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Déclarations Conseil des droits de l’homme

Allocution du Président du Conseil des droits de l’homme : dialogue de Glion sur les droits de l’homme 2019

27 Mai 2019

27 mai 2019

Monsieur l’Ambassadeur Valentin Zellweger,
Ambassadeur Frank Grütter,
Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme des Nations Unies, Kate Gilmore,
Sous-Secrétaire general pour la coordination stratégique, Fabrizio Hochschild,
Excellences,
Chers Collègues,
Chers amis,

Bon après-midi à tous. C'est un grand plaisir pour moi de m'adresser à vous tous aujourd'hui, à l'occasion de l'ouverture de l’édition 2019 du Dialogue de Glion sur les droits de l'homme.

Je voudrais exprimer mes sincères remerciements aux organisateurs de ce sixième dialogue de Glion sur les droits de l’homme, à savoir le Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse et Universal Rights Group en partenariat avec les missions permanentes du Botswana, des Îles Fidji, de l’Islande, du Mexique et de la Thaïlande. Je souhaite également féliciter le processus de Glion pour les dialogues fructueux qu’il a permis de tenir au cours des cinq dernières années. Je n’ai aucun doute que l'édition 2019 de ce dialogue génèrera des idées et des contributions encore plus précieuses qui nous aideront à renforcer notre Conseil des droits de l'homme et à le rendre plus efficace dans sa mission de promotion et de protection des droits de l'homme.

Tout au long de la journée d’aujourd’hui, mais également demain, vous aborderez des questions très importantes et opportunes qui méritent un examen ciblé, un débat ouvert et une discussion approfondie. 

[Contribution du CDH au réexamen de ses activités et de son fonctionnement 2021 - 2026]

Premièrement, la question du réexamen du statut du Conseil 2021-2026. Treize ans se sont écoulés depuis que l'Assemblée générale a créé le Conseil des droits de l'homme en tant qu'organe subsidiaire de l’Assemblée générale. L’Assemblée générale avait décidé alors, par sa résolution 60/251, que le Conseil réexaminerait ses activités et son fonctionnement cinq ans après sa création, et lui en rendrait compte.

Ainsi, en 2011, l'Assemblée générale et le Conseil ont mené à bien les deux processus de réexamen en travaillant en étroite collaboration sur la question du statut, sur la base d'une lettre commune des présidents respectifs. En effet, le Président du Conseil des droits de l'homme de l'époque avait nommé un responsable des relations entre Genève et New York. Les processus à Genève et à New York avaient ​​été menés avec un degré élevé d'harmonisation et de respect mutuel.

À la suite de ce réexamen, l’Assemblée générale a décidé, dans sa résolution 65/281, de maintenir le statut d’organe subsidiaire de l’Assemblée générale conféré au Conseil des droits de l’homme et de réexaminer, à un moment opportun, la question de savoir s’il convient de conserver ce statut dans au moins dix ans et pas plus de quinze ans. Elle s’était donc ainsi fixée l’objectif d'achever l'examen du statut du Conseil entre juin 2021 et juin 2026. Cette fois-ci toutefois, l'Assemblée générale n'a pas donné mandat au Conseil de procéder à un examen de ses activités et de son fonctionnement, comme elle l'avait fait cinq années auparavant.

De nombreuses réunions et discussions ont eu lieu récemment sur des questions relatives au prochain examen du statut du Conseil par l'Assemblée générale, et notamment sur la question de savoir si le Conseil devrait ou non contribuer à l’examen de ses activités et de son fonctionnement et, le cas échéant, comment et quand. Le cinquième Dialogue de Glion sur les droits de l’homme, tenu l’année dernière, n’est que l’une des nombreuses réunions consacrées à ces questions. Sachant que nous sommes déjà à la moitié de 2019 et que nous serons en 2021 avant même qu’on ne s’en rende compte, un grand nombre de ces discussions suscitent un sentiment d'urgence.

Bien qu’il soit largement reconnu que le Conseil devrait être associé à l’examen de son statut, il subsiste des divergences de vues et de positions sur la manière de procéder. En outre, la question d’un examen simultané de ses activités et de son fonctionnement par le Conseil suscite un certain scepticisme et une certaine réticence du fait de l’absence de mandat officiel donné par l’Assemblée générale à cet effet, ainsi que des doutes exprimés quant aux résultats attendus de cet examen. Si nous voulons avoir l’espoir de parvenir à un consensus sur les grandes questions, il conviendrait d’aplanir ces divergences. J’estime que toute mesure prise sur ces questions sans consensus serait non seulement futile, mais également préjudiciable au Conseil.

Je suis toutefois heureux de noter qu’il existe une volonté d’engagement sérieux et constructif dans le processus visant à renforcer l’efficience et l’efficacité du Conseil, qui est largement considéré comme un moyen efficace de veiller à ce que le Conseil améliore ses méthodes de travail sans perdre de vue l'importance de son travail de fond. Je sais que je peux continuer à compter sur le soutien de tous dans cette entreprise importante.

Je tiens à souligner une fois encore que l’avenir du Conseil des droits de l’homme est l’affaire de tous et qu’il est donc absolument nécessaire d’entendre et de prendre en compte les points de vue de toutes les parties prenantes.

C’est pour cette raison que j’ai eu un échange de vues informel avec toutes les parties prenantes du Conseil le 28 mars. C’était un débat inclusif et transparent, où nous avons pu faire le point sur toutes les opinions concernant la question de l’examen des activités et du fonctionnement du Conseil.

Comme promis, lors de ma visite à New York en avril, j’ai discuté de cette question avec la Présidente de l’Assemblée générale. Après l'avoir informé du point de vue et des positions exprimés par les délégations qui ont pris la parole lors de l'échange de vues du 28 mars, la Présidente de l’AG s'est montré disposé à examiner les moyens permettant au Conseil de contribuer au processus d'examen en temps voulu.

Permettez-moi de répéter que le processus d’examen appartient aux États membres et que mes opinions, en ma qualité de Président, importent peu en réalité. Cependant, je tiens à vous encourager tous à veiller à ce que les discussions en cours sur cette question soient inclusives et transparentes et à assurer une coordination étroite avec les délégations de New York.
Je vous encourage également à continuer à soutenir le processus d'efficience et d'efficacité qui est en cours depuis 2015.

Mise en œuvre

Au cours du dialogue sur les droits de l’homme de cette année, vous discuterez également de la question de la mise en œuvre.

Le suivi et la mise en œuvre des décisions et recommandations du Conseil des droits de l'homme sont essentiels si nous voulons réellement améliorer la situation des droits de l'homme sur le terrain et permettre aux détenteurs de droits de profiter pleinement de toutes leurs libertés fondamentales.

Le Conseil est en effet le principal organe intergouvernemental chargé des droits de l'homme où toutes les parties prenantes puissent se faire entendre. Mais les innombrables heures que nous passons et les efforts considérables que nous déployons pour nous préparer et pour participer au Conseil seraient une perte de temps si le suivi de nos discussions n’est pas assuré.

Comme cela a été souligné lors du premier des deux séminaires intersessions sur la contribution que le Conseil peut apporter à la prévention des violations des droits de l'homme, la mise en œuvre des recommandations du Conseil peut contribuer à la prévention des violations des droits de l'homme. Afin d’obtenir des résultats réels et tangibles sur le terrain et d’empêcher que des violations ne se reproduisent, nous devons redoubler d’efforts en matière de mise en œuvre.

S'il incombe aux États de veiller à la mise en œuvre, le système multilatéral des droits de l'homme, en particulier le Conseil des droits de l'homme, est parfaitement outillé pour soutenir les États dans leurs efforts de mise en œuvre.

Les procédures spéciales du Conseil aident les États à appliquer les règles en leur rappelant leurs obligations en matière de droits de l’homme, en mettant en évidence les domaines et les questions nécessitant des améliorations, en fournissant des conseils avisés et des recommandations.

Le mécanisme d’examen périodique universel du Conseil offre une tribune inestimable pour s’adresser directement aux États au sujet de la mise en œuvre de leurs obligations en matière de droits de l’homme. Des recommandations ont été reçues et acceptées dans le cadre d’examens préalables. Les procédures spéciales et l'EPU ont fourni de nombreux bons exemples d'États mettant en œuvre des normes relatives aux droits de l'homme à la suite de recommandations reçues par l'intermédiaire du Conseil. Le Conseil a également reconnu que les parlementaires, les Institutions nationales des droits de l’homme, les ONG et les équipes de pays des Nations Unies jouent un rôle fondamental dans les efforts de suivi et de mise en œuvre des recommandations et décisions du Conseil.

Mais il est indéniable que les droits de l'homme font l'objet d'attaques de par le monde aujourd'hui et on a même l’impression que la démocratie marque le pas, parce que prise en otage par les discours démagogues et populistes qui manipulent les citoyens et les enferment dans leurs peurs.  Les abus et les violations des droits de l’homme ont lieu quotidiennement et aucun pays n'est à l'abri. Cela signifie que nous devons faire beaucoup plus pour que nos paroles soient traduites en actions concrètes pour le bénéfice des détenteurs de droits partout dans le monde. S'il est nécessaire de penser à « sortir des sentiers battus » afin de susciter de nouvelles idées, l'instauration d'un climat de confiance est également nécessaire. Quel que soit son positionnement pour soutenir les États dans leurs efforts de mise en œuvre, s’il n’y a pas de confiance au sein du Conseil, alors toutes nos activités resteront lettres mortes.

Afin de créer un climat de confiance, nous avons besoin de suffisamment de temps et d’espace au sein du Conseil pour débattre de questions liées au suivi et à la mise en œuvre, telles que les défis à relever, les enseignements tirés et les résultats obtenus. A titre d’exemple, le Conseil devrait disposer de suffisamment de temps pour que les demandes d’aide au renforcement des capacités puissent être associées à des promesses d’aide internationale.

Il s’agit là d’une autre raison pour laquelle il est essentiel que nous poursuivions nos travaux en cours visant à améliorer l’efficacité du Conseil - nous avons le temps de nous concentrer sur la mise en œuvre et de combler l’écart entre les dialogues et les décisions du Conseil et les actions concrètes sur le terrain.

Questions émergentes et élaboration de réponses efficaces du Conseil

Nous devons, en outre, veiller à ce que le Conseil dispose de l’espace et du temps nécessaires pour pouvoir aborder et examiner les questions émergentes et élaborer des réponses efficaces.

Le monde qui nous entoure change très rapidement. Alors que les droits inaliénables et les libertés énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme il y a plus de 70 ans restent constants, les problèmes et les défis en matière de droits de l'homme auxquels nous sommes confrontés évoluent du fait des mutations de notre monde. Aujourd'hui, par exemple, le changement climatique est un sujet de discussion majeur à tous les niveaux, et le Secrétaire général de l'ONU le qualifie de « question déterminante de notre époque ». Toutefois, lors de la création du Conseil des droits de l'homme en 2006, la question du changement climatique et de son impact sur nos vies commençait tout juste à entrer dans les discussions ordinaires. Il en va de même pour de nombreux autres sujets et problèmes de société qui étaient autrefois considérés comme de la science-fiction mais qui deviennent une réalité dans notre vie actuelle. Les avancées incroyables réalisées sur de nombreux fronts, de l'intelligence artificielle à la médecine et à la recherche, ont un impact direct sur la mise en œuvre de nombreux droits de l'homme prévus dans la Déclaration universelle et dans les pactes et conventions ultérieurs.

Le phénomène migratoire, problème complexe de notre ère, mérite une grande attention car il fait apparaitre de plus en plus une dichotomie entre les politiques mises en œuvre et le respect des droits de l’homme. Il en est de même de la lutte contre le terrorisme, face auquel l’Etat doit agir mais en tenant compte à la fois de l’exigence essentielle de liberté de chaque personne, et du besoin légitime de sécurité de toute la population.

En tant qu’organe chargé de promouvoir le respect universel de la protection de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales, le Conseil a la responsabilité de s’adapter aux mutations de notre époque et d’accorder toute l’attention voulue aux nouvelles tendances en matière de droits de l'homme ainsi qu’aux questions émergentes.

Le Conseil dispose de nombreux mécanismes pour l’aider dans cette tâche. Par exemple, le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, connu sous le nom de « think tank ou cellule de réflexion » du Conseil, est un organe utile ayant vocation à attirer l’attention du Conseil sur les nouvelles tendances en matière de droits de l’homme, les questions et problèmes émergents qui nécessitent son attention, et à donner des orientations sur la manière dont le Conseil peut y répondre efficacement. Les procédures spéciales du Conseil jouent également un rôle important consistant à sonner l’alarme sur des questions thématiques ainsi que sur l’évolution préoccupante de la situation dans les pays.

Le Conseil doit disposer de plus de temps pour examiner de nouvelles questions, engager un dialogue constructif sur la manière d’assurer, chaque jour davantage, une meilleure protection des droits de l’homme, sur la base du renforcement de notre humanité commune, comme gage du renforcement de la dignité de nos semblables partout dans le monde.

Conclusion

Comme vous le savez, en février, j'ai chargé cinq co-facilitateurs de mener des consultations sur la mise en œuvre de la déclaration présidentielle (PRST) adoptée par le Conseil en décembre 2018 et sur le processus en cours d’amélioration de l'efficacité. Trois facilitateurs travaillent actuellement à la mise en œuvre des mesures incluses dans la Déclaration présidentielle, tandis que deux poursuivent les discussions sur les questions des débats généraux et de l'EPU.

Je tiendrai une deuxième réunion des co-facilitateurs à la mi-juin pour discuter des résultats du processus de facilitation en cours. Je vous encourage tous vivement à participer activement à ce processus en vue de rendre le Conseil plus efficace et de ménager ainsi plus de temps et d'espace pour les discussions sur les efforts de mise en œuvre ainsi que sur les nouvelles tendances et les questions émergentes. Je suis fermement convaincu que grâce à ce processus, nous pourrons rendre le Conseil plus efficace et plus à même de poursuivre les idéaux communs consignés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Ces idéaux nous interpellent tous, sans exception, en tant que membre de la communauté humaine.  Nous devons donc travailler, dans le respect de l’autre et l’écoute mutuelle, en vue de trouver des consensus sur les problématiques urgentes de droits de l’homme qui nous assaillent aujourd’hui tout en ayant le sens de l’anticipation qui nous permet d’aborder, avec sérénité, les problématiques qui pointent à l’horizon.

C’est une tâche ardue, qui nous impose de garder les yeux braqués à la fois sur le gouvernail et sur la boussole. Mais nous pouvons la réussir. A cet égard, le système multilatéral est plus important que jamais et le Conseil des droits de l'homme, qui est au cœur du système multilatéral des droits de l'homme, doit être suffisamment puissant et disposer de suffisamment de temps et d’espace pour mener à bien ses travaux et s'acquitter de son mandat au meilleur de ses capacités.

Je vous souhaite des discussions productives et un dialogue fructueux et vous remercie de votre attention.

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