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Communiqués de presse Organes conventionnels

EXAMEN DU RAPPORT DU BÉNIN : LES QUESTIONS RELATIVES À L'EMPLOI ET AUX PRIVATISATIONS RETIENNENT L'ATTENTION DES EXPERTS

03 Mai 2002



CESCR
28ème session
3 mai 2002
Matin




La délégation béninoise s'explique sur les difficultés
rencontrées pour procéder à une réforme du code
des personnes et de la famille



Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a poursuivi, ce matin, l'examen du rapport du Bénin en portant son attention sur les questions relatives au droit à l'éducation, à un niveau de vie suffisant et à la préservation du patrimoine culturel. Le droit à la santé a retenu l'attention des experts qui ont fait part de leurs craintes face à la propagation du VIH/sida au Bénin, où le taux de prévalence risquerait de passer de 4 à 10 % dans les prochaines années. Des questions ont également été posées s'agissant de la réforme du code des personnes et de la famille; du système de la santé qui semble se dégrader dans le pays; et de la situation de l'emploi, notamment dans le contexte des privatisations résultant de la mise en œuvre du programme d'ajustement structurel.
À cet égard, la délégation béninoise, conduite par M. Joseph Gnonlonfoun, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, a reconnu l'importance du chômage au Bénin, notamment chez les jeunes, et la croissance du secteur informel qui emploierait quelque 80 % de la population active. Quant aux privatisations, il a indiqué que le Gouvernement s'était chaque fois efforcé de négocier le maintien des salariés. En revanche, c'est dans la fonction publique que l'ajustement structurel a entraîné des départs massifs. S'agissant de la liberté syndicale, la délégation béninoise a précisé que l'obligation de dépôt de statut pour les syndicats n'avait d'autre objectif que de leur permettre d'ester en justice et est sans incidence sur leur fonctionnement. En outre, le droit de grève est consacré par la Constitution.
Interrogée sur la volonté politique du Gouvernement de réformer le code de la famille, notamment en ce qui concerne les pratiques coutumières préjudiciables à la santé des femmes et la scolarisation des enfants, la délégation béninoise a déclaré qu'un projet de code des personnes et de la famille, qui consacre l'égalité entre les sexes, est en cours de discussion au Parlement, où il rencontre une ferme opposition. M. Gnonlonfoun a expliqué que le Gouvernement organisait des séminaires en vue de sensibiliser les parlementaires à ces questions, mais qu'il ne servait à rien d'imposer des lois à des populations que ne sont pas prêtes à les appliquer. Dans le même esprit, il a indiqué que le Gouvernement s'efforçait d'améliorer le taux de scolarisation, notamment par la gratuité, mais qu'il importait avant tout de faire évoluer les mentalités et de faire comprendre aux parents la nécessité de scolariser leurs enfants. Pour leur part, les experts ont insisté sur le fait qu'il incombait au Gouvernement d'adopter une politique visionnaire et d'imprimer une volonté de changement.
Le Comité entendra, cet après-midi à partir de 15 heures, les réponses de la délégation béninoise à ses questions portant sur le droit à la santé, l'emploi, le droit à l'éducation et la préservation du patrimoine culturel.

Suite de l'examen du rapport du Bénin
S'agissant de l'incorporation des dispositions du Pacte dans l'ordre juridique interne du pays, le Ministre béninois de la justice a rappelé que l'artcile 22 de la Constitution disposait que tous les peuples ont droit au respect de leur développement économique et culturel. En outre, le préambule de la Constitution affirme que la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et politiques. La Constitution a été traduite dans les langues locales et diffusée par les radios. Il a donné des exemples de saisine de la Cour constitutionnelle par un entrepreneur qui s'estimait lésé dans la jouissance de ses droits économiques et sociaux. En outre, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt obligeant le Gouvernement à réintégrer des fonctionnaires qui avaient été victimes de discrimination.
En ce qui concerne le fonctionnement de la Commission béninoise des droits de l'homme, M. Gnonlonfoun a précisé que l'article 26 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dispose que les États ont le devoir de garantir l'indépendance du système judiciaire et de créer des institutions nationales de «sauvegarde et de promotion» des droits de l'homme. Dans ce cadre, la commission a visité des prisons, des commissariats et des gendarmeries. La Commission a également reçu des plaintes de particuliers et examiné le cas de réfugiés. Aujourd'hui, privée de financement, la Commission en est réduite à organiser des séminaires et à surveiller les élections. Elle collabore avec l'Institut des droits de l'homme en vue d'organiser des réunions de formation aux droits de l'homme. Elle fait également rapport au Parlement sur le fonctionnement des forces de police.
S'agissant de la participation des femmes à l'économie, le Ministre a expliqué que les femmes béninoises prenaient part à de nombreuses activités commerciales et artisanales. Il a rappelé que l'ordre juridique interne assurait l'égalité des salaires dans la fonction publique. Toutefois, la situation des femmes rurales est plus difficile et l'État s'efforce, par le microcrédit, de faciliter les activités génératrices de revenus. Un projet de code des personnes et de la famille qui consacre l'égalité entre les sexes est en cours de discussion au Parlement et des séminaires de sensibilisation des parlementaires ont été organisés à cette fin.
Dans ce contexte, les experts se sont inquiétés des dispositions coutumières qui empêchent les femmes d'accéder à la propriété et d'en hériter. Ils se sont également inquiétés de l'augmentation de la prostitution dans le pays. Ils ont voulu connaître les mesures prises au cours des cinq dernières années en faveur des femmes rurales.
Pour ce qui est du droit du travail et de la liberté syndicale, le Ministre a expliqué qu'il ne lui semblait pas bon que l'État intervienne sur cette question. Il a précisé que l'enregistrement des syndicats répondait à des exigences juridiques de façon à ce que les syndicats puissent ester en justice. Les experts ayant rappelé que l'enregistrement des syndicats auprès de plusieurs ministères était contraire aux règles préconisées par l'Organisation internationale du travail, le Ministre a répliqué que la loi était calquée sur la loi française de 1901. Il a précisé que ce dépôt de statut visait uniquement à permettre aux syndicats d'ester en justice. Il ne s'agit pas d'un contrôle et rien n'empêche le fonctionnement de syndicats qui ne seraient pas enregistrés, a déclaré le Ministre. Des membres du Comité ont toutefois répondu qu'ils disposaient d'informations selon lesquelles les syndicats non enregistrés seraient passibles d'amendes.
S'agissant du droit de grève, le Ministre a indiqué qu'il est consacré par la Constitution et que son exercice est régi par la loi. Un projet de loi doit être réexaminé par le Parlement. S'expliquant sur la Commission de sécurité dans le travail instituée par le code du travail, il a déclaré que le projet de décret régissant son fonctionnement doit encore être présenté aux employeurs. Avec l'assistance du BIT, une formation a été dispensée aux inspecteurs du travail et aux médecins du travail, a par ailleurs indiqué le Ministre béninois de la justice. À la suite de cette formation, une équipe spéciale tripartite a été mise en place pour le respect des règles d'hygiène et de sécurité dans les entreprises. Par ailleurs, des inspecteurs de l'hygiène et de la sécurité peuvent intervenir sur toute entreprise de plus de 30 salariés.
Préoccupés par la situation de l'emploi, les experts ont demandé des statistiques sur le chômage. Ils ont voulu savoir s'il était vérifié que 80 % de la population active serait employée dans le secteur informel, sans protection sociale aucune, et ont demandé comment le Gouvernement entendait réduire la part accaparée par ce secteur. En outre, ils ont posé des questions sur les privatisations des compagnies d'eau et d'électricité, recommandées par le programme d'ajustement structurel, et ont voulu connaître leurs conséquences sur la population et le nombre de licenciements qu'elles avaient entraînés. Les experts ont également demandé des précisions sur le salaire minimum et des statistiques sur le niveau de pauvreté du pays.
Le Ministre a reconnu l'importance du chômage et convenu que le pays manquait de moyens pour faire face à cette situation. Le programme d'ajustement structurel a conduit à des départs de la fonction publique. Dans ce contexte, le Gouvernement s'est efforcé de mettre en place des mutuelles de crédit. D'autre part, il a rappelé que les fonctionnaires quittant la fonction publique disposaient d'un pécule. En outre, il a précisé que le pays ne disposait pas d'outils de collecte et d'analyse des données. S'agissant des grandes entreprises publiques qui ont été privatisées, il a déclaré que le Gouvernement s'était efforcé de négocier pour un juste prix et le maintien des salariés. Ainsi, les privatisations n'ont pas entraîné de nombreux licenciement, sauf bien sûr dans le cas des entreprises qui ont été simplement dissoutes. C'est dans la fonction publique que l'on a enregistré le plus grand nombre de départs.
S'expliquant sur le salaire minimum et la pauvreté, M. Gnonlonfoun a précisé que le salaire minimum avait été établi à 25 000 francs CFA, après négociations avec les employeurs. Il a demandé comment un gouvernement démocratique, voulant préserver sa crédibilité, pouvait passer outre les négociations tripartites avec les employeurs et les représentants des salariés.
Revenant sur les discriminations à l'égard des femmes et le statut des enfants, certains experts ont observé un manque de volonté politique du Gouvernement pour changer le code de la famille et agir en matière de droit coutumier. Sur ces questions, le Ministre a assuré qu'il y avait une réelle volonté politique mais qu'il ne servait à rien d'imposer des codes de la famille à des populations que ne sont pas prêtes à les appliquer. Les experts ont insisté sur le fait que les dispositions de la constitution qui condamnent les discriminations à l'égard des femmes doivent être appliquées et ont invité le Gouvernement à montrer une volonté politique plus ferme pour que le nouveau code de la famille puisse entrer en vigueur.
S'agissant des droits de l'enfant et du travail des enfants, le Ministre a déclaré que le phénomène le plus préoccupant restait le placement des enfants (la pratique du vidomégon). Le Gouvernement s'efforce d'y mettre fin par la sensibilisation et la formation, puis la répression. Des arrêts ont été rendus à l'encontre de famille qui auraient abusé des enfants placés. Par ailleurs, les lois internes veillent à ce que les parents qui emploient leurs enfants respectent leur condition d'enfants et interdisent le travail des enfants dans l'industrie.
Des membres du Comité ont insisté pour savoir si le Gouvernement prévoyait un plan général pour assurer que les enfants soient scolarisés et non employés dans l'artisanat ou l'agriculture. Ils se sont également inquiétés d'informations reçues concernant la traite dont seraient victimes des enfants béninois. Par ailleurs, les experts ont demandé des précisions concernant les dispositions en faveur des enfants orphelins ou abandonnés. Ils ont voulu savoir s'il existait des centres d'accueil. Ils ont aussi demandé des précisions sur la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits de l'enfant.
Pour favoriser la fréquentation scolaire, le Ministre a estimé qu'il importait de sensibiliser les parents pour qu'ils acceptent d'envoyer les enfants à l'école, qui est obligatoire au Bénin. De surcroît, le Gouvernement a prévu d'assurer la gratuité de l'enseignement comme mesure incitative et s'est engagé à former de nouveaux maîtres. Réagissant à cette intervention, des experts ont estimé qu'il fallait obliger les parents à scolariser leurs enfants, car c'est dans l'intérêt du développement du pays. Ils se sont déclarés d'avis que les parents devaient être tenus responsables de la scolarisation de leurs enfants. Ils ont souligné le rôle important de la classe politique, qui se doit d'avoir une attitude visionnaire afin d'entraîner la société derrière elle et favoriser les changements dans les mentalités.
Abordant ensuite les questions relatives au droit à la santé, les experts ont voulu avoir des précisions en ce qui concerne l'état du système de santé. S'inquiétant d'une dégradation de la situation sanitaire, les experts ont voulu connaître le nombre de médecins par rapport à la population et ont souhaité être rassurés que les médecins n'étaient pas inclus dans la catégorie de fonctionnaires visée par le programme d'ajustement structurel. Ils ont également demandé des précisions sur la formation du personnel médical. Les experts ont demandé si le Gouvernement, dans ses négociations avec les institutions financières internationales, veillait à assurer le maintien de ses programmes en matière de santé.
Des membres du Comité ont par ailleurs demandé des précisions sur la propagation du VIH/sida dans le pays, et ont demandé des statistiques à cet égard et des précisions quant aux objectifs du Gouvernement dans ce domaine. Ils ont également demandé s'il existait un programme en faveur des orphelins du sida. Les experts ont fait part d'informations selon lesquelles la pandémie du VIH/sida avait atteint de telles proportions au Bénin qu'elle risquait d'affecter la croissance démographique du pays. Dans un tel contexte, ils ont demandé ce qui était fait pour faciliter l'accès aux médicaments. Par ailleurs, ils ont demandé si le code pénal prévoyait de pénaliser la transmission intentionnelle du virus et s'il existait une obligation de dépistage prénuptial. Citant certaines sources, des experts ont mentionné les chiffres de quelque 70 à 80 000 personnes touchées par le VIH/sida et se sont inquiétés de prévisions qui porteraient le taux de prévalence de 4 % actuellement à 10 % dans quelques années. Dans ce contexte, ils ont recommandé au Gouvernement de mener des campagnes intenses d'information et d'insister sur l'utilisation de préservatifs pour se donner les moyens d'inverser cette tendance.
Revenant sur les mutilations génitales qui restent fréquentes au nord du pays, les experts ont voulu connaître les mesures réelles adoptées par le Gouvernement pour combattre ces pratiques dites culturelles mais au totalement inacceptables. Les experts ont également demandé quelles dispositions avaient été prises en faveur de la santé génésique et reproductive des femmes, notamment pour enrayer le phénomène des grossesses précoces.
Les experts ont également voulu obtenir des précisions sur le respect du droit au logement, du droit à l'alimentation et du droit à un niveau de vie suffisant. Ils ont demandé si le Gouvernement disposait de statistiques sur les gens vivant dans la rue ou dans des logements insalubres. Citant des rapports d'organisations non gouvernementales, ils ont demandé ce qu'il en était des évictions forcées. S'inquiétant des conditions de vie de la population, ils ont demandé ce qui était fait pour améliorer l'accès à l'eau potable et salubre. Ils ont voulu connaître les programmes mis en œuvre dans ce sens avec l'aide des institutions spécialisées des Nations Unies.
S'agissant du droit à l'éducation, les experts se sont interrogés sur les mesures prises dans le cadre de l'éducation pour tous, à savoir si un plan d'action avait été rédigé conformément à la stratégie de Dakar et si l'État partie avait demandé l'aide de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture dans ce domaine. Ils ont également voulu connaître la politique de l'État pour améliorer la scolarisation des filles, en particulier dans les zones rurales. À cet égard, ils ont également demandé quelle politique, au-delà de la gratuité, menait le Gouvernement pour assurer la construction des écoles, la formation et le traitement des maîtres. Les experts ont également fait des commentaires sur les effets de l'ajustement structurel sur l'éducation et ont fait part de programmes d'urgence pour combler le vide créé dans l'enseignement supérieur. Ils ont fait référence aux observations générales du Comité en vue d'aider les États parties à mettre en œuvre des programmes en vue d'assurer un enseignement primaire obligatoire et gratuit.
Abordant la question du droit de participer à la vie culturelle, les experts ont souhaité obtenir des informations sur le fonds d'aide à la culture, notamment sur le volume de subventions qu'il reçoit, sur les critères d'attribution de ces subventions. Alertés par le pillage du patrimoine culturel de l'Afrique, les experts ont demandé si le Gouvernement avait pris des mesures pour enrayer ce trafic d'œuvres d'art. Les experts ont également demandé si la charte culturelle du pays comportait des dispositions en vue de protéger les connaissances traditionnelles et de veiller à leur transmission. Certains d'entre eux ont demandé si l'État se préoccupait de la préservation des langues locales.



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