Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ACHÈVE SON DIALOGUE AVEC LA DÉLÉGATION DE LA TURQUIE

05 Mai 2003



CAT
30ème session
5 mai 2003
Après-midi




Le Comité contre la torture a achevé, cet après-midi, l'examen du deuxième rapport périodique de la Turquie en entendant les réponses apportées par la délégation turque aux questions que lui avaient adressées vendredi matin les experts s'agissant, notamment , du droit à l'assistance juridique; de la durée de la garde à vue, de l'inspection des prisons et des lieux de détention; de l'administration de la justice pour mineurs; du principe d'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture; de la définition et de la pénalisation de la torture; de la coopération avec les mécanismes de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies; des allégations de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.
Le Comité présentera ses conclusions et recommandations sur le rapport turc mercredi 14 mai, à 15 heures.
Dirigée par M. Turkekul Kurttekin, Représentant permanent de la Turquie auprès des Nations Unies à Genève, la délégation turque a notamment indiqué qu'une personne arrêtée par les forces de sécurité a le droit de demander à être assistée par un avocat sans retard, dès le début de la période de détention et ce, quel que soit le crime dont elle est soupçonnée. La délégation a précisé qu'un organe de surveillance composé de cinq membres doit être créé partout où il existe une prison ou un lieu de détention. Ces organes de surveillance peuvent entreprendre des visites d'inspection à tout moment et au moins une fois tous les deux mois. La délégation a par ailleurs rappelé que, selon l'article 254 du Code de procédure pénale, les preuves obtenues illégalement par les organes d'enquête ne sauraient constituer la base d'une décision émanant d'un tribunal.
La délégation a rappelé que la Turquie figure au nombre des pays qui ont envoyé une invitation permanente aux mécanismes de la Commission des droits de l'homme et qu'il est prévu que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l'homme se rendent en Turquie en 2003.
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Belgique (CAT/C/52/Add.2).

Examen du rapport de la Turquie
Répondant aux questions des membres du Comité s'agissant du droit à l'assistance juridique et de la durée de la garde à vue, la délégation turque a notamment indiqué qu'en vertu d'une nouvelle législation adoptée le 2 janvier dernier, une personne arrêtée par les forces de sécurité a le droit de demander à être assistée par un avocat sans retard, dès le début de la période de détention et ce, quel que soit le crime dont elle est soupçonnée. Pour les délits ordinaires, la durée maximale de détention en garde à vue est de 24 heures, a précisé la délégation. Cette durée est portée à 48 heures pour les crimes relevant de la juridiction des tribunaux de sécurité de l'État. S'il s'agit de crimes commis collectivement, c'est-à-dire par trois personnes ou plus, le Procureur peut prolonger la durée de détention en garde à vue jusqu'à quatre jours, mais pas davantage, a indiqué la délégation.
Pour ce qui est de l'inspection des prisons et des lieux de détention, la délégation a assuré que les institutions pénales sont sous le contrôle constant du Procureur, du Juge de l'application des peines, des inspecteurs de la Direction générale des prisons, des inspecteurs du Ministère de la justice, de la Commission d'enquête du Parlement sur les droits de l'homme, ainsi que des organes civils de surveillance et du Comité européen pour la prévention de la torture. La délégation a précisé qu'un organe de surveillance composé de cinq membres doit être créé partout où il existe une prison ou un lieu de détention. Ces organes de surveillance peuvent entreprendre des visites d'inspection à tout moment et au moins une fois tous les deux mois. Ils doivent préparer des rapports dont une copie est envoyée au Ministère de la justice, aux juges d'application des peines, aux bureaux des procureurs concernés ainsi qu'au Président de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme de la Grande Assemblée parlementaire turque s'ils le jugent nécessaire. Pour ce qui est de la question de l'implication des organisations non gouvernementales, a précisé la délégation, le Comité européen pour la prévention de la torture a estimé qu'il ne serait pas compatible avec la nature et les fonctions de ces organes de surveillance qu'ils intègrent des membres représentant officiellement des organisations non gouvernementales.
En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, la délégation a indiqué que l'âge minimum de la responsabilité pénale est fixé par la loi à 12 ans (onzième année révolue). Les mineurs délinquants relèvent de la police des mineurs créée en 2001 dans 80 provinces, a précisé la délégation. Un délinquant mineur ne peut être interrogé que par le Parquet; il ne peut pas l'être par la police, a précisé la délégation. Une détention avant jugement ne peut lui être imposée que si le délit est suffisamment grave pour être passible d'une sanction de trois à sept ans d'emprisonnement; dans tous les cas, il sera séparé des adultes, jugé par des tribunaux pour mineurs et accompagné d'un travailleur social et d'un pédagogue, sans parler bien entendu de son conseiller juridique, désigné le cas échéant par l'Association du Barreau s'il ne dispose pas des ressources nécessaires pour s'attacher les services d'un avocat. Si la sanction ne dépasse pas les trois ans d'emprisonnement, le juge peut suspendre la sentence.
La délégation a par ailleurs rappelé qu'un nouveau type de prisons, appelées prisons de type F, a été créé afin de remédier aux conséquences néfastes du système traditionnel des prisons-dortoirs qui servaient souvent de centres d'endoctrinement pour les organisations terroristes. Ces prisons de type F sont constituées de cellules pour un à trois prisonniers, qui sont conformes aux Règles européennes sur les prisons émises par le Conseil de l'Europe ainsi qu'aux normes des Nations Unies en la matière. Ce nouveau type de prisons (type F) a suscité la réaction de certains membres des organisations terroristes qui ont entamé des grèves de la faim, lesquelles ont diminué suite aux mesures qui ont été prises par les autorités conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs fait observer que même s'il est vrai que les témoignages et déclarations constituent l'élément principal et le plus fondamental des affaires pénales, ils ne sont pas considérés comme des preuves tant qu'ils ne sont pas appuyés par d'autres indications ou preuves. Étant donné que le pouvoir judiciaire est totalement indépendant en Turquie, il n'est pas légalement possible d'établir une commission qui serait chargée d'examiner de nouveau des affaires en vue de les soumettre à un nouveau procès. En outre, les verdicts des tribunaux sont soumis à un examen judiciaire par les tribunaux supérieurs, a fait valoir la délégation. De plus, en vertu de l'article 327 du Code pénal, une affaire pénale close peut être réouverte en faveur du condamné si un document utilisé comme preuve dans l'affaire en question s'avère un faux; si un témoignage délivré s'avère être infondé; ou si une nouvelle preuve et de nouveaux faits présentés exigent un nouveau procès. Ainsi, est-il toujours possible d'ester en justice devant les tribunaux compétents en vue d'un nouveau procès en présentant des preuves ou des faits nouveaux.
La délégation a par ailleurs rappelé que selon l'article 254 du Code de procédure pénale, les preuves obtenues illégalement par les organes d'enquête ne sauraient constituer la base d'une décision émanant d'un tribunal.
En ce qui concerne la définition de la torture, la délégation a notamment rappelé qu'en vertu de l'article 90 de la Constitution, les accords internationaux ratifiés par le Parlement ont force de loi, de sorte que la Convention contre la torture, y compris la définition de la torture qui y est énoncée, fait partie intégrante de la législation interne turque. L'article 17 de la Constitution stipule en outre que personne ne doit être soumis à la torture ou à un mauvais traitement et que personne ne doit être soumis à des peines ou traitements incompatibles avec la dignité humaine. Quant au crime de viol, a poursuivi la délégation, il fait l'objet de dispositions distinctes du Code pénal et les personnes responsables de ce crime encourent de lourdes peines d'emprisonnement. Si ce crime est commis par des agents responsables de l'application des lois durant la détention d'une personne, il est à la fois considéré comme un viol et comme une torture, a indiqué la délégation, qui a précisé que les peines appliquées sont dans ce cas plus sévères.
Quant aux peines imposées aux responsables d'actes de torture, la délégation a indiqué qu'elles peuvent aller jusqu'à huit ans d'emprisonnement (au lieu de cinq ans auparavant), le responsable étant suspendu de ses fonctions publiques soit temporairement soit définitivement. Si la personne décède du fait de la torture qui lui a été infligée, le responsable sera puni en vertu de l'article 452 du Code pénal qui a trait à l'homicide et la sentence sera supérieure d'un tiers ou de la moitié de celle prévue pour l'homicide. En vertu de l'amendement apporté au Code pénal en janvier dernier, les peines prévues en cas de torture ou de mauvais traitements ne peuvent plus être converties en amendes ni ne peuvent être suspendues.
La délégation a rappelé que la Turquie figure au nombre des pays qui ont envoyé une invitation permanente aux mécanismes de la Commission des droits de l'homme, le dernier en date à avoir effectué une visite dans le pays étant le Représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées internes, M. Francis Deng, qui s'est rendu en Turquie l'an dernier. Il est prévu que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l'homme puissent se rendre en Turquie en 2003, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs souligné que la Commission d'enquête sur les droits de l'homme du Parlement est notamment mandatée pour examiner les plaintes déposées pour violation des droits de l'homme et les transmettre aux autorités compétentes lorsqu'elle le juge nécessaire. Cette Commission d'enquête dispose de larges pouvoirs d'enquête, a précisé la délégation. Elle peut aussi renvoyer une affaire spécifique vers le pouvoir judiciaire.
Répondant aux allégations faisant état de harcèlement à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme, la délégation a assuré que la Turquie reconnaît pleinement le rôle important joué par des individus, des groupes et des organisations non gouvernementales en matière de promotion et de protection des droits de l'homme. Aussi, les défenseurs des droits de l'homme ne sont-ils ni harcelés ni attaqués dans le pays, a affirmé la délégation. Il n'en demeure pas moins que, conformément au principe de l'état de droit, toute personne ayant enfreint la loi sera naturellement traduite en justice, a souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs évoqué les affaires, toutes encore pendantes en justice pour des raisons diverses, concernant Gülistan Durç (actuellement recherché par la police), Rasim Asan (prochaine audience prévue demain), Gülderen Baran (affaire pendante en appel), Eren Keskin (affaire pendante), Süleyman Yeter (l'un des policiers impliqués dans cette affaire est toujours en fuite), Alp Ayan (affaire pendante). En ce qui concerne Kiraz Bicici, accusé de soutien à une organisation terroriste, la délégation a indiqué qu'il a été condamné à trois ans et neuf mois d'emprisonnement en vertu de l'article 169 du Code pénal.
La délégation a rappelé que la citoyenneté constitutionnelle est un principe fondamental sur lequel l'État a été fondé en 1923. Le terme de Turc s'applique à tous les citoyens turcs quelle que soit leur origine ethnique, a souligné la délégation. Les droits des minorités en Turquie sont énoncés dans le Traité de Lausanne de 1923, a-t-elle rappelé.
Pour ce qui est du chef d'une organisation terroriste, Abdulah Ocalan, qui n'a pu recevoir de visites pendant longtemps en raison, en fait, de mauvaises conditions météorologiques persistantes, la délégation a notamment indiqué que M. Ocalan a finalement pu recevoir des visites, notamment celle, en février dernier, du Comité européen pour la prévention de la torture.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :