Déclarations Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme tient un débat urgent sur les violations actuelles des droits de l’homme d’inspiration raciale, le racisme systémique, la brutalité policière et la violence contre les manifestations pacifiques
17 juin 2020
17 juin 2020
Les personnes d’ascendance africaine sont toujours confrontées à la pauvreté et au racisme structurel et au sortir de cette pandémie de COVID-19, revenir à ces systèmes est absolument hors de question, affirme la Vice-Secrétaire générale de l’ONU
Le Conseil des droits de l’homme a entamé, cet après-midi, un débat urgent sur les violations actuelles des droits de l’homme d’inspiration raciale, le racisme systémique, la brutalité policière et la violence contre les manifestations pacifiques.
Ouvrant ce débat, Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a fait observer que le racisme a traversé l'histoire et les frontières à travers le monde et qu’aujourd’hui, les gens disent que cela suffit. Elle a rappelé que l'ONU avait le devoir de répondre à l'angoisse et la détresse provoquées par le racisme, car l'égalité des droits est consacrée par la Charte. Elle a ajouté que les crimes et l'impact négatif de la traite transatlantique des esclaves – que nous ne devons jamais oublier – se faisaient encore sentir aujourd'hui. Les personnes d’ascendance africaine sont toujours confrontées à la pauvreté et au racisme structurel, ce qui fait d’elles l’une des communautés les plus durement touchées par la pandémie de COVID-19, a-t-elle également souligné. Mme Mohammed a déclaré qu’au sortir de cette pandémie, revenir à ces systèmes était absolument hors de question.
Outre l’intervention de Mme Mohammed, ce débat urgent, qui était convoqué à l’initiative du Groupe africain du Conseil, a notamment permis d’entendre des déclarations de Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l’homme ; de M. Kwesi Quartey, Vice-Président de la Commission de l’Union africaine ; de Mme E. Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ; ainsi que du frère de George Floyd, M. Philonise Floyd. Suite à ces déclarations de très nombreuses délégations* se sont exprimées.
Dans ses remarques liminaires, Mme Bachelet a affirmé trop peu de choses ont changé depuis trop d'années. Maintenant, nous avons besoin d'une action décisive à travers le monde pour lutter contre le racisme omniprésent, a-t-elle indiqué. Qu'ils soient ou non filmés et deviennent ou non viraux sur les réseaux sociaux, les actes répréhensibles des policiers devraient faire l'objet d'une enquête et de sanctions ou de poursuites immédiates, conformément aux normes internationales, a-t-elle souligné. Cette obligation redditionnelle est également dans l'intérêt de chaque État. Les droits, la dignité et l'égalité de tous sont des principes vitaux en eux-mêmes et sont cruciaux pour la résilience et le succès de chaque société, a insisté la Haute-Commissaire.
M. Quartey a pour sa part déclaré que l’Union africaine condamnait la discrimination raciale contre les citoyens noirs aux États-Unis et a souligné que cette discrimination systémique ne pourrait être éradiquée que si les problèmes étaient examinés à la racine. L’opportunité est ici offerte à la communauté internationale d’agir dans ce sens, ce qui requiert de prendre en considération la traite transatlantique des esclaves et ses conséquences, a-t-il souligné après que Mme Bachelet eut elle-même expliqué que derrière la violence raciale, le racisme systémique et la police discriminatoire d’aujourd’hui se cache l’incapacité de reconnaître et de confronter les séquelles de la traite négrière et du colonialisme.
Mme Achiume a affirmé que les décisions que ce Conseil prendra dans le cadre de ce débat d'urgence se retrouveront sans aucun doute dans les livres d'histoire. Aussi, a-t-elle demandé aux États de veiller à ce que ces décisions placent le Conseil du bon côté de l'histoire. Toute résolution adoptée par le Conseil à l'issue de ce débat doit prévoir une commission d'enquête internationale ayant l'autorité nécessaire pour enquêter sur le racisme systémique dans les forces de l'ordre aux États-Unis, a indiqué la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme.
« J'espère que vous établirez une commission d'enquête indépendante pour enquêter sur les meurtres de Noirs par la police aux États-Unis et sur la violence utilisée contre les manifestants pacifiques qui rappellent au monde que la vie des Noirs est importante », a lui aussi demandé le frère de George Floyd.
Le Conseil poursuivra ce débat urgent demain matin, à 10 heures, et achèvera ensuite son dialogue, entamé ce matin, avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali.
Les séances de la quarante-troisième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV.
Débat urgent sur les violations actuelles des droits de l'homme d'inspiration raciale, le racisme systémique, la brutalité policière et la violence contre les manifestations pacifiques
Déclarations liminaires
Participant au débat depuis New York, MME AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a souligné qu'il s'agissait là d'un débat urgent et nécessaire. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Antonio Guterres, a partagé l'aversion du Conseil à l'égard du racisme. Comme indiqué dans un éditorial récemment publié par de hauts fonctionnaires des Nations Unies africains ou d'ascendance africaine, «[o]n ne peut jamais en dire assez sur le traumatisme profond et les souffrances intergénérationnelles qui ont résulté de l'injustice raciale perpétrée à travers les siècles, en particulier contre les personnes d’ascendance africaine. Il ne suffit pas de condamner simplement les expressions et les actes de racisme. Nous devons aller au-delà et faire plus. »
Notant que les protestations les plus récentes contre le racisme ont été déclenchées par le meurtre épouvantable de George Floyd, Mme Mohammed a souligné que le racisme a traversé l'histoire et les frontières à travers le monde et qu’aujourd’hui, les gens disent que cela suffit. La Vice-Secrétaire générale a rappelé que l'Organisation des Nations Unies avait le devoir de répondre à l'angoisse et la détresse provoquées par le racisme, car l'égalité des droits est consacrée par la Charte. Elle a ajouté que les crimes et l'impact négatif de la traite transatlantique des esclaves – que nous ne devons jamais oublier – se faisaient encore sentir aujourd'hui. Les personnes d’ascendance africaine sont toujours confrontées à la pauvreté et au racisme structurel, ce qui fait d’elles l’une des communautés les plus durement touchées par la pandémie de COVID-19. Mme Mohammed a déclaré qu’au sortir de cette pandémie, revenir à ces systèmes était absolument hors de question.
Appelant à une réinitialisation de l'application des lois, Mme Mohammed a souligné que le poison du racisme sévissait toujours et que la lutte contre celui-ci devait encore être menée. Le monde doit combattre le racisme sous toutes ses formes odieuses, a-t-elle insisté. Sur une note personnelle, elle a ajouté qu'elle, comme Martin Luther King Jr., avait un rêve que sa petite-fille puisse vivre dans un monde où elle ne serait pas jugée au regard de la couleur de sa peau mais plutôt au regard de la force de son caractère. L'ONU, ses dirigeants et son personnel sont solidaires de tous ceux qui pourchassent le fléau du racisme sous toutes ses formes.
La durabilité de la paix et du développement dépend du respect de la dignité de chacune et de chacun, de même que d’une lutte déterminée contre le racisme, a conclu Mme Mohammed.
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a rappelé que depuis le meurtre de George Floyd entre les mains de la police à Minneapolis le mois dernier, une vague de manifestations a déferlé - non seulement dans tous les États des États-Unis, mais aussi dans des dizaines de pays en Europe et dans le monde entier. Cet acte de violence gratuite en est devenu un symbole de racisme systémique ; il est devenu le symbole de l'usage excessif de la force disproportionnée par les forces de l'ordre contre les personnes d'ascendance africaine, contre les personnes de couleur et contre les peuples autochtones et les minorités raciales et ethniques dans de nombreux pays à travers le monde. Il a fait naître des millions d'alliés - des gens qui commencent maintenant à reconnaître les réalités de la discrimination systémique dont souffrent les autres et à se joindre à leur exigence pour que chaque personne dans leur pays soit traitée avec égalité, équité et respect. Les manifestations d'aujourd'hui sont l'aboutissement de souffrances de nombreuses générations et de longs combats pour l’égalité. Trop peu de choses ont changé depuis trop d'années, a déclaré la Haute-Commissaire.
"Il ne suffit pas de condamner les expressions et les actes de racisme. Nous devons aller au-delà et faire davantage", a poursuivi la Haute-Commissaire. L'ampleur des protestations d'aujourd'hui et les preuves d’un large soutien du public indiquent un changement radical dans des pays dont l'histoire est marquée par l'esclavage et le racisme, et qui, malgré la lutte exemplaire des mouvements des droits civiques, n’ont jamais pleinement reconnu leurs préjudices.
Maintenant, nous avons besoin d'une action décisive à travers le monde pour lutter contre le racisme omniprésent, a indiqué Mme Bachelet. Des soins de santé médiocres à une éducation inadéquate, en passant par des avancées professionnelles limitées, des refus de logement et de prêts hypothécaires, des mauvais traitements infligés par des fonctionnaires, des restrictions pratiques au droit de vote et une incarcération excessive dans les prisons, la discrimination raciale cause des dommages considérables à des millions de personnes, a fait observer la Haute-Commissaire.
Qu'ils soient ou non filmés et deviennent ou non viraux sur les réseaux sociaux, les actes répréhensibles des policiers devraient faire l'objet d'une enquête et de sanctions ou de poursuites immédiates, conformément aux normes internationales, a souligné Mme Bachelet. Cette obligation redditionnelle est également dans l'intérêt de chaque État. Les droits, la dignité et l'égalité de tous sont des principes vitaux en eux-mêmes et sont cruciaux pour la résilience et le succès de chaque société, a insisté la Haute-Commissaire.
Derrière la violence raciale, le racisme systémique et la police discriminatoire d’aujourd’hui se cache l’incapacité de reconnaître et de confronter les séquelles de la traite négrière et du colonialisme. Pour construire des bases plus solides pour l'égalité, il faut mieux comprendre l'étendue de la discrimination systémique, avec des données ventilées par ethnie ou race. Nous devons également réparer des siècles de violence et de discrimination, notamment par des excuses officielles, des processus d’expression de la vérité et des réparations sous diverses formes.
Les vies noires comptent. La vie des autochtones est importante. La vie des gens de couleur compte. Tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits: c'est ce que défend ce Conseil, comme le Haut-Commissariat, a conclu Mme Bachelet.
Depuis Addis Abeba, M. KWESI QUARTEY, Vice-Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que l’Union africaine condamnait la discrimination raciale contre les citoyens noirs aux États-Unis et a souligné que cette discrimination systémique ne pourrait être éradiquée que si les problèmes étaient examinés à la racine. L’opportunité est ici offerte à la communauté internationale d’agir dans ce sens, ce qui requiert de prendre en considération la traite transatlantique des esclaves et ses conséquences.
M. Quartey a fait observer que l’exemple d’un manifestant noir, à Londres, protégeant un contre-manifestant d’extrême droite montre que tous les êtres humains font partie de la même humanité. Il ne faut pas permettre au racisme, à la discrimination raciale et à la xénophobie d’effacer toutes les réalisations et tous les développements auxquels l’humanité est parvenue. L’Union africaine appelle la communauté internationale à assurer l’élimination totale de toutes les formes de discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique ou religieuse, a conclu M. Quartey.
Au nom également du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, Mme E.Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a prononcé une déclaration à laquelle elle a précisé que se joignaient le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ainsi que le Comité de coordination des procédures spéciales. Elle a déclaré que le monde est témoin de la plus grande mobilisation transnationale contre le racisme systémique des forces de l'ordre, déclenchée par les images effrayantes du meurtre de George Floyd par la police. Le 25 mai 2020, Derek Chauvin, un policier du Minnesota, s'est agenouillé sur le cou de M. Floyd pendant huit minutes et quarante-six secondes. Alors que M. Floyd appelait à l'aide, deux autres officiers ont aidé à le maintenir au sol, et un autre a empêché les passants d'intervenir. Ce meurtre injuste et discriminatoire n'est que l'un parmi d’innombrables autres. Aux États-Unis, il ne fait aucun doute que le problème n'est pas un incident isolé de mauvaise conduite de la police, mais plutôt un problème de racisme systémique dans l'application de la loi. En outre, il s'agit d'une situation qui exige une action urgente et décisive du Conseil des droits de l'homme, a insisté la Rapporteuse spéciale.
Elle a rappelé au Conseil sa déclaration – à laquelle se sont joints 47 autres titulaires de mandats au titre des procédures spéciales – dans laquelle elle a attiré l'attention sur le soulèvement national en cours aux États-Unis contre le racisme systémique dans l'application des lois. Cette déclaration exprime de sérieuses préoccupations quant à la réponse du Président des États-Unis, qui a notamment menacé de recourir davantage à la violence d'État, a souligné la Rapporteuse spéciale.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD selon l’acronyme anglais), pour sa part, a publié une déclaration dans le cadre de sa procédure d'alerte précoce et d'action urgente, dans laquelle il exprime notamment son inquiétude face à l'assassinat de George Floyd et à la récurrence et à l'impunité des assassinats de personnes d'origine africaine par la police aux États-Unis. Dans cette déclaration, ledit Comité exprime sa préoccupation face à la poursuite des pratiques de profilage racial et de brutalité policière à l'encontre des minorités raciales et ethniques, ainsi que face à l'usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois à l'encontre des manifestants pacifiques contre le racisme aux États-Unis.
Le CERD replace ces événements dans leur contexte, en notant qu'aux États-Unis, la discrimination systémique et structurelle imprègne les institutions de l'État et favorise de manière disproportionnée les disparités raciales à l'encontre des Afro-Américains, notamment en ce qui concerne la jouissance des droits à l'égalité de traitement devant les tribunaux, à la sécurité de la personne et à la protection de l'État contre la violence ou les dommages corporels, ainsi que d'autres droits civils, économiques, sociaux et culturels inscrits dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Pour les personnes d'ascendance africaine aux États-Unis, le système juridique national n'a absolument pas reconnu et combattu l'injustice et la discrimination raciales. Cette injustice et cette discrimination sont si profondément ancrées au sein des forces de l'ordre que même pendant cette période de soulèvement, des rapports continuent de faire état d'exécutions extrajudiciaires de personnes noires par la police.
La situation aux États-Unis exige une réponse internationale qui puisse contribuer à faire en sorte que les personnes d’ascendance africaine dans ce pays ne soient plus soumises aux violations routinières et flagrantes qui sont à l'origine de ce débat d'urgence. C'est pour cette raison que toute résolution adoptée par le Conseil à l'issue de ce débat doit prévoir une commission d'enquête internationale ayant l'autorité nécessaire pour enquêter sur le racisme systémique dans les forces de l'ordre aux États-Unis, a déclaré la Rapporteuse spéciale. Ne pas le faire reviendrait à priver les personnes d'origine africaine aux États-Unis de la possibilité de s'appuyer sur le système mondial des droits de l'homme pour contester une injustice raciale bien ancrée. L'absence d'une commission d'enquête internationale signalerait que les vies des Noirs ne comptent pas, ou que si elles comptent, elles ne comptent pas suffisamment pour mobiliser le Conseil des droits de l'homme afin qu'il intervienne là où il devrait le faire.
Tout aussi important, la nature étendue et transnationale des protestations que nous observons, montre que le racisme systémique dans les forces de l'ordre est également une préoccupation mondiale urgente, a ajouté la Rapporteuse spéciale.
Il y a eu une érosion constante au sein des Nations Unies de l'engagement à l’égard du cadre des droits de l'homme de lutte contre le racisme, y compris pour ce qui est des engagements historiques de lutte contre les formes structurelles de discrimination et d'intolérance pris à Durban lors de la Conférence mondiale contre le racisme tenue en 2001, a poursuivi Mme Achiume.
À l'échelle mondiale, les États doivent recueillir des données solides, ventilées par race et par ethnicité, et utiliser ces données pour identifier les disparités raciales et atténuer la discrimination raciale dans tous les domaines, a expliqué la Rapporteuse spéciale. Ce débat d'urgence doit marquer un tournant, même au sein des Nations unies, dans la lutte contre l'injustice raciale, afin de garantir que la lutte contre l'inégalité raciale bénéficie de l'attention, de la volonté politique et des ressources nécessaires pour parvenir à une protection et une promotion réelles et significatives des droits de l'homme pour les personnes d'ascendance africaine et autre.
Les décisions que ce Conseil prendra dans le cadre de ce débat d'urgence se retrouveront sans aucun doute dans les livres d'histoire, a conclu la Rapporteuse spéciale en demandant aux États de veiller à ce que ces décisions placent le Conseil du bon côté de l'histoire.
Dans un message vidéo, M. PHILONISE FLOYD a décrit les conditions de la mort de son frère George Floyd, le 25 mai dernier à Minneapolis, aux États-Unis. Il a rappelé que pendant huit minutes et quarante-six secondes, un policier avait maintenu son genou sur le cou de son frère George, qui suppliait alors les policiers de lui laisser la vie sauve, ne cessant de répéter : "Je ne peux pas respirer". Le policier a maintenu son genou pendant encore quatre minutes après que George Floyd fut tombé inconscient et eut cessé de bouger.
Aucun des policiers n'a été inquiété pour ce meurtre avant que des masses de personnes aux États-Unis et dans le monde entier ne protestent contre cette injustice, a déploré le frère de la victime. En outre, lorsque les gens ont osé manifester, ils ont été victimes de gaz lacrymogènes et de tirs de balles en caoutchouc, voire ont été écrasés par des véhicules de police, a-t-il ajouté. Des journalistes ont été battus et aveuglés lorsqu'ils ont essayé de montrer au monde la brutalité de la répression des manifestations. Lorsque les gens élèvent la voix pour protester contre le traitement des Noirs en Amérique, ils sont réduits au silence, a poursuivi M. Philonise Floyd. La triste vérité est que le cas de George Floyd n'est pas unique, a-t-il souligné : la manière dont il a été torturé et assassiné devant les caméras de surveillance reflète la manière dont les Noirs sont traités par la police aux États-Unis, a-t-il insisté.
« J'espère que vous établirez une commission d'enquête indépendante pour enquêter sur les meurtres de Noirs par la police aux États-Unis et sur la violence utilisée contre les manifestants pacifiques qui rappellent au monde que la vie des Noirs est importante », a demandé M. Floyd aux membres du Conseil des droits de l’homme.
Aperçu du débat
Les délégations qui se sont exprimées pendant ce débat ont fermement condamné le meurtre de George Floyd, qu’elles ont notamment qualifié d’insensé et d’injustifié. Déplorant que les personnes d’ascendance africaine soient victimes d’un racisme systémique de la part des forces de police, une délégation a cité d’autres décès de personnes d’ascendance africaine aux mains de la police dans des pays d’Europe. Selon un intervenant, l’assassinat de George Floyd aux États-Unis s’inscrit dans une litanie de violations des droits de l’homme motivées par un racisme structurel et par une profonde inégalité économique.
Les pays concernés par les violences policières contre des personnes d’ascendance africaine doivent contrôler plus strictement les conditions d’utilisation de la force par la police, a-t-il été demandé. Il a en outre été recommandé que les policiers coupables d’usage excessif de la force, aux États-Unis comme ailleurs, répondent de leurs actes. Les États ont ainsi été priés de faire la lumière sur les homicides commis par la police et sur les raisons de cette violence.
Plusieurs délégations ont repris à leur compte le slogan Black Lives Matter (« La vie des Noirs compte »). Une délégation a fait observer que les manifestations de masse organisées en ce moment sous ce slogan, y compris aux États-Unis, prouvent que les sociétés rejettent la violence raciale et exigent de leurs gouvernements respectifs des mesures efficaces pour surmonter l'injustice et remplir ainsi leurs obligations au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Une autre délégation a salué ce mouvement universel «éminemment démocratique», dans lequel les citoyens de tous les pays ont montré avec force que la justice va de pair avec l’exercice des libertés fondamentales.
Des délégations ont aussi condamné les violences exercées contre les membres des médias qui couvrent les manifestations, y compris aux États-Unis.
Une délégation a regretté que le racisme continue de s’exprimer et d’être assumé dans de nombreux pays, en contradiction avec les engagements consignés dans la Charte des Nations Unies. La progression fulgurante de l’incitation à la haine et de la discrimination basée sur la race, en particulier à l’encontre des personnes d’ascendance africaine, marque un coup de frein aux principes fondamentaux d’égalité et de non-discrimination, a-t-il été affirmé. Face à ce phénomène, il est urgent de s’attaquer à ses causes structurelles et immédiates ainsi qu’à son impact sur la jouissance des droits de l’homme, a demandé une délégation.
Le racisme, systémique ou non, doit être condamné partout où il se manifeste, aucun pays n’étant exempt d’un fléau dont les principales victimes sont les migrants, les minorités et les personnes d’ascendance africaine, ont souligné divers intervenants.
Citant Martin Luther King et Nelson Mandela, des intervenants ont insisté sur le fait que le racisme est à l’opposé tant de ce qui fait notre humanité commune que de l’esprit de la Charte des Nations Unies.
Les États ont été appelés à appliquer la Déclaration et le Programme d’action adoptés au terme de la Conférence de Durban en 2001, à accorder la priorité à la tolérance et à lutter contre les discours de haine. Il a été recommandé que les pouvoirs publics créent un environnement propice à la paix et à la tolérance, notamment en luttant contre les stéréotypes et les préjugés racistes qui s’expriment en public. Il a aussi été rappelé que la lutte contre le racisme passait non seulement par la sensibilisation et l’éducation, mais aussi par un changement de comportement individuel.
Le rôle prépondérant du comité onusien (le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale) chargé de veiller à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de même que celui du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, ont été mis en évidence.
Il a par ailleurs été rappelé que le Comité contre la torture et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale émettent, depuis 2006, des recommandations à tous les États pour qu’ils prennent des mesures contre le recours excessif à la force par la police et pour faire cesser les mauvais traitements infligés aux personnes d’ascendance africaine.
Plusieurs pays ont fait état des mesures concrètes qu’ils indiquent avoir prises contre le racisme, notamment la création d’institutions publiques de défense des droits ; l’organisation d’ateliers de formation aux droits de l’homme destinés aux forces de police ; ou encore la suspension à titre conservatoire dès lors qu’un acte raciste, sexiste, antisémite ou discriminatoire est avéré. La collaboration avec les organes conventionnels des Nations Unies, dans le cadre de l’examen des plaintes individuelles, a aussi été mentionnée.
Certains intervenants ont réaffirmé leur soutien sans équivoque à la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine et aux activités qui s’y rapportent et visent à garantir la participation pleine et égale des personnes d'ascendance africaine à tous les aspects de la société.
Les pays occidentaux ont été appelés à tirer profit des programmes de coopération technique organisés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme en matière de formation des policiers.
Plusieurs délégations ont espéré que le Conseil adopterait par consensus, demain matin, le projet de résolution dont il est saisi visant la création d’une commission d’enquête internationale indépendante « afin d’établir les faits et les circonstances relatifs au racisme systémique, aux violations présumées du droit international des droits de l’homme et aux actes de violence commis par les forces de l’ordre contre des Africains et des personnes d’ascendance africaine aux États-Unis d’Amérique et dans d’autres parties du monde récemment touchées, en particulier les actes qui ont entraîné la mort d’Africains et de personnes d’ascendance africaine, en vue de traduire leurs auteurs en justice ».
* Liste des intervenants : République centrafricaine (au nom du Groupe africain), Indonésie (au nom d’un groupe de pays), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des non-alignés), Croatie (au nom de l’Union européenne), Mexique (au nom d’un groupe de pays d’Amérique latine), îles Marshall, Inde, Venezuela, Brésil, Pakistan, République de Corée, Uruguay, Pays-Bas, Arménie, Indonésie, Australie, Namibie, Népal, Cameroun, Bahreïn, Japon, Sénégal, Nigéria, Fidji, Bangladesh, Espagne, Togo, Ukraine, Allemagne, Autriche, Danemark, Qatar, Somalie, Soudan, ONU-Femmes, Jordanie, Suède, République populaire démocratique de Corée, Cuba, Seychelles, Botswana, Sierra Leone, France, Belgique, Liechtenstein, Afrique du Sud, Philippines, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Syrie, Jamaïque, Maroc, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Iran, Égypte, Canada, Colombie, État de Palestine, Sri Lanka, Lesotho, Fédération de Russie, Chine et Suisse.
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