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Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale auditionne la société civile sur la situation au Guatemala

24 Avril 2019

GENEVE (24 avril 2019) - Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par le Guatemala, un des deux pays dont les rapports seront examinés cette semaine (le deuxième étant l’Andorre).

Les organisations non gouvernementales du Guatemala ont dénoncé de multiples discriminations, dans ce pays, à l’encontre des peuples autochtones et plus particulièrement des femmes et des personnes handicapées.  Il a été demandé aux membres du Comité de se pencher sur la question de l’exploitation des travailleurs autochtones, notamment dans le secteur agricole, qui – a-t-il été affirmé – s’apparente à de la traite des êtres humains.  A par ailleurs été revendiqué le droit, reconnu par la Cour constitutionnelle, à la consultation préalable des populations autochtones face à tout grand projet minier affectant leurs terres.  Aussi, l’expropriation de terres ancestrales, autorisée par les autorités guatémaltèques, a-t-elle été dénoncée. 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport d’Andorre (CERD/C/AND/1-6), qu'il achèvera demain matin. 

Audition de la société civile

S’agissant du Guatemala

La Coalition of Indigenous Peoples Maya, Garifuna and Xinca, and people of African descent a souligné que le Guatemala était un pays multiethnique comptant 24 nations autochtones.  Les peuples autochtones exigent le respect du droit à la consultation préalable libre et éclairée tel que reconnu par la Cour constitutionnelle; or, l’État les a privés de ce droit, a déploré la Coalition, assurant que les données officielles figurant dans le rapport du Guatemala fournissaient de fausses informations concernant les processus de consultation.  Certains projets miniers violent les droits des communautés (autochtones), les richesses étant accumulées entre quelques mains, ce qui entrave les droits des peuples autochtones, a insisté la Coalition.  Le Comité doit demander au Gouvernement guatémaltèque de respecter le principe de consultation en vue de lutter contre le racisme et la discrimination raciale à l’encontre des peuples autochtones.  

Un autre représentant de cette même Coalition a lui aussi affirmé que le rapport soumis par le Guatemala ne s’appuyait sur la réalité des faits et ne présentait pas la réalité du racisme et de la discrimination raciale dans ce pays.  Les populations autochtones et les organisations non gouvernementales ont transmis au Comité un rapport afin de présenter une réalité toute différente, a souligné l’orateur, avant de préciser qu’à compter de 2006, le secteur privé avait engagé une campagne raciste à l’encontre des communautés.  Il n’y a pas de progrès s’agissant de la reconnaissance des peuples autochtones, notamment pour ce qui a trait à leurs droits en matière de consultation préalable, a poursuivi la Coalition, déplorant qu’aucune suite n’ait été donnée à la décision de la Cour constitutionnelle déjà mentionnée.  Contrairement à ce que prétend le rapport, il n’y a aucun moratoire sur les grands projets industriels, a par ailleurs assuré la Coalition.  Le système politique guatémaltèque exclut les populations autochtones et les femmes, a-t-elle en outre dénoncé.

Un troisième représentant de la Coalition a dénoncé l’exploitation de la main-d’œuvre et le travail forcé dont sont victimes les communautés autochtones.  Il a notamment précisé que les entreprises du secteur de l’huile de palme exploitent les travailleurs agricoles Maya au quotidien et a déploré que le Gouvernement tolère ce genre d’agissement, alors même que ce type d’exploitation peut s’apparenter à de la traite d’êtres humains, laquelle est un délit sanctionné par le Code pénal guatémaltèque.  Le Comité doit faire des recommandations afin qu’il soit mis fin à cette exploitation des peuples autochtones, a insisté l’intervenant. 

Une dernière représentante de la Coalition a dénoncé la criminalisation des membres des peuples autochtones qui défendent leurs droits à la vie ou à l’eau, entre autres.  Ces méthodes de criminalisation comprennent la diffamation – et tout particulièrement la diffamation visant les dirigeants des peuples autochtones afin de les isoler et de les présenter comme les ennemis du développement. 

Movimiento de Mujeres indígenas a fait observer que l’État guatémaltèque n’avait pas adopté le concept de discrimination raciale tel que le prévoit la Convention.  La législation en vigueur dans le pays ne tient pas compte des dommages psychologiques découlant des discriminations raciales, notamment à l’encontre des femmes.  En dépit de l’accord sur l’identité et les droits des peuples autochtones (ndlr: l’un des accords de paix signés en 1996), qui reconnaît la double discrimination dont peuvent être victimes les femmes autochtones, aucune mesure n’a été appliquée sanctionnant les actes de discrimination à l’encontre des femmes autochtones, a déploré l’ONG.  Le racisme au Guatemala engendre plus de 3% de perte de PIB et une perte de croissance économique, a-t-elle insisté.  Les femmes des communautés les plus éloignées sont les plus touchées par les discriminations, car elles ne parlent pas espagnol.  Au Guatemala, les violations des droits des populations autochtones sont systématiques et les autorités sont responsables d’expulsions violentes de communautés de leurs terres, a dénoncé l’ONG. 

Une autre représentante de cette même ONG a souligné que le peuple autochtone Xinca vivait sur des terres riches de traditions et de coutumes; malheureusement, cette population est victime de discrimination raciale, notamment du fait des activités minières menées sur ce territoire.  L’existence du peuple Xinca a été niée, tout comme son droit à être consulté et à donner son consentement préalable libre et éclairé.  L’État guatémaltèque doit annuler les titres de propriété accordés aux entreprises minières afin de les restituer au peuple Xinca, a conclu l’ONG. 

Indigenous People’s with disabilities a souligné l’importance de la notion d’intersectionnalité lorsque l’on aborde la situation des peuples autochtones, notamment du point de vue du handicap, alors que le Guatemala compte environ 794 000 personnes autochtones handicapées selon les statistiques.  Faute de chiffres officiels, il est difficile de promouvoir des programmes et des politiques en faveur des personnes handicapées, alors même que ces personnes handicapées sont soumises à des formes multiples de discrimination, liées notamment au refus d’aménagement raisonnable.  Aujourd’hui, les personnes handicapées ont réussi à obtenir certaines formes de participation politique et civique, mais l’écart reste encore marqué entre les situations qui prévalent pour ces personnes selon qu’elles vivent en zone urbaine ou en zone rurale.  L’ONG a par ailleurs dénoncé les stérilisations forcées opérées sur des femmes et des filles autochtones handicapées.  La justice guatémaltèque est l’une des moins accessibles d’Amérique latine, a par ailleurs déploré l’ONG.

Autoridades Ancestrales s’est dite préoccupée par le fait que l’État guatémaltèque ait pris des initiatives législatives visant à faire disparaître les terres communales qui, historiquement, appartiennent aux peuples autochtones.  Par de tels projets de loi, l’expropriation légale des terres autochtones va se poursuivre.  En outre, la corruption facilite de telles expropriations.  Les peuples autochtones ont néanmoins réussi dans certains cas à récupérer leurs terres ancestrales et à y faire revendiquer leurs droits, grâce à l’invocation de traités internationaux, a fait valoir l’ONG.  Les peuples autochtones sont persécutés par l’État guatémaltèque, a-t-elle conclu. 

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, M. Alexei Avtonomov, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Guatemala, a souligné que le Comité avait besoin de connaître les recommandations précises et concrètes des organisations non gouvernementales pour protéger les peuples autochtones – dont la situation est très difficile au Guatemala. 

Un autre expert a demandé aux organisations de la société civile s’il existait au Guatemala une instance de dialogue entre les autorités et les peuples autochtones dans le contexte du processus de consultation préalable.  Il s’est enquis du nombre de consultations préalables qui ont eu lieu dans le pays.  Il a par ailleurs demandé davantage d’informations sur les plaintes pour travail forcé impliquant des populations autochtones. 

Les organisations de la société civile ont alors répondu que le rapport soumis par les autorités autochtones demandait que soient respectées les décisions de la Cour constitutionnelle qui a demandé à l’État guatémaltèque de procéder à des consultations préalables; or, le Guatemala n’a procédé à aucune consultation pour l’instant et c’est pourquoi les peuples autochtones continuent de porter plainte devant la Cour constitutionnelle.  Les consultations qui sont mentionnées dans le rapport officiel soumis par le Guatemala n’ont pas respecté la représentation des peuples autochtones, a insisté une ONG, soulignant que le dialogue (dans le cadre de tels processus de consultation) doit se faire directement avec les représentants des populations autochtones.  En outre, le Gouvernement a accordé a posteriori de faux titres fonciers, après qu’eut débuté l’exploitation.

Les organisations de la société civile ont par ailleurs fait observer qu’il y avait eu des plaintes pour travail forcé et exploitation de main-d’œuvre de mineurs et de femmes.  Or, le Ministère du travail n’a pas agi suite à ces plaintes.  Les contrôles et les inspections du travail ne sont pas suffisants et il n’y a aucune sanction contre les entreprises ou les exploitations agricoles responsables de violations du droit du travail.  De plus, les travailleurs autochtones ne parlent pas souvent espagnol et les inspecteurs du travail ne parlent que l’espagnol, ce qui pose problème, a-t-il été souligné.  Il faut augmenter le nombre d’inspecteurs du travail et exiger qu’ils parlent des langues autochtones, a-t-il été recommandé.  Quant aux grandes entreprises qui achètent l’huile de palme, elles doivent prendre des mesures à l’encontre des entreprises qui exploitent ainsi la main-d’œuvre. 

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