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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ACHÈVE SON DÉBAT SUR LA PLACE DE CES DROITS DANS LES ACTIVITÉS DE DÉVELOPPEMENT DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

07 Mai 2001



CESCR
25ème session
7 mai 2001
Après-midi






Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a achevé, cet après-midi, sa journée de «consultation internationale» avec les institutions financières internationales et les organismes de développement sur le thème : «Les droits économiques, sociaux et culturels dans les activités liées au développement des institutions internationales».

Des représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Commission européenne, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI, France), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et de la Commission sud africaine des droits de l'homme sont intervenus, ainsi que des experts de la Commission des droits de l'homme : l'Expert indépendant chargé de la question des ajustements structurels et de la dette extérieure et le Rapporteur spécial

Le représentant du Fonds monétaire international (FMI) a souligné que le FMI était une institution fournissant une assistance technique, et qu'elle n'était pas liée aux dispositions du Pacte. Il a toutefois ajouté que les choses avaient évolué et que le Fonds reconnaissait que des politiques différentes peuvent s'appliquer pour régler des problèmes spécifiques à chaque pays.

L'Expert indépendant sur la question des ajustements structurels et la dette extérieure, M. Fantu Cheru, s'est déclaré choqué par les propos tenus par les représentants de la Banque mondiale et du FMI qui estiment ne pas être liés par les dispositions du Pacte. L'équilibre macro_économique mondial ne doit pas avoir pour conséquence la souffrance de certains groupes de population et il doit être compatible avec les obligations internationales incombant aux États.

M. Miloon Kothari, Rapporteur spécial sur le droit à un logement adéquat, a estimé que les interventions des représentants de la Banque mondiale et du FMI démontrent que les institutions spécialisées n'intègrent pas toujours la dimension des droits de l'homme reconnus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Des membres du Comité sont également intervenus, notamment pour réagir aux propos tenus au cours du débat par la Banque mondiale et le FMI, estimant que l'approche adoptée par ces institutions entrave la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels.


Le Comité tiendra demain des séances privées. Il doit conclure la présente session vendredi matin, en présentant notamment ses observations finales et recommandations sur les rapports examinés au cours de la session.



Aperçu du débat

M. PHILIPPE TEXIER, membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné qu'il y avait coïncidence entre les États qui ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et les États membres des organismes spécialisés des Nations Unies tels que l'Organisation internationale du travail, ou l'Organisation mondiale de la santé. Il devrait en découler que les obligations acceptées par les États individuellement doivent également s'imposer à eux collectivement, comme membres des organisations internationales.

M. Texier a également déclaré que l'expérience acquise par le Comité lors de l'examen des rapports présentés par les États a montré que les politiques macro-économiques mises en place par les institutions financières ne contribuent pas toujours à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et ont souvent des effets négatifs sur les droits des populations les plus pauvres. En effet, ces politiques se caractérisent souvent par la privatisation de secteurs entiers de l'économie, par la réduction des budgets sociaux, par l'exigence du paiement total ou partiel de la dette extérieure et d'une réduction de l'inflation. M. Texier a estimé qu'avant leur adoption, ces politiques financières devraient donner lieu à de larges concertations entre les institutions financières, les États et populations concernés.

D'autre part, M. Texier a noté que tous les organismes chargés de veiller au respect des droits de l'homme sont d'accord pour affirmer que la prise en compte des droits économiques, sociaux et culturels est indispensable dans les politiques des organisations financières. Ces institutions financières doivent s'assurer que leurs programmes et politiques n'affectent pas les droits, tant civils et politiques que sociaux et économiques des populations locales, que les États emprunteurs se sont internationalement engagés à respecter. M. Texier s'est félicité du fait que face à cette convergence, les institutions financières ont annoncé un tournant très encourageant de leur politique.

M. FRANÇOIS GIANVITI, du Fonds monétaire international, s'est interrogé sur la question de savoir si le FMI est lié aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a rappelé que le FMI n'a pas participé à l'élaboration du Pacte car il était considéré qu'il s'agissait d'une institution à caractère technique et non un organe de défense des
droits des individus. Par ailleurs, le FMI est une institution de suivi, qui fournit une assistance technique, et non une institution de développement. Il était donc estimé que le FMI n'était pas lié aux dispositions du Pacte.

Néanmoins, les choses ont évolué et l'approche du FMI est différente à l'heure actuelle. D'une part, le FMI reconnaît qu'il peut y avoir des politiques différentes pour régler des problèmes spécifiques à chaque pays en matière de règlement de la balance des paiements. À cet égard, des dispositifs spécifiques ont été créés dans les années 70 afin de régler les difficultés des pays en voie de développement. De plus, il a été constaté que les pays les plus pauvres doivent faire l'objet d'une attention toute particulière.

M. Gianviti a assuré que le rôle du FMI a évolué, il est devenu le gardien de la stabilité financière internationale et a un rôle de surveillance. L'applicabilité du Pacte se pose donc différemment aujourd'hui au regard de cette évolution. Il n'en reste pas moins que le FMI n'est pas partie au Pacte, qui ne saurait être contraignant pour lui. Par ailleurs, seuls des États peuvent être parties au Pacte et non des institutions spécialisées. L'article 24 du Pacte reconnaît en effet que les institutions spécialisées relèvent de la Charte des Nations Unies et non du Pacte. Enfin, le FMI n'est pas une institution des Nations Unies mais une institution spécialisée au titre de la Charte des Nations Unies. Il a passé un accord de coopération avec les Nations Unies reconnaissant son indépendance, ce qui n'implique aucune subordination.

M. CARLO TROJAN, membre de la Commission européenne, a insisté sur la nécessité de cohérence des politiques internationales et nationales. En effet, ce qui est vrai au niveau des organisations internationales vaut également pour les politiques nationales. Désormais, dans un monde fortement interdépendant, les activités des acteurs principaux mondiaux entraînent nécessairement des répercussions sur le reste du monde en termes économiques, sociaux et environnementaux. Pour définir des politiques plus cohérentes au plan mondial, une coopération et une coordination internationale accrue sont nécessaires, de même qu'un dialogue renforcé avec les organisations non gouvernementales spécialisées dans le développement et la société civile.

M. Trojan a déclaré qu'il n'est pas aisé d'apprécier de façon précise l'impact de la mondialisation économique en général et de la libéralisation du commerce en particulier sur la pleine jouissance des droits de l'homme. Pourtant, il n'y a aucun doute sur les liens évidents entre le commerce, le développement et les droits de l'homme. L'Union européenne a pratiqué le concept de libéralisation maîtrisée pour éviter que la mondialisation économique porte atteinte à son modèle social. Ceci requiert des objectifs communs et des politiques cohérentes, une forte solidarité et un système de gouvernance solide, tous ingrédients qui font largement défaut au niveau mondial. La politique de développement de l'Union européenne est fondée sur le principe de développement humain et social durable, équitable et participatif. La promotion des droits de l'homme en fait partie intégrante.

M. Trojan a indiqué que la discussion sur les impacts négatifs de la mondialisation s'est focalisée sur l'Organisation mondiale du commerce (OMC), autant en ce qui concerne les déséquilibres que les conflits potentiels avec le respect des droits de l'homme. Ainsi l'OMC a-t-elle fait l'objet de pressions contradictoires de l'ensemble de la société civile. Or, maîtriser la mondialisation est un défi bien plus complexe que la seule action de l'OMC, car bien que l'OMC soit essentiellement une organisation commerciale, ses objectifs ne sont pas exclusivement économiques mais visent également à mettre en place un développement durable et une croissance équitable. Bien que l'OMC pourrait contribuer à la pleine jouissance des droits de l'homme et en particulier celui du droit au développement, elle ne peut à elle seule éradiquer la pauvreté ou créer des conditions de développement durable.

M. SIMON MUNZU, du Programme des Nations Unies pour le développement, a affirmé que le PNUD place l'être humain au centre de ses politiques car l'homme est à la fois l'acteur et le bénéficiaire de ces politiques. Les progrès en matière de droits économiques, sociaux et culturels sont inhérents à l'exécution du mandat du PNUD. M. Munzu a indiqué que le PNUD a opté pour une politique d'intégration des droits de l'homme dans ses différents programmes. Lorsque les projets visent à lutter contre la pauvreté ou à réduire le chômage, ils participent à la promotion des droits de l'homme. L'élimination des discriminations à l'égard des femmes, l'aide aux personnes handicapées ou aux personnes atteintes du VIH/sida sont des programmes menés par les bureaux extérieurs du PNUD, qui œuvrent à la promotion et à la protection des droits de l'homme, même si cela n'est pas dit explicitement.

MME CATHERINE LALUMIÈRE, du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI, France), a estimé qu'il ressort du débat d'aujourd'hui qu'une collaboration internationale est indispensable afin de mettre en place une politique cohérente de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a néanmoins regretté que les institutions spécialisées des Nations Unies sont tellement spécialisées qu'elles en sont marginalisées. Elle a souhaité que les cloisonnements soient éliminés afin que la compréhension entre les différents organes internationaux soit favorisée.

Mme Lalumière a souligné que la liste des droits économiques et sociaux ne doit pas être trop longue afin d'éviter de les affaiblir : ils n'auraient pas une force juridique suffisante et leur violation passerait inaperçue. Les droits économiques, sociaux et culturels doivent être considérés comme une exigence et non comme de «pauvres droits» à l'intention des personnes pauvres.

M. HOE LIM, de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a souligné que le Préambule de l'accord de Marakech instituant l'OMC a beaucoup en commun avec le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'OMC n'est pas une organisation de développement, même si le développement joue un rôle important dans ses activités, mais c'est surtout un cadre permettant la négociation des marchés et le règlement des différends.

L'OMC participe au respect des droits économiques, sociaux et culturels puisqu'elle permet aux pays en voie de développement d'avoir accès aux marchés internationaux. En effet, 80% des pays qui bénéficient d'accords de l'OMC sont des pays en voie de développement, et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels s'en trouve facilitée. Le représentant de l'OMC a assuré que son organisation ne travaille pas de façon cloisonnée mais de pair avec les différentes institutions internationales. L'OMC s'assure que ses normes n'entrent pas en conflit avec les autres normes de droit international, a affirmé le représentant.

M. KISHORE SINGH, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), a indiqué que la stratégie actuelle de l'Unesco, qui s'achèvera à la fin de l'année 2007, s'efforce de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels. L'éducation est un droit de l'homme mais aussi un moyen de réaliser tous les autres droits économiques, sociaux et culturels. Il est donc indispensable que l'accès à l'éducation soit favorisé. M. Singh a ajouté que l'éducation permet un développement durable de tous les droits et sa réalisation passe par le renforcement des structures nationales. L'Unesco se félicite par ailleurs de la mise en place d'une collaboration entre le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et l'Unesco.

M. NYAMEKO BARNEY PITYANA, Président de la Commission sud-africaine des droits de l'homme, a souligné l'importance d'assurer l'intégration des droits de l'homme dans les activités des organisations internationales, en tirant parti du système international dans son ensemble pour atteindre des objectifs communs visant à assurer le bien-être de tous au sein de la société. Il a souligné l'importance de renforcer les commissions nationales des droits de l'homme et d'inscrire leur action dans le cadre des efforts au plan international.

M. FANTU CHERU, Expert indépendant sur les ajustements structurels et la dette extérieure, s'est déclaré choqué par les propos tenus par la Banque mondiale et le FMI qui estiment ne pas être tenu par les obligations du Pacte. M. Cheru a estimé que ces institutions devraient tenir compte de ce que leurs politiques ont parfois des conséquences désastreuses sur le bien-être des populations concernées. Leur attitude est inacceptable, a estimé M. Cheru, qui a suggéré que le Fonds monétaire international abandonne son approche «isolationniste». M. Cheru a souligné que l'équilibre macro_économique mondial ne doit pas avoir pour conséquence la souffrance de certains groupes de la population; il doit être compatible avec les obligations internationales incombant aux États.

M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial sur le droit à un logement adéquat, a estimé que les déclarations des représentants de la Banque mondiale et du FMI démontrent que les institutions spécialisées n'intègrent pas toujours la dimension des droits figurant dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. M. Kothari a souligné que le Comité devait s'efforcer de rappeler à la Banque mondiale et au FMI l'importance de ces droits. Il doit leur expliquer que le Pacte garantit une protection aux personnes les plus vulnérables et qu'il est de la responsabilité de toutes les institutions internationales de contribuer à cette protection.

Des membres du Comité, MM. Walid Sa'di et Paul Hunt, sont intervenus pour réagir aux interventions des représentants de la Banque mondiale et du FMI. Il a été estimé que l'attitude démontrée de ces institutions ne peut que ralentir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels.

M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS, de la Banque mondiale, a répondu à ces observations en assurant que les droits de l'homme occupent une place importante dans les différentes politiques de la Banque mondiale. D'ailleurs, le fait qu'un représentant de la Banque mondiale soit présent au débat d'aujourd'hui prouve son engagement et sa volonté de promouvoir les droits de l'homme. Il a néanmoins souligné que les droits économiques sont des droits de l'homme au même titre que les droits sociaux et culturels. Ces derniers ne doivent donc pas être considérés comme étant prioritaires par rapport aux droits économiques, comme l'ont laissé entendre certains intervenants.

M. GIANVITI, du Fonds monétaire international, a pour sa part estimé que la question était de savoir si les dispositions du Pacte primaient par rapport à la Charte portant création du FMI. Ce dernier estime que ce n'est pas le cas, même s'il n'empêche pas les États membres du FMI de prendre en considération leurs obligations découlant du Pacte.

M. KENNETH OSBORNE RATTRAY, membre du Comité, a indiqué qu'il est indispensable que les différentes organisations internationales prennent en considération le caractère contraignant des dispositions du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Une approche intégrée, dans laquelle la société civile jouera un rôle important, doit de ce fait être adoptée.

M. GUSTAVE MASSIAH, du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI, France), a estimé que la conclusion qui ressort de ce débat est la nécessité de mettre en place un espace de discussion et de coopération, afin que les normes internationales soient plus efficaces et permettent la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.



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