Actualités Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme se penche sur la situation en Ukraine, où il est informé que les autorités russes ont commis des crimes de guerre, et sur la situation en République populaire démocratique de Corée
20 mars 2023
Après avoir achevé, en entendant plusieurs délégations*, son dialogue entamé ce matin avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, Mme Elizabeth Salmon. Il a ensuite engagé son dialogue avec le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, M. Erik Møse.
Présentant le rapport de la Commission qu’il préside, M. Møse a notamment indiqué que les enquêtes de la Commission ont démontré que les autorités russes ont commis en Ukraine un large éventail de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme, dont bon nombre constituent des crimes de guerre. En ce qui concerne les forces armées ukrainiennes, la Commission a documenté un petit nombre de violations, a-t-il ajouté.
Depuis le 10 octobre 2022, a précisé M. Møse, les forces armées russes ont lancé des vagues d'attaques disproportionnées contre les infrastructures énergétiques en Ukraine, ce qui constitue des crimes de guerre. Les enquêtes complémentaires de la Commission ont confirmé l'existence d'un schéma généralisé d'exécutions sommaires dans les zones contrôlées par les forces armées russes dans 17 localités des régions de Chernihiv, Kharkiv, Kyiv et Sumy, a par ailleurs indiqué le Président de la Commission. La torture et les traitements inhumains infligés aux détenus, principalement des hommes, ont également été systématiques à l'encontre de certaines catégories de personnes, en particulier celles soupçonnées d'apporter un quelconque soutien aux forces armées ukrainiennes, a-t-il ajouté. En plus de constituer des crimes de guerre et des violations des droits de l'homme, la Commission constate que ces actes peuvent constituer des crimes contre l'humanité et recommande de poursuivre les enquêtes, a indiqué M. Møse.
La Commission n'a pas été en mesure de vérifier les différents chiffres fournis par les parties concernant les transferts forcés et la déportation d'enfants, mais elle a conclu que les situations qu'elle a examinées violent le droit humanitaire international et constituent des crimes de guerre, a poursuivi le Président de la Commission.
Suite à cette présentation, l’Ukraine et l’institution nationale des droits de l’homme de l’Ukraine ont fait des déclarations, avant que de nombreuses délégations*** n’engagent le dialogue avec M. Møse.
Présentant son rapport, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, a quant à elle souligné que, si au cours de la dernière décennie, certains progrès avaient certes été enregistrés en termes d’engagement avec ce pays, depuis la fermeture des frontières début 2020, en revanche, « notre engagement et l’accès à l’information sont au plus bas ». En effet, cette fermeture des frontières a permis aux autorités de resserrer le contrôle sur la population et de donner la priorité à la mise au point de systèmes d’armement, a-t-elle affirmé.
En République populaire démocratique de Corée, l’accès à la nourriture, aux médicaments et aux soins de santé demeure une préoccupation prioritaire, a signalé Mme Salmon. La Rapporteuse spéciale a suggéré à la communauté internationale une approche des violations des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée axée sur le double volet de la reddition de comptes et de l’engagement.
Mme Salmon a ensuite notamment attiré l’attention sur la situation des femmes prisonnières en République populaire démocratique de Corée - en particulier celles détenues sur des bases « politiques » - qui sont détenues dans des conditions inhumaines et sont soumises, par les agents de l’État, à la torture, aux mauvais traitements, au travail forcé et aux violences fondées sur le genre. Elle a également attiré l’attention sur le sort des femmes nord-coréennes qui traversent les frontières internationales.
Depuis l’année dernière, la République populaire démocratique de Corée a de plus en plus attiré l’attention internationale en raison de ses provocations sans précédent en matière d’armement, a ensuite fait remarquer la Rapporteuse spéciale, avant de rappeler que les droits de l’homme et la paix et la sécurité sont intimement liés.
De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue avec Mme Salmon.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil poursuivra son dialogue avec le Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine.
Fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran
Aperçu du dialogue
Nombre de délégations ont réaffirmé que le peuple iranien avait le droit de s'exprimer, de manifester librement et pacifiquement et d'exercer ses droits civiques sans être réprimé, détenu ou tué. Elles ont dénoncé la réaction disproportionnée des autorités iraniennes aux manifestations qui ont suivi la mort de Mahsa Amini, y compris par l'application de la peine de mort et l’exécution de jeunes gens sans procédure régulière. Plusieurs délégations ont repris à leur compte l'appel lancé par le Rapporteur spécial en faveur d’un moratoire immédiat sur la peine de mort.
Ont également été condamnées la répression exercée contre des manifestants baloutches et la persécution de fidèles bahaïs en Iran. Plus de la moitié des personnes tuées depuis le début des manifestations sont originaires de provinces peuplées de Baloutches et de Kurdes, ont relevé plusieurs organisations non gouvernementales (ONG). L'Iran doit garantir le respect des droits humains de tous, y compris des personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, et veiller à ce que les auteurs de violations des droits de l'homme rendent compte de leurs actes, a-t-il été demandé.
L’Iran a été appelée à mettre en œuvre ses engagements internationaux et à coopérer avec les mécanismes créés par ce Conseil, de même qu’à libérer les personnes que le pays détient de façon arbitraire.
Certains intervenants ont pour leur part dénoncé l'imposition de mandats visant des pays spécifiques sans le consentement de ces pays, ainsi qu’une politisation des droits de l'homme. A également été critiquée la démarche du Rapporteur spécial, qui appelle au renforcement des sanctions contre l'Iran et passe sous silence les effets des mesures coercitives unilatérales qui frappent ce pays.
* Liste des intervenants : Espagne, Albanie, Nouvelle-Zélande, Italie, Malte, République démocratique populaire lao, Monténégro, Australie, Bélarus, Roumanie, Syrie, Cuba, Nicaragua, Ukraine, Niger, Fédération de Russie, France, Argentine, Baha’i International Community, The Institute for Protection of Women's Rights, Women's Human Rights International Association, International Educational Development, Inc., International Bar Association, International Harm Reduction Association (IHRA), Article 19, Organization for Defending Victims of Violence et Fédération internationale des ligues de droits de l’homme.
Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial
M. JAVAID REHMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, a regretté que malgré tous ses efforts, les autorités iraniennes ne coopèrent pas avec son mandat et lui refusent l’accès au pays. Il a assuré que son rapport n’est pas politisé, mais bien le fruit d’enquêtes indépendantes et approfondies sur des violations des droits de l’homme en Iran.
Concernant les mesures coercitives unilatérales, M. Rehman a souligné que son rapport mentionnait les conséquences des sanctions qui frappent l’Iran sur la jouissance des droits de l’homme dans le pays, notamment dans les domaines de l’alimentation et de la santé. Toutefois, a ajouté le Rapporteur spécial, les mesures coercitives unilatérales ne sauraient justifier que les femmes soient humiliées, que des centaines de personnes soient exécutées ni que des minorités ethniques et religieuses soient soumises à la discrimination.
M. Rehman a appelé les autorités iraniennes à cesser la violence contre les manifestants. Les responsables de la mort de Mahsa Amini doivent répondre de leurs actes et les autorités au plus haut niveau assumer la responsabilité dans les décès de manifestants, a demandé M. Rehman. Il a aussi appelé à la libération immédiate et sans condition des manifestants pacifiques détenus.
Le Rapporteur spécial a par ailleurs fait part de ses préoccupations devant des actes de torture et assassinats de membres de communautés religieuses et ethniques, notamment des Kurdes et des Baloutches, dans un contexte de persécution systématique des minorités iraniennes.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée
Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (A/HRC/52/65, à paraître en français).
Présentation du rapport
Présentant ce qui est son premier rapport, MME ELIZABETH SALMON, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, a décrit la situation qui prévaut en République populaire démocratique de Corée et a souligné que, si au cours de la dernière décennie, certains progrès avaient certes été enregistrés en termes d’engagement avec ce pays, depuis la fermeture des frontières début 2020, en revanche, « notre engagement et l’accès à l’information sont au plus bas ». En effet, cette fermeture des frontières a permis aux autorités de resserrer le contrôle sur la population et de donner la priorité à la mise au point de systèmes d’armement.
En République populaire démocratique de Corée, l’accès à la nourriture, aux médicaments et aux soins de santé demeure une préoccupation prioritaire, a signalé la Rapporteuse spéciale, ajoutant que des personnes étaient mortes de froid au cours des vagues de froid en janvier et que les femmes avaient perdu leurs moyens de subsistance à cause de la baisse des activités sur les marchés. Le pays a aussi accru les sanctions encourues par ceux qui accèdent à des informations en provenance de l’extérieur, limité les voyages à l’intérieur du pays et renforcé encore la sécurité aux frontières en introduisant notamment une politique du « tir à vue ». En raison de ces fermetures de frontières, plus d’un millier de Nord-coréens ayant fui le pays sont détenus pour une durée indéterminée en Chine, a fait observer la Rapporteuse spéciale. En outre, a-t-elle ajouté, les personnes rapatriées par la force courent le risque d’être envoyées dans des camps-prisons politiques (kwanliso) et leur punition dépend de si les autorités estiment ou non qu’elles ont l’intention de fuir vers la République de Corée. Il est indispensable que le rapatriement forcé par des pays tiers cesse, conformément au principe de non-refoulement, ce qui relève du droit coutumier international et s’applique également aux migrants économiques irréguliers, indépendamment du statut de réfugié, a souligné Mme Salmon.
Mme Salmon a suggéré à la communauté internationale une approche des violations des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée axée sur le double volet de la reddition de comptes et de l’engagement. La communauté internationale devrait déployer des efforts répétés en vue d’un réengagement avec la République populaire démocratique de Corée « dans l’intérêt des droits de l’homme du peuple nord-coréen », a-t-elle plaidé. La communauté internationale devrait aussi prendre des mesures et plaider pour qu’il soit mis un terme à l’impunité et que soit assurée l’obligation redditionnelle, y compris par des poursuites pénales, a-t-elle ajouté, plaidant de nouveau pour renvoyer des affaires devant la Cour pénale internationale et appelant dans ce contexte les Etats Membres, y compris la République de Corée, à envisager des stratégies pour poursuivre des responsables de haut rang ou de rang inférieur.
Mme Salmon a recommandé au Conseil des droits de l’homme de faire pression en vue de la tenue de négociations globales avec la République populaire démocratique de Corée, incluant non seulement la paix et la sécurité mais aussi le développement économique et les questions humanitaires et de droits de l’homme.
Après avoir indiqué qu’au cours de son mandat, elle entendait adopter une approche centrée sur les victimes en mettant l’accent sur des segments spécifiques de la population, Mme Salmon s’est penchée sur la situation des femmes et des filles, qu’elle a identifiées comme priorité majeure de son mandat. A cet égard, les femmes prisonnières, en particulier celles détenues sur des bases « politiques », sont détenues dans des conditions inhumaines et sont soumises, par les agents de l’État, à la torture, aux mauvais traitements, au travail forcé et aux violences fondées sur le genre, a notamment affirmé la Rapporteuse spéciale, avant d’attirer également l’attention sur le sort des femmes nord-coréennes qui traversent les frontières internationales.
Depuis l’année dernière, la République populaire démocratique de Corée a de plus en plus attiré l’attention internationale en raison de ses provocations sans précédent en matière d’armement, a ensuite fait remarquer la Rapporteuse spéciale. Compte tenu du niveau de tension actuelle et de l’absence de bons canaux de communication avec la République populaire démocratique de Corée, tout mauvais pas en matière de sécurité risquerait de conduire à une escalade d’envergure aux conséquences draconiennes pour les droits de l’homme, a-t-elle averti. Dès lors, a affirmé Mme Salmon, il est urgent de se pencher sur les préoccupations liées aux droits de l’homme dans d'éventuelles négociations sur la dénucléarisation, et d'œuvrer en faveur d’une résolution pacifique des tensions, car les droits de l’homme et la paix et la sécurité sont intimement liés.
En conclusion, la Rapporteuse spéciale a prévenu que l’impasse actuelle en termes de dialogue et de diplomatie favorise non seulement la détérioration de la situation des droits de l’homme, mais aussi la mise au point du programme d’armement, notamment nucléaire.
Aperçu du dialogue
L’isolement de la République populaire démocratique de Corée a des conséquences dévastatrices sur les droits de l’homme de l’ensemble de la population du pays, a-t-il été souligné. Les délégations qui se sont exprimées durant ce dialogue se sont particulièrement inquiétées de la situation des femmes et des filles en République populaire démocratique de Corée, s’agissant en particulier des agressions sexuelles et des viols, ainsi que de la culture de l’impunité qui prévaut. La République populaire démocratique de Corée a été exhortée, en particulier, à mettre fin aux abus dans les centres de détention et à permettre l’accès à une assistance juridique et à un procès équitable, notamment en cas de violences sexuelles et sexistes.
Face à l’oppression systématique et généralisée exercée par l’État, la République populaire démocratique de Corée a été appelée à mettre en œuvre les recommandations de la Rapporteuse spéciale. D’aucuns ont plaidé pour que le pays autorise une visite de cette dernière.
Des intervenants ont déploré la part disproportionnée du budget étatique consacrée à la militarisation du pays et à l’armement, notamment nucléaire. A ainsi été dénoncée la situation humanitaire précaire du pays du fait du détournement des ressources financières vers un programme d’armement nucléaire aux dépens du bien-être de la population. D’aucuns ont dénoncé l’accélération par le pays de son programme d’essais balistiques et ont exigé que la République populaire démocratique de Corée mette fin à cette tendance et renoue le dialogue avec les mécanismes onusiens.
Face à la détérioration de la situation humanitaire en République populaire démocratique de Corée, les États ont été exhortés à respecter le principe de non-refoulement des réfugiés.
Une délégation s’est enquise des résultats des mesures prises par la République populaire démocratique de Corée pour faire face à la pandémie de COVID-19.
Une délégation a plaidé pour la levée des mesures coercitives contre la République populaire démocratique de Corée et a affirmé que les Nord-Coréens qui entrent illégalement sur son territoire ne sont pas des réfugiés.
Plusieurs intervenants ont déploré le maintien de ce mandat [de rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée], une délégation rejetant le rapport présenté par la Rapporteuse spéciale, qu’elle a jugé sélectif et partial. Il faut s’abstenir de toute ingérence dans les affaires internes des États sous prétexte de protection des droits de l’homme, a-t-il été ajouté.
**Liste des intervenants : Albanie, Australie, Bélarus, Burundi, Cambodge, Cuba, États-Unis, France, Irlande, Iran, Israël, Japon, Liechtenstein, Nicaragua, Norvège (au nom des pays nordiques et baltes), Nouvelle-Zélande, Pérou, République de Corée, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Suisse, Syrie, Soudan du Sud, Ukraine, Venezuela, Viet Nam, Zimbabwe, Center for Global nonkilling, Ingénieurs du monde, Human Rights Watch, Christian Solidarity Worldwide, International Federation for Human Rights, United Nations Watch, People for Successful Korean Reunification.
Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale
MME SALMON a assuré n’avoir aucun préjugé ni aucune idée préconçue et a indiqué qu’elle entendait travailler de manière indépendante et impartiale. La Rapporteuse spéciale a ajouté qu’elle espérait pouvoir coopérer avec les autorités de la République populaire démocratique de Corée lorsqu’elles le jugeront opportun.
Mme Salmon a souligné que la promotion des droits de l’homme est fondamentale pour la paix et la sécurité internationales. Elle a par ailleurs rappelé que la République populaire démocratique de Corée avait accepté l’écrasante majorité des recommandations qui lui avaient été adressées dans le cadre de son dernier Examen périodique universel (EPU) ; il est temps d’en évaluer la mise en œuvre, a-t-elle estimé.
Dialogue avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine
Le Conseil est saisi du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine (A/HRC/52/62, à paraître en français).
Présentation du rapport
Le rapport a été présenté par M. ERIK MØSE, Président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine. M. Møse a indiqué que les enquêtes de la Commission ont démontré que les autorités russes ont commis en Ukraine un large éventail de violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme, dont bon nombre constituent des crimes de guerre.
En ce qui concerne les forces armées ukrainiennes, la Commission a documenté un petit nombre de violations, a-t-il ajouté. Outre deux cas de crimes de guerre impliquant des tirs, des blessures et la torture de prisonniers de guerre russes, déjà mentionnés en septembre, la Commission a trouvé des cas où les forces armées ukrainiennes ont probablement mené des attaques aveugles contre la ville d'Izium et, dans certains cas, n'ont pas pris les précautions nécessaires pour éviter de mettre en danger des civils.
La Commission a confirmé ses conclusions précédentes sur la conduite des hostilités par la Fédération de Russie après avoir enquêté sur 25 attaques à l'aide d'armes explosives dans des zones peuplées de neuf régions ; elle a constaté que les civils avaient subi des dommages considérables, a indiqué M. Møse. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a indiqué que 90,3 % de toutes les victimes sont dues à ces attaques, a-t-il précisé.
De plus, depuis le 10 octobre 2022, les forces armées russes ont lancé des vagues d'attaques disproportionnées contre les infrastructures énergétiques en Ukraine, ce qui constitue des crimes de guerre, a rappelé M. Møse. La Commission recommande de poursuivre les enquêtes afin de déterminer si tous les éléments constitutifs des crimes contre l'humanité sont ici pleinement réunis.
Les enquêtes complémentaires de la Commission ont confirmé l'existence d'un schéma généralisé d'exécutions sommaires dans les zones contrôlées par les forces armées russes dans 17 localités des régions de Chernihiv, Kharkiv, Kyiv et Sumy, le nombre le plus élevé étant enregistré dans la région de Kyiv, a indiqué le Président de la Commission.
La torture et les traitements inhumains infligés aux détenus, principalement des hommes, ont également été systématiques à l'encontre de certaines catégories de personnes, en particulier celles soupçonnées d'apporter un quelconque soutien aux forces armées ukrainiennes. En plus de constituer des crimes de guerre et des violations des droits de l'homme, la Commission constate que ces actes peuvent constituer des crimes contre l'humanité et recommande de poursuivre les enquêtes, a indiqué M. Møse.
En ce qui concerne les violences sexuelles et sexistes, la Commission a documenté des cas concernant des femmes, des hommes et des filles en Ukraine et dans la Fédération de Russie. Les violences sexuelles touchent principalement les femmes lors des perquisitions et les hommes lors de leur détention. Les viols commis lors des perquisitions ont été commis sous la menace d'une arme, avec une extrême brutalité et des actes de torture supplémentaires. En détention, les preuves montrent que les violences sexuelles ont constitué des actes de torture, a ajouté M. Møse.
La Commission n'a pas été en mesure de vérifier les différents chiffres fournis par les parties concernant les transferts forcés et la déportation d'enfants, mais elle a conclu que les situations qu'elle a examinées violent le droit humanitaire international et constituent des crimes de guerre, a poursuivi le Président de la Commission. Les autorités russes ont violé leur obligation de faciliter par tous les moyens possibles le regroupement des familles et ont retardé de manière injustifiée le rapatriement des civils, a-t-il ajouté. En outre, a-t-il indiqué, la Commission a constaté que les mesures juridiques et politiques prises dans la Fédération de Russie semblent créer un cadre qui amènera certains enfants à rester en permanence dans le pays.
La Commission recommande à l’Ukraine d’adopter une stratégie en matière de poursuites judiciaires compatible tant avec les ressources limitées qu’avec l'énorme charge de travail. Outre les mesures judiciaires, la Commission est convaincue que d'autres dimensions de la responsabilité, notamment la vérité, les réparations et les garanties de non-répétition, sont essentielles. La priorité doit être donnée à un registre des victimes et à un soutien par des services de santé mentale et des services psychosociaux, a souligné M. Møse.
Pays concerné
L’Ukraine a observé que la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine avait recueilli un ensemble de preuves qui montrent que la Fédération de Russie a commis un large éventail de violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire, nombre de ces actes constituant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
Dans ce contexte, l'Ukraine a dit avoir lancé une action impliquant tous les mécanismes et institutions nationaux et internationaux concernés afin de s'assurer que la Fédération de Russie n'échappe pas à la justice. À cet égard, l’Ukraine a estimé que les mandats d'arrêt délivrés récemment par la Cour pénale internationale à l'encontre de M. Poutine et de « la soi-disant Commissaire aux droits de l'enfant » russe, Mme Lvova-Belova, constituaient un premier pas vers la traduction en justice « des pires criminels de guerre et de leurs complices ».
L’Ukraine a dit attendre de la Commission d'enquête qu’elle se concentre sur les répercussions humanitaires des attaques systématiques de la Fédération de Russie contre les infrastructures civiles et énergétiques de l'Ukraine, sur l'implication du Bélarus dans la facilitation des attaques militaires contre l'Ukraine et sur les déportations de personnes hors du territoire ukrainien. L’Ukraine a demandé que la Commission se penche sur le transfert forcé d'enfants ukrainiens sur le territoire de la Fédération de Russie et leur endoctrinement dans des prétendus « camps de rééducation ». La délégation ukrainienne a appelé le Conseil des droits de l'homme à prolonger le mandat de la Commission.
L’institution nationale de droits de l’homme de l’Ukraine a estimé, pour sa part, que la séquestration et la torture d'enfants ukrainiens, de même que le déplacement forcé d’enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie, relevaient du génocide au sens de l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et devaient faire l'objet d'une enquête. L’institution a demandé à la Commission d’enquêter sur les tortures infligées à des prisonniers de guerre ukrainiens puis leur exécution massive à Olenivka.
Aperçu du dialogue
Des délégations ont jugé choquante l'ampleur des souffrances endurées par les civils en Ukraine du fait des forces armées russes, tandis que les preuves d'attaques aveugles, de tortures et de mauvais traitements systématiques s'accumulent et que les violences sexuelles touchent des victimes de tous âges. Certaines des violations commises par les forces russes – telles que les homicides volontaires, les attaques contre les civils, les détentions illégales, les viols, les transferts forcés et les déportations d'enfants – peuvent constituer des crimes de guerre, a souligné une délégation ; d’autres, telles que les vagues d'attaques contre les infrastructures énergétiques de l'Ukraine et le recours à la torture, peuvent constituer des crimes contre l'humanité, a-t-elle ajouté.
L’impunité des auteurs de crimes internationaux est inimaginable, a-t-il été affirmé. Des délégations ont soutenu la création d'un tribunal spécial sur le crime d'agression, estimant que l'agression était en fin de compte à l'origine de tous les autres crimes internationaux commis en Ukraine. D’autres délégations ont dit souscrire à l'appel de la Commission d’enquête en faveur d'une approche globale de la responsabilité, qui englobe à la fois la responsabilité pénale et le droit des victimes à la vérité, à la réparation et à la non-répétition.
De nombreux intervenants ont condamné les transferts forcés et les déportations d'enfants ukrainiens vers les territoires contrôlés par la Fédération de Russie et vers la Fédération de Russie elle-même, ainsi que l’adoption de force d'enfants par des familles russes. Ces actes constituent des violations flagrantes du droit international et doivent cesser immédiatement, a-t-il été affirmé. D’aucuns ont pris note de la décision de la Cour pénale internationale de délivrer des mandats d'arrêt à l'encontre de deux personnes pour des crimes présumés de déportation et de transfert illégaux d'enfants dans le contexte de la situation en Ukraine. La Commission d’enquête a été priée de suggérer comment il peut être mis fin aux déportations d’enfants vers la Fédération de Russie, comment ces enfants peuvent être identifiés et comment il est possible de les faire rentrer en Ukraine.
La Fédération de Russie a été appelée à cesser « immédiatement, complètement et inconditionnellement » son agression en cours, de même qu’à respecter pleinement la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues.
La communauté internationale a quant à elle été appelée à faire en sorte que l’insécurité alimentaire soit évitée et ne soit en aucun cas utilisée comme une arme de guerre.
Faisant part de sa préoccupation devant l’instabilité générée par la situation en Ukraine, une délégation a plaidé pour un règlement politique de la crise et pour la prise en compte des préoccupations de sécurité des États.
Un autre intervenant a mis en garde contre les « pays hégémoniques » de l'OTAN qui arment l'Ukraine, estimant que cette « manœuvre perverse » prolongerait le conflit, avec des « conséquences inimaginables ».
*** Liste des intervenants : Lituanie (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Albanie (au nom d'un groupe de pays), Lituanie (au nom d'un groupe de pays), ONU Femmes, Liechtenstein (au nom d'un groupe de pays), États-Unis, Finlande (au nom d'un groupe de pays), Irlande, Ordre souverain de Malte, Allemagne, République tchèque, Estonie, République de Corée, Japon, Portugal, France, Belgique, Chine, Lettonie, Luxembourg, Suisse, Chypre, Costa Rica, Israël, Macédoine du Nord, Canada, Pologne, Venezuela et Slovaquie.
VOIR CETTE PAGE EN :