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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU VENEZUELA

18 Novembre 2002



CAT
29ème session
18 novembre 2002
Matin



Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du deuxième rapport périodique du Venezuela sur les mesures prises par ce pays pour appliquer les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le chef de la délégation vénézuélienne, Mme María Auxiliadora Belisario Martínez, Vice-ministre au Ministère de l'intérieur et de la justice, a rappelé qu'en tant qu'État partie à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, l'État vénézuélien s'acquittait de l'obligation qui lui incombait de faire en sorte que soient respectés les droits de tous les groupes ou individus placées sous sa juridiction sur un pied d'égalité. Elle a souligné qu'une réforme de la justice pénale a entraîné des changements importants dans le pays. Elle a par ailleurs indiqué que des mesures ont été prises pour lutter contre la violence contre la femme la violence au sein de la famille, ainsi qu'en ce qui concerne les réfugiés et les demandeurs d'asile. Elle a indiqué que la nouvelle Constitution définit clairement la torture en tant que crime.
L'importante délégation vénézuélienne est également composée de Mme Nancy Fernández, du Ministère de l'intérieur et de la justice; de Mme Ana Jiménez, Défenseur du peuple; de M. Rodrigo Silva, Défenseur adjoint à la Direction des services juridiques à la défense du peuple; de Mme Magally García Malpica, Directrice de la protection des droits fondamentaux au sein du Ministère public; de Mme María del Mar Álvarez de Lovera, du Bureau de l'Ombudsman des femmes à l'Institut de la femme; de Mme Reina Arriata Diaz, du Ministère de l'intérieur et de la justice; de M. Dioniso Zamora Casado, Premier secrétaire au Service des droits de l'homme du département des affaires multilatérales au Ministère des affaires étrangères; ainsi que de membres de la Mission permanente à Genève.
Le rapporteur pour l'examen du rapport vénézuélien, M. Alejandro González Poblete, a félicité le Venezuela pour son nouveau code de réforme pénale. Il a posé une série de questions touchant notamment au rôle et à la fonction du défenseur du peuple et à des allégations de mauvais traitements. Le co-rapporteur, M. Ole Vedel Rasmussen, a demandé des informations sur les conditions de vie en milieu carcéral, la réinsertion des victimes de la torture et les procédures d'interrogatoires. D'autres experts ont posé des questions sur la violence dans les prisons ainsi que sur le traitement des minorités vulnérables, faisant allusion notamment aux persécutions dont aurait été victime un groupe de militants transsexuels.
La délégation vénézuélienne présentera demain près-midi ses réponses aux questions posées par les experts.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation chypriote aux questions qui lui ont été posées vendredi dernier.

Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, MME MARÍA AUXILIADORA BELISARIO MARTÍNEZ, Vice-ministre au Ministère de l'intérieur et de la justice du Venezuela, a indiqué que des changements importants sont intervenus récemment dans le cadre du renouvellement des processus constitutionnels et juridiques au Venezuela. Elle a rappelé que le Gouvernement vénézuélien a pris une série d'engagements politiques et moraux en matière de droits de l'homme.
Mme Belisario Martínez a évoqué la loi contre la violence contre la femme et au sein de la famille qui porte notamment sur des mesures de prévention et la création de centres d'hébergement de femmes victimes de violence. Dans ce cadre, l'Institut national de la femme (Inamujer), a élaboré un plan national de prévention sur 5 ans (2000-2005). En 2000, Inamujer a créé le premier centre d'hébergement de femmes victimes de violence au Venezuela.
Le chef de la délégation a attiré l'attention sur le nouveau rôle, avec la réforme de la Constitution, du Ministère public et de la Cour suprême dans le système pénal; le Ministère public peut diriger des enquêtes pénales et il a, en outre, restructuré les organes qui ont trait au respect des droits de l'homme, notamment la direction de protection des droits fondamentaux. Ainsi plusieurs mesures législatives, administratives et judiciaires en matière de lutte contre la torture telles que la réforme du Code de procédure pénal, la réforme du régime pénitentiaire, et la réforme des règles régissant les activités de la police ont permis d'améliorer le système d'administration de la justice. Ainsi, la réforme prévoit que le délit de disparition forcée est désormais puni d'une peine de prison de 15 à 25 ans. Mme Belisario Martínez a rappelé en outre que le Venezuela avait été le premier pays sud-américain à avoir ratifié les Statuts du traité de Rome sur la Cour pénale internationale et qu'une loi sur la ratification de la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples autochtones a été adoptée en 2001.
Mme Belisario Martínez a indiqué que les questions se rapportant aux réfugiés sont régies par la Loi sur les réfugiés et les demandeurs d'asile, et que le Venezuela collabore directement avec le Haut Commissariat aux réfugiés dans ce domaine. Mentionnant le cas de Pedro Carmona Estanga, le Président de l'organisation patronale vénézuélienne qui avait participé directement au coup d'État du 11 avril 2002, elle a signalé que le droit d'asile lui a été accordé par un pays.
La Vice-Ministre a indiqué que la formation des fonctionnaires du système pénitentiaire s'inscrit dans le cadre de la modernisation du système pénitentiaire qui a été entreprise par le gouvernement. Ainsi, 24 485 fonctionnaires d'établissements pénitentiaires bénéficieront d'une formation à partir 2003. D'autre part, le pays a créé un Institut universitaire national d'études pénitentiaires.
Enfin, le chef de la délégation a mis l'accent sur la volonté du Gouvernement vénézuélien de renforcer la coopération internationale en matière de promotion des droits de l'homme.
Le deuxième rapport périodique du Venezuela (CAT/C/33/Add.5) indique que la Constitution comprend une disposition conférant un rang constitutionnel aux traités relatifs aux droits de l'homme et ratifiés par l'État. D'autre part, la nouvelle Charte fondamentale a renforcé et élargi les conditions juridiques de protection de la sécurité et de l'intégrité de la personne, et renforcé la prévention des pratiques qui y portent atteinte.
Le rapport indique en outre que la Constitution interdit expressément l'esclavage, la servitude ou la traite des personnes; qu'elle interdit les enlèvements de personnes, et rappelle l'interdiction de soumettre une personne, sans son consentement, à des examens médicaux ou à des expériences scientifiques. Le rapport rappelle que si la Constitution ne condamne pas expressément les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, certains articles comportent une référence en la matière. Le préambule de la Constitution reconnaît que la société vénézuélienne est «multiethnique et pluriculturelle» et consacre de nombreux droits et garanties destinés à aider les populations autochtones comme le droit de primauté sur la terre ancestrale traditionnellement occupée. Selon le nouveau code organique de procédure pénale, le principe de la liberté individuelle est la règle générale, et la prison préventive n'est ordonnée qu'à titre exceptionnel. De plus, le rapport ajoute que les organisations non gouvernementales peuvent participer à l'administration de la justice en assistant les victimes. Le rapport précise qu'il existe un grand nombre d'institutions nationales vouées à la protection des droits de l'homme dont le Ministère public, qui doit veiller au respect des droits et garanties constitutionnelles, l'Organisme de défense de la population, et la Commission des droits de l'homme.
Au Venezuela, l'extradition est régie par les dispositions de la Constitution nationale, du Code organique de procédure pénale, des accords internationaux et, exceptionnellement, par les principes de solidarité et de réciprocité internationales, souligne le rapport. Enfin le rapport indique que l'éducation dans le domaine des droits de l'homme est prévue par l'actuelle législation.

Examen du rapport
Le rapporteur pour l'examen du rapport du Venezuela, M. Alejandro González Poblete, a rappelé que le rapport aurait dû être soumis en 1996, mais a constaté l'effort considérable pour présenter ce rapport. Il a toutefois noté qu'il n'y avait pas d'informations sur l'examen des plaintes pour torture ou mauvais traitement qui ont été enregistrées depuis l'examen du dernier rapport. Cependant, il a noté que depuis l'examen du rapport précédent, la nouvelle Constitution garantissait de nouveaux droits et la protection plus explicite de droits existant déjà.
M. González Poblete a souhaité obtenir de plus amples informations concernant les activités du défenseur du peuple, du médiateur ou autres mécanismes qui permettent de garantir l'application de la Convention de manière concrète.
Concernant l'extradition, le rapporteur s'est référé à une loi qui stipule qu'en aucun cas on ne pourra refuser l'extradition d'un ressortissant étranger et voudrait des éclaircissements sur la portée de cet article. Le rapporteur s'est interrogé sur les mesures administratives qui ont été prises permettant la réhabilitation et l'indemnisation des victimes.
M. González Poblete s'est inquiété du problème de l'identification des officiers ayant procédé à des arrestations, qui n'est pas obligatoire, et s'est enquis de l'existence de registres des arrestations. Le rapporteur a par ailleurs souligné l'importance du rôle du défenseur du peuple, qui, a-t-il estimé, doit être tenu informé des éléments de l'enquête pénale en ce qui concerne les fonctionnaires impliqués dans des cas de mauvais traitement.
S'appuyant sur des rapports d'organisations non gouvernementales, M. González Poblete a relevé une tendance à la baisse des cas de torture. Il a noté 450 cas depuis l'entrée en vigueur de la Convention, avec une moyenne de 4 décès par an. En 1997-1998, ce nombre atteignait 40 par an. Et, d'octobre 1999 à septembre 2000, 21 cas ont observés au moment de l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale. Cependant, entre 1999 et 2001, 1834 plaintes pour violation de l'intégrité physique ont été déposées et des critiques et inquiétudes de la part du public ont été émises s'agissant de ces chiffres alors que l'on constate que la délinquance et la criminalité sont en augmentation.
Le rapporteur a noté que le délit de torture n'était pas défini dans la législation nationale vénézuélienne. Il a par ailleurs invité la délégation à revoir en détail sa politique d'extradition au regard des textes internationaux et non plus seulement en vertu de la Convention interaméricaine sur l'extradition. Il s'est interrogé sur l'impossibilité d'extradition d'un citoyen vénézuélien.
Le co-rapporteur, M. Ole Vedel Rasmussen s'est penché sur les questions d'enseignement et de formation pour la prévention de la torture, qu'il juge insuffisante au Venezuela, et a vivement recommandé à la délégation de se pencher sur l'excellent manuel de formation produit par la délégation espagnole.
M. Rasmussen a souhaité avoir des précisions sur les procédures suivies lors des interrogatoires et voudrait savoir s'il existe un examen systématique des pratiques dans ce domaine.
Le co-rapporteur a en outre posé une série de questions relatives aux mesures prises pour réduire le surpeuplement des prisons, à la capacité d'accueil des prisons, au nombre de libérations sous caution, au nombre d'adolescents incarcérés, à l'inspection des prisons par le Défenseur du peuple, à la supervision des centres de détention. Il s'est interrogé sur l'existence d'autres sanctions que le confinement en cellule. Il a demandé à la délégation de commenter les allégations concernant des plaintes et des intimidations de prisonniers. Il a en outre demandé si le Venezuela avait ou non mis au point un programme de réinsertion psychologique et sociale des victimes de la torture et a voulu savoir comment le pays faisait face au traitement des survivants de la torture.
Le co-rapporteur s'est félicité de l'interdiction, inscrite dans le nouveau Code pénal, des aveux obtenus par la force. Il a également souhaité connaître les recours dont disposent les détenus pour se plaindre. Il a rappelé que, en 2001, le Défenseur du peuple avait été saisi de 1834 plaintes pour mauvais traitements, et a relevé de très importants écarts entre le nombre d'allégations et le nombre de fonctionnaires poursuivis. Il a souhaité connaître les intentions du gouvernement pour mettre un terme à ces problèmes. Il a noté une diminution de décès de détenus, mais a constaté que certains avaient été tués par des gardes et s'est interrogé sur les conditions de vie difficiles des détenus signalées par une délégation de l'Union européenne.
Un expert a voulu des précisions sur les règles régissant le recours aux armes à feu par les forces de l'ordre. Un autre expert s'est penché sur la question des demandes d'asile et du statut de réfugié, et a souhaité savoir s'il y a toujours prévalence d'une pratique qui considère que les personnes déplacées, souvent en provenance de Colombie, sont «en transit» et refoulées très rapidement. Il a voulu savoir quel est leur véritable statut, et s'il existe un système d'accueil humanitaire.
En ce qui concerne le traitement des minorités vulnérables, un expert a noté le cas d'un groupe de militants transsexuels à Carabo, qui fait encore l'objet de persécutions, rappelant que l'un d'entre eux a été tué. L'expert a souhaité des précisions sur cette affaire, ainsi que sur les déclarations du gouverneur de Carabo, qui aurait incité à l'élimination des membres de cette minorité.
Un expert s'est penché sur la violence entre détenus, sur les assassinats commis en prison. Il a noté 466 décès en une année; ainsi que sur le nombre préoccupant de cas allégués de mauvais traitement dans les prisons. Ces violences semblent pour la plupart le fait du personnel de prison et des forces de l'ordre.
En fin de séance, Mme Ana Jiménez, Défenseur du peuple, a pris la parole pour expliquer que le Defensor del Pueblo est indépendant des trois pouvoirs. Cette jeune institution, créée il y a deux ans, a pour but la promotion, la défense et la surveillance des droits de l'homme, mais aussi de donner suite aux recommandations des instances internationales. Le pays a une tradition de démocratie. Il est en train de bâtir un nouvel État de droit qui réponde aux besoins des citoyens.



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