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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU BÉNIN

15 Novembre 2001



CAT
27ème session
15 novembre 2001
Matin




Le Garde des Sceaux du Bénin assure que le pays
a pris un nouveau virage depuis 10 ans :
celui du respect de la personne humaine


Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial du Bénin sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport du Bénin, M. Joseph H. Gnonlonfoun, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, a reconnu que la torture a été pratiquée au Bénin dans le passé, mais a assuré qu'aujourd'hui, elle n'est plus exercée par les organes gouvernementaux, qui luttent désormais contre cette pratique. Depuis plus de 10 ans, le Bénin a pris un nouveau virage, celui du respect de la personne humaine. Néanmoins, si la torture n'est plus un système de gouvernement, le Garde des Sceaux a reconnu que des survivances de cette pratique persistent, mais sont résolument combattues.

La délégation béninoise est également composée de M. Raymond Hountondji, Directeur des droits de l'homme; M. Abassi Ibrahima Alle, Directeur général adjoint de la Police nationale et de Mme Rosemonde D. Adjanonhoun, de la Mission permanente du Bénin auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.

Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Bénin, M. Guibril Camara, a souhaité savoir si la loi d'amnistie de 1990 s'applique également aux auteurs d'actes de torture. Le rapporteur a exprimé sa préoccupation devant le fait que qu'une personne coupable d'un meurtre ne peut pas être poursuivie ni condamnée si l'acte a été exécuté en vertu d'une loi ou sur ordre d'une autorité légitime. En effet, cela revient à dire qu'un meurtre peut être légitime, ce qui est en totale contradiction avec la Convention. M. Alejandro González Poblete, corapporteur pour l'examen du rapport a également émis de vives préoccupations, au même titre que M. Camara, sur le fait qu'une loi puisse autoriser, et même ordonner, le meurtre ou des brutalités entraînant des lésions.

Le Comité poursuivra l'examen du rapport du Bénin demain après-midi, à partir de 15 heures, afin d'attendre les réponses de la délégation béninoise aux questions qui lui ont été adressées ce matin. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation ukrainienne aux questions posées par le Comité hier matin.


Présentation du rapport du Bénin

Le rapport initial du Bénin (CAT/C/21/Add.3) en date du 25 juillet 2001 indique qu'après avoir expérimenté la révolution socialiste pendant deux décennies, le Bénin vit actuellement une période démocratique témoignant du bon fonctionnement des institutions mises en place lors de l'historique Conférence nationale des forces vives, qui s'est tenue du 19 au 28 février 1990. Pendant de nombreuses années, le pays a été, en effet, tristement célèbre pour ses violations massives des droits de l'homme et des libertés individuelles, un état de fait qui a connu son point culminant pendant la période révolutionnaire, de 1972 à 1990. Grâce aux changements intervenus depuis la Conférence nationale des forces vives, un mouvement réel en faveur de la démocratie a pu être amorcé, permettant notamment aux nombreux groupes de lutte contre les violations des droits de l'homme de sortir de la clandestinité.

Conformément à sa nouvelle politique en matière de libertés individuelles, le Bénin s'est doté d'un certain nombre de textes qui constituent des supports réglementaires et juridiques en faveur de la lutte contre les violations des droits de l'homme, en particulier contre la torture. Il s'agit notamment du décret du 27 mai 1991 créant la Commission interministérielle chargée de procéder au recensement des victimes de torture et de sévices corporels, de réfléchir aux moyens de leur offrir réparation et de déterminer les circonstances de la disparition de certaines d'entre elles. Parmi les mesures qui ont été prises dans le but de bannir la torture au Bénin, le gouvernement a notamment procédé au démantèlement du «Petit Palais», qui était un centre de détention mais également un poste de commandement à l'origine des ordres d'arrestation, de détention et de torture visant toutes les personnes soupçonnées d'avoir des attitudes ou des propos anti-révolutionnaires. En outre, le 7 mai de chaque année a été déclaré Journée de lutte contre la torture et les sévices corporels. Des efforts importants ont été déployés afin de lutter contre les arrestations arbitraires et les brutalités policières.

Le rapport souligne que le Bénin ne fait plus parti des 149 pays mis en cause par Amnesty International. Il reconnaît néanmoins que quelques cas d'arrestation et de détention arbitraire persistent, de même que des gardes à vue hors délais et des brutalités policières. Il ressort également que les détenus et tous les observateurs assimilent les conditions de vie dans les maisons d'arrêt à une forme de torture et d'avilissement de la personne humaine. La plupart des détenus se plaignent, en effet, de sous-alimentation, d'accès insuffisant aux soins de santé ainsi que de surpeuplement carcéral.


Présentant le rapport du Bénin, M. Joseph H. Gnonlonfoun, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, a reconnu que la torture a été pratiquée au Bénin dans le passé, mais a assuré qu'elle n'est plus, aujourd'hui, exercée par les organes gouvernementaux, qui luttent désormais contre cette pratique. Il a rappelé que le Bénin a été marqué par l' instabilité politique au lendemain de son indépendance, avant de se passionner pour une certaine révolution marxiste-léniniste. Depuis plus de 10 ans, le Bénin a pris un nouveau virage, celui du respect de la personne humaine. Néanmoins, si la torture n'est plus un système de gouvernement, le Garde des Sceaux a reconnu que des survivances de cette pratique persistent, tout en étant combattues.

Le Bénin a signé et ratifié le Protocole relatif à la création de la Cour africaine des droits de l'homme, ainsi que le Statut de Rome portant création de la Cour pénale Internationale, a indiqué M. Gnonlonfoun. Toutefois, le développement de mécanismes ayant pour finalité de sensibiliser la population à la lutte contre la torture piétine car la question économique semble prendre le pas sur toute autre considération. La question de la lutte contre la pauvreté concentre toutes les énergies, donnant l'impression que toute question morale et éthique est laissée de côté. Par ailleurs, dans la mentalité de beaucoup de béninois, toute personne ayant tué un citoyen doit subir le même sort. Ainsi, devant un acte crapuleux, la population, qui se méfie de la police et de la justice, préfère collectivement tuer la personne qu'elle estime coupable. Des gendarmes ont même été pris à partie pour avoir voulu venir en aide à des personnes faisant l'objet de la vindicte populaire.

M. Gnonlonfoun a souligné que le Programme d'ajustement structurel a contraint le Bénin à réduire de façon sensible le recrutement des fonctionnaires, ce qui a considérablement réduit le rendement des agents chargés de la sécurité et de la justice. La Cour d'assises a cependant condamné ces dernières années des citoyens qui ont été jugés coupables d'avoir participé à la vindicte populaire.

M. Gnonlonfoun a par ailleurs indiqué que la population est favorable à la peine de mort, ce qui explique son maintien.


Examen du rapport

M. Guibril Camara, membre du Comité et rapporteur chargé de l'examen du rapport du Bénin, a regretté le retard avec lequel le rapport a été présenté au Comité, puisqu'il aurait dû lui parvenir en 1993. Par ailleurs, le Bénin s'étant doté, le 11 décembre 1990, d'une Constitution ainsi que d'une Cour constitutionnelle, le rapporteur a souhaité obtenir plus d'informations sur le mode de saisine de cette Cour. La Cour constitutionnelle, ou toute autre juridiction, peut-elle être saisie afin de statuer sur des actes de torture, et si c'est le cas, quelles sont les conséquences d'une décision condamnant un acte de torture ? Le rapport faisant mention d'une loi d'amnistie de 1990, M. Camara a souhaité savoir si cette loi s'applique également aux auteurs d'actes de torture. D'autre part, le rapporteur s'est demandé si la conformité de la définition béninoise de la torture est en conformité avec l'article premier de la Convention.

Le rapporteur a exprimé sa préoccupation devant le fait qu'une personne coupable d'un meurtre ne peut pas être poursuivie ni condamnée si l'acte a été exécuté en vertu d'une loi ou sur ordre d'une autorité légitime. En effet, cela revient à dire qu'un meurtre peut être légitime, ce qui est en totale contradiction avec la Convention.

M. Camara s'est enquis de l'existence de mesures relatives à la garde à vue prévoyant qu'un prévenu a le droit de bénéficier de la présence d'un avocat ou de l'intervention d'un médecin. Par ailleurs, le rapporteur a cité Amnesty International qui allègue que les tribunaux n'enquêtent pas sur les plaintes pour torture, passages à tabac ou autres formes de traitements cruels ou inhumains et demande aux autorités de procéder à des enquêtes indépendantes sur toutes ces accusations. M. Camara a souhaité savoir si ces enquêtes ont été menées. Le rapport d'Amnesty International indique également que de nombreuses victimes portent encore à ce jour des séquelles des tortures qui leurs ont été infligées pendant le régime marxiste-léniniste (entre 1975 et 1989), c'est à dire avant la ratification par le Bénin de la Convention de la torture. Le rapporteur a voulu savoir si cela signifiait que le Bénin estime que les actes de torture commis pendant cette période sont prescrits. Enfin, il a souhaité attirer l'attention du Comité sur l'absence de déclaration relative aux articles 21 et 22 de la Convention contre la torture (relatifs à l'examen, par le Comité, de plaintes pour violation des dispositions de la Convention).

M. Alejandro González Poblete, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, a relevé que des mesures ont été prises pour lutter contre les arrestations arbitraires et les brutalités qui surviennent dans les commissariats, les postes de gendarmerie et les camps militaires. Il a toutefois fait observer que cette liste n'est pas exhaustive et que de tels actes pourraient également être pratiqués en d'autres lieux.

Le pays se composant de 42 groupes ethniques parlant plus d'une cinquantaine de langues, le corapporteur a souligné la nécessité de traduire les diverses Conventions ratifiées par le Bénin dans les principales langues parlées au Bénin, dont le fon, qui est parlée par 42% de la population.

M. González Poblete s'est interrogé sur la possibilité pour un tortionnaire d'être condamné, au civil, à verser des dommages et intérêts à sa victime. Il a également émis de vives préoccupations, au même titre que M. Camara, sur le fait qu'une loi puisse autoriser, et même ordonner, un meurtre ou des brutalités entraînant des lésions. Il a rappelé qu'une telle légitimation est en totale contradiction avec l'article 2 de la Convention.

Un membre du Comité a fait part de ses inquiétudes s'agissant de la durée de la garde à vue qui peut aller jusqu'à huit jours, et a souhaité connaître la fréquence avec laquelle la police a recours à des gardes à vue si longues. Les conditions de détention ont également suscité de très vives préoccupations de la part de plusieurs membres du Comité. Des cellules d'à peine 7 m2 accueillent jusqu'à 30 personnes et sont infestées de rats. Les détenus sont à la charge de leurs parents sans lesquels ils ne pourraient avoir un repas chaud par jour. Les détenus sont soumis aux travaux forcés et à diverses formes de mauvais traitements.

Répondant aux questions des experts sur ce dernier point, le Garde des Sceaux du Bénin a précisé que les détenus perçoivent désormais 300 Francs CFA par jour, alors qu'il y a quelques années à peine, ils devaient se contenter de 70 Francs CFA par jour pour subvenir à leurs besoins. Il a souligné que de nombreux efforts ont été déployés pour améliorer la situation dans les pénitenciers et des progrès sont visibles, même s'il reste encore beaucoup à faire. Le Bénin est encore tributaire de son lourd passé et le Comité doit prendre cela en considération, a-t-il estimé.

M. Gnonlonfoun a également répondu aux questions du Comité s'agissant de la compétence de la Cour constitutionnelle. Il a indiqué que la cour ne prononce aucune sanction, mais examine la constitutionnalité des décisions rendues et des actes commis. Toutes les autres juridictions béninoises ont autorité pour sanctionner un auteur d'acte de torture. Par ailleurs, M. Gnonlonfoun a précisé que tout citoyen peut directement saisir la Cour constitutionnelle, même sans l'assistance d'un avocat.





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