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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables

23 Avril 2019

Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Le 23avril 2019

Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Secrétaire exécutif,
Excellences,
Chers collègues et amis,

Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole dans le cadre de cette importante discussion.

Avant de commencer, permettez-moi de dire quelques mots sur l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame la semaine dernière. Des millions de personnes ont regardé avec effroi et impuissance alors que la flèche s’effondrait. Cet incendie a causé des dommages profonds et irréparables à l’héritage transmis à notre génération par nos ancêtres.

C’est également ce qui est train d’arriver à notre planète.

Aujourd’hui, je pense que nous devons réfléchir de manière plus globale aux leçons tirées des événements de la semaine dernière –nous devons prendre pleinement conscience de la valeur de notre héritage et de l’importance d’une intendance prudente, avant que nous ne perdions les ressources qui nous sont précieuses en tant qu’êtres humains.

Le bien-être humain, et même la vie humaine, dépend de la disponibilité des ressources naturelles, du vent, du soleil et des minéraux, que l’humanité a toujours, à travers l’histoire, extraits du sol. Ne serait-ce que dans mon pays, le Chili, le secteur minier représente plus de 10% du PIB. En tant qu’ancienne présidente du Chili, je suis bien consciente des défis auxquels sont confrontés les gouvernements, les entreprises et les collectivités en ce qui concerne l’extraction minière –y compris le potentiel de ce secteur d’amener la prospérité, de soutenir les moyens de subsistance et de favoriser le développement à l’échelle locale.
Mais dans la pratique, le secteur minier a souvent nui aux êtres humains et à leur environnement, et a eu des répercussions sur les droits de l’homme. Et ce sont ces questions que vous devez traiter à présent.

Il y a vingt ans, alors que les risques que les entreprises faisaient peser sur les droits de l’homme ont commencé à faire partie des discussions à l’échelle mondiale, le secteur de l’extraction minière a été l’un des principaux secteurs à attirer l’attention du public. Reconnaissant la nécessité d’un changement profond, certaines sociétés minières se sont engagées activement dans le débat sur les lignes directrices que devaient adopter les entreprises en matière de droits de l’homme. Aujourd’hui, en partie grâce à leur engagement, nous disposons de normes internationales reconnaissant que tous les secteurs de l’économie et toutes les entreprises ont pour responsabilité de respecter les droits de l’homme.

Néanmoins, le secteur minier demeure une source d’inquiétude en matière de responsabilités.

Trop souvent, nous entendons parler d’entreprises extractives impliquées dans des violations des droits de l’homme. Ces allégations font notamment état de travail forcé, de conditions de travail dangereuses, du refus de négociations collectives et du déni du droit de réunion pacifique, ainsi de menaces contre les défenseurs des droits de la personne et de l’absence de consultation et d’indemnisation adéquates des communautés déplacées par les opérations minières.

Ce secteur a également été lié à la dégradation de l’environnement et a eu un impact dévastateur sur la santé de la population, les moyens de subsistance et l’accès à l’air pur et à l’eau potable. Une étude récente d’ONU Environnement a révélé que l’extraction et le traitement primaire des métaux et autres minerais sont responsables de plus d’un quart des émissions mondiales de carbone et d’un cinquième des dommages causés par la pollution atmosphérique à la santé des populations du monde entier.

Ces fardeaux exacerbent les effets déjà négatifs des changements climatiques sur les personnes et les communautés qui vivent dans des situations désavantageuses. De plus, les changements climatiques risquent fort de menacer des éléments de l’infrastructure minière, ce qui entraînera d’autres effets néfastes sur les droits de l’homme. Nous avons vu des barrages s’effondrer à la suite de pluies torrentielles, inondant des maisons et libérant des résidus toxiques dans les réserves d’eau.

La prévention et l’atténuation de ces risques pour la population et l’environnement ne sont pas seulement vitales pour nos sociétés, elles sont aussi fondamentales pour la réputation de l’industrie minière.

Elles sont également cruciales d’un point de vue financier. Les investisseurs exigent de plus en plus que les entreprises tiennent compte des risques pour les droits de l’homme. Ils sont attentifs aux réactions du public, qui sont souvent attisées par l’indignation exprimée sur les réseaux sociaux. Cette réaction négative du public ne fera qu’augmenter à mesure que les collectivités du monde entier seront de plus en plus touchées par les changements climatiques et la destruction de l’environnement. La probabilité que les changements climatiques se produisent est de 100%– un chiffre qui exige l’attention de chacun d’entre nous, y compris les entrepreneurs.

Le manque de mesures efficaces peut également avoir des répercussions en matière de responsabilité juridique. Une décision historique rendue plus tôt ce mois-ci a statué que les juges anglais pouvaient demander des comptes à un conglomérat minier basé au Royaume-Uni dont la filiale est accusée d’avoir causé un énorme préjudice à des milliers de personnes vivant près d’une mine de cuivre à ciel ouvert.

En effet, des efforts importants sont déployés pour s’assurer que les chaînes d’approvisionnement en minerais fonctionnent de façon plus responsable. Et je suis consciente du fait qu’il peut être difficile pour les petites et moyennes entreprises et les mineurs artisanaux d’y parvenir. Le HCDH collabore depuis plusieurs années avec l’OCDE, des représentants du secteur, des organisations de la société civile et des experts pour mettre au point de meilleurs outils et avoir une meilleure compréhension des risques, notamment pour les droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement de minerais.

Les entreprises individuelles, les associations industrielles et les initiatives multipartites ont adopté de nouvelles politiques et établi des exigences de durabilité dans tout le secteur. Par exemple, en décembre 2018, le Conseil international des mines et des métaux a rendu obligatoire pour ses membres de prévenir et de traiter les impacts négatifs sur les droits de l’homme dans les opérations minières dans le monde entier, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

Les Principes directeurs des Nations Unies et les Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales indiquent clairement que les sociétés minières doivent faire preuve d’une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans toutes leurs activités afin de gérer de façon proactive toutes les répercussions négatives réelles et potentielles sur les droits de l’homme auxquelles elles sont exposées. Une diligence raisonnable efficace implique également de consulter les communautés affectées, en particulier les populations autochtones.

Voilà ce qu’on attend de toutes les entreprises à l’échelle mondiale, où qu’elles se trouvent. Cela s’applique également à toute activité liée à l’extraction ou au développement de nouvelles technologies pour atténuer les impacts sur l’environnement, comme les panneaux solaires, les piles au lithium et d’autres technologies qui ne sont pas encore largement utilisées.

Toute utilisation des ressources a des conséquences. De nombreuses technologies d’énergie renouvelable reposent encore sur des ressources minérales naturelles, comme les matières premières nécessaires à la fabrication des piles. Mais rien ne peut contrebalancer les violations des droits de l’homme. Alors que d’importants efforts sont déployés afin d’extraire les minéraux qui alimenteront la technologie nécessaire pour atténuer l’impact catastrophique des changements climatiques, il est crucial que les efforts visant à prévenir et à atténuer les risques pour les droits de l’homme en découlant se poursuivent avec la même intensité.

Nous devons avant tout continuer à concentrer nos efforts sur la dignité et les droits de tous les êtres humains qui sont concernés. Une personne qui vit loin des caméras dans une communauté traditionnelle au bord d’une rivière a exactement les mêmes droits fondamentaux qu’un PDG dans un immeuble étincelant, y compris le droit de s’exprimer et le droit à la justice et à un recours.

Nous avons de nombreux alliés dans ce combat. Je tiens à remercier l’OCDE pour tout son travail concernant les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables. Ces efforts ont contribué à faire progresser la compréhension de ces normes et de leurs implications concrètes –favorisant ainsi la mise en place d’entreprises plus sûres, plus transparentes et plus responsables.

Nous avons également une feuille de route: le Programme2030, qui sert de modèle pour la réalisation des droits de l’homme grâce à un développement inclusif, participatif et durable.

Le secteur minier peut jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs de développement durable. Il peut fournir des emplois décents, autonomiser les femmes, promouvoir les entreprises et de meilleures écoles et cliniques à l’échelle locale, et développer les transports et de meilleures infrastructures locales. Mais la principale contribution des acteurs économiques à la réalisation des droits de l’homme –et des objectifs de développement durable–tout au long de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie extractive est de se concentrer sur le respect des droits de l’homme dans leurs propres activités. Les intérêts de l’industrie minière ne diffèrent pas des intérêts de l’humanité. Nous avons tous des obligations envers nos petits-enfants, notre environnement et les autres êtres humains.

Merci.