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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU BÉNIN EXPLIQUE LES CONSÉQUENCES DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL ET DES PRIVATISATIONS

03 Mai 2002



CESCR
28ème session
3 mai 2002
Après-midi




Le Comité achève son examen
du rapport initial du Bénin



Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a achevé, cet après-midi, l'examen du rapport initial du Bénin. Les experts ont concentré leur attention sur les questions relatives à l'emploi et au chômage, notamment dans le contexte des privatisations effectuées à la suite des programmes d'ajustement structurel.
En réponse aux préoccupations des experts s'agissant des privatisations, la délégation béninoise, conduite par M. Joseph Gnonlonfoun, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, a indiqué que le pays avait été contraint de procéder à ces privatisations dans le cadre de l'exécution du programme d'ajustement structurel et qu'il n'avait pas un grand pouvoir de négociation auprès les institutions financières internationales puisqu'il était dépendant des bailleurs de fonds, dont l'aide est liée justement de ces privatisations. Il a assuré que l'État veillait à imposer le maintien des salariés et s'efforcerait de négocier pour qu'il n'y ait pas d'augmentation du prix de l'eau et de l'électricité.
Les experts ont de nouveau exprimé leurs préoccupations concernant le travail des enfants et le faible taux de scolarisation des filles. La délégation béninoise a assuré que l'éducation était gratuite pour les filles depuis 2001. Par ailleurs, craignant de ne pas être suivi s'il appliquait des mesures autoritaires pour empêcher les parents de se faire accompagner de leurs enfants pour les travaux des champs, le Gouvernement s'efforce pour l'instant de veiller à ce que ces travaux agricoles s'effectuent en dehors des périodes scolaires et d'instaurer un contrôle sur ces pratiques. Répondant aux questions relatives à la traite des enfants, la délégation a informé de la création de comités locaux de lutte contre ce fléau, mais a reconnu que le pays avait des difficultés à contrôler la porosité de ses frontières et à déjouer l'ingéniosité des trafiquants, une situation qu'il a comparée à celle des pays occidentaux face aux trafiquants de drogue.
Le Comité entamera lundi 6 mai, à partir de 10 heures, son examen du quatrième rapport périodique du Royaume-Uni (paru sous la cote E/C.12/4/Add.5,7,8)

Dialogue avec les experts
S'agissant de la situation de l'emploi, la délégation béninoise a concédé que plusieurs entreprises nationales ont fait l'objet de privatisations ou ont été dissoutes. Le Ministre a expliqué qu'un plan de reconversion des salariés avait été mis en œuvre. Pour ce qui est des entreprises privatisées, il a assuré que moins de 10 employés avaient perdu leur emploi. Il a indiqué que les sociétés béninoises d'eau et d'électricité n'ont pas encore été privatisées, ni la compagnie des postes et télécommunications. Dans ce contexte, il a affirmé que ces prochaines privatisations seront assorties d'un plan social prévoyant la reconversion ou le maintien des salariés.
Les experts ont demandé quel serait le prix de l'eau et de l'électricité et se sont inquiétés du fait que l'eau et l'électricité étaient déjà onéreuses pour les plus pauvres. Ils ont demandé si le Gouvernement avait pris en compte cet élément en envisageant les privatisations. En réponse, le Ministre a expliqué que le pays avait dû faire un choix difficile de privatiser des entreprises publiques non rentables pour répondre aux exigences des bailleurs de fonds. Il a expliqué que le pays avait besoin de fonds pour investir et venir en aide aux plus pauvres. Il a insisté sur le fait que les entreprises publiques coûtaient cher à l'État. Toutefois il a convenu que ces privatisations risquaient d'avoir des incidences fâcheuses sur le prix de l'eau et de l'électricité et a déclaré qu'il appartiendrait à l'État de négocier pour que les prix soient maintenus. Il a pris l'exemple des marchés passés lors de la privatisation de la brasserie «la Béninoise» pour laquelle l'État avait demandé que les prix n'augmentent pas pendant plusieurs années. En outre, il a indiqué que la privatisation de la Société béninoise de l'électricité et de l'eau avait été retardée de deux ans pour ne pas risquer de priver les collectivités locales d'eau.
Le Ministre béninois a convenu que le chômage était un problème important dans son pays. Pour le pallier, le pays a mis en place un programme de microcrédits avec l'aide de la Banque mondiale.
Répondant aux questions sur la protection sociale, le Ministre a reconnu que peu de choses avaient été faites, expliquant que le Bénin n'avait pas les moyens de mettre en place une réelle sécurité sociale, mais s'efforçait d'instaurer des mutuelles. Le pays n'étant pas en mesure d'assurer la protection sociale, il était préférable pour lui d'attendre encore avant d'adhérer aux conventions sur la sécurité sociale. Revenant sur la question des salaires, il a réitéré que les salaires sont négociés par une commission tripartite qui s'efforce de réévaluer le salaire minimum.
Revenant sur l'exécution des programmes d'ajustement structurel, les experts ont rappelé qu'il y avait chaque fois des négociations avec le Fonds monétaire international et que c'était le Gouvernement qui décidait des privatisations et des mesures à prendre pour réduire le gaspillage dans l'économie. Ces programmes ont bien sûr des inconvénients et certaines couches de population y gagnent alors que d'autres y perdent. Les experts ont souligné qu'il fallait insister auprès des institutions financières internationales pour que les programmes d'ajustement structurel ne nuisent pas aux droits sociaux mais puissent au contraire favoriser leur exercice par la population. Dans ce contexte, il a été demandé à la délégation béninoise de dresser franchement le bilan de ces divers programmes pour l'économie du pays et pour les services sociaux. Ce dialogue est important, a-t-il été précisé, car il permet aux États d'être mieux armés dans leurs négociations avec les institutions financières internationales.
Répondant à ces préoccupations, le Ministre béninois a expliqué que le premier programme qui avait été proposé avait été refusé car le pays avait voulu conserver trop d'avantages pour ses fonctionnaires. Il a pris l'exemple du Nigéria qui, fort de ses ressources, a pu se permettre de mettre, seul, son programme en œuvre et a expliqué que le Bénin est malheureusement tributaire de l'aide internationale ce qui limite sa capacité de négociation avec les institutions financières internationales. Néanmoins, il a assuré les experts que les privatisations n'avaient pas coûté d'emplois. Concédant que le Bénin avait créé des entreprises publiques en trop grand nombre lors de sa révolution, le Ministre s'est félicité de l'aide que le pays recevait en matière de gestion. Estimant que c'était là un résultat positif, il a toutefois reconnu que le bilan social était plus mitigé. Il a insisté pour que les experts tiennent compte de la situation particulière du Bénin qui disposait d'une forte main d'œuvre mais d'aucunes ressources naturelles. Il a également insisté sur les mesures qui avaient été adoptées, notamment par le biais du microcrédit, pour faciliter la reconversion des fonctionnaires.
S'agissant du travail des enfants, le Ministre a reconnu que des enfants travaillaient dans de petites entreprises artisanales et avaient le statut d'apprentis. Il a assuré qu'il s'agissait d'enfants âgés de 13 à 15 ans qui ne pouvaient plus aller à l'école. Pour ce qui est des enfants qui travaillent dans l'agriculture avec leurs parents, le Ministre a déclaré qu'il n'était pas convaincu que le Gouvernement serait suivi s'il décidait de manière autoritaire d'interdire cette forme de travail des enfants. Ainsi, le Gouvernement s'efforce de veiller à ce que ces travaux agricoles s'effectuent en dehors des périodes scolaires et n'exécutent pas de tâches au-dessus de leurs forces. Répondant aux préoccupations concernant les enfants des rues, il a expliqué que des centres d'accueil étaient opérés par l'État qui était soutenu dans cette action par de nombreuses organisations non gouvernementales.
S'agissant du droit à l'éducation, les experts ont toutefois relevé que, selon le rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), le taux de scolarisation des filles était inférieur à 50 % de celui des garçons inscrits à l'école primaire. Ils ont également cité les conclusions du Comité des droits de l'enfant qui s'est inquiété de ce que les fillettes se voyaient refuser l'accès à l'école et que les subventions pour les écoles rurales n'arrivaient pas. Les experts ont cité des exemples d'enfants travaillant plus de 9 heures par jour dans des petites entreprises pour payer les dettes de leurs parents et finissent par devenir aveugles. Ils ont estimé que les tâches accomplies par des enfants devaient être libérés pour fournir des emplois aux jeunes chômeurs et permettre aux enfants d'aller à l'école. Ils ont voulu connaître le détails des mécanismes mis en place pour assurer la scolarisation et ont assuré que le Bénin pouvait s'adresser aux services de coopération technique pour élaborer ces mécanismes en cas de difficultés.
En réponse à ces interrogations relatives au système éducatif, le Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, a renvoyé les membres du Comité au plan d'action qui a été soumis au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Répondant aux inquiétudes des experts quant à la fuite des cerveaux, il a reconnu que le Bénin perdait les cadres qu'il formait faute de pouvoir retenir ses diplômés. C'est pourquoi le Bénin s'est adressé à l'Organisation internationale des migrations pour élaborer un programme visant à retenir ces compétences ou les ramener au Bénin.
Pour ce qui est de la scolarisation des filles, le Ministre a de nouveau assuré que l'éducation primaire était gratuite pour les filles des zones rurales depuis 2001. En outre, les associations de parents d'élèves reçoivent un financement en vue de les aider à recruter des enseignants. Cette solution a été choisie pour éviter que des enseignants soient nommés à des postes, puis les quittent tout en continuant à toucher leurs salaires. Cette méthode a donc pour objectif de donner aux collectivités locales le contrôle de ces postes, qui restent financés par l'État.
À l'égard de la traite des enfants, la délégation a fait part de nombreuses actions menées en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Dans ce cadre, 729 comités locaux ont été mis en place dans le centre et le sud du pays. Le Ministre a reconnu que les objectifs de ces comités de lutte contre la traite des enfants étaient rarement atteint et a expliqué que les trafiquants trouvaient toujours de nouvelles routes pour échapper à la vigilance de l'État qui a du mal à contrôler la porosité de ses frontières. En outre, en vue de limiter les déplacements des enfants, l'État a imposé de nombreuses autorisations, notamment celle du chef de village, pour que les enfants soient autorisés à passer la frontière.
S'agissant de la violence à l'égard des femmes, la délégation béninoise a de nouveau affirmé qu'un code des personnes et de la famille était à l'examen. En outre, le prochain code de procédure pénale prévoit des peines à l'encontre des auteurs de violence.
En ce qui concerne le droit au logement, le Ministre a fait part de la politique de logement social de l'État qui s'efforce de viabiliser son parc immobilier. Ces logements réhabilités sont ensuite mis sur le marché. L'État, de son côté, contribue au financement de la réhabilitation de ces logements.
Dans des remarques de clôture, M. Joseph Gnonlonfoun, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme du Bénin, a insisté sur la situation géographique de son pays, qui est un couloir entre deux grands pays dotés de ressources, et sur le processus de démocratisation en cours. Il s'est félicité du dialogue avec les experts qui permettra au pays de continuer d'avancer dans la voie des réformes. Toutefois, il a regretté que les contraintes de temps ne permettent pas d'appréhender la situation dans son ensemble. Dans ce contexte, il a invité les experts à venir au Bénin afin d'aider le pays à convaincre ses partenaires et à l'aider à accélérer son processus de réformes.



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