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Communiqués de presse Procédures spéciales

La nouvelle définition du « terrorisme » de la Suisse crée un dangereux précédent dans le monde, ont prévenu des experts de l’ONU en matière de droits de l'homme

11 Septembre 2020

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GENÈVE (11 septembre 2020) - Le projet de loi antiterroriste de la Suisse contrevient aux normes internationales en matière de droits de l'homme en élargissant la définition du terrorisme et pourrait créer un dangereux précédent pour la répression de la dissidence politique dans le monde, ont averti aujourd’hui les experts* de l’ONU en matière de droits de l’homme.

Ils ont exprimé leur regret quant au refus des autorités suisses de modifier les sections controversées du projet de loi, actuellement devant le Parlement, mais ont plaidé pour un changement de dernière minute.

« Aucune de nos recommandations n'a été mise en œuvre », ont-ils dit, faisant référence à une lettre officielle de 16 pages adressée au gouvernement, envoyée à la fin du mois de mai. « Aucune réponse satisfaisante n’a été donnée à nos principales préoccupations concernant l’incompatibilité du projet de loi avec les droits de l’homme et les meilleures pratiques internationales en matière de lutte contre le terrorisme. »

Les experts ont été particulièrement préoccupés par le fait que, selon le projet de loi, la nouvelle définition de l’« activité terroriste» n'exige plus du tout la perspective d'un crime. Au contraire, la définition pourrait même inclure des actes licites visant à influencer ou à modifier l'ordre étatique, tels que les activités légitimes des journalistes, de la société civile et des militants politiques.

Selon les normes internationales, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies, le terrorisme comprend toujours l'intimidation ou la coercition d’une population ou d’un gouvernement par la menace ou la perpétration d’actes de violences causant la mort, des blessures graves ou la prise d'otages.

« L'élargissement de la définition du terrorisme à toute campagne non violente impliquant la propagation de la peur va bien au-delà de l’actuel droit national suisse et contrevient aux normes internationales », ont-ils déclaré. « Cette définition excessivement large crée un dangereux précédent et risque de servir de modèle aux gouvernements autoritaires qui cherchent à réprimer la dissidence politique, notamment par la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Les experts ont également mis en garde contre certains articles du projet de loi qui donneraient à la police fédérale un pouvoir étendu pour désigner des « terroristes potentiels » et décider de mesures préventives à leur encontre sans contrôle judiciaire significatif.

« Tout en reconnaissant les graves risques sécuritaires posés par le terrorisme, nous regrettons vivement que les autorités suisses aient décliné l’opportunité de bénéficier de notre assistance technique et de notre expertise sur la manière de combiner des mesures préventives efficaces et le respect des droits de l'homme », ont dit les experts.

Les experts ont appelé les parlementaires à garder à l’esprit l’engagement traditionnellement fort de la Suisse en faveur des droits humains et à rejeter une loi qui « est appelée à devenir une tache sérieuse dans l’héritage par ailleurs fort de la Suisse en matière de droits de l’homme ».

Les experts se sont en outre déclarés préoccupés par les modifications complémentaires proposées du code pénal envisageant l’incrimination du soutien aux organisations terroristes, qui, selon eux, risquait de mettre en danger la longue et remarquable tradition humanitaire de la Suisse. Ils ont donc exhorté le Conseil national à valider une récente proposition du Conseil des Etats d'exempter expressément l'action humanitaire impartiale de la criminalisation.

« La protection des droits humains et les mesures efficaces de lutte contre le terrorisme ne sont pas des objectifs antagoniques, mais devraient être considérés comme des intérêts complémentaires et se renforçant mutuellement dans toute société démocratique », ont-ils conclu.

FIN

* Les experts: Mme Fionnuala Ní Aoláin, Rapporteuse spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; M. Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; Mme Agnès Callamard, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; Mme Irène Khan, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression; et M. Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction.

Les Experts indépendants font partie de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.

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