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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT PÉRIODIQUE DE L'ÉGYPTE

13 Novembre 2002



CAT
29ème session
13 novembre 2002
Matin


Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique de l'Égypte sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation égyptienne, Mme Naela Gabr, Représentante permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, a réaffirmé l'engagement inébranlable de son pays dans la protection des droits de l'homme, l'Égypte ayant adhéré sans réserve à tous les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. S'agissant des recommandations faites par le Comité lors de la présentation du précédent rapport de l'Égypte, elle a rappelé la création, décidée en 1999, d'une commission nationale des droits de l'homme. Elle a ajouté que, suite aux recommandations du Comité au sujet de la flagellation, le Ministre de l'intérieur a rédigé un projet de loi portant abolition de ce châtiment. Elle a également insisté sur les efforts soutenus de son gouvernement pour améliorer la situation dans les prisons et les mesures prises pour éliminer les actes de torture. Elle a déclaré que les défis auxquels est confrontée l'Égypte aujourd'hui sont la lutte contre l'analphabétisme et la lutte contre le fléau du terrorisme.
Le rapporteur du Comité chargé du rapport de l'Égypte, M. Fernando Mariño Menéndez, a demandé des renseignements complémentaires concernant la protection des personnes vulnérables, en particulier les femmes, les enfants, et les homosexuels. Il a par ailleurs exprimé des préoccupations s'agissant de l'imposition de peines par des tribunaux d'exception, ainsi qu'au sujet des conditions de détention dans les prisons égyptiennes. Le co-rapporteur, M. Alexander Yakovlev, a notamment interrogé la délégation sur le maintien de l'état d'urgence depuis plusieurs années, ainsi que sur la façon dont les autorités judiciaires traitent les plaintes qui sont présentées pour violation des dispositions de la Convention contre la torture.
En fin de séance, le président du Comité a exhorté la délégation à accepter une mission de visite du Rapporteur spécial contre la torture. Il a noté des progrès significatifs dans l'application des obligations de l'Égypte en vertu de la Convention mais a souligné que le maintien de la détention au secret restait une préoccupation primordiale pour le Comité.
Le Comité entendra demain après-midi, à 14h30, les réponses de la délégation égyptienne aux questions des experts.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation espagnole aux questions qui lui ont été posées hier par les experts.

Présentation du rapport de l'Égypte
Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation égyptienne, MME NAELA GABR, Représentante permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, a réaffirmé l'engagement inébranlable de son pays dans la protection des droits de l'homme en adhérant à tous les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme et ce, sans aucune réserve. Elle a attiré l'attention sur la partie du rapport relative à l'application des dispositions de la Convention et des recommandations faites par le Comité lors de la présentation du précédent rapport de l'Égypte. Elle a rappelé, à cet égard, la création, décidée en 1999, d'une Commission des droits de l'homme chargée de la protection et de la promotion des droits de l'homme en Égypte. Mme Gabr a ajouté que, suite aux recommandations formulées par le Comité au sujet de la flagellation, le Ministre de l'intérieur a rédigé un projet de loi portant abolition de ce châtiment.
Mme Gabr a insisté sur les efforts soutenus de son gouvernement pour améliorer la situation dans les prisons et les mesures prises pour éliminer les actes de torture.
La représentante égyptienne a souligné des éléments positifs intervenus en Égypte, telle l'amélioration de programmes éducatifs et les efforts faits par les organisations non gouvernementales égyptiennes pour renforcer une prise de conscience dans le domaine des droits de l'homme. Elle a tenu à rendre hommage aux représentants des organisations non gouvernementales en soulignant l'importance du renforcement du partenariat entre le secteur public et les institutions privées.
Mme Gabr a déclaré que les défis auxquels est confrontée l'Égypte aujourd'hui sont la lutte contre l'analphabétisme et la lutte contre le fléau du terrorisme. L'Égypte, a-t-elle poursuivi une société pacifique qui souffre du terrorisme depuis 20 ans, c'est-à-dire depuis le meurtre du Président Anouar el-Sadate, a rappelé Mme Gabr. Plus récemment, le pays a dû combattre seul le terrorisme, sans l'aide de la communauté internationale.
Le quatrième rapport de l'Égypte (CAT/C/55/Add.6) précise que le Gouvernement égyptien a veillé à ce que les dispositions internationales adoptées en matière de droits de l'homme fassent partie intégrante du processus d'éducation sociale au travers du développement de programmes d'enseignement et de la lutte contre l'alphabétisation, cette initiative contribue grandement, selon le rapport, à permettre une meilleure diffusion et une sensibilisation des populations à la question des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les mesures et garanties relatives aux actes de torture sur le plan judiciaire, le rapport rappèle qu'une des plus importantes avancée en la matière reste l'inspection des prisons par le pouvoir judiciaire. Lors des inspections, les plaintes des prisonniers sont entendues. Une lettre circulaire a été publiée réglementant la procédure à suivre en cas d'inspections inopinées.
Le rapport ajoute que les mesures prises par l'Égypte pour s'acquitter de ses obligations en matière des droits de l'homme ont été renforcées par l'adoption de l'Ordonnance N° 6181 de 1999 portant création d'un Comité des droits de l'homme présidé par un sous-secrétaire d'État aux affaires juridiques. La tache de ce comité consiste à étudier et proposer des moyens afin d'assurer une protection plus efficace des droits de l'homme. De plus, le rapport fait mention de la création en janvier 2000 d'une direction générale des questions relatives aux droits de l'homme relevant du Ministère de la justice, chargée de veiller à la mise en œuvre des aspects juridiques et législatifs ayant trait aux questions relatives aux droits de l'homme. Toujours dans ce sens, une Commission des droits et des libertés publiques a été crée en octobre de la même année chargée de préciser les droits et libertés garanties par la Constitution. Enfin, des préparatifs sont en cours visant à la création d'une Commission nationale des droits de l'homme.
Le rapport précise que le régime juridique du délit de torture est déterminé par le droit égyptien qui interdit toute forme de torture en des termes plus généraux et plus complets que la Convention. En outre, la législation égyptienne donne aux victimes d'actes de torture la garantie d'une enquête menée par une autorité judiciaire indépendante. Il ajoute que toute personne est en droit de porter plainte pour acte de torture et mauvais traitement et signale que l'État garantit une indemnisation juste à toute personne dont les droits ou libertés ont été bafoués ou qui a été soumise à des actes de torture.
Le rapport fait état de plans et programmes déjà en application et visant à améliorer les conditions de détention dans les prison, notamment par des plans de modernisation et de rénovation des institutions carcérales, par la tenue de registres de détenus et par une nette amélioration des conditions de vie des détenus; des mesures ont également été prises concernant le sort des femmes, notamment dans les cas de menaces ou sévices perpétrés à leur encontre. Quatre dispensaires de soins ont étés crées pour les cas de tuberculose.

Examen du rapport
Le rapporteur du Comité pour le rapport de l'Égypte, M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ a tenu à souligner les efforts fournis par l'Égypte depuis 1996, date à laquelle l'État égyptien a ratifié la Convention et bon nombre de traités dans le domaine des droits de l'homme.
M. Mariño Menéndez a tenu à souligner que le maintien de l'État d'exception constituait un facteur omniprésent dans le pays aujourd'hui et apportait des distorsions à l'application de la Convention. Il a soulevé la question de la définition du crime de torture dans le code pénal égyptien, plus restrictive que celle de la Convention contre la torture, et a voulu savoir si les peines prononcées par les tribunaux égyptiens se réfèrent à la Convention.
Le rapporteur a ensuite posé des questions sur l'application de la peine capitale en Égypte et a souhaité des statistiques précises, notamment sur les jugements prononcés par les tribunaux militaires, ainsi que des détails chiffrés sur le nombre de peines appliquées. Il a souligné qu'il n'y avait pas de possibilité de recours en appel en cas de condamnation à la peine de mort.
Le rapporteur souhaiterait avoir des détails concernant des décès de personnes en garde à vue ou en détention. En effet, dans certains cas, la mort en captivité serait intervenue en raison du manque de soins médicaux, selon certaines informations. Le rapporteur a aussi demandé des renseignements sur les allégations de cas de disparitions forcées. Il a ajouté que 16 000 personnes détenues dans le cadre d'une détention administrative peuvent être qualifiés de détenus politiques et a souhaité que la délégation aborde cette question.
Au chapitre de la protection des personnes vulnérables, le rapporteur a souhaité obtenir des précisions sur les mesures adoptées pour protéger les femmes. Il a également noté le manque d'informations figurant dans le rapport égyptien au sujet du traitement des homosexuels, évoquant le cas du jugement, par des tribunaux d'exception, de plusieurs personnes accusées de «libertinage». Il s'est en outre dit préoccupé d'informations de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch faisant état d'enfants soumis à de mauvais traitement dans des centres de détention. Le rapporteur souhaiterait recevoir des informations complémentaires à cet égard. Enfin, un quatrième groupe des personnes vulnérables, les personnes victimes des expulsions forcées suite à la démolition de logements, essentiellement des personnes aux maigres ressources, a aussi attiré l'attention du rapporteur.
M. Mariño Menéndez a par ailleurs évoqué l'incident du 14 octobre 1998, dans le village d'al-Koush, lié à des affrontements entre des chrétiens et le reste de la communauté. Il signale que plus de quatre ans ont passé et que l'enquête n'a pas encore été rendue publique.
Le rapporteur a également évoqué le problème de l'application des sentences prononcées par les tribunaux d'exception. Il semble que les particuliers n'ont aucun recours contre les agents de l'État devant ces tribunaux, mais seulement devant un procureur. Il a souhaité avoir des précisions sur les réparations versées en faveur de victimes de mauvais traitements. Il a aussi exprimé des préoccupations s'agissant de la détention au secret.
Le rapporteur a par ailleurs souhaité des précisions sur le fonctionnement de la nouvelle Commission nationale des droits de l'homme, sur les conditions de détention des détenus et la durée de la détention provisoire. Il a noté que les dénonciations de torture concernaient des faits qui se seraient souvent produits dans des locaux administratifs. Il a cité à cet égard le cas de quatre citoyens britanniques maltraités. Il a également souhaité connaître le nombre de dénonciations d'actes de torture présentées devant les mécanismes de recours existants.
M. Mariño Menéndez s'est interrogé sur les pratiques d'accueil et de traitement des réfugiés et des mineurs non accompagnés et souhaiterait savoir si, dans la juridiction égyptienne, des poursuites peuvent être intentées contre un étranger qui a commis des actes de torture dans un autre pays.
Le co-rapporteur du Comité pour le rapport de l'Égypte, M. ALEXANDER YAKOVLEV, a souhaité savoir comment sont traitées les plaintes présentées par des particuliers qui se plaignent de mauvais traitements ou d'actes de torture. Il a également déclaré qu'il ne semble pas exister de recours juridique pour les familles d'une victime de torture. Le co-rapporteur s'est étonné des contradictions concernant les dispositions relatives aux réparations dues aux victimes d'actes de torture ou de mauvais traitement, notant que la loi ne prévoit pas la poursuite des auteurs de tels actes. Il a regretté qu'il semble que l'évolution du droit ne soit pas suivie d'une application effective des dispositions de la loi. Le co-rapporteur s'est en outre dit préoccupé par la question de l'État d'urgence en vigueur depuis 22 ans.
M. Yakovlev a rappelé qu'en vertu de la Loi d'exception, une personne peut être maintenue en détention pendant sept jours et doit attendre trente jours avant de pouvoir déposer plainte. Il s'est inquiété de la pratique des «détentions répétées» qui permet de contourner une décision de remise en liberté, notamment par la présentation d'un un ordre de transfert et l'application d'une nouvelle mesure de détention. M. Yakovlev s'est montré préoccupé d'éventuels abus dans le cadre de la mise en œuvre des lois adoptées pour la lutte contre le terrorisme et qui pourraient entraîner des conséquences graves sur les libertés si elles sont utilisées à des fins différentes que la lutte antiterroriste.
Un autre membre du Comité s'est interrogé sur le phénomène de l'impunité et a souhaité entendre les commentaires de la délégation à ce propos. Il s'est par ailleurs interrogé sur le recours à des preuves médicales dans les cas d'allégations d'actes de torture. Une autre expert a demandé si des investigations sont faites dans les lieux de détention, notamment sous forme d'un examen médical pour déceler les cas de torture.
Un expert a souhaité connaître les effets de la législation actuelle sur les activités des organisations non gouvernementales, se demandant si les lois en vigueur n'entravent pas ces activités et ne réduisent pas la liberté d'action de ces organisations. Il a souhaité savoir si les organisations non gouvernementales sont soumises à des pressions. L'expert a interrogé la délégation sur le nombre des plaintes pour actes de torture commises par les forces de police, la sécurité d'État et les services de renseignement, ainsi que sur les mesures prises à l'encontre des responsables. Il a demandé quels étaient les mécanismes indépendants en cas d'allégations de torture et quel était le rôle de la nouvelle Commission des droits de l'homme en la matière.
Des questions ont en outre été posées s'agissant du problème des violences sexuelles, notamment à l'égard des femmes. Les experts ont voulu savoir quelles mesures ont été prises à cet égard.
Un autre membre du Comité a demandé des précisions s'agissant des diférences importantes qui existent dans les montants des réparations qui sont versées aux victimes.
En fin de séance, le président du Comité a exhorté la délégation à accepter une mission de visite du Rapporteur spécial contre la torture. Il a noté des progrès significatifs dans l'application des obligations de l'Égypte en vertu de la Convention mais a toutefois souligné que le maintien de la détention au secret restait une préoccupation primordiale pour le Comité.



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