Contexte
Il y a plus de 40 ans, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes est entrée en vigueur dans le but d'intégrer la moitié de l'humanité dans son champ d'application, en garantissant l'égalité des droits des femmes à jouir de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques. Bien que des progrès aient été mesurés dans la jouissance de ces droits, les femmes et les filles du monde entier continuent d'être privées du droit le plus fondamental : le droit à la vie.
Les féminicides, qui comptent parmi les formes les plus graves de violence à l'encontre des femmes et des filles, sont perpétrés dans de nombreuses régions du monde. Les féminicides sont la manifestation la plus extrême des formes existantes de violence fondée sur le genre, puisqu’il s'agit du meurtre de femmes et de filles motivé par des considérations liées au genre. Les motifs liés au genre font référence aux facteurs sous- jacents qui rendent les femmes et les filles plus vulnérables, notamment la discrimination, la marginalisation sociale et économique et le manque d'accès à un logement sûr et abordable (A/HRC/35/23, paragraphe 54).
La plupart des féminicides résultent de la violence exercée par le partenaire intime ; toutefois, les féminicides se manifestent de diverses manières. Ils peuvent notamment se traduire par des meurtres liés à la notion d'honneur, à la dot, ainsi que par l'infanticide féminin, entre autres. Ce terme ne fait pas référence à tous les meurtres intentionnels dont les victimes sont des femmes et des filles, mais impose la nécessité de procéder à une analyse qui tient compte de la dimension genrée des faits afin de déterminer si les causes sous-jacentes sont enracinées dans les inégalités et discriminations basées sur le genre. Le décès d'une femme suite à un accident de voiture ou le meurtre d’une femme comme conséquence indirecte d'un crime peut ne pas être considéré un féminicide. En revanche, le meurtre d'une femme basé sur des soupçons de relations extraconjugales avec un ou une autre partenaire peut être analysé et catégorisé comme féminicide. Par ailleurs, les États peuvent être complices ou auteurs de féminicides. Par exemple, le fait qu'un État ne prévienne pas les actes de féminicide et/ou n'enquête pas de manière efficace et efficiente sur ces actes peut constituer une violation du droit international en matière de droits humains.
Le taux réel de féminicide est inconnu, notamment du fait que les meurtres motivés par des considérations de genre ne sont souvent pas distingués parmi l’ensemble des meurtres perpétrés. Le Rapporteur Spécial estime que le fait de reconnaître le féminicide comme une forme particulière de meurtre qui trouve ses racines dans les discriminations basées sur le genre permet de l'identifier, notamment grâce à des signes, des caractéristiques et des manifestations spécifiques. Adopter une perspective sexospécifique et de genre, ainsi que des protocoles spécialisés dans les enquêtes sur les meurtres de femmes et de filles à l’instar du Protocole modèle latino-américain de 2014 concernant les enquêtes sur les meurtres de femmes liés au genre (féminicide), permet d'identifier, de documenter et de comptabiliser ces morts en tant que féminicides afin de garantir la vérité, la justice et les réparations pour les victimes, y compris une collecte et une analyse plus précises et exhaustives des données nécessaires pour informer et renforcer les stratégies de prévention.
Questionnaire
Le Rapporteur Spécial est particulièrement intéressé à recevoir des informations sur les lois, les politiques, les procédures opérationnelles standard et les pratiques pour enquêter et documenter les meurtres de femmes et de filles basés sur le genre qui pourraient être caractérisés comme des féminicides, en particulier :
- Les lois spécifiques régissant, ou envisagées pour, l'enquête et la documentation des morts de femmes et de filles qui pourraient être, ou sont, caractérisés comme des féminicides ;
- Les pratiques existantes en matière de collecte, d'analyse et de communication de données sur les morts qui peuvent être ou sont caractérisés par un féminicide ;
- Les procédures ou protocoles d'enquête spéciaux adoptés par la police, le ministère public ou les enquêteurs judiciaires ou le personnel scientifique et médical dans les cas de décès potentiellement illégaux qui peuvent être ou sont caractérisés comme des féminicides ;
- Les défis ou obstacles observés dans l'adoption de procédures ou de protocoles d'enquête spéciaux pour enquêter sur les féminicides ;
- Toute différence pratique que l'adoption de procédures ou de protocoles d'enquête spéciaux, le cas échéant, a apportée à la manière dont les preuves sont collectées et utilisées dans le cadre des enquêtes sur les féminicides ; et
- Le niveau et la nature de l'implication de la médecine légale dans l'enquête sur les décès potentiellement illégaux qui peuvent être, ou sont, qualifiés de féminicides.