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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR LE DROIT AU DÉVELOPPEMENT

30 Mars 1999

NUIT
HR/CN/99/15
30 mars 1999



La Commission des droits de l'homme a poursuivi, tard dans la soirée, son débat sur le droit au développement au cours duquel nombre d'intervenants ont souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale pour garantir la jouissance effective de ce droit.

Plusieurs intervenants ont rappelé le caractère indivisible de tous les droits de l'homme et ont exprimé leur préoccupation face au déséquilibre qui semble exister entre droits civils et politiques, d'une part, et droits économiques, sociaux et culturels et droit au développement, de l'autre. Nombre de délégations ont dénoncé les mesures coercitives prises unilatéralement par certains pays comme constituant une entrave à la réalisation du droit au développement. Plusieurs intervenants ont mis l'accent sur l'écart croissant existant, en matière de richesses et de développement, entre les pays développés et les pays en développement. Plusieurs orateurs ont insisté pour que les institutions financières internationales soient associées au dialogue sur le droit au développement.

Les représentants des pays suivants ont fait des déclarations : Bangladesh, Fédération de Russie, Mexique, États-Unis, Chili, Sénégal, Qatar, Indonésie, Soudan, Venezuela, ElSalvador, Tunisie, Égypte, Malaisie, Côte d'Ivoire, Australie, Myanmar, Bélarus, République islamique d'Iran, Suisse, Algérie, Yémen, Nicaragua.

La représentante du Fonds des NationsUnies pour l'enfance a également pris la parole, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes : Pax Romana, Centre Europe-tiers monde (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), Association américaine de juristes, Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes, Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques.

Demain matin, à 10 heures, la Commission devrait achever son débat sur le droit au développement et entamer sa discussion sur la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine.

Suite du débat sur le droit au développement

MME ISMAT JAHAN (Bangladesh) a déclaré que l'augmentation des inégalités est une menace directe pour la réalisation du droit au développement et indirectement à l'établissement de bases démocratiques dans la société. Il est aussi reconnu que la diffusion de l'extrême pauvreté empêche la pleine réalisation des droits de l'homme. Elle fragilise aussi la démocratie et la pleine participation populaire. La mondialisation est considérée comme étant la clé de la prospérité. Pourtant, elle porte avec elle des défis pour les pays en développement. C'est pourquoi il faut tenir compte des conséquences socio-économiques de la mondialisation, a estimé le représentant. Les réformes structurelles qui ne prennent pas en compte les réalités sociales empêchent la jouissance des droits de l'homme et en conséquence peuvent déstabiliser le processus démocratique.

La responsabilité première du développement incombe sans aucun doute aux gouvernementS nationaux. Mais l'expérience a montré que les réformes au niveau national ne sont pas suffisantes. Dans ce monde de plus en plus interdépendant, le commerce et les échanges sont des facteurs importants. La solidarité internationale est alors nécessaire comme complément aux efforts nationaux. Ceci appelle à un nouveau développement fondé sur le consensus et la reconnaissance du lien étroit entre le développement du sud et la paix mondiale.

M.SERGUEI TCHOUMAREV (Fédération de Russie) a estimé qu'il était utopique de parler de triomphe de la démocratie dans des conditions d'indigence. À cet égard, le droit au développement a un sens toujours plus important comme moyen d'éliminer la misère et de surmonter les difficultés économiques. La réalisation du droit au développement est un facteur essentiel permettant d'assurer la paix et le développement sous tous ses aspects. Le représentant s'est dit convaincu que la réalisation du droit au développement doit et peut être une des orientations essentielles de la coopération Nord-Sud. Notant que les restructurations économiques entravent souvent la réalisation du droit au développement, il a insisté sur la nécessité de rechercher des solutions novatrices aux niveaux national et international. À cet égard, il a espéré que le Haut Commissariat aux droits de l'homme continuera d'appeler l'attention des institutions financières internationales pour les faire participer à la réflexion sur le développemen
t.

M.ARTURO HERNÁNDEZ BASAVE (Mexique) a rappelé qu'un cinquième de l'humanité vit dans l'extrême pauvreté et que 20% des personnes les plus riches de la planète détiennent 83% des revenus mondiaux. Il a exprimé le souhait que le Groupe de travail sur le droit au développement créé l'an dernier formulera des recommandations sur chacun des dix articles de la Déclaration sur le droit au développement. Il a jugé urgent d'accorder une attention particulière au problème des ressources financières que le monde en développement exporte chaque année vers les pays développés en raison de la dette extérieure, de la faiblesse des prix des produits de base et du gaspillage de millions de dollars dans l'absurde achat d'armements. Il convient aussi d'abolir les mesures économiques coercitives unilatérales ainsi que l'application de l'extra-territorialité de la loi interne des pays. Il faut éviter que les droits de l'homme ne soient utilisés comme instruments du protectionnisme commercial ou comme moyen d'atteindre des objectifs économiques ou politiques nationaux. En résumé, il s'agit d'accroître le dialogue et la coopération internationale pour garantir la jouissance effective du droit au développement.

Le Mexique, pour sa part, a proposé l'établissement d'un système d'alerte précoce qui permettrait de détecter à temps les crises financières pour éviter leurs effets néfastes, qui constituent aujourd'hui un des obstacles essentiels au droit au développement. Le développement social et l'amélioration de la qualité de vie des Mexicains est une tâche prioritaire pour le Gouvernement mexicain, a assuré le représentant. Il a indiqué que la part des dépenses sociales par rapport au produit intérieur brut est passée de 5,8% à 9,1% au cours de la décennie écoulée, essentiellement pour réduire l'extrême pauvreté.

MME NANCY RUBIN (États-Unis) a déclaré qu'il y a un rapport direct entre les libertés individuelles et le développement économique. Si certains pays non démocratiques ont atteint un développement économique important, il n'est pas prouvé que ce développement soit durable. C'est sur le principe de la liberté individuelle qu'est fondée la libre entreprise économique. La liberté et la prospérité vont de pair, a-t-elle souligné.

La représentante a déclaré que les États-Unis sont le pays donateur le plus important dans le domaine du développement. Le Président Clinton vient d'annoncer une importante initiative pour aider à soulager les pays les plus endettés du fardeau de la dette. Si ce programme était entièrement mis en application par les pays en développement et les États créditeurs, près de 70milliards de dollars seraient rayés des livres de compte pour pouvoir être consacrés à d'autres tâches vitales. L'initiative de M.Clinton est composée de plusieurs éléments, certains d'entre eux devant être élaborés avec les autres membres du G7. Cela interviendrait en complément des efforts faits actuellement par le Club de Paris pour annuler la dette. Un autre élément envisage une réduction de la dette plus importante que celle mise en place par le Club de Paris par l'annulation des prêts consentis bilatéralement aux pays les plus fortement endettés et jusqu'à 90% pour d'autres. Mais cette initiative ne doit pas servir à simplement éponger le service de la dette. L'initiative du Président des États-Unis se concentre aussi sur des approches de réduction de la dette, par exemple en dirigeant les ressources du service de la dette vers l'éducation et la protection de l'environnement. Ainsi les fonds qui autrement seraient dus aux États-Unis serviront à la place à préserver la nature ou à la construction d'écoles et bénéficieront directement aux populations d'Afrique ou d'autres pays en développement.

M.ALFREDO LABBE (Chili) a formulé le souhait que la résolution sur le droit au développement qui sera proposée cette année puisse être adoptée par consensus. Il s'est élevé contre la procédure consistant à imposer à l'Assemblée générale, à NewYork, des textes différents de ceux adoptés par consensus à Genève. Pour le Chili, le droit au développement est essentiel et se place résolument dans le contexte des droits de l'homme. Toutefois, il y a un ordre hiérarchique entre ces droits et le droit au développement doit être compris de façon globale. Cela signifie que sa concrétisation suppose au préalable que les droits civils et politiques soient réalisés. Le Chili n'est en effet pas d'accord avec l'idée que le droit au développement serait un préalable aux autres droits, alors qu'il n'existe pas encore de consensus sur l'interprétation de ce droit. S'agissant de la codification et de la maturation des notions du droit au développement, le représentant a estimé que le Groupe de travail offrait un cadre approprié pour progresser dans le débat sur ce droit.

Le représentant a d'autre part prévenu contre le risque que le droit au développement ne soit perçu comme étant un «produit du Sud» et a insisté sur la nécessité du consensus pour préserver l'aspect universel de ce droit. Enfin, le Chili a rappelé que la responsabilité première du développement incombait aux États, et en particulier, aux États en développement.

M.IBOU NDIAYE (Sénégal) a déclaré que l'idée selon laquelle le droit au développement serait le produit artificiel d'une revendication des pays pauvres envers les nations riches est dépassée depuis longtemps. Il s'est dit convaincu que le besoin et l'aspiration de tout homme au bien-être et à son plein épanouissement, qui sont la base du droit au développement, sont des volets importants de l'indivisibilité des droits de l'homme. Or, les droits de l'homme restent aujourd'hui divisés et cette division est le reflet de l'obstacle fondamental auquel se heurtent toutes les tentatives de mise en oeuvre concrète des droits économiques et du droit au développement.

Le Sénégal salue l'idée d'étudier la possibilité de transformer la Déclaration de Vienne de 1993 relative aux droits de l'homme et celle de Copenhague de 1995 relative au développement social en convention ayant force contraignante. La délégation sénégalaise estime que la HautCommissaire aux droits de l'homme a un rôle primordial à jouer dans la mesure où les questions qui se posent dans le contexte de la mise en oeuvre du droit au développement dépassent de loin les capacités et les compétences des experts et des groupes de travail de la Commission. S'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, il est désormais établi que la doctrine qui prétend qu'ils ne sont pas justiciables fait l'impasse sur leur analyse logique, a déclaré le représentant sénégalais. Il a ajouté que rien ne permet de penser que les droits économiques et sociaux sont moins individuels que les droits civils et politiques. Le Sénégal apporte son appui à l'idée d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont l'objectif est d'accorder, après épuisement des recours internes, un recours international aux personnes dans le cas de violations graves et systématiques de ces droits.

M.ALTHANIS KHALID (Qatar) a déclaré que le droit au développement est un des droits fondamentaux de l'homme. La communauté internationale doit contribuer à réaliser ce droit. Tous les droits civils, sociaux, culturels, sont indissociables du droit au développement. Le représentant a fait remarquer que la dette extérieure représente toujours un obstacle au développement des pays au développement. Il a noté que le gouvernement du Qatar oeuvre pour réaliser un développement équitable dans le pays. La démocratie est importante sur tous les plans, a-t-il conclu.

M.HARRY PURWANTO (Indonésie) a exprimé sa ferme conviction que les progrès durables dans la mise en oeuvre du droit au développement nécessitent des politiques de développement efficaces au niveau national ainsi que des relations économiques équitables et un environnement économique international favorable. Une participation populaire effective à la prise de décision en matière de développement est une composante essentielle d'un développement durable et réussi. Cela souligne le fait que la démocratie, la promotion des droits de l'homme et le développement se renforcent mutuellement dans le cadre d'une vision globale intégrant les droits économiques, sociaux et culturels aux droits civils et politiques. Toutefois, la pauvreté est un obstacle à la jouissance effective de ces droits et fragilise la démocratie. À cet égard, le manque de participation des pays en développement au sein des institutions financières internationales a un impact décisif sur l'économie mondiale.

M.Purwanto a estimé qu'il est nécessaire de mener une action concertée aux niveaux national et international pour contrecarrer les effets négatifs de la mondialisation et assurer un environnement propice à la réalisation du droit au développement. En outre, une coopération accrue au sein du système des Nations Unies rendrait la promotion et la réalisation du droit au développement plus efficaces. Dans cette optique, l'Indonésie est d'avis que l'élaboration de politiques nationales efficaces en matière de développement ainsi que la responsabilité des États pour assurer des relations économiques équitables doivent être au centre de l'étude menée par l'expert indépendant sur le droit au développement. L'Indonésie appuie également la proposition de faire examiner la question de l'élaboration d'une convention sur le droit au développement par le mécanisme de suivi établi par la Commission afin de renforcer les aspects juridiques du droit au développement. Elle soutient également l'inclusion de la Déclaration
sur le droit au développement dans la Charte des droits de l'homme.

M.ALI ABDEL RAHMAN MAHMOUD (Soudan) a affirmé que la mondialisation n'a pas permis d'accélérer le développement des pays en développement et n'est pas parvenue à enrayer l'augmentation de la pauvreté, creusant ainsi davantage l'écart entre pays développés et pays en développement. Il n'est pas exagéré de dire que très peu de pays en développement ont bénéficié du processus de mondialisation, a-t-il ajouté. Il est regrettable que certains acteurs essentiels sur la scène économique internationale aient recours à des mesures destructrices telles que les embargos commerciaux et économiques contre des pays en développement, en particulier contre les moins avancés d'entre eux. Les enfants, les femmes et les personnes âgées paient le plus lourd tribut de l'embargo imposé à diverses régions du Soudan, en particulier au Sud du pays, a affirmé le représentant. Il a demandé à la Commission de prendre note des conséquences et des effets néfastes sur le Soudan de l'embargo injuste qui frappe ce pays. Il a souligné que la nouvelle Constitution promulguée au Soudan établit la justice dans la distribution des richesses et garantit la protection des plus vulnérables, à savoir les femmes et les enfants.

M.VÍCTOR RODRÍGUEZ CEDEÑO (Venezuela) a estimé que le droit au développement est sans aucun doute l'un des thèmes les plus pertinents de l'ordre du jour. L'élaboration d'une norme juridique internationale doit correspondre au milieu social auquel elle doit s'appliquer. Le droit au développement est un droit subjectif et impératif dans le sens où les États ne peuvent pas s'y soustraire. C'est aussi un droit collectif, a-t-il ajouté. Ce droit est une obligation et une responsabilité pour tous les pays. Les mesures internes doivent compléter les mesures internationales.

Une idée s'impose dans la définition du développement qui consiste à considérer que ce n'est pas une notion purement économique, a poursuivi le représentant vénézuélien. Aujourd'hui, quand on parle du développement, il faut tenir compte de la mondialisation. Les règles dans les relations entre États ne sont pas encore complètement définies mais la mondialisation fait appel à la notion de solidarité qui caractérise l'évolution de la société internationale vers une authentique communauté internationale. En conclusion, le représentant s'est déclaré certain que cette année la Commission sera en mesure d'adopter par consensus un projet sur le droit au développement.

M.CARLOS GARCÍA (El Salvador) a préconisé, face aux défis de la faim, de la pauvreté, des maladies, de l'analphabétisme et de l'absence de conditions de vie dignes pour la majorité de la population mondiale, que la communauté internationale et les États redoublent d'efforts, passant des paroles aux actes. Rappelant l'écart toujours plus grand entre pays riches et pays pauvres, il a souligné l'importance de l'avance technologique et des capacités financières, appelant à un partage des ressources et leur utilisation pour résoudre les problèmes du sous-développement. À cet égard, la promotion des mécanismes de dialogue et de concertation constitue une garantie minimale pour permettre à tous les pays de s'exprimer.

Mais surtout, le Gouvernement du Salvador considère de la première importance la participation active de la société civile, dans la mesure où l'essence du droit au développement repose sur le principe de la position centrale de la personne humaine dans le développement. Dans cette optique, il faut promouvoir les conditions économiques, sociales, politiques, culturelles et environnementales, aux niveaux national comme international, sur la base de la responsabilité commune et partagée afin de mettre en marche le cercle vertueux de la paix, de la démocratie et du développement.

M.KAMEL MORJANE (Tunisie) a souligné que si le droit au développement jouit aujourd'hui d'un large consensus parmi les États, son application se heurte encore à de nombreux obstacles. Il a rappelé que selon le rapport du PNUD sur le développement humain, la satisfaction des besoins essentiels de l'ensemble des populations des pays en développement est estimée à 4% de la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes du monde. Près de trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, a-t-il rappelé. Le représentant a souligné que, si la communauté internationale n'oeuvre pas au redressement de cette situation, le droit au développement en tant que droit de l'homme sera réduit à un simple concept vidé de tout sens, ce qui pourrait hypothéquer la promotion et la jouissance des droits civils et politiques. L'évolution de la conjoncture économique, à la faveur de la libéralisation des échanges, ne s'est pas forcément accompagnée, dans un grand nombre de pays en développement, d'une amélioration des conditions sociales, notamment au niveau des catégories faibles de la société. En Afrique, les cas de pauvreté et de dénuement se sont aggravés, contribuant ainsi au déclenchement de crises politiques et de conflits régionaux.

La Tunisie a choisi d'orienter ses efforts vers la poursuite d'un développement global et durable qui place la personne humaine et sa dignité au centre de toute oeuvre de développement. Ce choix procède de sa conviction que les droits civils et politiques ne peuvent se développer et se renforcer sans la satisfaction des besoins économiques et sociaux. La stratégie de développement mise en oeuvre par la Tunisie a permis au pays d'améliorer sensiblement le niveau de vie de ses citoyens. C'est ainsi que des actions d'envergure ont notamment été engagées dans les domaines de l'éducation, de la santé, du logement et de la protection sociale.

M.MOUNIR ZAHRAN (Égypte) a déclaré que le droit au développement est un droit inaliénable et que tous les être humains y ont droit. Il a insisté sur la nécessité de la coopération. La mondialisation et la liberté du commerce ont entraîné des difficultés pour le développement des pays en développement. Le représentant a rappelé que les pays développés ne respectent pas l'engagement de consacrer 0,7% du produit national brut à l'aide publique au développement. Il a demandé à la communauté internationale de palier toutes ces difficultés que les pays en développement rencontrent et qui conduisent à leur marginalisation. Enfin, il a appelé au respect du droit au développement par l'ONU, l'OMC et les institutions de Bretton Woods.

MME MARTA SANTOS PAIS (Fonds des NationsUnies pour l'enfance - UNICEF) a estimé que dans l'environnement actuel, caractérisé par une pauvreté galopante, le creusement des inégalités et une marginalisation croissante dont les enfants et les femmes sont les premières victimes, exigent que les activités de développement soient au centre des préoccupations. En effet, les chocs macro-économiques ont laissé des millions de personnes sans accès aux services sociaux de base tandis que l'aide publique au développement diminue et que le service de la dette est devenu un fardeau insupportable pour nombres de pays en développement. C'est dans ces conditions que l'engagement en faveur des droits de l'homme prend tout son sens et doit se traduire en actes. Dans la mesure où les droits de l'homme commencent par les droits de l'enfant, la mise en oeuvre de la Convention sur les droits de l'enfant est une composante essentielle des efforts de développement.

M.ZAINAL RATA NUSHIRWAN (Malaisie) a déclaré que le succès économique ne peut pas être assuré à long terme si tous les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, ne sont pas garantis et respectés. La Malaisie, cependant, n'est pas d'accord pour dire que c'est là la principale leçon qu'il convient de tirer de la récente crise financière asiatique. La première leçon à tirer de cette crise est plutôt qu'il convient d'établir des limites à l'action économique des acteurs irresponsables, c'est-à-dire des spéculateurs financiers et de leurs semblables. Il est donc clair que si la démocratie est une condition nécessaire pour parvenir au succès économique, elle ne saurait y suffire. La Malaisie est préoccupée par les tentatives visant à redéfinir le droit au développement, a déclaré le représentant.

M.CLAUDE BOUAH-KAMON (Côte d'Ivoire) a déclaré que le droit au développement pose moins le problème du concept que celui de sa mise en oeuvre. Comment répondre positivement à l'obligation pour chaque État de mettre en oeuvre le droit au développement quand on sait que les obstacles à la mise en oeuvre de ce droit ne sont pas levés et qu'ils pèsent de plus en plus lourdement sur les pays en développement. Le représentant a mentionné les problèmes liés à la dette extérieure, aux transferts nets négatifs, à la diminution du prix des produits de base. À cet égard, il a salué l'initiative de la France, de l'Allemagne et d'autres pays, ainsi que d'organisations non gouvernementales, pour annuler la dette des pays pauvres les plus lourdement endettés, ce qui est le signe d'une volonté politique et humaine de lever un des obstacles les plus importants à la réalisation du droit au développement. En conclusion, il a rappelé que la responsabilité des États dans la réalisation du droit au développement va de pair avec la solidarité et la coopération internationale.

M.ANDREW GOLEDZINOWSKI (Australie) a déploré que les résultats obtenus l'an passé n'aient pas reçu le soutien de l'Assemblée générale et que le droit au développement n'ait pas avancé. Il a défini trois objectifs sur lesquels il est important de s'entendre: le retour à un texte consensuel au sein de la Commission en mettant l'accent sur de nombreux points d'accord; la création d'un climat propice à la discussion des points de désaccord au sein du Groupe de travail sur le droit au développement et un engagement en faveur d'une approche transparente, ouverte et intégrée des travaux. À cet égard, il a souligné la responsabilité collective de la communauté internationale qui ne pourra avancer que dans un esprit de coopération entre les nations. Le droit au développement est d'une grande importance symbolique et devrait rassembler plutôt que diviser, a-t-il souligné, insistant sur la nécessité de répondre aux nouveaux défis mondiaux.

M.LINN MYANG (Myanmar) a déploré le peu de progrès réalisé dans l'application de la Déclaration sur le droit au développement et a souligné que la mise en oeuvre de cette déclaration requiert une coopération à l'échelle internationale qui ne saurait être conditionnelle. Il a également déploré les disparités entre les niveaux de développement des pays développés et ceux des pays en développement. Il a fait sien l'appel lancé en faveur de l'ouverture d'un dialogue avec la Banque mondiale au sujet du droit au développement. Au Myanmar, a-t-il poursuivi, le programme de restructuration de l'économie engagé en faveur du passage à l'économie de marché s'est traduit par une hausse du produit national brut alors que le développement des infrastructures devrait permettre de favoriser le secteur agricole et d'assurer l'accès de chacun à l'eau potable. Le représentant a dénoncé l'attitude de ceux qui cherchent à imposer des mesures économiques coercitives à son pays.

M.STANISLAU AGURTSU (Bélarus) a déclaré que le concept de droit au développement implique le principe implicite de l'indivisibilité de tous les droits de l'homme. La pleine réalisation des droits civils et politiques n'est possible que grâce à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant a rappelé que son pays a subi toutes les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. En dépit de l'aide internationale, le Bélarus a dû consacrer jusqu'au quart de son budget à la réparation du la catastrophe de Tchernobyl. Cette situation a empêché pendant des années la mise en oeuvre de programmes sociaux et économiques importants. Le représentant a souligné l'urgente nécessité d'une coopération globale et régionale en ce qui concerne la protection de l'environnement.

M.FARHAD MAMDOUHI (République islamique d'Iran) a déploré l'absence d'équilibre structurel dans le système économique international qui empêche les peuples des pays en développement de jouir d'un grand nombre de droits, notamment leur droit au développement. Il a également mis en garde contre certaines conceptions visant à introduire une hiérarchie dans les droits de l'homme, plaçant les droits civils et politiques au dessus des autres. Il est temps de rectifier cette conception erronée et de considérer tous les droits de l'homme sur un plan d'égalité, a-t-il déclaré.

Le représentant a souligné le rôle important que les Nations Unies ont à jouer dans la promotion du droit au développement grâce à son intégration aux activités de l'Organisation. Il est évident qu'une coordination interinstitutions sera nécessaire. Mais surtout, le Haut Commissariat aux droits de l'homme devra continuer à apporter un soutien ferme en termes de personnel, de services et de ressources dans ses programmes de suivi, en consultation avec les États. M.Mamdouhi s'est félicité de la création d'un groupe de travail pour évaluer les progrès en matière de promotion et de mise en oeuvre du droit au développement.

M.CHRISTOPH PAPPA (Suisse) a déclaré que si l'on veut favoriser la réalisation du droit au développement, il convient avant tout de clarifier un certain nombre de questions controversées et de rechercher une perception commune, notamment en ce qui concerne l'interprétation de la notion même de ce droit et les conditions nécessaires à sa mise en oeuvre. Il convient notamment de se demander s'il existe un moyen de trouver un équilibre adéquat entre l'aspect collectif et l'aspect individuel de ce droit. Il importe de prendre en considération les dimensions nationales et internationales du droit au développement et de définir les responsabilités à chaque niveau.

Sur le plan national, la mise en oeuvre du droit au développement requiert l'adoption d'une politique de développement efficace basée sur des principes de participation et l'établissement de conditions favorables, notamment une bonne gestion des affaires publiques, la promotion de l'état de droit et le respect des droits de l'homme. Sur le plan international, le développement est étroitement lié aux flux commerciaux et financiers ainsi qu'aux politiques établies dans les enceintes internationales de commerce et de développement. Il convient par conséquent d'associer les institutions économiques et financières aux discussions et délibérations portant sur le droit au développement.

M.SAID KHELIFI (Algérie) a estimé que la question du droit au développement est importante eu égard au nombre de personnes vivant dans une situation d'extrême pauvreté. Parmi les causes du sous-développement, certaines sont d'ordre historique. C'est dans ces causes historiques que réside en partie la légitimité de l'aspiration à la réalisation de ce droit pour les pays en développement. Il s'agit en fait d'une créance morale envers les pays en développement.

De même, la mondialisation, si elle peut présenter des possibilités de progrès pour les pays en développement, a pour le moment accentué le fossé entre les niveaux de développement dans les pays développés et les pays du sud. Les États ne sont pas les seuls responsables de la politique de développement et l'échange inégal semble régner dans les relations économiques et commerciales multilatérales. Tout ceci impose un devoir de solidarité dans l'ensemble des pays. Le représentant a déclaré qu'il est impératif que la solidarité internationale se concrétise car la communauté internationale ne pourra assurer la paix, la stabilité et la sécurité que dans «un monde de co-prospérité et de co-développement».

M.MOHAMED SAEED AL-ATTAR (Yémen) a rappelé que sans développement durable, il ne pouvait être question de jouir pleinement des droits économiques, sociaux et culturels. Conscient de cette réalité, le Yémen a accordé la priorité au développement et a adopté des politiques nationales favorisant notamment l'ouverture économique, la redistribution des richesses et l'investissement international, pour promouvoir le développement économique, social et culturel.

Mais, malgré les mesures prises, les faiblesses structurelles ajoutées aux défis posés par la mondialisation entravent le développement du pays. Le représentant a invité la communauté internationale à déployer tous ses efforts pour renforcer la coopération internationale et mettre en place un environnement favorable qui permette aux pays en développement de réaliser le droit au développement de leurs peuples et de tirer les dividendes de la mondialisation.

MME CECILIA SÁNCHEZ REYES (Nicaragua) a souligné qu'il faut envisager les droits de l'homme dans toutes leurs dimensions en accordant l'attention qu'ils méritent aux droits économiques, sociaux et culturels. Le droit au développement constitue l'un des droits de l'homme fondamentaux car c'est seulement grâce au développement durable que l'on pourra assurer à tous les êtres humains la pleine jouissance de tous leurs droits, a estimé la représentante. En dépit des difficultés qu'il rencontre, notamment en matière de logement, de chômage, de dette extérieure et suite à la catastrophe naturelle qui a frappé le pays l'an dernier, le Nicaragua entend continuer à oeuvrer en faveur de la réalisation du développement durable, en cherchant à promouvoir la croissance économique dans l'équité sociale tout en respectant l'équilibre écologique.

MME BRENDA MOFYA (Pax romana) a déclaré qu'aussi longtemps que la question de la dette ne pourra être résolue, les économies des pays pauvres resteront sous développées. La campagne Jubilee 2000 est le moment idéal pour annuler la dette et de contribuer à un nouveau départ pour plus de justice dans les relations internationales. Appliquer la réduction de la dette aux pays les plus lourdement endettés est sûrement la solution la plus simple. Ces pays sur-endettés, tel la Zambie, doivent emprunter pour pouvoir payer les intérêts de la dette plutôt que de consacrer cet argent à la santé ou à l'éducation. La représentante a estimé que la communauté internationale se situe à un moment historique : il est temps de libérer les esclaves et d'annuler la dette, a-t-elle conclu.

MME CYNTHIA NEURY (Centre Europe-tiers monde, au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) s'est élevée contre la mondialisation économique capitaliste débridée qui renforce la domination économique et politique des pays du Nord sur les pays du Sud et contribue à creuser les inégalités. La colonisation directe a presque disparu, mais une colonisation plus pernicieuse a pris sa place sous forme de colonisation économique. Les instruments et structures de cette colonisation sont principalement la Banque mondiale et le Fonds monétaire international par le biais de leurs programmes d'ajustements structurels, le système de l'endettement à perpétuité, les termes inégaux de l'échange et les activités et méthodes des sociétés transnationales. Le représentant a réaffirmé le rôle négatif des programmes d'ajustement structurel sur le développement des pays du Sud, qui minent des économies déjà fragiles. Il a dénoncé les menées des sociétés transnationales qui bénéficient pourtant souvent d'un large soutien du Programme des Nations Unies pour le développement. En conclusion, le représentant s'est interrogé sur l'avenir des Nations Unies en tant que garant des droits humains et a demandé aux instances des Nations Unies de revoir leurs positions relatives à l'ouverture aux intérêts privés des sociétés transnationales et ce, afin de respecter l'esprit des instruments internationaux relatifs aux droits humains.

MME MERCEDES MOYA (Association américaine de juristes) s'est prononcée en faveur de l'annulation de la dette extérieure des pays d'Amérique centrale touchés par l'ouragan Mitch. La dette extérieure, qui ne cesse d'augmenter, ne sera jamais payée. Il serait donc judicieux de l'annuler globalement, a déclaré la représentante. Elle a déclaré que la réalité actuelle démontre que le pouvoir économique transnational a confisqué aux citoyens le pouvoir de décision et a mis en place une dictature à l'échelle mondiale avec l'aide des élites dirigeantes. Le système des NationsUnies suit le mouvement, a-t-elle ajouté : la société transnationale de consultants Price Waterhouse, qui fut conseillère du Gouvernement de MmeThatcher, conseille actuellement le géant pétrolier Exxon et offre ses services, depuis plusieurs années, à l'Organisation des NationsUnies à Genève. Récemment, le Programme des Nations Unies pour le développement s'est associé à onze importantes entreprises transnationales dans le cadre du mécanisme pour un développement durable à l'échelle mondiale. La majorité de ces onze entreprises sont responsables ou corresponsables de violations graves des droits de l'homme et de dommages considérables infligés au milieu naturel. Parmi ces entreprises, figurent la britannique Rio Tinto, les entreprises des États-Unis Oracle, AT&T, Owens Corning, Dow Chemical, l'entreprise suédo-suisse ABB et la suisse Novartis. Les entreprises transnationales versent ainsi une maigre quote-part de 50 000 dollars pour cette opération qui a pour objectif de couvrir leurs effets néfastes sous des apparences humanitaires et d'exercer un rôle déterminant dans l'orientation des organismes pertinents des NationsUnies.

M.FIRDOUS SYED BABA (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a déclaré que, pour des raisons historiques, les peuples du tiers monde n'ont toujours pas pu surmonter les problèmes de la faim, de la pauvreté, du chômage et de la maladie. L'expérience révèle que le terrorisme est un défi lancé au droit au développement. Le Jammu-et-Cachemire est le théâtre d'attaques terroristes mises en oeuvre par le Pakistan. Ainsi, des centaines d'écoles ont été brûlées, avec l'encouragement du Pakistan, depuis plus de huit ans. Aujourd'hui, alors que le pays est passé à la phase démocratique et que l'ordre a été restauré, que la population participe à des initiatives de développement social et économique, le Pakistan envoie des mercenaires qui ont récemment massacré 31 villageois qui construisaient une route. Le représentant a appelé instamment la communauté internationale et la Commission à faire pression sur le Pakistan pour qu'il cesse l'infiltration des mercenaires et permette au peuple du Jammu-et-Cachemire pour réaliser son droit au développement.

M.MOHAMED ARIF (Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques) a rappelé que le droit au développement doit concerner chaque individu. Malheureusement, certaines «forces non maîtrisées» font obstacle à la réalisation du droit au développement. Les conflits, l'intégrisme et le terrorisme annihilent les efforts de développement. Le progrès de l'humanité est l'otage de l'obscurantisme, a indiqué le représentant citant en exemple les Taliban qui ont renvoyé l'Afghanistan au Moyen-âge ou les menées des fanatiques au Bangladesh, en Inde et au Cachemire. Le terrorisme est une menace qu'il faut prendre au sérieux et il faut trouver les moyens d'assurer la réalisation du droit au développement dans les pays frappés par ce fléau.

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