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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE DIVERSES QUESTIONS DE FOND

06 Mai 2003



CESCR
30ème session
6 mai 2003




Il entend le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation
et examine un projet d'observation générale
sur l'égalité entre hommes et femmes



Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui des questions de fond concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. À ce titre, il a examiné un projet d'observation générale sur le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité a également entendu le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, M. Jean Ziegler, ainsi qu'un exposé sur les travaux du Groupe de travail établi conjointement entre l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) et le Haut Commissariat aux droits de l'homme afin d'élaborer des principes directeurs en vue de réaliser le droit à l'alimentation. Il a en outre examiné les propositions du Secrétaire général des Nations Unies concernant la réforme des organes créés en vertu d'instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme.
Le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation a présenté les résultats de la mission qu'il a effectuée récemment au Brésil, pays qui présente son rapport initial au Comité au cours de la présente session. Il a souligné que l'arrivée au pouvoir dans ce pays de forces politiques totalement nouvelles représente une véritable révolution et que le nouveau président a fait de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et, en particulier, du droit à l'alimentation, la tâche prioritaire de son gouvernement.
Plusieurs membres du Comité sont intervenus dans le cadre de l'examen du projet d'observation générale sur l'article 3, de même qu'un représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Le Comité adopte des observations générales sur les dispositions du Pacte afin, notamment, d'aider les États parties à s'acquitter de leurs obligations au titre du Pacte et d'appeler leur attention sur les insuffisances que font apparaître un grand nombre de rapports.
Ce texte sera à nouveau discuté au cours d'un atelier qui se tiendra au mois de juillet 2003 et réexaminé en novembre 2003. Le projet, lorsqu'il sera adopté, deviendra l'observation générale n°16. Les observations générales adoptées précédemment par le Comité, depuis 1989, portent notamment sur les droits des personnes souffrant d'un handicap, les droits des personnes âgées, le droit à un logement suffisant, les expulsions forcées, les sanctions économiques, le rôle des institutions nationales de défense des droits de l'homme, le droit à l'éducation, le droit à une nourriture suffisante, le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint, le droit à l'eau.
Le Comité a tenu une discussion en réponse à la demande que le Haut Commissaire aux droits de l'homme a adressée aux membres des organes conventionnels de lui transmettre leurs commentaires et propositions sur les propositions formulées par le Secrétaire général dans son rapport intitulé «Renforcer l'ONU: un programme pour aller plus loin dans le changement». Dans le cadre de ce débat, la majorité des membres du Comité ont exprimé leur désaccord avec la proposition de fusionner les rapports soumis par les États aux différents organes en un rapport unique. Au terme de la discussion, il a été décidé que le Secrétariat consolidera les propositions et commentaires dans un document qui sera soumis à l'adoption du Comité avant la fin de la session. Plusieurs membres du Comité sont intervenus, ainsi que le représentant de l'UNESCO.
Le Comité entamera demain matin, à partir de 10 heures, l'examen du troisième rapport périodique du Luxembourg (E/1994/104/Add.24).

Examen d'un projet d'observation générale relative au droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels
Au cours de la discussion sur le projet d'observation générale relative à l'article 3 du Pacte, qui porte sur le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, plusieurs experts ont souligné l'importance de définir les concepts de base tels que l'égalité entre les sexes, les différences entre égalité et équité, la discrimination, la discrimination positive ou même la notion de sexe. D'autres ont également mis l'accent sur la nécessité de donner un cadre de référence au projet. À cet égard, il a été suggéré de mentionner les luttes qui ont été menées par les femmes elles-mêmes pour leurs droits. Un autre expert a souligné l'importance de mettre l'accent sur le rôle de la femme comme élément essentiel du développement afin de comprendre les domaines dans lesquels les femmes sont victimes de discrimination.
Plusieurs experts se sont accordés à dire qu'une des difficultés réside dans la définition et l'articulation des concepts d'égalité et d'équité. À cet égard, certains ont souligné que la question de l'égalité va au-delà de l'adoption de lois ou de mesures pour lutter contre la discrimination. Il s'agit bien souvent de faire évoluer les mentalités, ce qui exige de mettre l'accent sur l'éducation afin de lutter contre les préjugés culturels qui sont bien souvent à la base des discriminations et de l'inégalité dont souffrent les femmes un peu partout dans le monde. D'autres se sont interrogés sur la prise en compte de certaines différences, notamment biologiques, dans l'application du principe d'égalité.
S'agissant de la discrimination, plusieurs experts ont regretté que les questions relatives à la discrimination positive ou aux quotas ne soient pas abordées, notamment en ce qui concerne leurs effets pervers potentiels ou leur compatibilité avec le principe de l'égalité entre les individus. Ils se sont accordés sur la nécessité d'insister sur l'élimination de la discrimination dans le travail, en ce qui concerne notamment l'égalité d'accès, de promotion et de salaires. Certains ont attiré l'attention sur les discriminations indirectes qui font que des mesures neutres en droit peuvent, de fait, défavoriser les femmes. À cet égard, il a été suggéré de renforcer la justiciabilité des discriminations à l'égard des femmes mais aussi d'introduire des mécanismes de surveillance de l'application dans les faits de l'égalité et de la non-discrimination. Il a par ailleurs été préconisé de traiter de façon plus cohérente et vigoureuse certaines violations telles que la traite ou la prostitution afin de donner des orientations claires aux États parties.
Le fait que les observations générales n'ont pas à proprement parler un caractère contraignant permet une marge de manœuvre plus grande et une interprétation qui suit les évolutions de la société, a-t-il par ailleurs été souligné. Certains experts ont déploré qu'il ne soit pas possible de rédiger cette observation générale de façon conjointe avec le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, estimant qu'il y avait là une occasion manquée de renforcer la coopération entre les différents organes. Pour d'autres toutefois, il est important de garder la spécificité des domaines de compétence de chaque Comité et la perspective qui leur est propre.

Débat sur les propositions de réforme des organes conventionnels
La discussion s'est concentrée autour de la proposition de demander aux États de présenter un rapport unique aux organes conventionnels auxquels ils sont parties. À cet égard, la majorité des membres du Comité se sont prononcés contre cette mesure. En effet, des doutes ont été exprimés quant au réalisme et au côté pratique d'une telle mesure soulignant d'une part la difficulté qu'il y aura à manipuler des rapports devenus très volumineux, mais surtout, le risque de voir une perte d'intensité des questions abordées. En outre, il n'est pas sûr qu'une telle mesure allège pour autant la charge de travail qui pèse sur les États. Certains ont estimé que c'était une invitation aux États parties à ne rien dire de substantiel. D'autres ont exprimé la crainte qu'une telle mesure affaiblisse encore le système de protection des droits de l'homme déjà mis à mal par la politisation de la Commission des droits de l'homme et de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l'homme.
En outre, des experts ont estimé que la fusion des rapports n'avait de sens que dans la perspective d'une fusion des organes conventionnels. À cet égard, certain ont estimé que la question de créer un comité unique qui siègerait toute l'année et aurait une perspective plus globale de l'ensemble des questions relatives aux droits de l'homme devait peut-être être posée tout en doutant qu'elle soit à l'ordre du jour dans un avenir proche.
Tout en reconnaissant qu'il y avait un vrai problème avec le fonctionnement des organes conventionnels et une nécessité de simplifier le processus de rapport et d'alléger la charge qui pèse sur les États, plusieurs experts ont souligné que les chevauchements ne peuvent être totalement évités. En effet, certaines questions font l'objet de dispositions dans plusieurs pactes ou conventions et vouloir les supprimer complètement reviendrait à fusionner ces instruments, ont noté certains membres du Comité. En outre, si l'idée d'un rapport unique a séduit certains membres qui y voient le moyen d'encourager les États à avoir une approche intégrée de tous les droits de l'homme et de leurs obligations en vertu des traités, d'autres ont estimé qu'une telle approche n'existe pas encore. D'autre part, il a été souligné que si certaines questions font l'objet d'un examen au sein de plusieurs comités, la spécificité des mandats de chaque comité fait qu'elles ne sont pas considérées sous le même angle. De même, les groupes qui nécessitent une protection particulière ne recevraient pas la même attention dans la perspective d'un rapport unique.
Les membres du Comité ont néanmoins reconnu la nécessité d'améliorer la coordination entre les différents comités et de simplifier les procédures de soumission de rapport. À cet égard des propositions ont été faites concernant un document de base commun qui présenterait un panorama général du statut des différents instruments et de leur mise en œuvre. Les rapports périodiques adressés aux différents comités seraient quant à eux recentrés sur un petit nombre de préoccupations, le suivi des recommandations, les faits nouveaux et les réponses ont allégations de violation reçues entre deux examens.

Interventions sur le droit à l'alimentation
M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, a présenté les résultats de la mission qu'il a effectuée récemment au Brésil. Il a souligné que l'arrivée au pouvoir dans ce pays de forces politiques totalement nouvelles représente une véritable révolution. En effet, le nouveau Président, Luis Ignacio Da Silva, dit Lula, a fait de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et, en particulier, du droit à l'alimentation, la tâche prioritaire de son gouvernement. Cela pose un problème car les rapports présentés ont été élaborés par le Gouvernement précédent. La politique ayant pris une orientation tellement radicalement différente, M. Ziegler a insisté sur la nécessité absolue de soutenir les efforts du nouveau gouvernement. À cet égard, il a souligné les très grandes difficultés sociales qui prévalent dans le pays et indiqué que les chiffres avancés par le nouveau gouvernement sont alarmants, notamment sur le nombre de personnes gravement sous-alimentées, soit 45 millions de personnes : le double de ce qui avait été avancé par le gouvernement précédent. M. Ziegler a applaudi la mise en place du programme «Fome zero» («Faim zéro») qui est la priorité du nouveau gouvernement et que le Président Lula va d'ailleurs proposer comme base d'un programme mondial pour éradiquer la faim à la prochaine réunion du G8 en juin 2003.
Détaillant ce programme de lutte contre la faim qui comporte 41 mesures et concerne 22 ministères, avec aussi bien des mesures de réformes structurelles, comme la réforme agraire, que des politiques locales immédiates de lutte contre la faim, M. Ziegler a souligné que le Brésil est le premier pays à avoir un ministère de lutte contre la faim. Toutefois, si les espoirs suscités sont immenses, les dangers sont également considérables, a mis en garde M. Ziegler, car malgré la détermination, la légitimité du Gouvernement et la validité du programme contre la faim, la dette est écrasante et le parti du Président n'a pas la majorité au Congrès. Il faut que la communauté internationale soutienne les efforts du Gouvernement brésilien et en particulier, qu'elle fasse pression sur le Fonds monétaire international pour qu'il accepte un moratoire unilatéral de la dette. Il faut dire que le droit à l'alimentation est un droit de l'homme et qu'il doit avoir la priorité par rapport aux autres obligations contractées et, en particulier, le service de la dette dont il a précisé qu'il représente l'ensemble du budget national de la santé et de l'éducation. En outre, les oligarchies féodales restent très puissantes et, de ce fait, l'affrontement au sein de la société brésilienne est programmé, a estimé M. Ziegler. Si la communauté internationale doit avoir une responsabilité historique de soutien à un gouvernement, c'est le moment, a-t-il conclu.
Lors du dialogue interactif qui s'est engagé entre les membres du Comité et le Rapporteur spécial, la question de la généralisation d'un modèle de lutte contre la faim a été posé. Au sujet des indicateurs qui permettent d'établir concrètement que les populations souffrent de la faim, M. Ziegler a précisé que le document de référence en la matière est le Rapport annuel sur la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture (World Food Report) de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qui montre, notamment, que les victimes de la faim augmentent alors que la production agricole peut nourrir sans problème 12 milliards d'êtres humains. En ce qui concerne la question de la dette, M. Ziegler a précisé que le FMI n'est pas le créancier de la dette du Brésil mais qu'il est en charge des négociations entre le Brésil et les créanciers qui sont pour la plupart des banques privées. Il a réitéré que le Brésil ne peut en aucun cas honorer une dette de 235 milliards de dollars des États-Unis qui représente plus de la moitié du produit intérieur brut et qui a été contractée principalement pendant la dictature militaire entre 1964 et 1982. Le nouveau gouvernement, malgré sa volonté de rompre avec la tradition d'endettement, a hérité de cette dette et ne parviendra pas à mener ses réformes avec un service aussi lourd. Il a besoin de l'aide de la communauté internationale pour obtenir un moratoire, une suspension de paiement ou un rééchelonnement de sa dette.
M. Carlos López, du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a exposé la situation en ce qui concerne les travaux du Groupe de travail conjoint entre le Haut Commissariat et la FAO chargé de l'élaboration de principes directeurs afin de favoriser la réalisation du droit à l'alimentation. Le Groupe de travail s'est réuni au mois de mars et un échange de vues et des commentaires ont été faits sur le contenu de ces principes. Ceux-ci seront réunis au mois de juillet dans un texte qui représentera une première mouture et qui sera examiné lors de la prochaine session du Groupe de travail au mois de septembre prochain. Pour le Haut Commissariat, il s'agit là d'une bonne occasion de rédiger un document politique qui aidera les États à mettre en œuvre le droit à l'alimentation. La FAO s'est montrée tout à fait prête à intégrer une perspective des droits de l'homme dans ses activités et à poursuivre le dialogue avec les organes des droits de l'homme. Lors de la première session du Groupe de travail, le Haut Commissariat avait soumis un document de travail contenant les recommandations élaborées lors d'un séminaire auquel ont participé notamment des membres du Comité des droits économiques, sociaux et culturels.
M. Michaël Windfuhr (FIAN - Pour le droit à se nourrir) a indiqué qu'un grand nombre d'organisations de la société civiles ont pu participer aux réunions du Groupe de travail et ont pu procéder à une évaluation de ces principes directeurs. Il a estimé qu'il s'agit là d'une expérience très importante et que la FAO accorde une très grande attention aux discussions sur la méthodologie à adopter. Beaucoup de pays se sont exprimés, notamment sur un certain nombre d'observations générales du Comité, a-t-il indiqué souhaitant que le Comité opère un suivi des difficultés soulevées par certains pays et que cela fasse l'objet de questions lors de l'examen des rapports. Il a préconisé une approche fondée sur les droits afin de forger une volonté politique pour la réalisation de ces droits.



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