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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA BOLIVIE

03 Mai 2001



CAT
26ème session
2 mai 2001
Matin







Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Bolivie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dans une brève déclaration de présentation de ce rapport, M. Luis Eduardo Serrate Céspedes, Vice-Ministre des droits de l'homme de la Bolivie, a souligné que son pays connaît une crise économique grave et que l'État bolivien ne ménage aucun effort pour tenter d'en atténuer les conséquences sociales.

La délégation bolivienne est également composée de la Représentante permanente de la Bolivie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Florencia Ballivian de Romero, ainsi que d'un représentant de la Mission permanente de la Bolivie auprès des Nations Unies à Genève.

M. Alejandro Gonzalez Poblete, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport bolivien, a relevé que la période actuelle de vacatio legis - le nouveau code de procédure pénale ne devant entrer en vigueur qu'à la fin du mois courant - place le Comité dans une situation inhabituelle pour procéder à l'examen du rapport bolivien puisqu'il se retrouve à devoir évaluer la situation sur la base d'un texte qui n'entrera en vigueur que le 31 mai prochain.

M. Gonzalez Poblete a relevé que les violations des droits de l'homme et les abus d'autorité sont nombreux dans les zones de production de coca. Il a également attiré l'attention sur les questions relatives à l'administration de la justice et aux conditions régnant dans les prisons boliviennes, en particulier en ce qui concerne les personnes détenues qui sont placées en dépôt judiciaire et passent ainsi dans une «zone d'oubli».

M. Antonio Silva Henriques Gaspar, corapporteur pour l'examen du rapport bolivien, a notamment souhaité savoir s'il existe une institution ou une autorité chargée d'inspecter les prisons et de surveiller si les règles d'interrogatoire sont respectées dans les commissariats de police.

Il est vrai qu'il y a eu jusqu'à présent en Bolivie «une justice pénale d'inquisition, injuste et inhumaine», a reconnu la délégation, avant de préciser que le grand défi que s'efforce de relever aujourd'hui la Bolivie est justement de revoir l'ensemble de ce système. Pour cela, le pays a besoin de formation, de conseils, de financement, a expliqué la délégation.

Le Comité poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Grèce. Il entendra demain après-midi, à 15 heures, les réponses de la délégation bolivienne aux questions qui lui ont été adressées ce matin.


Présentation du rapport de la Bolivie

Dans une brève déclaration de présentation de ce rapport, M. Luis Eduardo Serrate Céspedes, Vice-Ministre des droits de l'homme de la Bolivie, a déclaré que son pays connaît une crise économique grave et que l'État bolivien ne ménage aucun effort pour en atténuer les conséquences sociales d'une telle crise.

Le rapport initial de la Bolivie (CAT/C/52/Add.1) souligne que la volonté politique de renforcer les structures institutionnelles de l'état de droit ainsi que le système démocratique de la Bolivie s'est notamment traduite par la création du poste de Défenseur du peuple, du Tribunal constitutionnel et du Conseil de la magistrature. L'article 12 de la Constitution bolivienne dispose que «toutes formes de torture, de coercition, de sévices ou de violence physique ou morale sont interdites, sous peine de révocation immédiate, sans préjudice des sanctions dont sont passibles ceux qui les auront infligées, ordonnées, encouragées ou qui y auront consenti». L'article 17 de la Constitution dispose en outre qu'«il n'existe ni peine infamante ni mort civile. L'assassinat, le parricide et la trahison sont punis de 30 ans de réclusion criminelle sans possibilité de grâce».

Le rapport précise que la loi du 25 mars 1999 portant promulgation du Code de procédure pénale a été publiée le 31 mai 1999. Ce texte subsidiaire se trouve actuellement en période de vacatio legis et n'entrera pleinement en vigueur que le 31 mai 2001. L'article 13 du Code de procédure pénale, qui concerne la légalité de la preuve, stipule par ailleurs que «les éléments de preuve n'ont de valeur que s'ils ont été obtenus à l'aide de moyens licites et versés à la procédure conformément aux dispositions de la Constitution et du présent Code. Est dépourvue de valeur toute preuve obtenue en recourant à la torture, à des mauvais traitements, à la coercition, à des menaces, à la tromperie, en portant atteinte à des droits fondamentaux de la personne humaine ou provenant d'informations recueillies à l'aide d'un procédé ou moyen illicite».

Selon le Code pénal bolivien (article 295), «est sanctionné d'une peine privative de liberté de six mois à deux ans, tout fonctionnaire infligeant des sévices à un détenu ou les tolérant. Il s'expose à une peine privative de liberté de deux à quatre ans s'il inflige tout supplice ou acte de tortures à un détenu. Si ces actes de torture entraînent des blessures, la peine d'emprisonnement est portée de deux à six ans et s'ils entraînent la mort une peine de réclusion criminelle de dix ans est encourue».

Le Défenseur du peuple a quant à lui pour fonction d'effectuer des visites inopinées dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention afin de s'assurer que les droits de l'homme y sont respectés et de mettre en mouvement d'office les actions ou recours pertinents ou, dans les cas extrêmes, de saisir l'autorité compétente en vue de la mise en route de l'action pertinente en cas de violation d'un droit ou d'une liberté.

Examen du rapport de la Bolivie


M. ALEJANDRO GONZALEZ POBLETE, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport de la Bolivie, a relevé que la Bolivie n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention (concernant la compétence du Comité pour recevoir des plaintes émanant de pays tiers ou d'individus), ce qui est surprenant lorsque l'on considère que ce pays a pourtant reconnu la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. M. Gonzalez Poblete a exprimé l'espoir que l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale n'accusera pas de retard. L'expert a en effet relevé que la période actuelle de vacatio legis - le nouveau code de procédure pénale ne devant entrer en vigueur qu'à la fin du mois courant -place le Comité dans une situation inhabituelle pour procéder à l'examen du rapport bolivien puisque le Comité se retrouve à devoir évaluer la situation sur la base d'un texte qui n'entrera en vigueur qu'à la fin de ce mois.

Il aurait été souhaitable de connaître le nombre de cas de torture examiné par le ministère public, à qui il incombe d'enquêter sur tout abus d'autorité, notamment de la part de la police, a estimé M. Gonzalez Poblete. L'expert a par ailleurs déploré le manque d'informations concernant les entraves à la bonne mise en œuvre de la Convention identifiées par l'État bolivien.

L'expert a reconnu que l'information transmise au Comité par le Défenseur du peuple bolivien est assez détaillée mais a relevé qu'elle n'est toutefois pas vraiment en rapport avec la Convention contre la torture. La liberté sous caution est une garantie constitutionnelle mais les pauvres ne peuvent jouir de cette garantie dans la mesure où ils ne peuvent pas payer de caution, a relevé M. Gonzalez Poblete en se référant au rapport du Défenseur du peuple qui figure, ainsi que de nombreux autres rapports et documents, en annexe du rapport initial de la Bolivie (ces documents peuvent être consultés aux archives du Haut-Commissariat aux droits de l'homme). L'expert a par ailleurs relevé que les violations des droits de l'homme et les abus d'autorité sont nombreux dans les zones de production de coca, en particulier dans la région de Cochabamba, ce qui a motivé l'installation dans cette zone d'un bureau du défenseur public et d'un bureau des droits de l'homme afin de garantir les droits constitutionnels des paysans producteurs. Ces deux bureaux fonctionnent-ils toujours, s'est interrogé l'expert?

Relevant en outre que l'administration de la justice est l'un des problèmes principaux auxquels est confronté le pays dans le domaine des droits de l'homme, M. Gonzalez Poblete a notamment attiré l'attention sur les mauvaises conditions qui prévalent dans les prisons boliviennes. À cet égard, s'il est vrai que la police a l'obligation de présenter toute personne détenue devant la justice dans un délai de 24 heures, dans les faits, elle envoie souvent le détenu dans un dépôt judiciaire jusqu'à ce qu'intervienne la décision de justice le concernant - décision qui met parfois des jours à arriver. Ainsi, le détenu placé en dépôt judiciaire passe dans une «zone d'oubli» et si cette personne ne dispose pas d'un avocat pour veiller à sa situation, elle peut passer un temps infini dans ce dépôt. Les conditions dans ces dépôts - ou «petites prisons» comme les nomme Amnesty International dans un rapport consacré à la question - sont très mauvaises, en particulier dans les régions de Cochabamba et de Santa Cruz, a insisté l'expert. Dans son rapport, a ajouté M. Gonzalez Poblete, le Défenseur du peuple parle en outre d'une recrudescence de la corruption en Bolivie.

M. Gonzalez Poblete s'est en outre inquiété du sort de citoyens péruviens qui ont été arrêtés alors qu'ils transitaient par la Bolivie pour se rendre dans des pays tiers et font désormais l'objet de poursuites judiciaires en vertu de la loi sur le terrorisme - loi particulièrement sévère en Bolivie.

D'après un certain nombre de rapports émanant d'ONG telles qu'Amnesty International, il semble en outre qu'il existe en Bolivie une pratique constante d'intimidation, de torture et d'enlèvements à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.

L'expert a insisté sur la nécessité pour la Bolivie de se concentrer sur la formation des personnels de police et de justice.

M. ANTONIO SILVA HENRIQUES GASPAR, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport bolivien, a souhaité savoir s'il existe une institution ou une autorité chargée d'inspecter les prisons et de surveiller si les règles d'interrogatoire sont respectées dans les commissariats de police. L'expert s'est en outre inquiété du manque d'efficacité des enquêtes, une fois les plaintes transmises aux autorités compétentes. Ce manque d'efficacité procède-t-il d'un manque de volonté ou d'un manque de moyens, s'est enquis l'expert?

À l'instar de M. Gaspar, d'autres experts ont fait part de leur surprise face au fort pourcentage de femmes détenues dans les prisons.

Un membre du Comité a fait part d'allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés dans le cadre du service militaire obligatoire. Une recrue qui avait perdu son fusil aurait ainsi été enchaînée une semaine sans nourriture et soumise à des simulations d'exécution, a insisté cet expert. Ce même expert s'est inquiété des dispositions juridiques en vertu desquelles il semblerait que l'auteur d'un viol ne soit pas poursuivi en justice s'il épouse la victime.

La détention au secret (incommunicado) va à l'encontre de l'esprit même de la Convention, a rappelé un membre du Comité. Il est pratiquement acquis qu'un acte de torture, s'il doit se produire, se produira dans les 24 premières heures de la détention et a fortiori si cette détention se fait au secret, a insisté cet expert.

Il est vrai qu'il y a eu jusqu'à présent en Bolivie «une justice pénale d'inquisition, injuste et inhumaine», a reconnu la délégation, avant de préciser que le grand défi que s'efforce de relever aujourd'hui la Bolivie est justement de revoir l'ensemble de ce système. Pour cela, le pays a besoin de formation, de conseils, de financement, a expliqué la délégation. L'ambition de la Bolivie est de faire de son nouveau Code de procédure pénale un modèle pour l'ensemble de l'Amérique latine. La Bolivie est également en train de procéder à une réforme constitutionnelle qui devrait être achevée au printemps 2002 et qui vise à accorder rang constitutionnel à tous les traités ratifiés par le pays, a indiqué la délégation.




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