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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION EXAMINE DES RAPPORTS SUR LE DROIT AU LOGEMENT, LE DROIT À L'ÉDUCATION ET LE DROIT À LA SANTÉ

29 mars 2005

Commission des droits de l'homme
APRÈS-MIDI

29 mars 2005


La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels se penchant, en particulier, sur les rapports présentés par les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement du droit à un logement convenable, du droit à l'éducation et du droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint.

Les représentants de l'Ukraine, du Nigéria, de Sri Lanka, de la Fédération de Russie, de l'Afrique du Sud, de l'Indonésie, du Soudan et de la Chine ont en outre fait des déclarations dans le cadre du débat général au titre des droits économiques, sociaux et culturels. Les questions relatives à la lutte contre la pauvreté, au fardeau de la dette et à l'élaboration d'un projet de protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels étaient au centre de ces interventions.

M. Miloon Kothari, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, a souligné que le phénomène des sans-abri fournissait une indication claire du manque de respect du droit à un logement convenable. On estime aujourd'hui entre 20 et 40 millions le nombre de personnes qui sont sans domicile fixe dans les zones urbaines à travers le monde, a-t-il indiqué. M. Kothari a en outre souligné qu'il avait continué de recevoir des informations relatives à des évictions forcées pratiquées partout dans le monde. S'agissant des missions qu'il a effectuées sur le terrain, M. Kothari a reconnu les efforts déployés par le Kenya pour promouvoir le droit à un logement convenable, soulignant toutefois que le pays se trouve confronté à d'immenses défis. S'agissant du Brésil, il a affirmé qu'en dépit d'une réelle volonté politique, la situation en matière de logement reste préoccupante. Selon lui, 6,6 millions de familles brésiliennes ne disposeraient d'aucun abri pour vivre. Les représentants du Brésil et du Kenya ont fait des déclarations en tant que délégations de pays concernés, suivis des représentants de Cuba, de l'Argentine, du Mexique et du Luxembourg (au nom de l'Union européenne), qui ont participé à un dialogue interactif avec le Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, M. Vernor Muñoz Villalobos, a notamment relevé que l'éducation primaire est souvent considérée essentiellement comme une dépense budgétaire et non comme un droit. Il faudrait que les stratégies de la Banque mondiale ou d'autres institutions s'efforcent de promouvoir la conversion de la dette publique en un service financier pour l'éducation, a-t-il déclaré. Il a mis l'accent sur l'urgente nécessité, aux niveaux national et international, de garantir le droit humain à l'éducation. Le Rapporteur spécial a également fait part de son intention d'aborder dans ses rapports futurs les situations de discrimination face à l'éducation rencontrées par les dalits. Les représentants de Cuba, de l'Argentine, du Costa Rica, du Luxembourg (au nom de l'Union européenne), du Pakistan et de l'Inde ont participé au dialogue interactif avec le Rapporteur spécial.

M. Paul Hunt, Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, a pour sa part souligné que plus de 40% des pays n'ont pas de politique en matière de santé mentale. Par ailleurs, les minorités raciales et ethniques sont fréquemment victimes de discriminations dans l'accès aux soins de santé mentale, a-t-il ajouté. M. Hunt a par ailleurs fait part des résultats des missions qu'il a effectuées au Mozambique, au Pérou et en Roumanie en se réjouissant de l'adoption récente d'excellentes politiques en matière de santé; il demeure toutefois dans certains cas un écart important entre lesdites politiques et la réalité de leur mise en œuvre, a-t-il souligné. Les représentants des trois pays concernés ont fait des déclarations, ainsi que ceux du Canada, du Luxembourg, de l'Argentine, de la Norvège, de Cuba, de la République du Congo et du Népal, qui ont participé au dialogue interactif avec M. Hunt.


La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels.


Présentation du rapport sur le droit à un logement convenable

M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, a notamment souligné que le phénomène des sans-abri fournit une indication claire du manque de respect du droit à un logement convenable. On estime aujourd'hui de 20 à 40 millions le nombre de personnes qui sont sans domicile fixe, dans les zones urbaines, à travers le monde. Ce phénomène existe également en milieu rural, a ajouté M. Kothari. Parmi les multiples causes du phénomène des sans-abri, a-t-il poursuivi, on trouve le manque de règles juridiques permettant aux communautés d'accéder à la propriété de la terre pour qu'elles puissent en faire un usage productif, entravant ainsi la pleine réalisation du droit à un logement convenable. À cette lacune initiale, s'ajoutent les incriminations pénales visant les sans-abri, qui font partie intégrante de la violence dont ces personnes sont victimes.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs indiqué qu'il avait continué de recevoir des informations relatives à des évictions forcées pratiquées partout dans le monde. À ce sujet, il a précisé qu'il avait adressé des communications s'agissant des cas urgents, soit à titre personnel, soit conjointement avec d'autres mécanismes spéciaux de la Commission. M. Kothari a en outre attiré l'attention sur l'approche sexospécifique qu'il adopte dans l'exercice de son mandat.

Le Rapporteur spécial, qui s effectué une mission du Kenya, a reconnu les efforts déployés par ce pays pour promouvoir le droit à un logement convenable, soulignant toutefois que le pays se trouve confronté à d'immenses défis. Il a exprimé sa préoccupation face à l'insuffisante attention qui est accordée à la discrimination à l'encontre des femmes en matière de droit à la terre, de propriété et de succession. M. Kothari s'est toutefois dit encouragé par l'engagement des institutions de la société civile et d'institutions telles que la Commission nationale des droits de l'homme, ainsi que par l'interaction entre les autorités de l'État et la société civile en matière de logement et de droit à la terre. Il a émis l'espoir que le Gouvernement kényan s'accorde à voir dans le présent rapport l'amorce d'un dialogue de longue haleine et n'hésite pas à solliciter la coopération technique.

S'agissant du Brésil, le Rapporteur spécial a affirmé qu'en dépit d'une réelle volonté politique, la situation en matière de logement reste préoccupante. Selon lui, 6,6 millions de familles brésiliennes ne disposeraient d'aucun abri pour vivre. Un tiers des logements ne serait pas relié au tout-à-l'égout. M. Kothari s'est toutefois réjoui de l'adoption historique par le Parlement brésilien d'une loi relative au système de logement social. Il a insisté sur la nécessité d'une approche globale et coordonnée de la question du logement au Brésil. Face au nombre croissant de personnes sans domicile fixe au Brésil, le Rapporteur spécial s'est félicité de la coopération amorcée avec ce pays. Il s'est dit encouragé par le fait que sa visite ait renforcé le dialogue et la coopération entre divers secteurs de la société civile, ce qui pourrait favoriser des évolutions positives.

Le rapport sur le droit à un logement convenable est publié sous la cote E/CN.4/2005/48 et Add.1 à 3 (le rapport lui-même et son additif 1 ne sont pas encore disponibles en français). L'additif 2 au rapport, qui concerne la mission que le Rapporteur spécial a effectuée au Kenya du 9 au 22 février 2004 prend acte des efforts que le nouveau Gouvernement kényan déploie, tout comme de la volonté et de l'engagement politiques qu'il manifeste, mais il constate que les défis à relever sont immenses et que, s'agissant de remédier à la situation actuelle en matière de logement et de propriété foncière, tous les aspects du problème n'ont pas été suffisamment pris en considération. Le Gouvernement doit faire face à la croissance des bidonvilles, dont certains sont les plus grands d'Afrique subsaharienne; au manque d'accès de la population, et particulièrement des groupes les plus pauvres, à des services essentiels tels que l'approvisionnement en eau potable, l'électricité et l'assainissement; ainsi qu'à la pandémie de VIH/sida. Le Rapporteur spécial se félicite des déclarations d'intention du nouveau Gouvernement, mais il est préoccupé par le fait que l'on n'accorde pas suffisamment d'attention à certaines question. Il songe en particulier à la discrimination qui s'exerce contre les femmes, à la persistance des cartels fonciers et à la pratique des déplacements et des expulsions forcées.

Dans l'additif 3 à son rapport, qui concerne sa mission au Brésil, le Rapporteur spécial se dit impressionné par la volonté politique dont fait preuve le nouveau Gouvernement et par le soutien sans précédent que lui témoignent les organisations de la société civile. Les défis à relever dans ce pays sont immenses compte tenu du nombre de sans-abri, de paysans sans terre et de personnes qui n'ont pas accès au logement ou, tout au moins, à un logement décent, à cause de la discrimination dont font traditionnellement l'objet la communauté brésilienne d'origine africaine et les peuples autochtones, et de l'exclusion des pauvres. Le Rapporteur spécial formule plusieurs recommandations: mettre en place une nouvelle politique nationale du logement qui tienne compte des obligations en matière de droits de l'homme; concilier les objectifs macroéconomiques et les objectifs sociaux; réorienter les programmes de financement du logement pour répondre aux besoins des plus pauvres; adopter une réglementation qui permette d'harmoniser les actes de propriété et de les délivrer plus facilement; et renforcer la coopération interministérielle, notamment pour ce qui est des droits fondamentaux des peuples autochtones.


Déclarations de délégations concernées

M. CARLOS ANTÓNIO DA ROCHA PARANHOS (Brésil) a jugé le rapport sur le droit au logement juste et équilibré. Il a fait part de l'engagement ferme de son gouvernement à régler les problèmes qui se posent au Brésil dans ce contexte. Lors de sa visite, le Rapporteur spécial a rencontré plusieurs responsables aux niveaux fédéral, étatique et municipal. Au niveau fédéral, un dialogue a été établi avec le Ministère des villes, le Ministère du plan, du budget et de la gestion, le Ministère du développement de la terre, le Ministère de l'environnement, le Ministère de la justice, le Ministère des affaires étrangères, ainsi qu'avec le Secrétaire spécial pour les droits de l'homme, le Secrétaire spécial pour la politique de la femme et le Secrétaire spécial pour les politiques de promotion de l'équité raciale. Le Rapporteur spécial a également rencontré plusieurs responsables de la société civile et d'organisations non gouvernementales. Le Brésil apprécie que le Rapporteur spécial ait mentionné dans son rapport que le Gouvernement avait introduit une perspective raciale dans toutes ses politiques sociales, y compris dans sa politique de logement. Le Rapporteur spécial a également mentionné les mesures prises en faveur des communautés Quilombo, des villages traditionnels de descendants d'esclaves, a fait valoir le représentant brésilien.

À l'heure actuelle, 80% de la population brésilienne vit en zone urbaine, a poursuivi le représentant. Les villes brésiliennes rencontrent de nombreux problèmes en matière de logement convenable, comme en témoigne le fait que 80% des logements précaires du pays soient concentrés dans les zones urbaines. Afin de résoudre ce problème, le Gouvernement a créé le Ministère des villes et a augmenté les investissements dans le logement et l'assainissement. Le Ministère des villes a en particulier lancé le Programme de développement urbain national fondé sur la participation démocratique et centralisée de la population. L'objectif principal de ce programme est de mettre en œuvre le principe de la fonction sociale de la propriété introduit dans la Constitution brésilienne de 1988. En partenariat avec la Banque interaméricaine de développement, le Gouvernement brésilien a aussi mis en œuvre le Programme national d'urbanisation, de régularisation et d'intégration des établissements humains précaires destiné à 1,6 million de foyers. Pour ce qui est du logement convenable en zone rurale, le Gouvernement a adopté une politique globale novatrice. À la fin de 2003, un nouveau plan national de réforme de la terre a en effet été lancé afin, entre autres, de permettre à 400 000 familles d'accéder à un logement convenable d'ici la fin 2006. Institué en 2004, le Programme national sur le crédit foncier va quant à lui au-delà des politiques foncières traditionnelles et vise notamment à renforcer et à stabiliser les structures productives familiales. Le Programme vise trois catégories de populations dans le besoin : les paysans vivant dans les zones semi-arides du Nordeste; les jeunes paysans âgés de 18 à 24 ans; et les paysans qui entendent investir et étendre leurs propriétés. Dans les deux premiers cas, les ressources allouées pour les infrastructures productives de base ne sont pas remboursables. Le représentant brésilien a indiqué au Rapporteur spécial que sa mission avait répondu aux attentes de son Gouvernement.

M. PHILLIP RICHARD O. OWADE (Kenya) a souligné que son pays croyait fermement à l'universalité, à l'interdépendance et à l'indivisibilité de tous les droits de l'homme, d'où l'importance égale que le pays attache aux droits sociaux, économiques et culturels et aux droits civils et politiques. Le Parlement kényan a adopté en juin 2004 un document ouvrant la voie à la formulation d'un texte de loi complet en matière de logement, a-t-il indiqué. Une politique globale dans ce domaine doit être mise en place d'ici juin 2005, laquelle servira de base à la consolidation de la législation relative à la terre. Le représentant kényan a en outre souligné que l'éducation permettait aux femmes d'être davantage sensibilisées à leurs droits, y compris dans les zones rurales où les pratiques coutumières avaient tendance à les désavantager. Il a par ailleurs affirmé que la terminologie de «peuples autochtones» n'est pas appropriée dans le contexte du Kenya puisque toutes les communautés d'Afrique descendent en fait de peuples autochtones. Le représentant a fait part de l'engagement de son Gouvernement à mettre en œuvre progressivement le droit à un logement adéquat; la pleine réalisation de ce processus dépendra des progrès réalisés dans d'autres domaines connexes, tels que la poursuite de la formulation de la politique de la terre, le processus de réexamen constitutionnel et la mise en place d'autres politiques sectorielles, notamment dans le secteur de l'eau.


Dialogue interactif

MME CLAUDIA PÉREZ ÁLVAREZ (Cuba) a demandé au Rapporteur spécial s'il avait l'intention d'approfondir la question de l'effet que la réduction des subventions aux pauvres peut avoir en matière de logement. Elle a par ailleurs souhaité savoir si des progrès avaient été accomplis en matière d'égalité entre les femmes et les hommes du point de vue de l'accès au logement.

M. SERGIO CERDA (Argentine) a demandé au Rapporteur spécial de bien vouloir préciser la notion de normes types pour la protection des droits de la femme dont il est question dans son rapport.

MME ELIA SOSA (Mexique) s'est félicitée de la qualité du travail accompli par le Rapporteur spécial. Elle s'est interrogée sur les ajustements législatifs nécessaires aux fins d'une meilleure prise en compte de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg) a souhaité savoir si le Rapporteur spécial recevait de la part des gouvernements un appui approprié lui permettant de s'acquitter de son mandat. Il a par ailleurs demandé au Rapporteur spécial si, de son point de vue, son mandat ne devrait pas intégrer d'autres domaines de préoccupation.

En réponse à ces interventions, le Rapporteur spécial, M. KOTHARI, s'est dit inspiré par l'intégration des droits de l'homme dans les politiques et législations nationales à laquelle a procédé le Gouvernement brésilien, notamment dans le domaine de l'accès à la terre. Concernant le Kenya, il s'est félicité de l'ouverture du Gouvernement ainsi que des progrès réalisés depuis un an. Pour ce qui est de la question des femmes et du logement, le Rapporteur spécial a fait remarquer qu'il existe un fossé entre la reconnaissance du droit des femmes au logement et à la propriété et la mise en œuvre de ce droit. À ce sujet, il a exhorté le Gouvernement kényan à combler ce fossé.

La croissance de la richesse ne résout pas tous les problèmes liés aux droits économiques, sociaux et culturels car il existe un phénomène de ségrégation croissante des pauvres et d'élargissement du fossé entre les pauvres et les riches, a fait remarquer le Rapporteur spécial. En outre, le non-respect du droit au logement a un lien avec le phénomène de discrimination raciale. Pour ce qui est du droit à l'eau, il n'existe pas de consensus international, a-t-il regretté. Il est donc important pour la Commission de combler ce fossé. La violence domestique au foyer impose en outre une pleine protection des femmes pouvant aller jusqu'à demander à l'homme de quitter le foyer. Les gouvernements doivent enfin promouvoir les mécanismes institutionnels mis en place au sein du système des Nations Unies tels que le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT), a souligné M. Kothari. Il a plaidé en faveur de l'élaboration de principes directeurs en matière d'éviction forcée.


Présentation du rapport sur le droit à l'éducation

M. VERNOR MUÑOZ VILLALOBOS, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, a relevé que l'éducation primaire est souvent considérée essentiellement comme une dépense budgétaire et non comme un droit. Il faudrait que les stratégies de la Banque mondiale ou d'autres institutions s'efforcent de promouvoir la conversion de la dette publique en un service financier pour l'éducation, a-t-il déclaré. Il a mis l'accent sur l'urgente nécessité, aux niveaux national et international, de garantir le droit humain à l'éducation. Le Rapporteur spécial a également fait part de son intention d'aborder dans ses rapports futurs les situations de discrimination face à l'éducation rencontrées par les dalits. Il a en outre mis l'accent sur les personnes souffrant de discrimination en matière d'accès à l'éducation, en particulier les adolescentes enceintes ou déjà mères. La mise en œuvre du programme mondial d'éducation pour tous doit également comprendre les personnes migrantes et les personnes souffrant de handicaps, a-t-il ajouté. Si l'on ne répond pas aux situations créées par l'exclusion, le taux global de scolarisation au primaire dépassera difficilement les 80% d'ici 2015, s'est-il inquiété. La question de la sécurité dans les écoles fait partie du droit à l'éducation, a-t-il par ailleurs souligné. Le Rapporteur spécial, dans ses recommandations, demande aux institutions internationales, telles que la Banque mondiale, le PNUD, l'UNESCO et l'UNICEF, d'accorder une plus grande attention au droit à l'éducation et au suivi des situations d'urgence.

Le rapport sur le droit à l'éducation (E/CN.4/2005/50) souligne que le financement de l'éducation demeure un grave problème. Aussi les États doivent-ils progresser dans la définition de priorités nationales et faire de l'éducation la principale de ces priorités. Le rapport recommande à la Banque mondiale de réaliser une enquête visant à déterminer si le fait de ne pas intégrer la perspective des droits de l'homme, en particulier le droit à l'éducation, dans ses politiques et les grandes lignes de son action, contribue à en limiter l'impact social et économique. Le rapport recommande le recours aux systèmes judiciaires nationaux et régionaux pour exiger la mise en œuvre du droit à l'éducation et faire progresser sa justiciabilité. Il invite par ailleurs le Comité des droits de l'enfant, ainsi que l'UNICEF et l'UNESCO, à envisager la possibilité de mettre au point ou d'actualiser des modèles de guides pour la protection du droit à l'éducation des mères adolescentes et des adolescentes enceintes. Le Rapporteur spécial interprète son mandat comme lui offrant la possibilité de promouvoir un certain nombre de progrès quant à la qualité de l'éducation, poursuit le rapport. Il faut donc œuvrer avec persistance au possible développement d'indicateurs qualitatifs permettant d'identifier les besoins et impulser les actions nécessaires pour faire progresser la réalisation du droit fondamental à une éducation de qualité. Le Rapporteur spécial invite donc le PNUD et l'UNICEF à l'aider et à le soutenir dans son entreprise de développement d'indicateurs sur le droit à l'éducation (et non pas seulement sur l'état de l'éducation), en vue de les utiliser et les intégrer dans leurs rapports.


Dialogue interactif

MME CLAUDIA PÉREZ ÁLVAREZ (Cuba) a notamment demandé au Rapporteur spécial s'il avait l'intention de se pencher sur les initiatives multilatérales de lutte contre l'analphabétisme.

M. SERGIO CERDA (Argentine) a demandé au Rapporteur spécial de se pencher sur l'importante question de la violence en milieu scolaire. Le représentant argentin a en outre apporté le plein soutien de sa délégation à l'idée de pouvoir invoquer en justice le droit à l'éducation.

M. LUIS VARELA QUIROS (Costa Rica) s'est félicité de la qualité du rapport présenté par le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation. Il a souligné la nécessité d'affecter les ressources nécessaires à la réalisation progressive de ce droit. Il a en outre demandé quelles mesures concrètes pourraient être prises pour remédier aux inégalités entre garçons et filles en matière d'accès à l'éducation. Le représentant a estimé que la proposition visant à permettre d'invoquer en justice le droit à l'éducation était particulièrement intéressante.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a demandé quels seraient les éléments spécifiques à inclure dans des indicateurs relatifs au droit à l'éducation et quelles seraient les mesures susceptibles d'être prises afin de répondre aux besoins des personnes handicapées en matière d'éducation.

M. RIZWAN SAEED SHEIKH (Pakistan) a lui aussi souhaité savoir quelle pourrait être la nature des indicateurs à élaborer concernant le droit à l'éducation et à l'apprentissage. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de garantir le respect de la diversité culturelle et religieuse dans le domaine de l'éducation.

Relevant que le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation avait indiqué avoir l'intention de se pencher à l'avenir sur la discrimination à l'encontre des dalits, M. DEBABRATA SAHA (Inde) a mis l'accent sur les efforts déployés par le Gouvernement indien afin de garantir que la discrimination fondée sur des aspects de castes soit injustifiée et inacceptable. Il existe une forme de discrimination positive qui se traduit par la prise de mesures compensatoires en faveur des populations qui ont été victimes de ségrégation, a poursuivi le représentant indien. Le Rapporteur spécial doit rester dans les limites de son mandat qui ne concerne que le seul droit à l'éducation, a souligné le représentant indien. Dans ce domaine, le Gouvernement indien n'a pas failli à ses obligations, a-t-il affirmé.

En réponse à ces interventions, le Rapporteur spécial, M. MUÑOZ VILLALOBOS, a souligné que la question de l'analphabétisme était en rapport avec l'accès au plus élémentaire des droits de l'homme que constitue l'accès à l'éducation. Les indicateurs en matière d'éducation présentent des aspects positifs et négatifs, a-t-il fait observer; s'ils permettent de s'inscrire dans une démarche de vérification des stratégies visant la mise en œuvre de politiques publiques, les indicateurs constituent également des normes générales qui empêchent de percevoir des aspects plus concrets concernant, par exemple, les communautés. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il considérait l'intervention du représentant de l'Inde au sujet des dalits comme une invitation du Gouvernement indien à débattre de cette question.


Rapport sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint

M. PAUL HUNT, Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, a souligné que plus de 40% des pays n'ont pas de politique en matière de santé mentale. Ce pourcentage s'élève à 90% si l'on tient compte des politiques qui concernent aussi les enfants et les adolescents. Plus on y regarde de près et plus le tableau s'assombrit. Si les centres de soins psychiatriques sont généralement disponibles, les usagers sont particulièrement vulnérables aux violations de leurs droits. Cela est particulièrement le cas dans les hôpitaux psychiatriques, les prisons et les institutions recevant des personnes handicapées. Le Rapporteur spécial a ajouté que les femmes handicapées sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle. Par ailleurs, les minorités raciales et ethniques sont fréquemment victimes de discriminations dans l'accès aux soins de santé mentale. Le Rapporteur spécial a rappelé que l'Organisation mondiale de la santé recommande que les services psychiatriques soient, le plus possible, intégrés aux services généraux de santé. En dépit de ce tableau assez sombre, les États peuvent agir en mobilisant des ressources limitées.

S'agissant des missions qu'il a effectuées au Mozambique, au Pérou et en Roumanie, M. Hunt s'est réjoui de l'adoption récente d'excellentes politiques en matière de santé. Toutefois, il demeure dans certains cas un écart important entre lesdites politiques et la réalité de leur mise en œuvre. Dans chacun de ces pays, il est nécessaire de mettre en place un contrôle effectif et transparent du respect du droit à la santé. En effet, a affirmé le Rapporteur spécial, un mécanisme efficace de contrôle et de responsabilité peut permettre à un pas de réduire l'écart entre les textes et la pratique. M. Hunt a ensuite souligné la faiblesse des ressources dont dispose le Mozambique pour promouvoir le droit à la santé. Pour ce qui concerne le Pérou, le Rapporteur spécial a rappelé que ce pays consacre 4% de son budget au remboursement de sa dette. Partant, il a lancé un appel en faveur de l'annulation d'un montant significatif de la dette de ce pays. M. Hunt a par ailleurs suggéré la mise en place en Roumanie d'un commissaire indépendant à la santé mentale. Le Rapporteur spécial a enfin exprimé sa reconnaissance au Gouvernement ougandais et à l'OMS pour lui avoir permis de mener à bien son mandat relatif aux maladies négligées, tel que prévu dans une résolution adoptée en 2003 par la Commission. Le Rapporteur spécial soumettra un rapport sur cette question à la Commission des droits de l'homme lors de sa prochaine session.

Dans son rapport de cette année sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (E/CN.4/2005/51), le Rapporteur spécial porte son attention sur les personnes déficientes mentales, qui forment l'un des groupes les plus négligés, marginalisés et vulnérables. Le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible est vaste et complexe. Dans l'exercice de son mandat, le Rapporteur spécial propose une approche commune de ce droit afin qu'il soit plus facile à comprendre. Le rapport applique cette approche à la déficience mentale et au droit à la santé, notamment sous l'angle des garanties, des droits à prestation, de la non-discrimination et de l'égalité, de la participation, et de l'assistance et de la coopération internationales. Le rapport expose trois questions relatives à la déficience mentale qui appellent une attention particulière: la déficience intellectuelle, le droit à l'intégration dans la communauté et le consentement au traitement.

Le Rapporteur spécial recommande aux États de renforcer et d'amplifier leurs initiatives politiques et juridiques dans le domaine de la déficience mentale en vue de garantir le droit à la santé et les autres droits fondamentaux des personnes déficientes mentales. Ils devraient, si nécessaire, solliciter la coopération technique de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou de l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et le soutien financier des donateurs. Ils devraient affecter une part plus importante de leur budget de la santé à la santé mentale, et s'en servir pour développer la prévention ainsi que les traitements et les soins au niveau communautaire. Il faut également porter une plus grande attention à la surveillance des services de soins de santé mentale et d'appui et mettre en place des mécanismes efficaces de responsabilisation offrant aux déficients mentaux des possibilités adéquates d'exercer un recours. Toutes ces mesures et d'autres mesures pertinentes doivent s'appuyer sur une approche des droits de l'homme mettant notamment en avant la participation, l'autonomie, la dignité et l'insertion.

Le Rapporteur spécial a effectué une visite au Mozambique du 15 au 19 décembre 2003 (E/CN.4/2005/51/Add.2). Tout au long de sa mission, le Rapporteur spécial a accordé une attention particulière au droit de la santé dans le contexte de la pauvreté et de la discrimination. Il s'est notamment penché sur les questions suivantes: accès aux services et aux installations sanitaires; soins payants; rôle des donateurs et des organisations intergouvernementales; situation des professionnels de la santé; accès à l'eau et à l'assainissement; santé en matière de sexualité et de procréation; VIH/sida, tuberculose et paludisme. Le Rapporteur spécial est conscient de la situation actuelle du Mozambique, notamment l'héritage de la colonisation, la guerre civile et les catastrophes humanitaires, y compris les inondations de l'année 2000/01, qui ont détruit une partie de l'infrastructure de santé du pays. Malgré une amélioration constatée ces dernières années, les indicateurs sanitaires du Mozambique restent très insuffisants. Le Rapporteur spécial encourage le Gouvernement mozambicain à renforcer les mécanismes de contrôle et à accroître la participation communautaire en ce qui concerne le secteur de la santé.

Le Gouvernement mozambicain, ainsi que ses partenaires bilatéraux et multilatéraux, se sont engagés à résoudre les problèmes de santé du pays, comme l'atteste la priorité donnée à la santé dans les différentes politiques et stratégies nationales. Le Rapporteur spécial n'en encourage pas moins le Gouvernement à intégrer explicitement le droit à la santé dans toutes les politiques pertinentes qu'il mène à l'échelle nationale et internationale. Le Rapporteur spécial souligne l'écart entre les nombreuses initiatives fort louables du Mozambique et la capacité du pays à les appliquer. Sans un accroissement des ressources en matière de santé, notamment davantage de professionnels de la santé bénéficiant de conditions de travail améliorées, il sera impossible au Mozambique d'atteindre l'ensemble des objectifs du Millénaire pour le développement qui concernent la santé ni de faire des progrès satisfaisants dans la réalisation du droit à la santé. À cet égard, la responsabilité tant du Gouvernement mozambicain que de la communauté internationale est lourdement engagée.

Le Rapporteur spécial était en mission au Pérou du 6 au 15 juin 2004 (E/CN.4/2005/51/Add.3). Il a visité plusieurs établissements de santé sur la côte (département de Lima), dans les montagnes (Ayacucho) et dans la jungle (Iquitos et ses environs) et se dit impressionné par la coopération entre le Ministère de la santé, les organisations internationales, les donateurs et la société civile, ainsi que par la diversité et le dynamisme de la société civile péruvienne. Le rapport présente les cadres juridiques nationaux et internationaux pertinents et rend compte des graves problèmes sanitaires qui existent au Pérou, problèmes dont beaucoup sont intimement liés à la pauvreté et à la discrimination.

Le rapport examine les diverses politiques gouvernementales fondées sur le droit à la santé, dont certaines sont particulièrement dignes d'éloges. Le Rapporteur spécial préconise, entre autres, que le Gouvernement élabore une politique de santé globale et équitable pour les plus pauvres, axée sur le droit à la santé, et que la communauté internationale annule une partie appréciable de la dette du Pérou, étant entendu que les fonds débloqués seront réaffectés à la mise en œuvre de cette politique. Le Rapporteur spécial examine par ailleurs des questions spécifiques liées au droit à la santé, au sujet desquelles des recommandations sont également formulées: l'accord commercial entre le Pérou et les États-Unis; la salubrité de l'environnement, en particulier à Belén (eau et services d'assainissement), Callao (intoxication au plomb) et San Mateo de Huanchor (effets de l'exploitation minière); la santé mentale, notamment le droit des handicapés mentaux aux soins de santé; les conséquences de deux décennies de conflit armé dans le pays, la santé sexuelle et génésique, y compris le VIH/sida; l'origine ethnique et la culture, en particulier dans le contexte des peuples autochtones.

Au cours de la visite qu'il a effectuée en Roumanie du 23 au 27 août 2004 (E/CN.4/2005/Add.4), le Rapporteur spécial a rencontré des représentants du Gouvernement, des organisations de la société civile, des professionnels de la santé et des organisations bilatérales et multilatérales, et s'est rendu dans des établissements médicaux, dans certaines communautés, à Bucarest et dans des zones rurales. Le Rapporteur spécial reconnaît que la situation de transition et de pré-adhésion à l'Union européenne que vit actuellement la Roumanie est et demeurera source à la fois de possibilités de développement et de problèmes. Si les données montrent que certains indicateurs de la santé se sont notablement améliorés au cours des dernières années, elles révèlent aussi la persistance d'inégalités au sein de la population roumaine. Par rapport au reste de l'Europe centrale et orientale, certains de ces indicateurs sont faibles. Le Gouvernement a récemment adopté d'importantes lois et politiques en matière de santé. Leur application concrète, la faiblesse des crédits budgétaires alloués à la santé, la corruption, la faible participation de la société civile aux processus de prise de décisions concernant la santé, et le suivi des responsabilités continuent toutefois à poser de graves problèmes.

Le Rapporteur spécial constate qu'au cours des dernières années, le Gouvernement roumain a adopté une série impressionnante de politiques, de programmes et de lois concernant le droit à la santé. Le Rapporteur spécial se félicite de cette détermination et engage vivement le Gouvernement à tout faire, notamment en prenant les mesures administratives et budgétaires nécessaires, pour en assurer l'application. Une attention particulière doit être portée à la concrétisation du droit à la santé de groupes marginalisés comme les populations rurales et les Roms. Il convient de veiller tout particulièrement à ce que, en cas d'atteintes au droit à la santé ou à d'autres droits de l'homme dans le cadre des soins de santé, les responsabilités soient établies et que des recours soient disponibles. L'adoption de nouveaux textes de loi dans des domaines comme les droits des patients, la corruption et la santé mentale a permis de réaliser certains progrès à cet égard au cours des dernières années. Le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement de prendre des mesures pour sensibiliser la population rom à l'existence de ce cadre législatif et à son droit à la santé, et de veiller à ce que ceux qui sont victimes d'atteintes au droit à la santé aient accès à des mécanismes et des recours institutionnels. La participation de la population à la prise de décisions en matière de santé est un élément central du droit à la santé. La population devrait se voir donner des possibilités accrues de participer à l'élaboration, à l'application et au suivi des politiques, programmes et législations portant sur le droit à la santé.

L'additif 1 au rapport de M. Hunt (E/CN.4/2005/51/Add.1) contient des échanges de communications entre le Rapporteur spécial et certains gouvernements.


Déclarations de délégations concernées

M. ALEXANDRE DA CONCEIÇÃO ZANDAMELA (Mozambique) a déclaré que le Rapporteur spécial a bénéficié de la pleine coopération du Gouvernement et des autres acteurs clés du Mozambique. Cette attitude d'ouverture montre la volonté de coopérer de façon étroite avec la communauté internationale, en particulier avec la Commission des droits de l'homme et ses mécanismes en vue de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans le pays. Le Mozambique est partie à de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Cela témoigne de la volonté du Gouvernement de situer les droits de l'homme au cœur de ses priorités. Le Gouvernement affirme en outre son accord avec les conclusions du rapport selon lesquelles le développement de lois et programmes dans le secteur de la santé ces dernières années sont des pas vers la garantie de la réalisation du droit à la santé au Mozambique. Le rapport reconnaît qu'il existe cependant un décalage entre ces initiatives et les capacités du Gouvernement à mettre en œuvre ces mesures. À cet égard, le représentant s'est félicité de la recommandation du Rapporteur spécial concernant la responsabilité de la communauté internationale d'aider le Mozambique à remplir ses obligations en matière de droits de l'homme, y compris à travers la coopération et l'aide internationales.

Le problème des droits liés à la santé est essentiellement un problème de pauvreté, a ajouté le représentant mozambicain. À cet égard, la politique générale du Gouvernement visant à éliminer la pauvreté absolue se traduit par le Plan d'action pour l'élimination de la pauvreté absolue. Cependant, il ne faut pas oublier la question cruciale des aspects mondiaux du développement économique, social et culturel qui entravent la jouissance de ces droits. Le fait de promouvoir une croissance économique durable et une bonne mise en œuvre des priorités d'éradication de la pauvreté garantira la jouissance des droits de l'homme au Mozambique et le droit de la personne à jouir des plus hautes normes en matière de santé physique et mentale. Le Gouvernement prend note des recommandations du Rapporteur spécial en forme d'appel fervent adressé au Gouvernement du Mozambique pour qu'il redouble d'efforts afin d'améliorer la qualité des services de santé, en particulier dans les zones rurales. Le Gouvernement donne justement la priorité au développement économique et social des zones rurales. Les femmes sont aussi au cœur des politiques de développement du Mozambique. En outre, le représentant a fait remarquer que l'appel lancé par le Rapporteur spécial en ce qui concerne la nécessité de mettre en place des institutions des droits de l'homme ne tient pas compte de progrès remarquables du Mozambique dans ce domaine : le Mozambique compte en effet un nombre important d'organisations de la société civile dont la mission est de promouvoir, de protéger et de défendre les droits de l'homme. Enfin, le représentant a estimé que le rapport du Rapporteur spécial est un élément de référence pour la communauté internationale en général et pour la Commission des droits de l'homme en particulier en ce qu'il témoigne des difficultés auquel le pays est confronté.

M. ALEJANDRO NEYRA SÁNCHEZ (Pérou) a affirmé que le Ministre des affaires étrangères de son pays venait de présenter sa propre conception de ce que devrait être la réforme de la Commission des droits de l'homme. Dans cette vision, les mécanismes spéciaux constituent des éléments positifs qui doivent être préservés, et, autant que possible, renforcés. Les recommandations formulées par le Rapporteur spécial aux autorités péruviennes sont d'une grande valeur, a-t-il souligné. Une intense collaboration a été mise en œuvre pour préparer sa visite, a-t-il ajouté, précisant que son pays abordait avec un intérêt tout particulier toutes les recommandations faites, celles-ci étant l'objet d'une étude ou en cours de réalisation.

Le Pérou, a poursuivi le représentant, est conscient qu'il faut accorder la priorité à mise en œuvre d'une politique de santé en faveur des populations les plus pauvres du pays. Il a affirmé que la santé sexuelle et reproductive était un des domaines sur lesquels le Ministère de la santé mettait davantage l'accent, notamment par la mise en place des stratégies pour mieux lutter contre le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles. Afin de garantir des soins de qualité, on favorise l'utilisation de guides nationaux sur la santé sexuelle et reproductive, a-t-il dit. Sur le plan de la santé mentale, les recommandations du Rapporteur spécial sont en cours d'application intégrale en fonction des possibilités et au prix de grands efforts consentis par le ministère de la santé, a-t-il dit. Des mesures visant des populations ayant souffert de violences politiques ont été prises de même qu'a été mise en place une commission spéciale pour garantir les droits des personnes souffrant de maladies et handicaps mentaux. Le représentant s'est dit conscient qu'il faut encore parcourir un long chemin pour que les Péruviens, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales, puissent parvenir au bien-être auquel ils ont droit. Le rapport de M. Hunt contribue aux efforts du pays dans ce sens et prouve que les mécanismes de la Commission peuvent faire progresser la situation des droits dans un pays, a-t-il conclu.
M. DORU COSTEA (Roumanie) a déclaré que les recommandations faites par le Rapporteur spécial sur le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint sont, de manière générale, conformes aux vues du Gouvernement roumain s'agissant de l'extension des programmes actuels en matière de santé. Il a toutefois regretté que la totalité des progrès accomplis par son pays en matière de droit à la santé ne soit pas reflété dans le rapport. À cet égard, il a particulièrement insisté sur les mesures prises en faveur de la communauté rom.


Dialogue interactif

MME KATHERINE VERRIER-FRÉCHETTE (Canada) a demandé si le Rapporteur spécial a l'intention d'analyser les meilleures pratiques en matière de droit à la santé.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg) a demandé si le Rapporteur spécial participe aux négociations à New York en vue de la création d'une convention sur les droits de personnes souffrant d'un handicap. Il a aussi demandé quelles mesures peuvent être prises pour que les personnes souffrant d'un handicap puissent participer au processus de décision relatif à leur santé et leur développement.

M. SERGIO CERDA (Argentine) a demandé s'il est envisagé d'intégrer des mesures de suivi dans une convention relative au droit à la santé.

MME ASTRID HELLE AJAMAY (Norvège) a félicité le Rapporteur spécial sur les efforts qu'il a déployés pour expliquer la question du droit à la santé pour tous. Elle a souhaité savoir quel pouvait être le rôle du Rapporteur spécial dans la création d'un nouvel instrument sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé mentale.

MME CLAUDIA PÉREZ ÁLVAREZ (Cuba) a demandé si le Rapporteur spécial songeait à la possibilité d'un accord de coopération régionale ou internationale ayant un impact positif sur le thème du droit à la santé. Elle a en outre demandé comment faire pour que les médicaments essentiels dans la lutte contre le VIH/sida ne soient pas soumis à des brevets.

M. JEAN-PASCAL OBEMBO (République du Congo) a estimé que le Rapporteur spécial a abordé dans son rapport les questions les plus importantes. Il a souhaité savoir si, en dehors de l'allègement de la dette, le Rapporteur spécial avait identifié d'autres facteurs qui pourrait permettre de mieux mettre en œuvre le droit à la santé.

M. GOPAL BAHADUR THAPA (Népal) a affirmé que le Rapporteur spécial sera tenu informé des suites données aux questions soulevées dans son rapport.

En réponse aux commentaires et questions des délégations, le Rapporteur spécial, M. HUNT, a notamment déclaré qu'il suivra de près la question du consentement en matière de stérilisation. Il a par ailleurs affirmé que le nouvel instrument en matière de protection des droits des personnes souffrant d'un handicap devra éviter de diluer les règles existantes et au contraire les renforcer.


Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

M. VOLODYMYR VASSYLANKO (Ukraine) a mis l'accent sur l'importance égale des droits civils et politiques d'une part et des droits économiques, sociaux et culturels de l'autre, ainsi que sur l'interdépendance entre ces deux catégories de droits. L'Ukraine se félicite des travaux liés à l'élaboration d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui ouvrirait droit à un recours individuel en cas de violation de l'un de ces droits. Un tel mécanisme, a estimé le représentant, permettrait de promouvoir plus efficacement la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a insisté sur la nécessité d'aider les pays en transition en s'attaquant aux obstacles qui se dressent sur la voie de leur participation aux processus économiques mondiaux. L'Ukraine considère la prévention de la pauvreté comme l'un de ses objectifs prioritaires. Ainsi, le pays a-t-il récemment adopté un programme national de prévention de la pauvreté. L'Ukraine suit la voie du développement et de la réforme des lois sociales en s'efforçant de faire de son mieux pour minimiser l'impact social de la transformation en cours. Toutefois, a souligné le représentant, le pays reste confronté à de grandes difficultés. L'enracinement de la démocratie et l'installation d'une économie de marché ne sont pas tâches aisées. Ces processus se sont accompagnés d'un certain déclin du niveau de vie de la population et cette situation s'est trouvée aggravée par la crise environnementales et par la nécessité de surmonter les effets négatifs de la catastrophe de Tchernobyl.

M. JOSEPH U. AYALOGU (Nigéria), soulignant l'importance que revêtent pour son pays les droits économiques, sociaux et culturels, a insisté sur le caractère fondamental de la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatifs à ces droits. La communauté internationale doit accorder à ces droits une attention égale, sinon plus grande, qu'aux droits civils et politiques. Il serait futile de débattre de la question de savoir laquelle de ces deux catégories de droits revêt la plus grande importance. Le droit au bien-être économique, le droit au développement et à une vie décente et respectable, le droit au progrès social et culturel ont trait à l'essence même de l'existence de l'humanité et constituent les sources vitales des droits de l'homme. Les débats et les discours sur la pertinence d'ajouter un protocole au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne pourront ni faire progresser le bien-être matériel des peuples ni leur garantir leurs droits sociaux et culturels. Il faut plutôt promouvoir la compréhension de ces droits par la société civile, discuter des options concernant l'élaboration d'un protocole facultatif et créer un cadre pour un échange d'expériences aux niveaux régional et international.

La réalisation de tous les grands objectifs du Pacte nécessitera une action concertée. Dans ce contexte, le représentant nigérian s'est fait l'écho de l'appel du Président Olusegun Obasanjo en faveur de la mise en place d'une coopération internationale permettant la réalisation d'un niveau minimum de développement. À cet égard, son appel aux pays développés pour qu'ils soutiennent les initiatives du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique doit être suivi d'actions positives. Pour sa part, le Gouvernement nigérian fait beaucoup pour promouvoir les droits des Nigérians. Il a notamment alloué un montant de plus 100 millions dollars aux fins de l'approvisionnement en eau. En outre, 67 000 hectares de terrain seront réhabilités à des fins d'irrigation et de culture et près de 20 milliards de dollars seront consacrés au secteur pétrochimique afin de redynamiser l'économie et créer des emplois.

M. SUGEESHWARA GUNARATNA (Sri Lanka) a affirmé que les gouvernements qui se sont succédé dans son pays avaient mis en place des programmes pour une éducation gratuite et obligatoire et des programmes de santé gratuits, concernant notamment l'immunisation préventive universelle; ces programmes ont eu un impact dans la lutte contre la pauvreté. Ces différentes mesures ont permis au Sri Lanka, petit pays en développement ayant un revenu par habitant d'environ 900 dollars, d'atteindre un niveau relativement élevé de développement humain, le taux d'alphabétisation atteignant 91,6 pour cent et le taux de mortalité infantile 17 pour mille. Le représentant a rappelé que le raz-de-marée du 26 décembre 2004 avait entraîné un recul important du développement des régions côtières touchées. Le Gouvernement, en partenariat avec les parties prenantes, fait le travail nécessaire pour faire face à la crise, tout en gardant à l'esprit la nécessité de protéger les réalisations des Objectifs du millénaire pour le développement. Le représentant a en outre souligné que, sur les conseils du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et des autorités de conservation côtières, une zone de conservation large de cent mètres a été définie. Le Gouvernement a ainsi proposé de bâtir de nouvelles maisons pour les victimes du raz-de-marée qui vivaient dans cette zone, a-t-il dit, ajoutant que 100 mémorandums entente avaient jusqu'ici été signés avec des donateurs pour la construction de 30 000 maisons.

Le représentant sri-lankais a ajouté que les trois années de paix au Sri Lanka ont contribué à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens, en particulier dans le Nord et l'Est du pays. La signature du cessez-le-feu en février 2002 a notamment permis la réouverture de l'autoroute reliant Jaffna à Colombo et la libre circulation des personnes et des biens après de nombreuses années d'interruption. En outre, 115 000 personnes déplacées ont pu regagner leurs foyers d'origine.

MME KARINA KORUNOVA (Fédération de Russie) a estimé qu'il faut renforcer les efforts visant à lutter contre la pauvreté, la famine ou encore les épidémies. La Fédération de Russie se félicite de la volonté de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'accorder une attention prioritaire aux droits économiques, sociaux et culturels. La représentante russe a déclaré que son pays, qui est parvenu à réduire sa dette extérieure, continue d'annuler l'endettement des pays en développement. Un allègement de la dette des pays en développement de plus de 14 milliards de dollars a ainsi été consenti. La Fédération de Russie adopte des mesures concrètes afin d'augmenter son potentiel de donateur et met en œuvre une série d'initiatives en matière de développement. La représentante a souligné que son pays a ainsi accordé des préférences commerciales à des pays africains. Elle a enfin déclaré que la Fédération de Russie est favorable à l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui instaurerait un droit de recours individuel en cas de violation d'une des dispositions du Pacte. Un tel mécanisme, a-t-elle souligné, permettrait d'éliminer les déséquilibres dans le système international de protection des droits de l'homme.

MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) a regretté que les droits économiques, sociaux et culturels soient les parents pauvres de la Déclaration des droits de l'homme et a noté avec satisfaction que durant la deuxième session du Groupe de travail chargé de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la majorité des participants ait reconnu la légitimité de ces droits. L'Afrique du Sud estime qu'il existe une interdépendance entre les droits civils et politiques d'une part et les droits économiques, sociaux et culturels d'autre part. La représentante a précisé à cet égard que la Constitution sud-africaine garantit l'égale jouissance de tous ces droits. Le Gouvernement sud-africain a établi un calendrier de développement qui accorde toute leur importance aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce calendrier vise à s'attaquer à l'héritage de l'apartheid et prend sa source dans le préambule au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Pour l'Afrique du Sud, la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels est un impératif incontournable de développement si l'on veut sérieusement s'attaquer au problème des immenses inégalités économiques fondées sur la ségrégation raciale héritée du passé. Un tel choix politique impose une réorientation des priorités budgétaires du Gouvernement donnant la priorité au social et se fondant sur la promotion de la majorité, qui a été historiquement désavantagée en Afrique du Sud. En dix ans, l'Afrique du Sud a fait des progrès dans la mesure de ses ressources limitées, en mettant le peuple au centre de sa vision du développement. Depuis 1994, 70% des foyers ont été électrifiés et 10 millions de personnes supplémentaires ont eu accès à l'eau potable. Alors que l'Afrique du Sud entre dans sa deuxième décennie de démocratie, le Gouvernement s'engage à poursuivre ses efforts visant à combattre la pauvreté et le sous-développement afin de faire en sorte que le pays appartienne véritablement à tous ceux qui y vivent, dans l'unité et la diversité.

M. MUHAMMAD ANSHOR (Indonésie) a affirmé que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, qui sont des droits fondamentaux, est indispensable à la promotion et à la protection des droits civils et politiques et vice-versa. Les notions d'universalité, d'indivisibilité et d'interdépendance de tous les droits de l'homme sont plus pertinentes et importantes que jamais et les droits économiques, sociaux et culturels méritent le même traitement que les droits civils et politiques, a-t-ilsouligné. La mise en œuvre de ces droits exige que le États prennent des mesures appropriée pour en assurer la protection, a-t-il souligné. Dans le contexte de l'Indonésie, les droits économiques, sociaux et culturels sont pleinement garantis et protégés par la Constitution de 1945 et ses amendements.

Le représentant indonésien a mis en relief un domaine auquel le Gouvernement attache une importance particulière, à savoir l'éducation. Il s'agit d'un droit de l'homme et d'un moyen indispensable de réaliser les autres droits humains, tels que l'autonomisation des femmes, la protection des enfants face à l'exploitation par le travail et à l'exploitation sexuelle, la promotion de la démocratie, ou encore la protection de l'environnement. Le Gouvernement indonésien a mis en œuvre une série de mesures visant à mieux incorporer les principes des droits de l'homme dans les programmes de développement national. Afin de faire progresser le droit à l'éducation, le budget de l'éducation a été révisé en 2002. En outre, la loi 2003 sur le système d'éducation nationale a été formulée conformément aux normes des droits de l'homme. Le représentant a par ailleurs affirmé que depuis 1998, un programme de sécurité sociale a été mis sur pied afin de faciliter l'accès aux médicaments et aux soins gratuits, le nombre d'Indonésiens en bénéficiant étant passé de 14 à 21%. L'assistance et la coopération internationale sont particulièrement vitales pour réaliser les droits économiques, sociaux et culturels, notamment pour régler des questions telles que celle de la pauvreté extrême, a également déclaré le représentant indonésien.

M. OMAR DAHAB MOHAMED (Soudan) a rappelé que les droits de l'homme sont indivisibles et qu'il est impossible de les isoler. Il ne faut en outre pas négliger les aspects dévastateurs de la pauvreté, de la maladie, de la dette extérieure et des mesures coercitives sur les droits de l'homme. Ces derniers doivent être réalisés sur la base de la coopération et de la transparence et non pas sur celle de la victimisation. Face aux rapports indiquant que le Gouvernement soudanais chercherait à empêcher le retour dans leurs foyers de personnes déplacées, le représentant a déclaré que les arguments fondant ces allégations sont obscurs et ont malheureusement donné lieu à des résolutions sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Il a en outre exprimé son accord avec les recommandations du Rapporteur spécial sur les déchets toxiques et a souhaité que la Commission examine cette question de façon approfondie. Le fardeau de l'endettement est très lourd pour les pays en voie de développement et entrave leur capacité à lutter contre les maladies contagieuses, a par ailleurs souligné le représentant soudanais. L'acceptation de la diversité culturelle est la base de la coexistence pacifique et il est nécessaire de prendre des mesures nécessaires pour que ce principe se traduise dans les travaux de la Commission, a-t-il ajouté.

M. XIA JINGGE (Chine) a affirmé que la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels constituait un défi pour les pays en développement, les dividendes de la mondialisation ne parvenant pas à tous les pays. De nombreux pays en développement sont confrontés au danger d'être marginalisés dans l'économie mondiale. Dans le cadre de la réalisation du droit à l'emploi, la Chine a entrepris des efforts considérables pour assurer la formation et la qualification de ses travailleurs. Le droit à une juste rémunération est en outre pris en compte comme en témoigne la hausse progressive du niveau des salaires au cours des dernières années. Afin de protéger le droit à la sécurité sociale, le Gouvernement a mis en place un système de sécurité sociale «préliminaire» qui intègre un régime de pension de base dans les villes et les banlieues, un système garantissant un niveau de vie minimum et des programmes d'assurance médicale et chômage. La Chine s'efforce en outre de promulguer des lois pour assurer la protection des travailleurs agricoles. Le Gouvernement a ainsi pris, dans la plupart des régions du pays, des mesures en faveur de réductions importantes des taxes agricoles, le but étant de parvenir à une exemption en 2006. Le représentant chinois a également mis l'accent sur les mesures prises et les ressources débloquées par le Gouvernement pour créer les conditions favorables à la réalisation du droit à l'éducation en Chine.

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