est déclaré favorable à l'extension de cette action si cela signifie une amélioration de l'accès à l'emploi, mais défavorable à l'adoption de quotas arbitraires qui risqueraient d'avoir des effets pervers.
S'agissant de la tendance actuelle des mécanismes des droits de l'homme à fournir une interprétation de certaines dispositions, un expert a observé qu'il fallait se garder de légiférer à la place des États. Il s'est demandé si ce commentaire général devait aborder les questions de santé génésique et reproductive, notamment en ce qui concerne l'avortement, le VIH/sida ou le viol conjugal.
Un autre expert a demandé des précisions sur le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et son fonctionnement. Il a ensuite demandé aux experts du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de se prononcer sur l'établissement de quotas qui a été critiqué par de nombreux tribunaux, parce que cette mesure sacrifie le principe de l'égalité des chances pour parvenir à une égalité entre les groupes. Il s'est déclaré favorable à des mesures de discrimination positive plus souples, par exemple en donnant la préférence aux personnes du «sexe sous-représenté» en cas d'égalité de résultats des candidats à un concours. Pour sa part, il s'est déclaré favorable à un commentaire de l'article 3 et non à un commentaire sur les droits des femmes, qui sont l'affaire du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
Un expert a considéré que ce commentaire général devrait porter sur les droits des femmes à jouir à égalité avec les hommes des droits économiques, sociaux et culturels. Il importe également que le Comité fasse état des raisons qui justifient la rédaction de ce commentaire général. Ainsi, le Comité doit souligner la participation des femmes au développement et revaloriser le rôle joué par les femmes dans tous les domaines de la vie afin de lutter contre les stéréotypes machistes en éclairant la réalité de la situation. Il faut résister à la tentation de présenter les femmes comme un groupe vulnérable. S'agissant de la discrimination positive, l'expert a déclaré qu'il n'était pas favorable à l'établissement de quotas.
Répondant à ces interventions, MME GOONESEKERE a expliqué que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait noté qu'il était important de souligner la discrimination historique que subissent les femmes. Il convient de mettre l'accent sur le fait que cette discrimination contrevient au principe d'égalité plutôt que sur les droits des femmes. Elle a exposé les vues du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes sur l'éducation des communautés pour lutter contre les pratiques préjudiciables à la santé des femmes.
En ce qui concerne les mesures temporaires spéciales, elle a observé que les pays qui les avaient adoptées instauraient plus rapidement la parité que les autres. Dans ce contexte, elle a estimé que les mécanismes des droits de l'homme pouvaient interpréter les articles des instruments pour refléter la réalité qui émerge des rapports présentés par les pays. Prenant l'exemple de la violence fondée sur le sexe qui ne figure pas comme telle dans la Convention, elle a expliqué que c'est en prenant conscience de l'importance de ce phénomène dans les rapports de pays que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait commencé à redéfinir la violence avec plus de précision et à poser des questions en ce sens aux États parties présentant leur rapport.
En ce qui concerne la procédure de communications individuelles mise en place par le Protocole facultatif, elle a précisé que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes n'avait pas encore reçu de plainte et que le Protocole précisait que ces communications devaient être assorties d'une enquête et ne pouvaient donc pas être anonymes.
MME SCHOPP-SCHILLING a insisté auprès des experts du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour qu'ils aient recours aux termes «mesures temporaires spéciales» dans leur commentaire général. S'agissant de l'égalité de fait, elle a convenu qu'il fallait aller au-delà des mesures juridiques qui doivent nécessairement s'accompagner de l'éducation des communautés. Elle a estimé qu'il serait important que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels se prononce en faveur de l'adoption de mesures spéciales temporaires et de l'incorporation de ces mesures dans le cadre juridique, voire dans la Constitution comme c'est le cas en Allemagne ou en Suède. Convenant que l'instauration de quotas peut sembler privilégier les droits des femmes en tant que groupe au détriment des droits individuels à l'égalité des chances, elle a observé que, dans la sphère politique, ces quotas ont souvent eu des résultats positifs. Il faut toutefois se garder d'une trop grande rigidité dans ce domaine, a-t-elle reconnu.
Revenant sur la question de savoir si les mécanismes des droits de l'homme allaient au-delà de leur mandat en rédigeant des commentaires généraux, elle a estimé qu'ils se devaient de fournir une interprétation des instruments à la lueur des observations émergeant des rapports présentés par les États parties. Elle a établi une distinction entre ces mesures spéciales temporaires et la protection de la maternité qui s'inscrit dans la réalisation des droits fondamentaux des femmes.
Un expert a ensuite attiré l'attention sur la vie de famille et le principe de la solidarité qui régit les rapports de couple. Il s'est demandé si la situation d'inégalité entre les hommes et les femmes n'était pas le résultat du sacrifice de l'un des époux, le plus souvent la femme. Dans ce contexte, il a observé que tout commentaire sur l'action positive en faveur des femmes devait garder à l'esprit ce contexte familial.
Répondant à cette intervention, MME GOONESEKERE a reconnu qu'il existait une notion de partage dans les relations familiales, mais a observé que la différence entre les hommes et les femmes a servi de base à créer des inégalités au détriment des femmes. Elle a fait remarquer que cette différence avait permis de refuser l'égalité en droit des femmes et servi à ancrer le patriarcat en insistant sur le rôle de l'homme en qualité de chef de famille.

Déclarations d'organisations non gouvernementales
MME MARSHA FREEMAN, Directeur d'International Women's Right Action Watch, a attiré l'attention sur l'intérêt pour le Comité d'adopter un commentaire général qui servira d'encouragement et d'inspiration aux États pour qu'ils parviennent à établir la parité. Il s'agit de réfléchir à un effort commun en vue d'établir l'égalité entre les êtres et d'insister sur la nécessité d'agir ensemble pour réaliser cette égalité. Elle a signalé le danger qui consiste à parler de droits qui n'appartiendraient qu'aux femmes, ce qui conduit à leur marginalisation. Abordant ensuite la question des privilèges, elle a mis l'accent sur le danger de se référer au «patriarcat». Il conviendrait plutôt d'identifier les privilèges ou les préférences dont bénéficient les hommes dans un contexte d'inégalité entre les sexes. Ainsi, la réalisation de l'égalité revient à remédier à des déséquilibres et non à retirer certains droits aux hommes.
Mme Freeman a ensuite estimé qu'il importe avant tout de parler de «genre» ou de «sexe», ce qui n'est pas la même chose que de parler des femmes. C'est un outil qui permet de mener une analyse en prenant en considération certaines hypothèses. Ainsi, il faut examiner les conséquences pour les hommes et les femmes de certaines législations. Prenant l'exemple de certains États des Caraïbes, elle a indiqué que les statistiques laissaient désormais penser que les femmes accédaient maintenant à une meilleure éducation. Toutefois, si l'on mène une analyse plus poussée, fondée sur le «genre» ou le «sexe», il s'avère que les femmes ont besoin d'atteindre un niveau d'éducation plus élevé pour parvenir à un niveau social comparable aux hommes, a-t-elle expliqué.
MME SHELAG DAY, du Women's Economic Equality Project, a estimé que la réalisation de l'objectif de l'article 3 du Pacte demande la prise en considération de la situation spécifique des femmes et des inégalités qu'elles subissent. Elle s'est félicitée du travail du Comité en vue de la rédaction d'un commentaire général qui permettra de guider l'interprétation de l'article 3. Elle a déclaré que les observations générales aidaient les États parties mais aussi leur appareil judiciaire. Elle a cité des exemples de l'apport des commentaires généraux des mécanismes des droits de l'homme qui sont utilisés par les tribunaux nationaux pour fonder leur décision. Elle a ensuite observé que les tribunaux nationaux étaient souvent favorables à un dialogue avec les mécanismes des droits de l'homme en ce qui concerne l'interprétation des instruments internationaux. En outre, ces commentaires généraux sont utiles aux femmes qui, par le biais d'associations, œuvrent pour la réalisation des droits consacrés par les instruments internationaux.
Mme Day a souligné la persistance des inégalités à l'égard des femmes et leurs conséquences sur la vie des femmes. Elle a posé la question de savoir quelle approche il fallait apporter pour la pleine réalisation de l'égalité entre les sexes. Lorsque les femmes sont privées de la jouissance de leurs droits économiques, leur vulnérabilité sociale augmente, a-t-elle observé. Elles se soumettent plus facilement, ne serait-ce que pour assurer leur survie. En outre, il importe d'insister sur le fait que l'amélioration du bien être social et économique des femmes a des répercussions positives sur l'ensemble de la société. Pour ce faire, il faut aller au-delà de la simple égalité de jure et œuvrer en faveur d'une réelle égalité de facto. Elle a souligné que la simple mise en place d'un système juridique neutre n'implique pas forcément une amélioration de la situation des femmes. En effet, il faut savoir que ces systèmes juridiques ont été façonnés sur un modèle patriarcal qui omet de prendre en compte la situation particulière des femmes, qui commencent souvent à un point où leurs droits ne sont pas égaux. Ainsi, en modifiant l'accès aux moyens de production, il convient aussi d'améliorer la protection sociale des enfants, y compris par des systèmes de gardes, pour que les femmes puissent réellement jouir des droits qui leur sont garantis. Il importe en outre d'examiner attentivement les effets des mesures adoptées par les États et de les ajuster au besoin. La représentante a estimé qu'il fallait prendre en considération les chevauchements entre diverses discriminations, par exemple la discrimination raciale et la discrimination fondée sur le sexe, ou la discrimination fondée sur le sexe et la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.
Abordant la question des obligations des États au titre de l'article 3, elle a estimé que les États qui ne prennent aucune mesure pour assurer l'égalité entre les sexes contrevenaient au Pacte. Il faut veiller également à ce que les États adoptent des programmes spécifiques de protection des femmes et les dotent de ressources suffisantes.



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