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Communiqués de presse Multiple Mechanisms FR

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR LES QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

03 Avril 2001



Commission des droits de l'homme
57ème session
3 avril 2001
Après-midi







Elle est saisie du rapport de l'Experte indépendante
sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté



La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, l'Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, Mme Anne-Marie Lizin, qui a souligné que les efforts menés contre l'extrême pauvreté ont été réels au cours de l'année écoulée mais imparfaitement efficaces. Elle a évoqué certaines mesures efficaces contre l'extrême pauvreté, au nombre desquelles des mesures spécifiques visant les femmes, la décentralisation et le renforcement des pouvoirs locaux, le respect et la non-criminalisation de la pauvreté, la formation des acteurs sociaux et une alliance mondiale contre la pauvreté coordonnant les efforts et concentrant les forces actives. Néanmoins, l'extrême pauvreté est toujours présente et, de plus, les disparités s'aggravent dans de nombreux États membres.

Le rapport sur l'extrême pauvreté est présenté dans le cadre du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels, auquel ont participé les délégations des pays suivants: Malaisie, Pakistan, Inde, Cameroun, Iraq, Égypte, Honduras, Nicaragua, Bélarus, République démocratique populaire de Corée, République islamique d'Iran, Suisse, Saint-Siège, Chypre et Pays-Bas. Plusieurs intervenants ont estimé que l'éradication de la pauvreté et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels sont des facteurs contribuant à la réalisation de tous les droits de l'homme. Plusieurs délégations ont tenu a réaffirmer la responsabilité première des États, mais ont en même temps souligné le rôle de la communauté internationale. De même, un grand nombre d'interventions ont mis en évidence l'importance du droit à l'éducation pour pouvoir aspirer à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Les effets de la mondialisation ont aussi été désignés comme entravant dans certains cas la jouissance desdits droits.


La Commission a également entendu des représentants de l'Organisation mondiale de la santé, de la Banque Mondiale, du Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat), de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondial. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également fait des déclarations : Fédération mondiale des femmes arabes (déclaration conjointe), Mouvement indien «Tupaj Amaru» (déclaration conjointe) et Nord-Sud XXI.

La Turquie et Chypre ont exercé leur droit de réponse.

La Commission poursuivra ce soir son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels.



Présentation de rapports

MME ANNE-MARIE LIZIN, Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, présentant son rapport, a précisé qu'il s'agissait d'un rapport intermédiaire. Elle a souligné que les efforts menés contre l'extrême pauvreté ont été réels mais imparfaitement efficaces. L'extrême pauvreté est non seulement toujours présente mais en plus, les disparités s'aggravent dans de nombreux États membres. Elle a évoqué certaines mesures efficaces contre l'extrême pauvreté, au nombre desquelles des mesures spécifiques visant les femmes, le fait de décentraliser et de doter les pouvoirs locaux de capacités humaines et financières, le respect et la non-criminalisation de la pauvreté, la formation des acteurs sociaux et une alliance mondiale contre la pauvreté coordonnant les efforts et concentrant les forces actives dont toutes les ONG ont cité l'importance.

Mme Lizin a indiqué que la mise en oeuvre de son deuxième rapport poursuivra l'évaluation de l'interrelation entre promotion et protection des droits de l'homme et éradication de l'extrême pauvreté, en continuant l'analyse des bonnes pratiques au niveau des États et au niveau des organisations internationales. Elle a en outre indiqué qu'elle lancera également des consultations avec les pauvres afin de mesurer le degré de connaissance que les populations pauvres ont des pratiques de lutte contre la pauvreté et de l'exercice réel de leurs droits. La Bolivie et le Bénin ont marqué leur volonté d'oeuvrer avec l'Experte indépendante dans ce sens.

Mme Lizin a en outre indiqué qu'elle poursuivra son dialogue avec la Banque mondiale et le FMI et s'est félicitée de l'évolution positive qui a eu lieu avec les PRSP et les PRGF. Elle a souhaité que les institutions financières internationales voient leurs mandats précisés afin d'inclure une obligation de vigilance qui leur impose de faire en sorte que leurs décisions ne produisent pas de conséquences négatives sur la situation des droits de l'homme. Elle a enfin attiré l'attention sur la migration mondiale des pauvres qui est révélateur de la volonté irrépressible des pauvres de sortir de la pauvreté. Cette migration irrépressible des pauvres oblige à mener parallèlement croissance économique mondialisée et actions contre le racisme, a-t-elle estimé, car le rejet des pauvres est pire encore lorsqu'ils sont d'une autre race.


L'Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté

L'Experte indépendante sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté indique que son rapport (E/CN.4/2001/54), se développe dans un cadre mondial qui a évolué en deux ans: engagement encore plus fort des institutions spécialisées des Nations Unies, chiffres d'extrême pauvreté encore en aggravation, prise de conscience plus large parmi les gouvernements et les ONG, développement de la migration mondiale des pauvres, évolution perceptible des institutions financières internationales.

L'experte estime que l'analyse des pratiques des États doit absolument continuer à figurer comme point important du rapport, de même que la cohérence des actions au sein de l'ONU et l'influence à développer sur les institutions financières. Le dialogue avec le FMI est au centre de ce rapport et l'évolution est encourageante, note l'experte indépendante. Le rapport approfondit la relation entre les institutions de Bretton Woods, leur mandat et les droits économiques, sociaux et culturels. Le rapport se concentre en outre sur l'expression des plus pauvres et propose d'approfondir la formation nécessaire pour que l'écoute des plus pauvres soit traduite en termes opérationnels. La stratégie proposée par le rapport se résume en quatre étapes et visera à établir la connaissance des droits par les pauvres eux-mêmes, la formation à la lutte contre la pauvreté, la mise en oeuvre des capacités de s'organiser et de mener un véritable combat contre l'état de pauvreté et, enfin, la mobilisation nécessaire (alliance mondiale contre la pauvreté).


Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

M. AZMAN AMIN (Malaisie) a souligné la nécessité de donner la priorité, dans les programmes et plans d'action dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, à l'examen des causes profondes des violations de ces droits. Il faut également adopter une approche multidisciplinaire dans le cadre des efforts visant à concrétiser les droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a en outre souligné la nécessité de créer un environnement favorable à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels pour tous. Il a ensuite exprimé sa préoccupation de ce que les pays en voie de développement, et en particulier les moins avancés, continuent à faire face à de graves difficultés pour essayer de saisir les bénéfices de la mondialisation, étant donné que les pays pauvres continuent d'être marginalisés. Ceci a un impact négatif sensible sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des citoyens de ces pays. La Malaisie, a-t-il poursuivi, a pendant longtemps reconnu la relation entre la croissance économique, la mobilisation des ressources et l'éradication de la pauvreté en tant que facteurs intégrés pour aboutir à la réalisation des droits de l'homme, y compris économiques, sociaux et culturels. Le représentant a enfin exprimé le souhait que la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels continueront d'occuper un rang de priorité élevé au sein de la Commission. Il a réaffirmé l'importance du rôle de la communauté internationale pour faciliter la tâche des États dans l'application des différents programmes dans le domaine des droits de l'homme.

M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a souligné que 35 ans après l'adoption du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la communauté internationale cherche toujours les moyens pratiques par lesquels elle pourrait mettre en oeuvre ces droits. Peut-être la Commission pourrait-elle revoir son approche en la matière et évaluer les obstacles qui entravent, tant au niveau national qu'au niveau international, leur réalisation. En tant que pays en développement, le Pakistan est confronté à des contraintes intérieures et extérieures pour s'acquitter de ses obligations internationales et en tant que nation, ce pays a connu des régressions sur la voie du progrès en raison d'une situation régionale périlleuse et de conflits ouverts à ses frontières.

Pour le Pakistan, la clef du succès en matière de promotion de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels réside dans le renforcement de la croissance économique; dans la restauration de la stabilité macroéconomique; dans la réduction de la pauvreté; dans la paix; dans la démocratie; dans la bonne direction des affaires publiques; ainsi que dans la réduction voire l'effacement de la dette extérieure. Lutter contre la pauvreté est une tâche énorme pour des pays à faibles revenus comme le Pakistan. Il est donc indispensable de traduire en actes concrets la responsabilité internationale en la matière, en s'efforçant de promouvoir un environnement international favorable, a souligné le représentant. Un tel environnement international exige que soient redressées les inégalités du système économique international; que soit promue la stabilité financière mondiale ainsi que l'ouverture des marchés des pays riches aux produits et services des pays en développement; que soit accrue l'aide publique au développement; que soit réduite voire annulée la dette; et que soient mis en place de nouveaux mécanismes afin d'assurer les flux d'investissements vers les pays pauvres.

M. SHARAT SABHARWAL (Inde) a exprimé son accord avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation lorsqu'elle estime que le droit à l'éducation est la clé du développement et de la jouissance des autres droits. À cet égard, il a évoqué plusieurs mesures législatives prises dans son pays pour faire de l'éducation un droit fondamental ainsi que la campagne «Education pour tous» lancée par le Gouvernement et dont les objectifs sont notamment d'amener tous les enfants à l'école d'ici 2003; de se concentrer sur une éducation élémentaire de bonne qualité avec un accent particulier sur l'éducation pour la vie; de combler les disparités entre les catégories sociales ou sexuelles au niveau primaire d'ici 2007, au niveau élémentaire d'ici 2010.

M. Sabharwal a en outre déploré que la seule critique figurant dans le rapport de M. Kothari sur le droit au logement s'adresse à l'Inde et, plus particulièrement, au projet polyvalent inter-État qui prévoit un ensemble de mesures de réhabilitation pour les personnes déplacées. Il a toutefois indiqué en avoir pris note tout en mettant en doute la sagesse supérieure des observateurs critiques sur les institutions responsables de la prise de décisions en la matière.

M. FRANÇOIS-XAVIER NGOUBEYOU (Cameroun) a déclaré que, suite au dialogue que son pays a eu avec les experts membres du Comité des droits économiques sociaux et culturels dans le cadre de la présentation de son dernier rapport, son pays a tiré la leçon que les efforts doivent porter sur une approche normative par la création d'un environnement juridique et ensuite par une approche pragmatique. Lorsque ce schéma n'est pas suivi, les résultats sont loin d'être atteints. Le Gouvernement camerounais a entrepris des actions concrètes pour promouvoir la dignité humaine. C'est ainsi qu'on a assisté à un accroissement sensible du taux de scolarité, amélioré en raison de la décision prise par le gouvernement de rendre gratuit l'enseignement primaire. Par ailleurs, la couverture médicale s'est considérablement renforcée avec la création de nombreux centres de santé. Quant au taux de chômage, il régresse progressivement avec le retour de la croissance. Pour ce qui est des minorités, a-t-il poursuivi, la Constitution et les lois les protègent pacifiquement et fortement. La droit au travail, les libertés syndicales et associatives sont une réalité pratique. Les salaires dans la fonction publique ont été augmentés de 30%. Le représentant a enfin remercié les donateurs bilatéraux et le couple Banque mondiale - FMI pour l'éligibilité du Cameroun dans le cadre de l'Initiative PPTE.

M. REZA VAEZ MAHDAVI (Iraq) a souligné que le peuple iraquien continue de subir le poids des sanctions internationales sans précédent qui lui sont imposées en violation flagrante des instruments du droit international reconnaissant, entre autres, le droit d'accéder à l'alimentation et aux soins de santé. Ces sanctions économiques ont fait plus d'un million et demi de victimes dont la grande majorité sont des enfants. Leurs conséquences cumulées ont altéré le tissu social de l'Iraq où la délinquance et le chômage, par exemple, se sont nettement accrus. Près d'un quart des enfants iraquiens en âge de scolarité obligatoire ont arrêté l'école afin de travailler et d'aider leurs familles. Le représentant iraquien a déclaré que les sanctions imposées à son pays obéissent à des motifs politiques et sapent le développement économique et social du pays. La Commission devrait donc demander leur levée.

M. DANIEL TARANTOLA (Organisation mondiale de la santé) s'est félicité que le potentiel des droits de l'homme et leur contribution aux politiques de santé publique sont de mieux en mieux compris par les politiciens et les praticiens. Il a évoqué des expériences menées dans le domaine de la santé, en particulier celle visant à aider les gouvernements à répondre au VIH/sida, qui ont montré que l'on fait mieux face aux défis de santé lorsque l'on tient compte de la dimension nécessaire du respect des droits de l'homme. En revanche, le manque d'attention ou les violations des droits de l'homme peuvent avoir des conséquences graves sur la santé des gens, a-t-il indiqué, citant en particulier les mutilations génitales féminines ou la discrimination sur la base du sexe. En conséquence, les sociétés qui luttent contre la discrimination créent les conditions nécessaires à une meilleure santé pour tous.

L'OMS se concentre sur les maladies qui affectent les groupes les plus vulnérables. À cet égard, M. Tarantola a rappelé que 3000 enfants meurent chaque jour du paludisme, une maladie qui se répand et tue partout où le droit à un environnement sain n'est pas réalisé. Toutefois, a déploré M. Tarantola, la réponse des pays riches à l'effort pour éradiquer le paludisme en Afrique reste inadéquate. Il a en outre souligné que la santé mentale reste un domaine négligé dont les droits de l'homme constituent une partie intégrante. Le représentant de l'OMS a également souligné que la pauvreté est l'obstacle principal à une bonne santé et que la lutte contre la pauvreté nécessite de nouvelles options et de nouvelles synergies.

M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS (Banque mondiale) a dit que pour ce qui est du droit à l'alimentation, il faut faire la différence entre le droit à l'alimentation et la sécurité alimentaire. L'établissement d'un lien entre cette question et le problème de la dette est dans l'intérêt des pays pauvres, a déclaré le représentant. Pour ce qui concerne le droit à l'éducation, il a exprimé des réserves à l'égard des conclusions du rapport du Rapporteur spécial, mais il a incité à la réflexion sur la question de savoir si l'éducation primaire devait être payante ou non. Il s'est ensuite dit préoccupé par le rapport et les conclusions de M. Fantu Cheru, expert indépendant sur les effets de la dette. Il a souligné en particulier que les stratégies pour combattre la pauvreté sont spécifiques à chaque pays et élaborées par eux. Ensuite, s'agissant d'un processus aussi récent, il a estimé qu'il était trop tôt pour en tirer des conclusions définitives. Enfin, s'agissant de la mise en oeuvre et de la promotion des droits de l'homme, les mesures à prendre relèvent de la seule responsabilité des États, a-t-il estimé.

M. HOSSAM HUSSEIN (Égypte) a déploré que les droits au travail, à l'éducation et à la santé n'ont pas toujours été traités de la façon qu'ils méritent si on les compare aux droits civils et politiques. Il est temps de revaloriser ces droits économiques, sociaux et culturels en dépit de ce qu'estiment certains qui veulent politiser cette question et qui considèrent que la protection de ces droits relève des seuls États, a-t-il a déclaré. M. Hussein s'est félicité de la visite de la Présidente du Comité des droits économiques, sociaux et culturels au Caire mais a exprimé des réserves sur l'idée de conclure un protocole facultatif à la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels prévoyant la soumission de plaintes au Comité. Le projet ne traite pas des responsabilités des diverses entités concernées et le déséquilibre entre les droits ajoute à la charge des gouvernements qui n'ont pas toujours les ressources pour faire face à leurs obligations conventionnelles.


MME OLMEDA RIVERA RAMÍREZ (Honduras) a souligné que son pays a mis en oeuvre plusieurs programmes orientés vers les droits sociaux, qui sont ciblés sur les besoins des groupes les plus vulnérables. Elle a précisé que son pays continue de prendre des mesures afin de trouver des solutions aux problèmes sociaux, sans quoi il risquerait de s'enliser dans ce cercle vicieux où les demandes insatisfaites créent une instabilité politique peu favorable à l'établissement de conditions propices au développement économique, social et culturel. La représentante s'est par ailleurs dit convaincue que la dette extérieure reste une entrave au développement économique, social et culturel. Elle a mis l'accent sur l'extrême vulnérabilité de son pays aux catastrophes naturelles ainsi que sur le lien indissociable entre développement, durabilité de l'environnement et risques de catastrophes naturelles. Elle a exhorté le Groupe de travail sur les programmes d'ajustement structurel et les droits économiques, sociaux et culturels à ne plus reporter ses travaux.

M. LESTER MEJÍA SOLÍS (Nicaragua) a affirmé que son pays avait accompli des progrès significatifs dans l'application du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Les mesures adoptées ont par ailleurs renforcé la protection et la promotion des droits de l'homme de tous les Nicaraguayens, y compris les populations autochtones, les femmes et les enfants. Dans le domaine économique, le Gouvernement du Nicaragua a adopté une stratégie nationale et des programmes pour concrétiser les droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu'une stratégie de lutte à la pauvreté. Dans le domaine de l'éducation, la stratégie nationale vise à renforcer la décentralisation administrative tout en assurant le suivi de la mise en oeuvre des programmes scolaires. L'objectif du gouvernement est de renforcer la démocratie et le respect des droits de l'homme dans la vie quotidienne. Le gouvernement, a-t-il poursuivi, a en outre mis en place des mesures pour assurer une croissance économique durable qui puisse avoir un impact positif sur les conditions de vie de la population.

M. SELMAN ERGUDEN (Centre des Nations Unies pour les établissement humains - Habitat) a rappelé que la croissance de la population et de l'urbanisation dans les pays en développement ont un impact important sur les conditions de vie. Environ 1,1 milliard de personnes vivent dans des conditions de logement inadéquates et plus de la moitié de la population urbaine dans les pays en développement vivent dans des habitations improvisées et dans des conditions de vie déplorables, a-t-il ajouté. M. Erguden a en outre précisé que le cadre du droit au logement n'implique en aucune façon que les États doivent offrir un logement gratuit à tous leurs citoyens. Les gouvernements ont néanmoins la responsabilité de faciliter et de créer un environnement propice. Habitat, en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a élaboré un programme conjoint qui se concentre sur la mobilisation des capacités des actionnaires dans le développement des établissements humains et des droits de l'homme pour répondre aux besoins des femmes et des groupes vulnérables à travers des activités dans les domaines pratiques de la réalisation du droit au logement. Il a insisté sur la nécessité de garantir aux femmes un accès, sur un pied d'égalité, au logement, à la propriété et à la terre. M. Erguden s'est par ailleurs félicité du rapport préliminaire du Rapporteur spécial sur le droit au logement et souhaité que les gouvernements apportent leur soutien à ses activités.

M. THEMBA N. MASUKU (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, FAO) a souligné que si le contenu normatif du droit à une alimentation adéquate ainsi que les obligations des États dans ce domaine ont été clairement définis, beaucoup reste à faire au niveau de la mise en oeuvre de ce droit au niveau national. La troisième consultation d'experts sur le droit à une alimentation adéquate, qui s'est tenue à Bonn le mois dernier, a permis de bien cerner la manière dont les États peuvent rendre ce droit opérationnel. La production alimentaire mondiale est aujourd'hui suffisante pour nourrir tout le monde, a souligné le représentant de la FAO. Pourtant, des progrès doivent encore être faits pour accroître l'accès à l'alimentation si l'on veut atteindre l'objectif qui avait été fixé lors du Sommet alimentaire mondial de novembre 1996, à savoir réduire de moitié le nombre de personnes qui ont faim d'ici 2015. La FAO invite les chefs d'États et de gouvernements à participer, à la tête de leur délégation, à la Conférence de la FAO de cette année, et plus particulièrement au forum mondial sur «Le Sommet alimentaire mondial: cinq ans après».

M. SERGEI ANOSHKO (Bélarus) a déclaré que l'objectif de son gouvernement est de garantir le respect des droits de l'homme, de sauvegarder les intérêts et de maintenir la stabilité sociale du pays. À cette fin, la politique du gouvernement est orientée vers la création d'un cadre institutionnel et économique favorable. Le Gouvernement du Bélarus a remporté certains succès dans la lutte contre le chômage et contre la pauvreté. Le développement du potentiel humain, a-t-il affirmé, est lié à la politique sociale qui doit être orientée vers une amélioration du niveau de vie, le développement des opportunités d'emploi et le bien-être des familles. En même temps, il faut que l'État assure la protection sociale pour ceux qui en ont besoin. Le Gouvernement du Bélarus, a-t-il dit, poursuit une politique favorisant la préservation de l'héritage culturel et de la tradition en vue du renforcement de l'esprit national. Le représentant bélarussien a indiquée que son gouvernement a adopté de nombreuses mesures visant à atténuer les effets pervers de la transition. Il a assuré que son pays poursuivrait les efforts visant à assurer les bases nécessaires à la jouissance, sur un pied d'égalité, de tous les droits de l'homme.

M. HAN SUNG IL (République populaire démocratique de Corée) a estimé que les violations des droits de l'homme aujourd'hui sont dues en grande partie à l'inégalité socioéconomique. Il s'est dit surpris qu'apparaissent des théories arguant notamment que les droits économiques, sociaux et culturels sont seulement à réaliser dans la sphère économique et sociale et qu'ils doivent être examinés en dehors de la définition générale des droits de l'homme. Ces tentatives ont un effet négatif sur les efforts de promotion et de protection des droits de l'homme dans la mesure où ils sont motivés par des intérêts politiques. Le fossé dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels entre pays développés et en développement se creuse du fait des conséquences négatives de la mondialisation, a déclaré le représentant, qui a appelé la Commission à contribuer à la réalisation de ces droits en adoptant des moyens et des méthodes pratiques pour établir un ordre économique international juste et équitable.

M. SEYED MOHSEN EMADI (République islamique d'Iran) a rappelé que son pays, à travers les premier et deuxième plans de développement, a mis en oeuvre des programmes visant à améliorer les droits sociaux et culturels de la population, en particulier dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la sécurité alimentaire et de la lutte contre les stupéfiants. Il a par ailleurs relevé que dans son rapport, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation a défini l'éducation comme une clef permettant de débloquer d'autres droits de l'homme. Or, précisément, la formidable croissance du taux d'alphabétisation des femmes reste l'une des réalisations majeures de l'Iran depuis la révolution, a-t-il souligné. Jusqu'à ce qu'un ordre économique international favorable ait été mis en place, l'Iran tient en outre à encourager les États et la communauté internationale à accorder toute l'attention voulue aux obstacles à la réalisation du droit à l'alimentation qui ont été identifiés par le Rapporteur spécial sur la question dans son rapport. Le représentant iranien a rappelé que l'un des obstacles auxquels sont confrontés les pays en développement dans leur démarche visant à mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels reste celui de la dette extérieure. Aussi, a-t-il souligné, ces pays devraient-ils être aidés. Il a encouragé les institutions financières et économiques ainsi que les organisations commerciales internationales à déployer davantage d'efforts afin d'éliminer les obstacles à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a déclaré que son pays prend note avec intérêt du rapport préliminaire consacré au droit à l'alimentation établi par le professeur Jean Ziegler. Le représentant à tenu à souligner qu'il s'agissait d'un premier rapport pour discussion devant la Commission. Certains points devront être approfondis, voire «discutés sous l'angle de leur opportunité politique». Le rapport contient des solutions originales en appelant à la responsabilité commune de tous les acteurs de la société pour garantir un véritable droit à l'alimentation. Il relève également le problème de la cohérence interne des institutions du système des Nations Unies, entre les tenants d'une justice distributive qui découlerait de la croissance économique et ceux considérant que les politiques doivent intégrer dans leur conception même le principe de l'accès à l'alimentation. Dans ce cadre, M. Vigny a estimé que le rapport devrait faire état des points de vue exprimés et recueillis par le rapporteur dans le cadre de ses entretiens avec l'OMC, le FMI et la Banque mondiale, ainsi qu'avec les gouvernements intéressés. De cette façon, l'approche serait plus pondérée et tiendrait compte de l'ensemble des facteurs et des paramètres déterminants dans le cadre de la globalisation. La Suisse émet à cet égard une réserve concernant une remise en cause des accords TRIPS de l'OMC (paragraphe 73 du rapport).

Le représentant suisse a souligné qu'un développement humain durable ne saurait se faire sans le respect des droits de l'homme. Il a souligné que l'absence d'un accès à une alimentation suffisante peut aussi être à l'origine de graves désordres sociaux voire de manifestations qui peuvent remettre en cause la stabilité et la sécurité d'un pays, d'une région. Ce point devrait aussi être développé dans le rapport. En outre, parmi les obstacles «économiques», il serait judicieux d'y ajouter les obstacles liés à la politique de l'environnement. La Suisse estime que les recommandations du rapport peuvent être acceptées, avec une petite réserve sur le rôle des subventions publiques, qui ne constituent plus le centre de prestations favorites des États dans le climat actuel de libéralisation des marchés. Par contre, la délégation suisse soutient fortement la conclusion du Rapporteur quant à la leçon «courageuse» du Secrétaire général de l'ONU suite au sommet du Millénium : les Nations Unies doivent collaborer avec la société civile internationale. Il serait important de compléter cet appel en précisant qu'il s'adresse également, voire prioritairement, au secteur privé.

M. DIARMUID MARTIN (Saint-Siège) a estimé que la lutte contre la pauvreté n'est pas seulement une question de politique mais doit permettre aux personnes d'être elles-mêmes. La vision d'une politique économique basée sur la personne ouvre de nouvelles perspectives de dialogue et de compréhension entre les communautés économiques et des droits de l'homme. Promouvoir des sociétés participatives, créatives et novatrices est une condition préalable indispensable pour que les pays les plus pauvres puissent bénéficier des occasions offertes par l'économie mondialisée moderne. À cet égard, M. Martin a souligné la nécessité d'une vision intégrée du développement dans laquelle l'investissement dans les politiques sociales et économiques et dans les droits de l'homme sont complémentaires. Dans cette optique, il a insisté sur l'importance d'une participation adéquate de la société civile dans les stratégies de réduction de la pauvreté. La dimension des droits de l'homme revêt alors un rôle particulier et doit comporter une solide dimension de formation et d'éducation, a-t-il déclaré.

M. WERNER H. SCHLEIFFER (Programme alimentaire mondial, PAM) a déclaré que dans un monde qui dispose de suffisamment de produits alimentaires, le fait que certains souffrent de la faim constitue une atteinte à la dignité humaine. Ainsi, le monde sait-il comment produire de la nourriture mais il ne sait pas encore comment assurer l'accès de tous ceux qui en ont besoin à cette nourriture. Le représentant du PAM a par ailleurs rappelé qu'apporter de la nourriture à ceux qui en ont besoin constitue une tâche parfois dangereuse comme en témoigne le fait que 27 employés du PAM ont été tués, certains littéralement exécutés, dans l'exercice de leurs fonctions ces dix dernières années. Il incombe aux États de faire en sorte que les personnes vivant sur leurs territoires ont accès à une alimentation adéquate. Il leur incombe également de créer un environnement économique assurant la sécurité alimentaire de tous. L'impact du commerce agricole international sur la sécurité alimentaire est complexe. Au cours des cinquante dernières années, le commerce agricole mondial a contribué à faire chuter les prix des produits de base et à diversifier les alimentations. Le PAM, dans la réalisation de ses propres programmes, est devenu un acheteur majeur de produits alimentaires sur le marché mondial, en particulier sur les marchés des pays à faibles revenus. Il contribue ainsi à renforcer la position des producteurs de ces pays et - par là-même - à renforcer la sécurité alimentaire desdits pays.

M. ALEXANDROS VIKIS (Chypre) a affirmé que la Turquie a poursuivi la destruction systématique de l'héritage culturel chypriote dans les dernières vingt-sept années. La portée de cette destruction dans la partie occupée est inimaginable: tous les signes de la culture gréco-chrétienne de plus de trois mille ans ont été délibérément rasés par la Turquie qui occupe une partie de l'île qu'il tente d'intégrer progressivement. La politique turque de destruction systématique de l'identité historique, religieuse et culturelle d'un pays qui compte neuf mille ans de civilisation est un crime contre l'histoire. Il est équivalent du génocide, la seule différence étant que, dans ce cas, la victime est le trésor culturel d'innombrables générations. Il s'agit d'un acte de barbarie qui devrait être condamné comme tel, a-t-il ajouté, en concluant que la Turquie est un autre triste exemple d'un très petit nombre de pays qui n'ont pas de respect pour les cultures et les civilisations autres que la leur.

M. BAREND C.A.F VAN DER HEIJDEN (Pays-Bas) a estimé que la pauvreté rend illusoire le droit à un niveau de vie convenable pour de nombreuses personnes. Les droits économiques, sociaux et culturels de ceux qui en ont vraiment besoin sont de plus en plus difficiles à réaliser. Les Pays-Bas ont mis du temps à reconnaître que cela doit être à l'ordre du jour non seulement de l'aide au développement mais aussi des droits de l'homme, a reconnu le représentant. Il a constaté le déclin de certains pays du fait de l'interdépendance planétaire et du nouvel ordre économique mondial qui exigent une collaboration accrue entre les États mais aussi entre les États et les autres acteurs internationaux. Les Pays-Bas soutiennent une approche dans laquelle à la fois la responsabilité des États et le partenariat international sont encouragés. Les Pays Bas sont favorables à tout progrès dans le renforcement du respect et de la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu'à l'instauration d'une procédure permettant la présentation de plaintes individuelles pour violation des droits économiques, sociaux et culturels.

MME JULIETTE SAYEGH (Fédération mondiale des femmes arabes, au nom de plusieurs autres organisation non gouvernementales) a attiré l'attention de la Commission sur les conséquences désastreuses que les sanctions économiques imposées par les Nations Unies à l'Iraq ont eues sur la situation économique et sociale des Iraquiens. Elle a rappelé que le Gouvernement iraquien a dû mettre en place un système de rationnement afin d'assurer quasiment gratuitement à la population l'accès aux produits de première nécessité. Le salaire mensuel moyen équivaut à 5 dollars, a-t-elle précisé. Elle a demandé à la Commission d'exhorter le Conseil de sécurité à lever les sanctions contre l'Iraq.

M. LAZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru», au nom de plusieurs organisations non gouvernementales) a affirmé que, pour les autochtones, les droits économiques, sociaux et culturels se résument au droit à l'alimentation, à l'habillement et au logement. Il a souligné que la mondialisation a obligé les États de se délester des politiques sociales. L'exploitation irrationnelle des ressources naturelles, la spoliation des richesses naturelles, ce sont là les résultats tangibles de l'orthodoxie libérale de la recherche du profit. Les entreprises transnationales pillent les ressources des populations autochtones, polluent leurs eaux, alors que les pays riches ferment leurs frontières. La croissance se doit d'être qualitative, a-t-il poursuivi, alors que le Forum social de Porto Alegre a dénoncé les politiques libérales, le racisme et l'esclavage. Au rythme actuel, a-t-il ajouté, les générations présentes et futures seront condamnées à la misère, et le monde du troisième millénaire sera exposé au chaos du changement climatique, au risque de la disparition de l'homme de la planète. La pauvreté et la dette ne sont pas une fatalité de l'histoire, et les programmes d'ajustements structurels continuent à alimenter l'armée des pauvres et des exclus. Il a ensuite dénoncé l'absence de volonté politique de la part des pays riches dans la lutte contre la pauvreté et leur acceptation de la corruption. Selon le droit international humanitaire, a-t-il remarqué, causer la mort par privation de nourriture est un délit correspondant à la non-assistance de personne en danger. L'ordre économique actuel insoutenable, injuste et moralement condamnable.

MME LYNA AL-TABAL (Nord-Sud XXI et Al-Haq) a rappelé que l'occupation persistante des territoires palestiniens par Israël a eu des effets négatifs sévères sur les droits fondamentaux de la population civile palestinienne. À cet égard, Mme Al-Tabal a demandé que la Commission exhorte l'Assemblée générale à demander au Secrétaire général de préparer un rapport complet sur les violations des droits économiques, sociaux et culturels des Palestiniens pour la prochaine session. De plus, elle a recommandé d'adopter des mesures afin d'assurer une protection internationales au peuple palestinien, d'exhorter la communauté internationale à exercer son rôle en adoptant des mesures efficaces y compris l'imposition de sanctions pour obliger Israël à mettre en oeuvre les résolutions des Nations Unies, d'envoyer une force d'observation dans les territoires occupés afin de documenter les violations des droits de l'homme qui résultent de l'occupation israélienne. Elle a en outre estimé que le développement d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, serait un pas décisif pour la réalisation de l'indivisibilité et de l'interdépendance des droits de l'homme.


Droit de réponse

Le représentant de la Turquie a rappelé que la présence turque à Chypre ne constitue pas une occupation mais une présence légale découlant des droits et obligations du Traité de garantie de 1960, et ce jusqu'à ce qu'une solution ait été trouvée. C'est la partie chypriote grecque qui fait disparaître les traces de l'héritage musulman turc de Chypre, notamment en détruisant des mosquées.

Le représentant de Chypre a rappelé que la Turquie, qui a maintes fois été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que par les Nations Unies, s'efforce comme toujours de dénaturer les faits. C'est la Turquie qui s'efforce de détruire l'héritage culturel de la Chypre occupée.

Le représentant de la Turquie, en réponse au représentant de Chypre, a demandé comment celui-ci peut parler de génocide et avancer de telles allégations non fondées alors qu'il appartient à une communauté qui a tenté d'exterminer la communauté turque avec laquelle elle était sensé partager le pouvoir.

Le représentant de Chypre a précisé que ce qu'il a dit est que la Turquie est le pays qui a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme.



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