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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALBANIE
05 août 2003
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Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale
63ème session
5 août 2003
Matin
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen du rapport initial de l'Albanie, entamé hier après-midi. L'Albanie a présenté en un seul document son rapport initial ainsi que ses deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques.
Présentant, hier après-midi le rapport de son pays, M. Armand Skapi, chef de la délégation albanaise et Directeur de la Division de l'ONU et des organisations internationales au Ministère albanais des affaires étrangères, a mis l'accent sur la coexistence pacifique et harmonieuse entre les Albanais et les minorités vivant dans son pays. Il a souligné qu'une des premières priorités de son gouvernement est de garantir l'égalité entre les citoyens. Le représentant albanais a toutefois reconnu que des problèmes demeurent, notamment en ce qui concerne la question de l'amélioration de la situation de la population rom, qui fait face aux mêmes problèmes que dans les autres pays de la région. À cet égard, la délégation a évoqué la stratégie nationale en cours d'adoption qui vise à améliorer les conditions de vie et l'intégration des Roms dans la société albanaise. M. Skapi était accompagné de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères ainsi que du Ministère de l'instruction et de la science et du Ministère du travail et des affaires sociales.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Albanie, M. Régis de Gouttes, a observé que l'Albanie a réalisé ces dernières années des efforts importants pour adhérer aux grandes Conventions internationales concernant la protection des droits de l'homme et qu'il convient de l'en féliciter. Il a estimé que les statistiques fournies dans le rapport étaient très utiles mais il a déploré que celles relatives à la population et à la composition ethnique soient trop anciennes. Il est nécessaire que l'Albanie recueille des informations précises sur le nombre et la localisation des personnes appartenant aux minorités nationales, en particulier sur la communauté rom, au sujet de laquelle il n'existe aucune donnée statistique, a-t-il déploré.
Au cours de la discussion, les membres du Comité ont salué les évolutions et les efforts de l'Albanie pour restaurer un État de droit après les années de dictature. Ils se sont également félicités de la qualité du rapport et des réponses apportées. Plusieurs membres se sont interrogés sur la distinction entre minorités «nationales», «culturelles» ou «linguistiques» et ont suggéré un réexamen des critères de définition des minorités. Certains experts ont souligné la nécessité d'adapter la législation afin d'incriminer les actes de discrimination ou d'incitation à la haine raciale et de fournir des exemples concrets de plaintes et de poursuites judiciaires en matière de discrimination.
Les membres suivants du Comité ont pris part à la discussion: Mme Patricia Nozipho January-Bardill, et MM. Régis de Gouttes, Mahmoud Aboul-Nasr, Linos-Alexandre Sicilianos, Morten Kjaerum, Patrick Thornberry, Luis Valencia Rodríguez, Raghavan Vasudevan Pillai, Nourredine Amir, Chengyuan Tang, Mario Jorge Yutzis, Agha Shahi et José Lindgren Alves.
En fin de séance, le Président du Comité, M. Ion Diaconu, a informé le Comité des résultats de différentes réunions entre les organes créés en vertu des traités en vue d'améliorer l'efficacité des mécanismes de droit de l'homme. Les discussions ont en particulier tourné autour de la question des rapports soumis par les États, de l'harmonisation des orientations pour leur élaboration, et du renforcement des capacités nationales pour établir ces rapports. À cet égard, le Président a notamment indiqué que l'idée d'un rapport unique avait été écartée et que la nécessité de rapports ciblés a été soulignée ainsi que l'exigence d'une cohérence dans les rapports et donc, la nécessité que le Secrétariat offre aux Comités des informations de base notamment sur les observations, commentaires et décisions adoptés par d'autres Comités sur les trois années précédant l'examen d'un pays. L'accent a en outre été mis sur une plus grande coopération entre les Comités.
Le Président a en outre annoncé que le Suriname ayant soumis son rapport, l'examen de la situation de ce pays, prévue pour la présente session, est reporté à la prochaine session du Comité, en mars 2004.
Le Comité examinera cet après-midi à partir de 15 heures et demain matin, les troisième à douzième rapports périodiques du Cap-Vert (CERD/C/426/Add.1).
Présentation du rapport de l'Albanie
M. ARMAND SKAPI, Directeur de la Division de l'ONU et des organisations internationales au Ministère des affaires étrangères de l'Albanie, présentant le rapport de son pays, a indiqué que l'évolution des droits de l'homme et des libertés en Albanie a suivi un chemin difficile depuis la chute du communisme, il y a treize ans, après cinq décennies de totalitarisme. La Constitution albanaise consacre un des principes de base de la démocratie qui est que tout citoyen a le droit de vivre dans la dignité et la liberté. Avec la tolérance religieuse, l'hospitalité fait partie intégrante des traditions du pays. Ainsi les mariages mixtes entre musulmans et chrétiens, juifs et non-juifs ou entre différentes races et nationalités, sont depuis longtemps une caractéristique de la société albanaise. La coexistence pacifique et harmonieuse entre Albanais et les minorités vivant dans le pays représentent un excellent exemple pour les pays des Balkans et au-delà, a-t-il estimé.
Au cours des années 90, un effort particulièrement important a été fourni afin de mettre en place une nouvelle législation démocratique dont les droits de l'homme sont partie intégrante et très importante. Le respect et la protection des droits de l'homme constituent un des piliers essentiels sur lequel repose la société démocratique albanaise. M. Skapi a souligné à cet égard qu'une des priorités du Gouvernement est de garantir l'égalité entre les citoyens. La Constitution de 1998 dispose ainsi que nul ne peut faire l'objet de discrimination et le Code pénal qualifie de crime et sanctionne la discrimination commise par des agents de l'État ainsi que l'incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse. La liberté religieuse est respectée et protégée et il y a une coexistence pacifique entre les trois principales communautés religieuses (musulmane, orthodoxe et catholique). Un Ombudsman a été institué et la législation albanaise reconnaît et protège les droits individuels et collectifs des minorités nationales. Bien sûr, des problèmes perdurent dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la question de l'amélioration de la situation de la population rom, qui fait face aux mêmes problèmes que dans les autres pays de la région.
En ce qui concerne le retard avec lequel l'Albanie présente son présent rapport, M. Skapi a mis en avant le manque de capacités et d'expérience en matière de rapports, l'instabilité et la prolongation de la transition ainsi que l'absence de législation. Mais il a assuré que l'Albanie prend très au sérieux ses obligations en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il a toutefois rappelé que la discrimination raciale ne peut être combattue uniquement à travers des politiques gouvernementales mais doit être le fruit de vastes consultations et de l'implication de la communauté au sens large. À cet égard, il a évoqué la coopération instaurée récemment entre le Ministère des affaires étrangères et des organisations non gouvernementales albanaises dans le domaine des droits de l'homme, qui ont notamment participé à la rédaction du présent rapport. Le Gouvernement, conscient que la situation de certains groupes raciaux ou minoritaires doit être fortement améliorée, est déterminé à œuvrer pour une meilleure protection des populations vulnérables. Dans cette optique, il attend les suggestions et recommandations que le Comité pourra formuler comme une base de futures améliorations.
Un autre membre de la délégation a détaillé plus avant les efforts déployés pour promouvoir la tolérance et bâtir un cadre juridique qui offre à tous les citoyens, ainsi qu'aux étrangers la possibilité de vivre dans la dignité. À cet égard, il a souligné que presque toutes les lois adoptées depuis la chute du communisme contiennent des dispositions anti-discriminatoires. Toutefois, c'est davantage à la mise en œuvre qu'il convient de prêter attention ainsi qu'au renforcement de mécanismes permettant de traiter les actes de discriminations isolés qui peuvent se produire, a-t-il souligné, ajoutant que les développements récents démontrent la volonté de l'Albanie de préserver et de bâtir une société harmonieuse à laquelle participent pleinement toutes ses composantes, notamment par l'adoption prochaine d'une stratégie nationale pour les Roms. Ceux-ci sont en effet généralement moins bien intégrés dans l'économie et la société que d'autres groupes de la population. Les Roms souffrent d'illettrisme, de mauvaises conditions sanitaires, de l'absence d'éducation et autres difficultés. Ces difficultés touchent également d'autres minorités, même si le taux de chômage dans les régions où vivent les minorités est substantiellement inférieur à d'autres parties du pays.
Le rapport de l'Albanie (CERD/C/397/Add.1) contient le rapport initial ainsi que les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques qui devaient être soumis respectivement en 1995, 1997, 1999 et 2001. Le rapport présente dans son introduction les caractéristiques générales du pays, de sa population et de l'économie ainsi que des éléments de son histoire, de son système politique et de l'administration. Le cadre juridique de la protection des droits de l'homme y est décrit ainsi que celui de la protection contre la discrimination. La quatrième partie du rapport détaille l'application des dispositions de la Convention.
Le rapport stipule ainsi que la Constitution et les lois albanaises garantissent à tous les individus le droit d'être protégé contre toute discrimination. L'article 18 de la Constitution dispose notamment que «nul ne peut faire l'objet d'une discrimination injuste fondée, notamment, sur le sexe, la race, la religion, l'appartenance ethnique, la langue, les convictions politiques, religieuses ou philosophiques, la situation économique, le niveau d'instruction, la condition sociale ou la naissance». La République d'Albanie condamne la discrimination raciale et ses pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif prennent toutes les mesures qui s'imposent pour y mettre fin dans la pratique. La législation albanaise interdit également les politiques et pratiques qui pourraient nuire aux membres des groupes minoritaires et raciaux dans toutes les sphères d'activités. À cet égard, le rapport indique que la population albanaise est homogène sur le plan ethnique puisque les minorités nationales (grecque, macédonienne et monténégrine) ne comptent que pour 2% de la population. En outre, deux religions, l'islam et le christianisme coexistent pacifiquement en Albanie. En ce qui concerne les Roms, ils n'ont jamais été dénombrés par recensement mais sont considérés comme une minorité linguistique. Le rapport indique à cet égard que même si la population rom vivant en Albanie n'est pas victime d'un traitement discriminatoire en tant que communauté distincte, il arrive que les Roms se heurtent à des préjugés racistes.
En ce qui concerne la politique de l'État albanais à l'égard des minorités nationales, le rapport indique que l'Albanie accorde une importance particulière au maintien de bonnes relations, et à la tolérance, la coopération, la coexistence et la compréhension entre les Albanais et les minorités nationales. La société albanaise n'a connu aucun problème ou conflit ethnique, racial ou religieux, ce que les organisations internationales ont d'ailleurs reconnu. Parallèlement aux efforts visant à adopter des mesures adéquates pour promouvoir une égalité complète et effective entre les membres des minorités nationales et le reste de la population dans tous les domaines de la vie économique, sociale, politique et culturelle, l'Albanie s'emploie à améliorer et compléter sa législation conformément à la nouvelle Constitution. Dans ce contexte, une Division des minorités nationales est chargée des questions liées à la participation effective des minorités nationales au processus décisionnel et un Bureau des minorités nationales, intégré au Ministères des affaires étrangères, est chargé de contrôler la manière dont l'Albanie s'acquitte de ses obligations et engagements internationaux dans le domaine des droits des minorités nationales et linguistiques. Celui-ci œuvre notamment à l'élaboration d'une stratégie nationale destinée à améliorer les conditions de vie des Roms.
Examen du rapport
M. RÉGIS DE GOUTTES, membre du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport de l'Albanie, a observé que l'Albanie a réalisé ces dernières années des efforts importants pour adhérer aux grandes Conventions internationales concernant la protection des droits de l'homme et qu'il convient de l'en féliciter. Dix ans après la fin du régime communiste, la situation politique de l'Albanie demeure difficile et la situation économique reste fragile, a-t-il noté, rappelant que l'Albanie reste le deuxième pays le plus pauvre d'Europe. En outre, M. de Gouttes a évoqué les facteurs négatifs qui affectent la mise en œuvre de la Convention et, en particulier, les problèmes de criminalité organisée et de corruption qui focalisent une grande partie des efforts des autorités albanaises. Dans ce contexte, les problèmes de racisme et de discrimination ethnique ont tendance à ne pas être considérés comme majeurs dans le pays.
M. de Gouttes a estimé que les statistiques fournies dans le rapport étaient très utiles mais il a déploré que celles relatives à la population et à la composition ethnique soient trop anciennes. Il est nécessaire que l'Albanie recueille des informations précises sur le nombre et la localisation des personnes appartenant aux minorités nationales et, en particulier sur la communauté rom sur laquelle il n'existe aucune donnée statistique. Il a en outre exprimé des réserves vis à vis de l'affirmation selon laquelle il n'existe aucun cas d'intolérance, de haine ou de dissensions ethniques, rappelant que dans toute société, des phénomènes de discrimination cachée ou indirecte existent. Il s'est également interrogé sur la définition des minorités et les critères qui président à la distinction entre minorité nationale et minorité culturo-linguistique. Il a demandé que la délégation albanaise donne l'assurance que les minorités sont reconnues et protégées sur tout le territoire national et que les droits des personnes appartenant aux minorités nationales qui résident en dehors des anciennes «zones de minorités» ne sont pas indûment restreints. M. de Gouttes a par ailleurs exprimé le souhait du Comité que la délégation lui fasse part des efforts entrepris par le Gouvernement pour maîtriser les flux migratoires.
Le rapporteur pour l'Albanie s'est par ailleurs félicité de l'existence d'institutions nationales qui peuvent intervenir dans le domaine de la lutte contre la discrimination. Toutefois, il s'est demandé s'il ne serait pas préférable de créer un organisme à vocation plus large tel qu'une Commission nationale des droits de l'homme ou un Conseil des minorités. Il s'est également interrogé sur le bilan des activités de ces organes ainsi que sur les moyens et ressources à leur disposition. Il a souhaité par ailleurs que des informations soient fournies sur la situation des femmes. Par ailleurs, il a souhaité que le Gouvernement fournisse des renseignements sur les mesures concrètes prises pour donner effet aux différents textes législatifs ou administratifs ainsi que sur la nature des modifications apportées à la législation interne après les attentats du 11 septembre et les mesures prises pour prévenir et combattre le terrorisme, notamment dans le domaine du droit d'asile et de l'entrée et du séjour des étrangers.
Soulignant que la législation albanaise présente de nombreux aspects positifs et répond pour une bonne part aux exigences de la Convention, M. de Gouttes a estimé que des progrès pouvaient encore être réalisés notamment pour incriminer les organisations racistes, les actes de violence raciale ou l'incitation à commettre de tels actes ainsi que les actes de refus de biens ou de services fondés sur des considérations raciales. À cet égard, une solution pourrait consister à introduire dans le Code pénal une circonstance aggravante de racisme permettant de punir plus sévèrement l'ensemble des infractions lorsqu'elles sont inspirées par des motifs racistes. Il a en outre déploré le peu d'information sur la réalité sociologique quotidienne. Cela permettrait d'identifier les cas de discriminations subies par certains groupes de la population dans la jouissance effective de leurs droits civils et politiques, mais également économiques, sociaux et culturels. Il a estimé en outre décevantes les informations fournies sur l'application effective des dispositions législatives contre le racisme et demandé que des données statistiques sur les plaintes, les poursuites et les jugements concernant des actes de discrimination raciale ou ethnique soient fournies dans le prochain rapport.
Prenant part à la discussion, plusieurs experts se sont félicités de la présentation de ce rapport par l'Albanie et ont salué les efforts ainsi que le chemin parcouru par l'Albanie en l'espace de quelques dix ans pour instaurer un État de droit.
En ce qui concerne la composition de la population albanaise, les membres du Comité ont déploré l'insuffisance de données précises et actualisées, notamment en ce qui concerne les minorités, soulignant l'importance de telles statistiques pour l'élaboration des politiques publiques.
À cet égard, la délégation a reconnu que les données utilisées pour les minorités datent du recensement organisé en 1989 avec l'aide de l'ONU. Lors du dernier recensement, la rubrique nationalité n'a pas été incluse pour des raisons techniques et non politiques qui ont été approuvées par les bailleurs de fonds, a indiqué la délégation. Toutefois, l'Institut national de la statistique a lancé un questionnaire en 2002 dans lequel la question de l'appartenance à une minorité à été incluse et dont les résultats devraient être publiés prochainement.
En réponse à la question d'un expert sur le fait qu'il y aurait plus d'Albanais vivant à l'étranger que dans le pays, la délégation a reconnu qu'il n'y avait pas de chiffres officiels à ce stade, mais que l'on estimait à 7 millions le nombre d'Albanais vivant à l'étranger (contre une population d'environ 3,5 millions d'habitants). Sur les raisons pour lesquelles la population albanaise est en baisse, la délégation a évoqué les changements démographiques et l'émigration.
S'agissant des minorités, plusieurs experts se sont interrogés sur la différence qui est faite entre minorité «nationale» et minorité «linguistique» qui s'applique notamment aux Roms et aux Aroumains (ou Valaques) et la conséquence de cette distinction sur les droits de ces minorités.
La délégation a précisé que ces deux communautés sont considérées comme minorités «linguistiques» et non «nationales» car ces groupes n'ont pas d'autre patrie. Elle a indiqué que le statut de minorité linguistique ou culturelle n'a aucun effet négatif ou discriminatoire sur l'application des dispositions de la Convention. Elle a précisé en outre que la définition de minorité nationale répond aux critères objectifs et subjectifs définis par les Pactes et Conventions internationales. Sur la question de l'auto-identification, la délégation a souligné que la Constitution albanaise reconnaît le droit de chaque personne à exprimer librement son identité ethnique dans la mesure où elle répond à certains critères objectifs tels que des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques distinctes du reste de la population.
En réponse à des questions sur les «zones minoritaires», la délégation a précisé que cette mention ne figure plus dans aucun texte de la législation albanaise actuelle et que les droits des minorités sont garantis sur l'ensemble du territoire national sans prise en considération d'un quelconque critère géographique, ce qui serait d'ailleurs anticonstitutionnel.
Sur la question de l'éducation et de la possibilité pour les minorités d'avoir leurs propres écoles, la délégation a précisé qu'il n'y a aucun obstacle à l'ouverture d'écoles privées par des groupes minoritaires. À cet égard, elle a cité le cas de la communauté grecque qui dispose de nombreuses écoles offrant un enseignement en langue grecque depuis le primaire jusqu'au supérieur.
En ce qui concerne le droit des minorités à ouvrir des stations de radios et de télévision, un expert a relevé que certaines affirmations contenues dans le rapport sont contradictoires avec les informations recueillies par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression lors de sa visite en Roumanie.
À cet égard, la délégation a indiqué que les autorités albanaises étudient la possibilité de subventionner des initiatives visant à augmenter les temps d'antenne consacrés aux minorités dans les médias publics. Elle a en outre rappelé que les difficultés matérielles et financières touchent l'ensemble de la population albanaise sans distinction de religion ou d'appartenance nationale et que cela explique l'accès limité aux médias. La délégation a par ailleurs indiqué que des programmes dans les langues minoritaires existent sur les radios locales. En revanche, la délégation a reconnu que davantage d'efforts pourraient être déployés pour renforcer la signalisation dans les langues nationales. Un comité spécial a été constitué afin de réexaminer la législation en vigueur. L'Albanie étudie en outre la possibilité d'adhérer à la Charte européenne sur les langues régionales et minoritaires.
S'agissant de la sous-représentation des minorités dans les organes de l'État, notamment l'armée et la police, des questions ont été posées sur l'existence de limitations à la participation des minorités dans ces organes, ou plus largement dans la vie politique. À cet égard, la question a été posée de savoir si les résidents non-citoyens pouvaient participer aux élections locales.
La délégation a répondu que les non-citoyens ne peuvent pas voter. En revanche, elle a précisé que la loi sur les partis politiques en vigueur n'interdit pas la création de partis sur base ethnique.
Certains experts s'étant interrogés sur le rapport qui peut exister entre la pauvreté de certaines minorités et l'accès aux soins de santé, la délégation s'est dite consciente de la corrélation qui peut exister entre pauvreté et discrimination raciale. C'est pourquoi le Gouvernement travaille à la mise en œuvre d'une stratégie nationale pour le développement social et économique qui devrait avoir un impact positif sur les problèmes de droits de l'homme en général et de discrimination en particulier qui peuvent se poser. Dans la même optique, un des objectifs de la stratégie nationale pour les Roms est précisément l'amélioration des conditions sanitaires de cette population et, en conséquence, la réduction notamment de la mortalité infantile.
Au sujet des Roms, certains experts ont souligné une contradiction dans le rapport qui indique d'une part le fait qu'ils ne font l'objet d'aucune discrimination et, d'autre part, qu'une stratégie est en cours d'élaboration pour améliorer leur situation. Un expert a demandé si, hormis cette stratégie nationale, d'autres mesures ont été prises par le Gouvernement en faveur des Roms. Certains se sont interrogés sur la raison pour laquelle les Roms ne sont pas considérés comme une minorité nationale. À cet égard, un autre expert s'est interrogé sur la signification de l'expression «identité acceptable» qui figure au nombre des objectifs de la stratégie en cours d'élaboration.
À ce sujet, la délégation a précisé que l'idée sous-jacente de la stratégie en faveur des Roms est la création d'une identité de la minorité rom dans laquelle les valeurs culturelles et historiques de cette population seront pleinement évaluées et mises en évidence. La délégation a en outre précisé que la communauté rom n'a jamais fait l'objet de discrimination en tant que communauté. Toutefois, leur situation, en particulier en ce qui concerne l'éducation, est très en retard par rapport , a-t-elle reconnu, expliquant en partie ce retard par des considérations culturelles mais aussi sociales.
Plusieurs experts s'étant interrogés sur la minorité des «Égyptiens» et la notion d'auto-identification en tant que minorité, la délégation a reconnu que le phénomène d'auto-identification des «Égyptiens» reste mal connu. Le Gouvernement égyptien a déclaré qu'il n'existe aucune relation ethnique entre cette communauté et la population égyptienne et qu'il ne reconnaît pas de minorité égyptienne en Albanie. L'origine de cette communauté, appelée «jevgjit» (ce qui pourrait avoir donné le terme «gypsy» en anglais) reste mal connue. Ils n'ont pas de langue distinctive et son totalement intégrés dans la société albanaise. La délégation a estimé que leur reconnaître le statut de minorité ne répondrait pas aux critères objectifs et subjectifs acceptés par le Conseil de l'Europe.
En ce qui concerne le statut de la Convention dans le droits interne, la délégation a indiqué que, selon la Constitution, les Pactes et Conventions internationaux prévalent sur le droit interne. S'agissant de l'intention de l'Albanie de faire la déclaration au titre de l'article 14 donnant compétence au Comité pour examiner de plaintes, la délégation a répondu que le Ministère des affaires étrangères a entamé un processus dans ce sens et espéré que cette déclaration pourra être faite dans un avenir proche.
Des membres du Comité ont déploré l'absence d'exemples concrets d'application des peines prévues par le Code pénal en ce qui concerne la discrimination. Par ailleurs, plusieurs membres du Comité ont regretté l'absence d'information relative à la discrimination raciale frappant particulièrement les femmes et ont encouragé l'Albanie à se pencher sur cette question.
En réponse a plusieurs questions relatives aux institutions contribuant à la protection contre la discrimination raciale, la délégation a indiqué qu'un Bureau des minorités a été créé au sein du Ministère des affaires étrangères avec pour mission principale de s'assurer du respect des obligations et engagements internationaux de l'Albanie dans le domaine des droits des minorités. En outre, un département chargé des minorités a été institué au sein du Ministère de l'administration locale et de la décentralisation dont la mission est également d'identifier les problèmes des minorités, d'y trouver des solution et d'améliorer leur participation aux processus de prise de décision tant au niveau local que national. Les problèmes d'éducation des enfants des minorités nationales fait également l'objet d'une attention particulière. Le Gouvernement albanais a mis en place les fondements d'un dialogue constructif et institutionnel avec les minorités nationales qui se poursuit à travers des rencontres régulières. Celles-ci ont permis d'élaborer une politique gouvernementale pour répondre aux demandes des minorités et de jeter les bases d'un programme de travail complet et d'améliorer la situation générale des minorités en Albanie.
En ce qui concerne le Défenseur du peuple qui a commencé ses activités en juin 2000, la délégation a indiqué qu'il examine les plaintes des citoyens qui estiment que leurs droits ont été violés par l'administration. D'une façon générale, il n'a pas reçu de plaintes individuelles pour des violations des droits d'individus appartenant à des minorités ni pour des cas de discrimination. S'agissant de la question de la limitation de l'accès à certains lieux en fonction de l'appartenance ethnique, la délégation a indiqué qu'aucun cas n'a été rapporté et qu'il n'existe pas de restrictions de ce genre.
En réponse à une question sur les dispositions existantes pour punir ou prévenir l'incitation à la haine, la délégation a indiqué que toute association doit être enregistrée et pour cela présenter ses objectifs et statuts qui doivent répondre à certains critères. En outre, l'incitation à la haine est expressément punie par le Code pénal.
La délégation, rappelant sa volonté d'adhérer à l'Union européenne, a réaffirmé la détermination du Gouvernement à adopter des normes conformes à celles en vigueur dans l'Union européenne.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires sur le rapport de l'Albanie, M. de Gouttes a salué les évolutions et les efforts de ce pays pour restaurer l'état de droit après les années de dictature. Il s'est félicité de la qualité du rapport et des réponses apportées. À cet égard, il a relevé en particulier les mesures prises pour lutter contre la corruption, la criminalité et le trafic d'être humains. Il s'est félicité des efforts menés pour l'éducation et les droits culturels des minorités ainsi que de l'intention de l'Albanie de souscrire à la procédure facultative reconnaissant la compétence du Comité à recevoir et examiner des communications.
M. de Gouttes a néanmoins souhaité que des données plus précises et réactualisées soient fournies sur la population et la composition ethnique. Le Gouvernement devrait envisager de faire un recensement, sur la base du libre choix, quant à l'appartenance à une communauté ou à une autre. En outre, un réexamen des critères de définition entre minorité «nationale» et «culturelle» ou «linguistique» devrait être réalisé. Il serait souhaitable d'adapter par ailleurs la législation afin de permettre d'incriminer les actes d'incitation à la haine raciale ou de discrimination sur base raciale ou ethnique. Un effort devra également être fait pour fournir des exemples pratiques de plaintes et des données judiciaires. À cet égard, il a rappelé que l'absence de plainte n'est pas nécessairement positive car pouvant indiquer un manque de sensibilisation, d'information ou de volonté de poursuivre de tels actes. Il a encouragé le Gouvernement albanais à poursuivre ses efforts et à compléter ces informations dans son prochain rapport.
La délégation a pour sa part conclu en exprimant son appréciation pour les commentaires du Comité et en assurant qu'ils seront dûment pris en compte afin de présenter un rapport plus complet la prochaine fois.
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