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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

07 Mai 2001



CAT
26ème session
7 mai 2001
Matin




Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique de la République tchèque sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. Miroslav Somol, Représentant permanent de la République tchèque auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que la période couverte par le présent rapport (1994-1997) est caractérisée par un renforcement accru des garanties légales et du respect général de l'interdiction de la torture. Nous devons reconnaître que la République tchèque est confrontée à un problème eu égard au grand nombre de personnes emprisonnées dans le pays, a déclaré M. Somol avant de préciser que depuis mars 2000, le nombre de détenus ne cesse de décroître dans le pays.

La délégation tchèque est également composée de représentants de l'Administration des prisons; du Conseil des droits de l'homme auprès du Cabinet du gouvernement, ainsi que de la Mission permanente de la République tchèque auprès des Nations Unies à Genève.

M. Andreas Mavrommatis, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République tchèque, a félicité le pays pour les nouvelles lois sur les étrangers et sur le droit d'asile dont il s'est doté. Il s'est toutefois enquis des mesures prises pour résoudre, à long terme, les problèmes auxquels sont confrontés les Roms en République tchèque. À l'instar de M. Sayed Kassem El Masry, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport tchèque, certains experts ont déploré le manque de réaction de la police qui n'intervient pas lorsque des skinheads s'attaquent à des Roms voire à des Juifs ou à des étrangers. En dépit d'une volonté politique affichée de combattre ce phénomène, les actes et activités racistes ne cessent d'augmenter dans le pays, a insisté M. El Masry.


Plusieurs experts ont insisté sur la nécessité de voir aboutir les enquêtes concernant les allégations de détention arbitraire et de mauvais traitements infligés par la police dans le cadre des interpellations auxquelles ont donné lieu les manifestations de septembre 2000.

Le Comité entendra demain, à 15H30, les réponses de la délégation tchèque aux questions qui lui ont été posées ce matin. Cet après-midi, à 15 heures, il présentera ses observations finales sur le rapport de la Géorgie et poursuivra l'examen du rapport de la Slovaquie.


Présentation du rapport de la République tchèque

Présentant le rapport de son pays, M. MIROSLAV SOMOL, Représentant permanent de la République tchèque auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé qu'en novembre 1991, l'ancienne République tchécoslovaque avait présenté son rapport initial, après quoi, trois ans après, le Comité avait - au lieu d'un deuxième rapport périodique - examiné le rapport initial de la République tchèque puisque l'ancienne République tchécoslovaque s'est scindée en deux États indépendants (la République tchèque et la République slovaque). Les deux rapports initiaux susmentionnés avaient été évalués de manière globalement positive par le Comité, a rappelé M. Somol. La même évaluation valait pour l'ensemble des changements sociaux intervenus après la révolution de novembre 1989. Le Comité avait également pris note de la rapidité et de l'efficacité avec lesquelles les autorités traitaient les allégations d'abus de droits imputables à la police et au personnel pénitentiaire. La seule recommandation qu'avait alors adoptée le Comité avait trait à la réserve que le pays avait prononcée à l'égard de l'article 20 de la Convention (autorisant le Comité à mener des enquêtes in situ). Conformément à cette recommandation, la République tchèque a donc retiré cette réserve et a même fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention par lesquelles elle reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes émanant de pays tiers ou d'individus.

La période couverte par le présent rapport (1994-1997) est caractérisée par un renforcement accru des garanties légales et du respect général de l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La République tchèque, pour qui ces pratiques sont parmi les formes les plus graves de violations de droits de l'homme et des libertés fondamentales, a adopté des mesures aux niveaux national et international de nature à remédier à certaines lacunes qui persistent dans la mise en œuvre systématique des obligations juridiques internationales et des normes nationales, contribuant ainsi à améliorer une situation déjà satisfaisante.

Nous devons reconnaître que la République tchèque est confrontée à un problème à long terme eu égard au grand nombre de personnes emprisonnées dans le pays, a déclaré M. Somol avant d'expliquer que c'est là l'une des raisons principales des troubles qui ont éclaté dans les prisons tchèques en janvier 2000. Alors que le nombre de personnes emprisonnées atteignait son point culminant en mars 2000, le Ministère de la justice a pris des mesures destinées à stopper la croissance de la population carcérale globale. Certaines modifications positives ont été apportées à la politique pénale, en particulier en ce qui concerne la détention avant jugement. Depuis mars 2000, le nombre de détenus ne cesse de décroître en République tchèque, a souligné M. Somol. Il a également fait part du progrès notable que constitue la supervision des conditions de détention et d'emprisonnement par des procureurs.


Le deuxième rapport périodique de la République tchèque (CAT/C/38/Add.1) souligne qu'entre 1994 et 1997, deux modifications aux dispositions du Code pénal relatives à l'expulsion des ressortissants étrangers sont entrées en vigueur. Avec effet au 1er janvier 1994, l'article 57 du Code pénal a été modifié de façon à interdire l'expulsion d'une personne ayant obtenu le statut de réfugié. Ce même article a par ailleurs été modifié en 1997, de sorte que désormais, un tribunal ne peut pas ordonner l'expulsion d'une personne si elle risque d'être persécutée en raison de sa race, de son appartenance à un groupe ethnique ou social, de ses opinions politiques ou religieuses ou si elle risque d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Contrairement à ce qui est prévu à l'article premier de la Convention, il n'est pas nécessaire que les actes de torture ou autres traitements cruels soient infligés par un agent de la force publique ou à son instigation ou avec son consentement pour tomber sous le coup du Code pénal. En revanche, si le coupable est un agent de la force publique, s'il a commis l'acte avec au moins deux autres personnes ou de façon répétée pendant un certain temps, il sera condamné à une peine de prison allant de un à cinq ans. Si la victime a subi des lésions corporelles graves, la peine est un emprisonnement de cinq à dix ans et si elle décède, un emprisonnement de huit à quinze ans.

Aucune disposition de la législation interne ne va à l'encontre des obligations résultant de la Convention, indique le rapport. La Convention étant directement applicable en République tchèque, elle est suffisante pour permettre l'extradition d'une personne soupçonnée d'avoir commis un crime au regard de la Convention, même vers un pays avec lequel la République tchèque n'a pas conclu de traité d'extradition.

D'après les chiffres du Ministère de la justice, quelque 7 000 inculpés ont été placés en détention provisoire chaque année durant la période considérée, pour une durée d'environ 140 jours. Au 31 décembre 1997, le nombre total des personnes incarcérées s'élevait à 21 560 pour 18 907 places. Les conséquences néfastes ont été nombreuses. Il a fallu utiliser les prisons pour condamnés comme centre de détention provisoire et aménager des cellules et des chambres dans des locaux destinés à d'autres usages, précise le rapport. Le plan d'investissement prévu jusqu'à 2003 représente une progression de 4 611 places par rapport à la situation du 31 décembre 1997. Cependant, tant les spécialistes que le personnel pénitentiaire ont fait observer que pour réduire de manière durable le nombre des prévenus et des condamnés dans les centres de détention et dans les établissements pour peine, il fallait procéder à des réformes fondamentales dans les domaines de la répression, de ce que l'on appelle les peines de substitution. Le nombre de prévenus et condamnés en détention en République tchèque pour 100 000 habitants est passé de 187 en 1994 à 215 en 1997, indique le rapport. Au 31 décembre 1997, 350 prévenus mineurs étaient détenus dont 11 filles. Bien que les détenus de nationalité étrangère aient droit aux mêmes soins de santé que les prisonniers tchèques, ils ne bénéficient pas de l'assurance maladie car la loi ne garantit l'assurance maladie qu'aux résidents permanents. Cette situation peut compromettre le niveau des soins de santé dispensés ou grever indûment le budget de certains établissements pénitentiaires. Au cours de la période à l'examen, poursuit le rapport, il y a eu au total parmi les détenus 2 457 cas de violence. Ces statistiques ne tiennent pas compte des cas de violence cachée, où le personnel pénitentiaire n'a pu que faire des conjectures sur l'origine des blessures. L'administration pénitentiaire n'enregistre pas ces actes de violence même lorsqu'elle soupçonne qu'ils se sont produits. De tels actes peuvent être considérés comme le résultat du surpeuplement des établissements pénitentiaires. D'après les informations communiquées par le Ministère de la justice, au cours de la période considérée, 5 279 plaintes au total ont été déposées par des détenus (4 666 ont été jugées sans fondement).

La généralisation des agressions et du bizutage est un problème constant non seulement dans les établissements pénitentiaires mais également dans l'armée et dans les écoles. Etant donné les pouvoirs dont les policiers municipaux sont investis, les interventions de la police municipale risquent de donner lieu à des actes de torture ou à des mauvais traitements, poursuit par ailleurs le rapport. Il n'existe pas d'autorité spéciale chargée d'enquêter en cas d'infractions pénales commises par les membres de cette police, ajoute-t-il.


Examen du rapport de la République tchèque

M. ANDREAS MAVROMMATIS, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la République tchèque, a dit ne pas très bien savoir quel a été l'impact réel de la scission de la République de Tchécoslovaquie sur la promotion de la Convention. Cela dit, il semble que la République tchèque ait fait beaucoup plus (que la République de Tchécoslovaquie) en se dotant d'une législation appropriée et en prenant des mesures pratiques et concrètes pour promouvoir les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans le pays. Quoi qu'il en soit, ce deuxième rapport périodique de la République tchèque est très bon, a déclaré l'expert. Il s'est réjoui des nouvelles lois sur les étrangers et sur le droit d'asile dont le pays s'est doté.

M. Mavrommatis s'est toutefois enquis des modalités pratiques permettant d'appliquer directement, en droit interne, les dispositions de la Convention. Relevant que certaines autorités locales ont fait des déclarations clairement racistes à l'égard des membres de la communauté rom, l'expert s'est enquis des mesures prises pour résoudre, à long terme, les problèmes auxquels sont confrontés les Roms en République tchèque.

M. Mavrommatis a souligné l'importance de voir aboutir les enquêtes engagées suite aux interpellations effectuées dans le contexte des émeutes qui avaient éclaté à Prague alors que se tenait une réunion du FMI. Il a fait part d'informations selon lesquelles les noms des personnes qui avaient interrogé les émeutiers interpellés n'avaient pas été enregistrés. L'expert s'est en outre enquis des modalités d'accompagnement de la rétention des étrangers en attente d'application d'une décision d'expulsion.

M. SAYED KASSEM EL MASRY, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport tchèque, a fait état d'allégations selon lesquelles en République tchèque, des skinheads se livreraient à des actes racistes sans que la police ne réagisse. Les mouvements d'extrême droite publient des manifestes racistes et s'attaquent aux Roms, aux Juifs ou aux étrangers sans être inquiétés, a insisté M. El Masry. En dépit de l'adoption de mesures législatives allant dans la bon sens et en dépit d'une volonté politique affichée de combattre ce phénomène, les actes et activités racistes ne cessent d'augmenter dans le pays, a souligné l'expert.

M. El Masry s'est en outre enquis des modalités d'inspection de la situation dans les prisons tchèques ainsi que de la situation des personnes placées en détention préventive et en attente d'être jugées. Il a relevé que les plaintes émanant des prisonniers sont souvent considérées comme étant infondées. Selon certaines informations, le surpeuplement carcéral viendrait du fait qu'il y a beaucoup de suspects en prison. Ce surpeuplement des prisons serait également dû au grand nombre d'étrangers détenus et au fait que les tribunaux semblent réticents à laisser les étrangers en liberté conditionnelle. Selon Amnesty International, la majorité des détenus sont gardés pendant les premières 24 ou 48 heures dans des locaux surpeuplés où ils ne reçoivent pas une alimentation suffisante et où l'on ne met même pas suffisamment d'eau potable à leur disposition.

M. El Masry s'est inquiété des conséquences de la nouvelle loi sur la presse adoptée en décembre 1999 et en vertu de laquelle les journalistes peuvent être poursuivis en justice s'ils font des accusations erronées. Cinq jours seulement après l'adoption de cette loi, un journaliste a été accusé d'avoir présenté des accusations fallacieuses et encourt pour cela une peine de trois ans d'emprisonnement s'il est reconnu coupable.


Un membre du Comité a insisté sur la gravité des allégations selon lesquelles des détentions arbitraires et des mauvais traitements infligés par la police se seraient produits dans le cadre des interpellations auxquelles ont donné lieu les manifestations de septembre 2000.

D'autres membres du Comité ont déploré le manque de réaction de la police qui n'intervient pas lorsque des skinheads s'attaquent à des Roms et se sont inquiétés d'informations laissant entendre qu'il y aurait de plus en plus d'enfants roms dans les établissements scolaires pour handicapés mentaux.



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