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Examen de la Thaïlande au Comité contre la torture : la situation dans les prisons et des lacunes dans la loi sur la prévention et la répression de la torture figurent au nombre des préoccupations des experts

06 novembre 2024

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par la Thaïlande au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation thaïlandaise venue soutenir ce rapport, un expert a notamment salué le fait que le pays ait retiré ses déclarations interprétatives concernant les articles 1, 4 et 5 de la Convention contre la torture et qu’il ait ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le même expert a également salué l'adoption de la loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées. Il a cependant regretté que la définition donnée par cette loi n’incrimine que les « agents publics » et non les autres personnes « agissant à titre officiel » mentionnées à l'article premier de la Convention contre la torture. Il a par ailleurs relevé que la même loi n'élimine pas le délai de prescription et n'interdit pas expressément l'admissibilité des preuves obtenues par la torture, et a en outre estimé que les peines prévues par cette loi étaient insuffisantes. Si la loi a introduit certaines améliorations dans les procédures d'arrestation et de détention, ces améliorations sont appliquées de manière incohérente dans les zones rurales et les provinces frontalières du sud, où des « lois spéciales » telles que la loi martiale, le décret d'urgence et la loi sur la sécurité intérieure (ISA) restent en vigueur, a d’autre part souligné l’expert.

Regrettant par ailleurs que la loi sur les établissements pénitentiaires exempte d'emprisonnement ou d'autres sanctions pénales et civiles les agents pénitentiaires dont les actions sont jugées « de bonne foi, proportionnées, non discriminatoires et nécessaires », cet expert a fait observer que, dans la pratique, ce cadre juridique permet aux agents pénitentiaires de se livrer à des actes de torture ou à des mauvais traitements avec un risque minimal de devoir rendre des comptes.

Un autre expert du Comité a estimé que, dans la pratique, la nouvelle loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées ne semble pas suffisante pour renverser les critiques de longue date concernant le bilan de la Thaïlande en matière de réparation pour les victimes de la torture et d'obligation de rendre des comptes. Selon certains observateurs, les juges et la police comprennent mal comment la loi doit être mise en œuvre, y compris s’agissant de la définition même de la torture, a-t-il souligné. La prescription pour les faits de torture devrait être abrogée, a-t-il en outre recommandé.

Cet expert a par ailleurs relevé que le système carcéral thaïlandais fonctionnait bien au-delà de sa capacité, avec un taux d’occupation carcérale atteignant 126%, dans un contexte marqué par un manque de personnel de garde dûment formé. Il s’est d’autre part inquiété que, selon certaines informations, les autorités ne mèneraient pas d'enquêtes crédibles, sauf dans quelques cas très médiatisés, sur les décès de personnes détenues, ni sur les raisons de ces décès et l’ampleur du problème. D’autres informations font état de prisonniers contraints à des pratiques de travail et à des punitions relevant de l'exploitation, ainsi que de traitements abusifs et de conditions inhumaines dans les centres de rétention pour immigrés.

Il a par ailleurs été relevé que, selon certaines informations, la loi martiale de 2004 accordait aux forces de sécurité des pouvoirs considérables, y compris la possibilité de détenir des personnes sans mandat pendant une période pouvant aller jusqu'à sept jours sans contrôle judiciaire ; et que le décret d'urgence de 2005 autorisait des périodes de détention encore plus longues, les détenus pouvant être gardés sans inculpation jusqu'à 30 jours.

Des préoccupations ont également été exprimées concernant la détention au secret de personnes accusées de délits liés aux stupéfiants et concernant des lacunes dans le contrôle de la détention administrative de migrants en Thaïlande. Ces dernières années, a-t-il été relevé, des informations ont fait état d'expulsions massives, sans examen au cas par cas, en particulier de réfugiés du Myanmar qui avaient trouvé refuge près de la frontière.

Présentant le rapport de son pays, Mme Aimon Siangyai, Directrice générale du Département de la protection des droits et des libertés au Ministère de la justice de la Thaïlande, a souligné que la loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, entrée en vigueur en 2023, définit et interdit les actes de torture, les disparitions forcées, ainsi que les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tout en prévoyant des sanctions correspondant à la gravité de ces infractions. Les lois thaïlandaises sont ainsi alignées sur les normes internationales, a-t-elle affirmé.

La même loi introduit un certain nombre de mesures visant à prévenir la torture, notamment l'enregistrement audiovisuel tout au long de l'arrestation et de la détention, ainsi que l'enregistrement des informations relatives au détenu, y compris son état physique et mental, a précisé la cheffe de délégation.

D’autre part, pour assurer la mise en œuvre de la loi et de la Convention, le Gouvernement travaille activement à promouvoir une meilleure compréhension de leurs mérites, a poursuivi Mme Siangyai. Ainsi, a-t-elle indiqué, en 2024, le Ministère de la justice a organisé des formations à l'échelle nationale pour les agents chargés de l'application de la loi – policiers, personnel militaire, membres de la Cour de justice, fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, entre autres.

Mme Siangyai a aussi attiré l’attention du Comité sur une mesure visant à garantir que personne ne sera exonéré de la responsabilité pénale pour les actes de torture et les disparitions forcées. La loi prévoit en effet des peines d'emprisonnement et des amendes sanctionnant non seulement les auteurs directs d'actes de torture, mais aussi leurs supérieurs et complices.

La délégation thaïlandaise était également composée, entre autres, de Mme Usana Berananda, Représentante permanente de la Thaïlande auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de l’intérieur et de la santé publique. Le pouvoir judiciaire, la police, le Conseil de sécurité national et les services d’immigration thaïlandais étaient aussi représentés.

Au cours du dialogue, la délégation a notamment souligné que la loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées donnait une définition de la torture reprenant les quatre éléments constitutifs du délit de torture prévus par la Convention. De plus, le Ministère de la justice a créé plusieurs mécanismes destinés à surveiller l’application de cette loi, y compris un sous-comité habilité à mener des enquêtes, a-t-elle fait valoir.

La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités avaient lancé des réformes pour remédier à la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Thaïlande et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 22 novembre prochain.

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité achèvera l’examen du rapport de la Jordanie, entamé ce matin.

Examen du rapport de la Thaïlande

Le Comité est saisi du deuxième rapport périodique de la Thaïlande (CAT/C/THA/2), rapport établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, MME AIMON SIANGYAI, Directrice générale du Département de la protection des droits et des libertés au Ministère de la justice de la Thaïlande, a d’abord mentionné plusieurs mesures prises par son pays depuis l’examen du précédent rapport pour donner effet à ses obligations en matière de droits de l’homme en vertu de la Convention : elle a notamment cité la levée des déclarations interprétatives faites par la Thaïlande concernant les articles 1, 4 et 5 de la Convention – s’agissant en particulier de la définition et de l’incrimination de la torture – ainsi que l’adhésion du pays, en juin 2024, à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

La Directrice générale a ensuite souligné que la loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, entrée en vigueur en 2023, définit et interdit les actes de torture, les disparitions forcées, ainsi que les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, tout en prévoyant des sanctions correspondant à la gravité de ces infractions. Les lois thaïlandaises sont ainsi alignées sur les normes internationales, a-t-elle affirmé. La même loi introduit un certain nombre de mesures visant à prévenir la torture, notamment l'enregistrement audiovisuel tout au long de l'arrestation et de la détention, ainsi que l'enregistrement des informations relatives au détenu, y compris son état physique et mental, a précisé la cheffe de délégation.

Mme Siangyai a aussi attiré l’attention du Comité sur une mesure visant à garantir que personne ne sera exonéré de la responsabilité pénale pour les actes de torture et les disparitions forcées. La loi prévoit en effet des peines d'emprisonnement et des amendes sanctionnant non seulement les auteurs directs d'actes de torture, mais aussi leurs supérieurs et complices.

Mme Siangyai a d’autre part présenté la composition et le mandat du « Comité national chargé de gérer les affaires de torture et de disparition forcée », précisant notamment que cette instance avait, afin d'assurer la conformité de la pratique avec la loi, adopté un règlement concernant la captation audiovisuelle des arrestations et l'enregistrement des informations sur les détenus. Toutes les personnes bénéficient des garanties procédurales, a insisté la Directrice générale. Elle a aussi indiqué que la prévention et la suppression de la torture figuraient en tête des priorités du Plan national en faveur des droits de l’homme.

D’autre part, pour assurer la mise en œuvre de la loi et de la Convention, le Gouvernement travaille activement à promouvoir une meilleure compréhension de leurs mérites, a poursuivi Mme Siangyai. Ainsi, en 2024, le Ministère de la justice a organisé des formations à l'échelle nationale pour les agents chargés de l'application de la loi – policiers, personnel militaire, membres de la Cour de justice, fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, entre autres.

Mme Siangyai a tenu à insister sur le fait que son pays attache une grande importance au dialogue avec différentes parties prenantes. Ainsi, pour préparer le présent examen devant le Comité, les agences gouvernementales ont rencontré des organisations de la société civile afin de discuter et d’échanger des points de vue sur la mise en œuvre de la Convention. Enfin, a fait savoir la cheffe de délégation, en 2022, les agences thaïlandaises concernées ont tenu une réunion avec le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires afin de faire le point et de discuter des questions en jeu.

Questions et observations des membres du Comité

M. LIU HUAWEN, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Thaïlande, a salué le fait que le pays ait été récemment élu au Conseil des droits de l’homme, qu’il ait ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et qu’il ait retiré ses déclarations interprétatives concernant les articles 1, 4 et 5 de la Convention contre la torture.

M. Liu a également salué l'adoption de la loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées. L’expert a cependant regretté que la définition donnée par cette loi n’incrimine que les « agents publics » et non les autres personnes « agissant à titre officiel » mentionnées à l'article premier de la Convention contre la torture. Il a en outre relevé que la même loi n'élimine pas le délai de prescription et n'interdit pas expressément l'admissibilité des preuves obtenues par la torture. M. Liu a d’autre part estimé que les peines prévues par cette loi étaient insuffisantes.

La loi a introduit certaines améliorations dans les procédures d'arrestation et de détention, notamment dans les zones urbaines, où les forces de l'ordre ont mis en place un enregistrement plus rigoureux des arrestations, a poursuivi l’expert. Toutefois, a-t-il regretté, ces améliorations sont appliquées de manière incohérente dans les zones rurales et les provinces frontalières du sud, où des « lois spéciales » telles que la loi martiale, le décret d'urgence et la loi sur la sécurité intérieure (ISA) restent en vigueur.

M. Liu a regretté que la loi sur les établissements pénitentiaires exempte d'emprisonnement ou d'autres sanctions pénales et civiles les agents pénitentiaires dont les actions sont jugées « de bonne foi, proportionnées, non discriminatoires et nécessaires » : dans la pratique, ce cadre juridique permet aux agents pénitentiaires de se livrer à des actes de torture ou à des mauvais traitements avec un risque minimal de devoir rendre des comptes, a fait remarquer l’expert.

M. Liu a ensuite relevé que, selon certaines informations, la loi martiale de 2004 accordait aux forces de sécurité des pouvoirs considérables, y compris la possibilité de détenir des personnes sans mandat pendant une période pouvant aller jusqu'à sept jours sans contrôle judiciaire. Il a également relevé que le décret d'urgence de 2005 autorisait des périodes de détention encore plus longues, les détenus pouvant être gardés sans inculpation jusqu'à 30 jours. Une organisation de défense des droits de l'homme a indiqué avoir documenté, pour la période allant de janvier 2019 à décembre 2023, 721 cas de détention arbitraire présumée en vertu du décret d'urgence et de la loi martiale, a précisé l’expert.

M. Liu a fait part d’autres préoccupations concernant la détention au secret de personnes accusées de délits liés aux stupéfiants et concernant des lacunes dans le contrôle de la détention administrative de migrants en Thaïlande.

Ces dernières années, a poursuivi M. Liu, des informations ont fait état d'expulsions massives, sans examen au cas par cas, en particulier de réfugiés du Myanmar qui avaient trouvé refuge près de la frontière. Le 25 juin 2024, au moins 150 demandeurs d'asile du Myanmar ont été expulsés après avoir fui un danger imminent dans ce pays. On signale également une augmentation inquiétante des tentatives d'expulsion de défenseurs des droits de l'homme et de réfugiés dissidents, les exposant ainsi à un risque immédiat de torture ou d'autres mauvais traitements lors de leur retour dans leur pays d'origine, a souligné l’expert.

M. Liu a par ailleurs fait état de châtiments corporels, de demandes d’efforts physiques excessifs, ainsi que d’abus psychologiques à l’égard de jeunes appelés au cours de leur entraînement militaire. Alors que 19 conscrits seraient décédés entre 2014 et 2023, les victimes et leurs familles seraient confrontées à des obstacles importants pour obtenir justice, a souligné l’expert, évoquant notamment la réticence de l'armée à demander des comptes aux auteurs de ces actes, le manque de transparence des procédures de la cour martiale et une culture d'impunité omniprésente.

M. Liu a salué le règlement adopté par la Thaïlande autorisant les organisations non gouvernementales (ONG) à créer des refuges pour victimes de la traite des êtres humains ; il a en outre salué la conclusion d’accords bilatéraux avec le Cambodge, la République démocratique populaire lao et le Myanmar pour protéger les victimes de la traite transfrontalière. Cependant, a ajouté l’expert, le Comité est informé que si près de 400 Rohingya ont été identifiés comme victimes de la traite entre 2015 et 2019, seuls sept Rohingya ont été identifiés comme tels depuis 2020, alors que le nombre de Rohingya arrêtés lors de leur transit par la Thaïlande a presque triplé.

M. Liu a également fait part de préoccupations face à la persistance de la violence envers les femmes, du harcèlement en ligne de mineurs et d’autres pratiques préjudiciables telles que les mariages d’enfants et les châtiments corporels.

M. Liu a par la suite relevé que la Thaïlande était l’un des pays où l’on compte le plus de personnes en attente d’une exécution capitale. L’expert a estimé que les avocats commis d’office à la défense de certaines de ces personnes, en particulier celles condamnées pour des faits liés aux stupéfiants, n’étaient pas suffisamment formés.

M. TODD BUCHWALD, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Thaïlande, a relevé qu’une seule affaire avait été portée devant les tribunaux en vertu de la nouvelle loi sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées, adoptée il y a une année – et ce, malgré 27 allégations de torture, six allégations de disparition forcée et 24 allégations de mauvais traitements. De plus, aucun rapport n'a été mis à la disposition du public sur ces affaires ou sur les poursuites engagées dans le cadre de ces affaires. Dans la pratique, cette nouvelle loi ne semble pas suffisante pour renverser les critiques de longue date concernant le bilan de la Thaïlande en matière de réparation pour les victimes de la torture et d'obligation de rendre des comptes, a affirmé l’expert. Selon certains observateurs, les juges et la police comprennent mal comment la loi doit être mise en œuvre, y compris s’agissant de la définition même de la torture, a-t-il souligné.

M. Buchwald s’est par ailleurs interrogé sur la composition et les compétences du « Comité national chargé de gérer les affaires de torture et de disparition forcée », y compris pour ce qui est de sa capacité à enquêter sur des allégations de torture et à visiter des prisons, ou encore pour ce qui est de sa collaboration avec la société civile.

La prescription pour les faits de torture devrait être abrogée, a en outre recommandé l’expert.

M. Buchwald a par ailleurs voulu savoir si les moyens de contrainte physique, l’isolement cellulaire et d’autres mesures disciplinaires ne sont utilisés que sous surveillance médicale appropriée. Le Comité, a ajouté l’expert, reçoit toujours des informations selon lesquelles persisteraient des pratiques qui violent les normes internationales, telles que l'utilisation d'entraves à la cheville et d'autres instruments de contrainte.

M. Buchwald a ensuite relevé que le système carcéral thaïlandais fonctionnait bien au-delà de sa capacité, avec un taux d’occupation carcérale atteignant 126%, dans un contexte marqué par un manque de personnel de garde dûment formé. Quelque 73% des personnes incarcérées le sont pour des délits liés à la drogue et un quart des détenus sont en détention préventive, a relevé l’expert.

M. Buchwald a par ailleurs indiqué que, selon certaines informations, les autorités ne mèneraient pas d'enquêtes crédibles, sauf dans quelques cas très médiatisés, sur les décès de personnes détenues, ni sur les raisons de ces décès et l’ampleur du problème. D’autres informations font état de prisonniers contraints à des pratiques de travail et à des punitions relevant de l'exploitation, ainsi que de traitements abusifs et de conditions inhumaines dans les centres de rétention pour immigrés, y compris des cas de malnutrition parmi les détenus rohingya parce qu'ils reçoivent de la nourriture contenant du porc, a indiqué l’expert.

L’expert s’est d’autre part inquiété de l’utilisation par la police de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc contre des manifestants pacifiques en faveur de l'environnement lors du sommet de l'APEC à Bangkok, rendant au moins un homme aveugle à vie, sans que les responsables n’aient eu à répondre pénalement de leurs actes.

D’autres préoccupations de l’expert ont eu trait à la répression, voire l’assassinat, de militants et défenseurs des droits de l’homme. Des personnes accusées de crimes de lèse-majesté seraient victimes de menaces ou d’atteintes à leur intégrité physique, a-t-il ajouté.

M. Buchwald a par la suite demandé ce qui avait été fait pour éviter que ne se reproduise des faits tels que le massacre de Tak Bai. Il a recommandé que de tels faits ne soient pas soumis à la prescription.

Une autre experte membre du Comité a fait état de mauvais traitements qui seraient commis sur des personnes enfermées dans des établissements psychiatriques et sociaux fermés.

L’experte a par ailleurs relevé le taux particulièrement élevé de femmes détenues que connaît la Thaïlande. Elle a demandé si le pays appliquait les règles de Bangkok s’agissant du traitement des détenues et de l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord décrit le processus d’élaboration de la législation sur la prévention et la répression de la torture, impliquant la participation de la société civile. La loi [sur la prévention et la répression de la torture et des disparitions forcées] contient une définition de la torture reprenant les quatre éléments constitutifs du délit de torture prévus par la Convention, a-t-elle précisé. Le Ministère de la justice a créé plusieurs mécanismes destinés à surveiller l’application de cette loi, y compris un sous-comité habilité à mener des enquêtes et d’autres instances chargées de venir en aide aux victimes, a fait valoir la délégation.

Aucune circonstance, pas même la guerre ni l’instabilité nationale, ne peut être invoquée pour justifier un acte de torture, a-t-il été précisé. En cas de disparition forcée, les enquêtes seront menées pour faire toute la lumière sur l’affaire et le délai de prescription ne courra qu’à partir du moment où le sort de la personne concernée est connu.

La loi sur la torture de 2022 prévoit que toute personne placée en détention doit être protégée contre les mauvais traitements et la disparition forcée, a par la suite souligné la délégation, avant de préciser que les interrogatoires de police sont enregistrés.

Les lois spéciales en matière de sécurité interne adoptées en 2008 autorisent le juge, et non la police, à placer une personne en détention pendant sept jours, le cas devant être réévalué au terme de ce délai. Les personnes concernées ont droit à une indemnisation si la détention n’était pas fondée, a indiqué la délégation.

Le Code de procédure pénale dispose que, sauf exceptions en nombre limité et si cela bénéficie à l’administration de la justice, les preuves obtenues sous la torture ou par la menace ne sont pas admises par les tribunaux, a indiqué la délégation. Elle a cité plusieurs décisions des tribunaux confirmant cette interdiction et a précisé qu’une commission a été chargée de passer en revue les conditions d’admission des preuves.

Le Ministère de la justice est prêt à collaborer avec des organismes internationaux au renforcement de la formation des fonctionnaires concernés aux dispositions de la Convention, a fait savoir la délégation.

Les mesures de contrainte ou contention sont limitées à des cas limités de détenus présentant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, a poursuivi la délégation. La nécessité de ces mesures doit être réexaminée tous les quinze jours, a-t-elle ajouté. Les chaînes ne sont pas utilisées sur les personnes en attente d’une exécution capitale, et l’isolement disciplinaire ne peut durer plus de trente jours, a-t-elle précisé.

Les autorités ont pris des mesures pour améliorer la situation des femmes détenues, a d’autre part souligné la délégation. Le département correctionnel fait en sorte que les 107 prisons accueillant des femmes détenues respectent les règles de Bangkok, a-t-elle assuré. Les femmes enceintes détenues peuvent recevoir des soins prénataux à l’hôpital, a-t-elle ajouté.

Les autorités ont lancé des réformes pour remédier à la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, a poursuivi la délégation. Les détenus qui ne présentent pas de danger pour la société peuvent ainsi bénéficier de mesures alternatives à la détention, a-t-elle précisé.

La délégation a ensuite assuré que chaque décès en prison faisait l’objet d’une enquête minutieuse, y compris une autopsie si la famille du défunt y consent. S’il y a des raisons de croire que la mort est due à un gardien ou à un policer, une commission d’établissement des faits est constituée, qui est habilitée à prononcer des sanctions le cas échéant, a-t-elle expliqué. Sur 36 cas signalés [de décès en prison], un seul a pu être imputé à un acte commis par un policier, a-t-il été précisé par la suite.

La délégation a en outre décrit le dispositif mis en place pour assurer les soins de santé aux personnes détenues, évoquant notamment l’ouverture de 141 unités de soins infirmiers et de plusieurs services de prise en charge des addictions, ainsi que la possibilité de transférer les détenus malades vers des établissements civils.

Les autorités ont décidé d’accélérer le rythme des procédures judiciaires pour faire baisser le nombre de personnes détenues en attente de jugement, a ensuite indiqué la délégation.

Le service pénitentiaire examine avec le plus grand sérieux les allégations de travail forcé dans les prisons, a d’autre part déclaré la délégation. Des directives ont été émises concernant l’emploi et la réinsertion sociale des détenus, ainsi que l’encadrement des conditions d’emploi et de rémunération en prison, a-t-elle fait savoir.

Les personnes détenues qui s’estiment victimes de mauvais traitements peuvent se plaindre par écrit ou par oral, de manière confidentielle, a fait savoir la délégation, avant d’assurer que toutes les plaintes font l’objet d’enquêtes. Quatorze agents pénitentiaires ont été sanctionnés pour avoir fait un usage abusif de la force, a-t-elle indiqué.

La délégation a ensuite souligné que tout acte de torture ou de disparition forcée émanant d’un fonctionnaire de la police était érigé en crimes. Tous les agents reçoivent une formation aux règlements en vigueur et risquent de fortes sanctions en cas de faute, a-t-elle ajouté. Les policiers sont tenus de s’identifier, a-t-elle précisé. Le grand public est, parallèlement, informé de son droit de porter plainte en cas de manquement des policiers, a-t-elle complété. La délégation a cité plusieurs cas de fonctionnaires et policiers – y compris de haut rang – ayant été poursuivis devant la justice pour avoir enfreint la législation sur la prévention des actes de torture.

La délégation a ensuite indiqué que la loi de 2015 sur le droit de manifester tenait compte de la nécessité de respecter le droit à la liberté d’expression, lequel est reconnu par la Constitution. C’est pourquoi un très grand nombre de policiers ont été formés à la manière de recourir à la force dans le contexte de manifestations, tandis que le public lui-même a été informé de ses droits dans le même contexte. La police est en particulier tenue de respecter le principe d’usage proportionné de la force, des sanctions étant prévues en cas de manquement, a indiqué la délégation.

Toute personne qui serait victime de torture, de mauvais traitements ou de disparition forcée bénéficie d’un soutien et de mesures de réparation, a ensuite souligné la délégation. Le grand public est tenu au courant des incidents, crimes graves ou erreurs intervenus par le passé, il y a parfois plus de vingt ans, et sur lesquels les autorités mènent des enquêtes, a-t-elle indiqué, précisant qu’un ancien chef des armées et le Premier Ministre de l’époque avaient présenté des excuses aux victimes. Les familles ayant perdu des proches ont reçu l’équivalent de 200 000 dollars des États-Unis, a ajouté la délégation. Un député a été traduit en justice, a-t-elle en outre indiqué. Les autorités s’efforcent de combler toutes les lacunes en matière de protection pour que de tels faits ne se reproduisent plus, a assuré la délégation.

La délégation a fourni des explications sur la manière dont les autorités repèrent, identifient puis prennent en charge les victimes de la traite des êtres humains, lesquelles sont accueillies dans des refuges où elles bénéficient de soins de santé, de mesures de protection et d’autres services. Les victimes ont certaines obligations, a ajouté la délégation.

Il a d’autre part été indiqué que les autorités évaluent régulièrement les mesures de sécurité supplémentaires prises dans les zones frontalières et dans la province du sud, soit 18 districts actuellement contre 33 auparavant. Le décret d’état d’urgence de 2005, qui concerne plusieurs provinces, fait lui aussi l’objet de réévaluations trimestrielles ; les mesures sécuritaires restrictives sont levées quand la situation le permet. Toutes ces mesures répondent au principe de proportionnalité, a assuré la délégation.

Des visites sont effectuées avec l’Organisation de la coopération islamique dans la province du sud et les zones frontalières pour mieux comprendre ce qu’il s’y passe, a ajouté la délégation.

La Thaïlande prend des mesures pour localiser ses ressortissants disparus à l’étranger, a en outre indiqué la délégation en réponse à une question de M. Buchwald. Elle a mentionné plusieurs enquêtes en cours au sujet de personnes disparues, ainsi que le programme de protection des témoins et proches de victimes de disparition forcée.

La Thaïlande est attachée au principe de non-refoulement d’une personne vers un pays où elle risquerait de subir la torture, a d’autre part souligné la délégation. Le parquet a organisé des formations sur cette question à l’intention des fonctionnaires de justice et de police ainsi que des membres des forces armées.

Les personnels des établissements de soins psychiatriques doivent avoir suivi une formation appropriée et les moyens de contrainte ne peuvent être utilisés qu’à certaines conditions, en particulier si une personne présente un risque pour elle-même ou pour autrui, a par ailleurs indiqué la délégation. De même, les foyers pour personnes âgées doivent répondre à des normes de qualité en matière de soins et d’accueil, a-t-elle ajouté.

Le Parlement examine actuellement un projet de loi interdisant les châtiments corporels sur les enfants, a fait valoir la délégation.

Avant d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le Gouvernement mène un travail d’information et de sensibilisation des acteurs concernés par le fonctionnement d’un mécanisme national de prévention de la torture, a d’autre part expliqué la délégation.

D’autres explications ont été données s’agissant du renforcement de l’institution nationale des droits de l’homme conformément aux recommandations en ce sens de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme ; ainsi que de la protection des défenseurs des droits de l’homme.


Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l’information; il ne constitue pas un document officiel.
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