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Communiqués de presse Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur la promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Africains et des personnes d’ascendance africaine face au recours excessif à la force et aux autres violations des droits de l’homme dont se rendent coupables des membres des forces de l’ordre (A/HRC/47/53)

12 juillet 2021

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Quarante-septième session du Conseil des droits de l’homme
Allocution de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Le 12 juillet 2021

Madame la Présidente,
Excellences,
Chers collègues,

Le meurtre de George Floyd a marqué un véritable tournant, qui a poussé la communauté internationale à se rendre compte des violations des droits de l’homme dont sont régulièrement victimes les Africains et les personnes d’ascendance africaine. Lors du débat d’urgence qui a suivi, ce Conseil a demandé la création d’un rapport, A/HRC/47/53, que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui, et qui s’accompagne du document de séance A/HRC/47/CRP.1.

Ces deux textes reposent sur des expériences vécues. J’ai rencontré et écouté plusieurs proches de personnes d’ascendance africaine tuées par les forces de l’ordre. Les consultations en ligne que nous avons menées avec plus de 340 personnes, pour la plupart d’ascendance africaine, ont été au cœur de notre analyse. Ces conversations approfondies, ainsi que plus de 110 contributions écrites reçues d’États et d’autres parties prenantes, ont façonné notre analyse et nos recommandations sur les moyens d’opérer un changement transformateur et de mettre fin aux profondes injustices infligées depuis des générations. 

Excellences,

Notre rapport examine la manière dont le racisme systémique à l’encontre des Africains et des personnes d’ascendance africaine affecte leurs droits dans tous les domaines, aggravant leur marginalisation et les inégalités dont ils sont victimes, notamment en matière d’accès aux chances, aux ressources et au pouvoir.

Ce phénomène commence dès la petite enfance. Les données disponibles montrent que les enfants d’ascendance africaine sont souvent victimes de discrimination raciale dans les écoles, qu’ils obtiennent de moins bons résultats scolaires et qu’ils sont parfois traités comme des criminels dès leur plus jeune âge.

Dans certains États, les personnes d’ascendance africaine sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, de gagner des salaires inférieurs, d’occuper des postes moins qualifiés et d’avoir un accès inégal à un logement convenable et à des soins de santé de qualité.

Ces obstacles sont aggravés par la participation et la représentation insuffisantes des personnes d’ascendance africaine dans les processus décisionnels et dans la vie publique. Le racisme systémique est accentué par l’intersectionnalité, en particulier concernant les femmes d’ascendance africaine, qui subissent de multiples formes de discrimination.

Dans le domaine de l’application de la loi, le rapport se concentre sur les incidents ayant entrainé la mort et pour lesquels il est frappant de constater que les victimes continuent de ne pas obtenir justice. Il met l’accent sur les conséquences négatives disproportionnées pour les personnes d’ascendance africaine qui entrent en contact avec les forces de l’ordre. Il explique également dans quelle mesure le nombre disproportionné d’interpellations – y compris sur la base du profilage racial – entraînent un nombre disproportionné d’arrestations et d’incarcérations, et une plus grande sévérité des condamnations, notamment un plus grand de condamnations à la peine capitale.

 Le Haut-Commissariat a reçu des informations selon lesquelles au moins 190 Africains et personnes d’ascendance africaine sont morts aux mains des forces de l’ordre et 98 % de ces décès se sont produits en Europe, en Amérique latine et en Amérique du Nord. Nous avons par ailleurs examiné de près sept affaires emblématiques concernant des Africains et des personnes d’ascendance africaine ayant perdu la vie dans le cadre d’une interaction avec les forces de l’ordre, à savoir George Floyd et Breonna Taylor aux États-Unis, Adama Traoré en France, Luana Barbosa dos Reis Santos et João Pedro Mattos Pinto au Brésil, Kevin Clarke au Royaume-Uni et Janner García Palomino en Colombie.

Dans l’ensemble, malgré des systèmes juridiques différents, certaines pratiques, caractéristiques et difficultés semblent similaires, notamment la récurrence des préjugés raciaux, des stéréotypes et du profilage. Les associations néfastes et dégradantes qui persistent entre le fait d’être Noir et la criminalité semblent orienter les interactions des personnes d’ascendance africaine avec les représentants de la loi et le système de justice pénale. Trois aspects importants se sont distingués concernant les décès liés à la police : la répression des délits mineurs, les contrôles routiers et les interpellations ; l’intervention de la police désignée comme première intervenante pour les crises de santé mentale ; et les opérations de police spéciale dans le cadre de la « guerre contre la drogue » ou d’opérations antigang.

De nombreux États n’ont pas adopté de lois et de politiques claires et efficaces concernant le recours à la force, ce qui accroît le risque de violations. En outre, les représentants de la loi ont rarement à répondre des atteintes aux droits de l’homme et des crimes visant les personnes d’ascendance africaine. L’insuffisance des enquêtes, des mécanismes de contrôle, de plainte et de responsabilité inadéquats, et des préjugés largement répandus sur la culpabilité sous-jacente présumée des victimes d’ascendance africaine sont des facteurs contribuant à ces phénomènes. Les enquêtes, les poursuites et les procès ne prennent généralement pas en compte de manière adéquate le rôle potentiel de la discrimination raciale, des stéréotypes et des préjugés dans les incidents mortels impliquant la police.

Monsieur le Vice-Président,

Notre rapport porte également sur les réponses des gouvernements aux manifestations pacifiques contre le racisme. Nous avons reçu des informations crédibles concernant des cas présumés de recours superflu et disproportionné à la force contre certaines manifestations, et des différences dans la manière dont les manifestations en faveur de la justice raciale ont été contrôlées par rapport à d’autres manifestations. La répression des manifestations antiracistes dans certains pays doit être considérée dans un contexte plus large où les voix des personnes d’ascendance africaine et des personnes luttant contre le racisme sont étouffées, et où les défenseurs des droits de l’homme d’ascendance africaine sont victimes de représailles, notamment de harcèlement, de menaces, de poursuites pénales, de violences et d’assassinats.

À la lumière de ces injustices profondes et multiples, il est grand temps de regarder en face les séquelles de l’esclavagisme, de la traite transatlantique des Africains réduits en esclavage, du colonialisme et des politiques et systèmes successifs de discrimination raciale, et de viser à une justice réparatrice. Malgré certaines initiatives en faveur de la recherche de la vérité et des formes limitées de réparations, notamment des mémorialisations, des reconnaissances, des excuses et des procès, nos recherches n’ont pas permis de trouver un seul exemple d’État qui ait pleinement assumé son passé ou qui ait tenu compte de son impact sur la vie des personnes d’ascendance africaine aujourd’hui.

Excellences,

Notre rapport présente au Conseil des recommandations pratiques concernant quatre piliers d’action interdépendants qui sont essentiels pour lutter contre le racisme systémique.

Première action : les États doivent reconnaître la nature systémique du racisme dans tous les domaines, afin de transformer les structures, les institutions et les comportements qui conduisent à une discrimination directe ou indirecte. Les réformes mobilisant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société doivent inclure des engagements clairs, limités dans le temps et contrôlés par des institutions indépendantes. La collecte et la publication de données officielles ventilées par race ou origine ethnique, sexe, âge et autres facteurs sont cruciales.

Deuxième action : les responsables de l’application des lois doivent être tenus responsables des crimes et des violations des droits de l’homme commis à l’encontre des Africains et des personnes d’ascendance africaine. Nous devons également examiner en profondeur le maintien de l’ordre et adopter d’autres approches dans certaines situations, notamment dans les établissements scolaires, en cas de crise de santé mentale, en relation avec la migration et la gestion des frontières, et lors de manifestations. La police et le système de justice pénale ne regagneront la confiance du public que s’ils peuvent montrer qu’ils respectent la dignité et l’égalité et qu’ils protègent et servent tous les membres des communautés. Des procédures indépendantes de contrôle et de plainte doivent être créées ou renforcées, et les réformes doivent limiter le recours à la force et interdire le profilage racial. Un nombre considérable de familles issues de multiples juridictions ont signalé au Haut-Commissariat avoir éprouvé des difficultés insoutenables dans leur quête de vérité et de justice, et il existe un besoin évident de mettre en place des mécanismes efficaces et indépendants pour soutenir les personnes affectées par des violations commises par les forces de l’ordre.

Troisième action : les États doivent faire respecter les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et protéger les organisateurs, les participants, les observateurs et les journalistes lors des manifestations contre le racisme, ainsi que ceux qui s’élèvent contre le racisme en dehors de ces protestations. Les États doivent également veiller à la participation et à la représentation effectives des personnes d’ascendance africaine, en particulier des femmes et des jeunes, à tous les niveaux, y compris au niveau de l’application des lois et du système de justice pénale, ainsi que dans les processus d’élaboration des politiques.

Monsieur le Vice-Président,

Derrière le racisme systémique et la violence raciale actuels se cache l’absence de reconnaissance officielle des responsabilités des États et des autres acteurs qui ont participé à l’esclavage, à la traite transatlantique des Africains réduits en esclavage et au colonialisme, ou qui en ont profité, ainsi que de ceux qui continuent de tirer profit de cet héritage.

Des communautés, des familles et des individus ont été privés de leur vie, de leurs moyens de subsistance, de leurs ressources et de leurs droits, et cela continue.

Le dernier pilier de ce programme transformateur recommande aux États de créer, de renforcer et de financer entièrement des processus complets – avec la pleine participation des communautés touchées – afin de partager la vérité sur ce qui a été fait et les préjudices qui en découlent encore. Il est essentiel d’établir la vérité sur ces héritages et leur impact aujourd’hui, et de prendre des mesures pour remédier à ces préjudices grâce à un large éventail de mesures de réparation, afin de guérir nos sociétés et de rendre justice aux crimes abominables qui ont été commis. Les mesures prises pour faire face au passé transformeront notre avenir.

Je demande instamment à tous les États de s’appuyer sur l’éventail d’obligations et d’engagements internationaux et de faire preuve d’une volonté politique bien plus forte pour accélérer l’action en faveur de la justice et de l’égalité raciales.

Je remercie le Conseil d’avoir pris l’importante initiative de rendre ce rapport obligatoire. J’invite les États à traduire ce programme en plans d’action et en mesures concrètes, qui devraient être élaborés dans le cadre de dialogues nationaux et avec la participation significative des personnes d’ascendance africaine, afin de tenir compte de l’histoire spécifique et des réalités actuelles de chaque État.

Le HCDH peut aider à soutenir ces efforts. Nous espérons étendre notre action avec les États et ce Conseil pour mettre en œuvre ce programme, notamment en renforçant l’assistance aux États et aux autres parties prenantes, en collaborant avec les victimes et les communautés touchées et en fournissant des conseils pour les processus nationaux de justice raciale.

J’encourage ce Conseil à poursuivre son action sur ces questions, en instaurant un mécanisme spécifique limité dans le temps en vue de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte de l’application de la loi partout dans le monde.

Il est temps de passer à l’action. 

Merci.


 

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