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Communiqués de presse Organes conventionnels

LA SUISSE RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

09 Mai 2005

Comité contre la torture

9 mai 2005


Le Comité contre la torture a conclu, cet après-midi, l'examen du rapport de la Suisse en entendant les renseignements complémentaires fournis par la délégation de la Suisse en réponse aux questions posées par les membres du Comité vendredi dernier.

La délégation a notamment souligné que l'évaluation de l'existence d'un risque concret et sérieux qu'une personne soit refoulée vers un pays où existe un motif de croire qu'elle sera soumise à un risque sérieux de torture, au delà de tout doute raisonnable, ne suppose pas que soit apportée par l'intéressé une preuve au sens propre du terme. Le risque doit, certes, être hautement probable et son examen repose donc sur la notion de vraisemblance. En outre, si les moyens auxquels peut recourir la police dans le cadre de mesures de contrainte ne sont pas actuellement envisagés par la loi, un projet de texte énumérant les moyens dont l'usage est admissible ou interdit sera prochainement examiné par le Parlement. La question, soulevée par des membres du Comité, du recours à des appareils produisant des chocs électriques sera également tranchée lors de ce débat, a ajouté la délégation.

S'agissant de la question de l'identification des policiers dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre, la délégation a affirmé que l'absence de signe d'identification n'empêche nullement de désigner un policier responsable d'un comportement abusif, de même que la chaîne des responsabilités.

La délégation a déclaré que, s'il n'existe pas encore des organismes de contrôle indépendant pour connaître des plaintes dirigées contre la police, partout en Suisse, la tendance est à la création de services spécialisés dans les enquêtes dites internes.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la Suisse seront rendues publiques à la fin de la présente session, le vendredi 20 mai.


À sa prochaine séance publique, demain à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de l'Albanie (CAT/C/28/Add.6)


Renseignements complémentaires fournis par la délégation de la Suisse

Fournissant des renseignements complémentaires au Comité, la délégation a indiqué que, de 1996 à 2000, il n'a été constaté aucune décision d'extradition violant les principes de la Convention contre la torture. Lorsque des extraditions présentant un risque de violation des droits de l'homme sont néanmoins effectuées, elles ne le sont qu'à la condition que l'État requérant garantisse le respect des droits de la personne faisant l'objet d'une procédure d'extradition. La délégation a précisé que la Suisse est amenée à demander de telles garanties dans environ 10 cas par an seulement.

La délégation a réitéré que la mise au secret, dans le sens d'une isolation totale de la personne, n'existe plus dans la pratique. Une telle mesure contreviendrait non seulement à la Constitution fédérale mais également à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, directement applicable en Suisse. Le droit suisse permet toutefois de restreindre, durant une période limitée, la liberté de mouvement des détenus. De telles restrictions sont décidées pour des raisons disciplinaires et sont limitées dans le temps. Dans tous les cas, le détenu a le droit de communiquer avec son défenseur. On ne peut recourir contre de telles décisions, a souligné la délégation. La Suisse ne dispose pas de statistiques sur la fréquence et la durée de telles mesures.

La délégation a ensuite déclaré que la Suisse a d'ores et déjà réagi au rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI). Concernant la question des fouilles corporelles effectuées sur des ressortissants de pays africains dans les lieux publics et dont il a été allégué qu'elles seraient motivées uniquement par la couleur de la peau, la Suisse affirme que toutes les procédures se déroulent conformément aux bases légales pertinentes et que les mesures prises ne sont en aucun cas arbitraires. Les actes des fonctionnaires sont documentés, transparents et contrôlables. La délégation a ajouté que les thèmes de la xénophobie, du racisme et de la violence policière sont systématiquement pris en compte dans la formation continue de la police.

La délégation a indiqué que l'utilisation de médicaments aux fins de calmer contre son gré une personne qui doit être rapatriée est strictement réglementée par les directives relatives aux rapatriements sous contrainte. L'administration de substances sédatives contre le gré de la personne intéressée doit répondre exclusivement à une indication médicale. Par exemple, il ne doit y avoir, au terme d'un examen médical préalable, aucune contre-indication à une prise de médicament. La Suisse fournira ultérieurement au Comité des chiffres précis sur le nombre de substances administrées dans le cadre de rapatriement forcés. Toutefois, elle peut d'ores et déjà affirmer que ces chiffres ont fortement diminué.

La délégation suisse a par ailleurs souligné qu'à l'heure actuelle, la question des moyens auxquels peut recourir la police dans le cadre de mesures de contrainte n'est pas vraiment réglée dans la loi. Ce sont plutôt les ordonnances ou les instructions de service qui précisent les règles en la matière, quand elles existent. En effet, ce sera souvent après coup et sur recours que les tribunaux jugeront la question de savoir si la contrainte et les moyens utilisés étaient admissibles. Un projet relatif à l'usage de la contrainte par les forces de police est actuellement en consultation, a indiqué la délégation. Ce projet énumère les moyens dont l'usage est admissible ou interdit. Il envisage d'autoriser l'utilisation de menottes et d'entraves, ainsi que de liens. Sont interdits en revanche les casques intégraux, les baillons ou tout autre procédé pouvant entraver les voies respiratoires. Sont également prohibées les techniques d'utilisation de la force physique qui sont susceptibles de mettre en péril la santé des personnes. En outre, les sprays et autres substances irritantes ne sont pas admis. Le projet prévoit enfin que les armes ne doivent être utilisées qu'en dernier recours. Ce projet de loi ne s'applique qu'aux domaines du droit d'asile et du droit des étrangers, ainsi qu'au transport de personnes ordonné par une autorité fédérale.

La délégation a déclaré qu'une personne torturée à l'étranger et qui se trouve en Suisse peut obtenir une indemnisation si l'État dans lequel elle a été torturée n'accepte pas de verser réparation. Pour que cette indemnisation soit possible, il faut que la torture soit intervenue à l'étranger, que la victime n'obtienne pas de prestations suffisantes d'un État étranger et qu'elle soit de nationalité suisse et domiciliée en Suisse au moment des faits.

La délégation suisse a ensuite répondu aux questions de membres du Comité concernant le droit d'asile et, notamment, aux préoccupations relatives à l'exigence pour le requérant de démontrer l'existence d'un risque concret et sérieux, au delà de tout doute raisonnable, d'être personnellement victime de mauvais traitements. Ce critère d'absence de tout doute raisonnable, a expliqué la délégation, provient de décisions de la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA) sur l'interprétation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la lumière de la jurisprudence de Strasbourg. Il ne s'agit donc pas d'une norme contraignante et il n'y a pas de disposition légale correspondante. En outre, cette formulation doit être nuancée à la lumière d'autres décisions de la CRA. Ainsi, selon la pratique, il n'est pas exigé une preuve au sens propre du terme. Le risque doit, certes, être hautement probable, mais la CRA explique en d'autres termes que le risque sérieux doit être rendu vraisemblable par une motivation suffisante. Par ailleurs, la CRA indique que même si la situation dans le pays d'origine n'est pas en soi suffisante pour conclure à un tel risque, elle peut en constituer un indice. En définitive, a déclaré la délégation, l'examen du risque repose donc sur la notion de vraisemblance. La Suisse ne peut pas demander au pays d'origine des garanties en cas de renvoi forcé dans le cadre d'une procédure d'asile, en raison de l'interdiction absolue de communiquer au pays d'origine des données personnelles sur un requérant si cette communication met en danger la personne ou ses proches.

Répondant aux interrogations d'ordre procédural concernant le droit d'asile posées par le Comité, la délégation a indiqué que le délai de recours de cinq jours accordé aux requérants ne concerne que les décision de «non-entrée en matière», c'est à dire les cas considérés comme manifestement infondés ou abusifs. Les décisions matérielles de rejet sur le fond peuvent être contestées pendant un délai de 30 jours.

Poursuivant dans ses réponses aux questions du Comité, la délégation suisse a reconnu que les plaintes à l'encontre de la police sont en augmentation. Les grandes manifestations qui ont eu lieu dans le pays constituent l'une des principales raisons de cette augmentation, a-t-elle affirmé. L'augmentation générale des infractions qui dénotent un caractère de violence a tendance à entraîner une réponse équivalente de la part des forces de l'ordre. Il faut malheureusement constater que, depuis peu, de simples contrôles d'identité finissent par une plainte non pas nécessairement parce qu'il y a eu violence mais parce que les prescriptions administratives n'ont pas été respectées. Il semblerait que le manque d'effectifs dont souffrent plusieurs corps de police ait une influence sur ce phénomène, a déclaré la délégation. S'il n'existe pas encore sur toute l'étendue du territoire suisse d'organismes de contrôle indépendants pour connaître des plaintes dirigées contre la police, la tendance est à la création de services spécialisés dans les enquêtes dites internes.

Pour ce qui est de l'identification des policiers dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre, la délégation a affirmé que l'absence de signe d'identification n'empêche nullement de désigner le policier responsable de comportement abusif, de même que la chaîne des responsabilités. Enfin, lorsque des chiens sont utilisés comme moyens de contrainte, leur usage obéit aux principes de proportionnalité et d'opportunité.

La délégation suisse a enfin déclaré que la question de la possibilité pour la police de recourir à des appareils produisant des chocs électriques serait débattue au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les mesures de contrainte applicables aux domaines du droit d'asile et du droit des étrangers. Dans la mesure où le but et les circonstances le permettent, l'engagement sera précédé d'au moins une sommation.


Observations de membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Suisse, a brièvement pris la parole pour féliciter la délégation pour la qualité des réponses apportées à ses questions.

M. SAYED EL-MASRY, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport suisse, s'est également félicité de la qualité des réponses apportées par la délégation suisse. Il a en outre demandé des précisions sur l'utilisation, par les autorités chargées de l'application de la loi, d'appareils produisant des chocs électriques. Le Gouvernement suisse compte-t-il amender sa législation afin d'interdire le recours à un tel instrument ? Par ailleurs, la Suisse entend-elle procéder à l'indemnisation des familles de Khaled Abuzarifa et Samson Chukwu, décédés dans le cadre de leur rapatriement.
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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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